Commune de Paris (1789-1795)
La Commune de Paris (1789-1795) est un gouvernement révolutionnaire de Paris pendant la première période de la Révolution française, en remplacement du vieux parlement aristocratique. De 1792 à 1794, les sans-culotte y ont joué un rôle majeur, instaurant un début de double pouvoir face à la Convention bourgeoisie. Elle sera démobilisée par les Jacobins, et écrasée par la réaction de Thermidor.
1 Origine[modifier | modifier le wikicode]
C'est au moment de la prise de la Bastille, le 14 juillet 1789, que la Commune de Paris est décrétée, d'abord par un mouvement bourgeois[1]. Jean-Sylvain Bailly est alors le premier maire, et la Commune tient ses séances à l’Hôtel de ville. Avec la loi du 21 mai 1790, elle devient un organisme régulier, et le comité général de la Commune de Paris est élu par les 48 sections de la capitale. Les sections se réunissaient en séance ouverte, elles avaient des comités de délégués révocables qui luttaient pour le droit de se réunir de manière permanente, avec des subventions de l’Etat. La Commune disposait d’une force armée, la Garde nationale, qui lui permettait d’appliquer ses décisions par la force s’il le fallait.
Au cours du mois de juillet 1792, le déroulement de la Révolution radicalise le républicanisme des sans-culotte et les pousse à investir d’autorité les assemblées de section, qui réunissent alors chacune 400 à 500 personnes tous les soirs. Les sans-culotte ne sont pas une classe à proprement parler, mais un mouvement qui regroupe l'aile la plus populaire de Paris[2], cela signifie donc que la masse urbaine, véritable embryon de prolétariat, devient à ce moment là un moteur de la Révolution.
2 La Commune insurectionnelle[modifier | modifier le wikicode]
2.1 Radicalité captée par les Jacobins[modifier | modifier le wikicode]
Le 9 août 1792, se forme la Commune insurrectionnelle, avec des délégués de toutes les sections parisiennes. Cette Commune plébéienne a soif d'action, dès le lendemain elle lance la marche sur le palais des Tuileries. Le palais fut incendié et 600 Gardes suisses affectés à sa défense furent tués[3]. Le roi et sa famille sont arrêtés, c’est le début de la Première République. Mais les sans-culotte sont méfiants et la Commune dépêche bientôt une délégation à la Législative qui n’a plus que pour quelques jours : « Le peuple qui nous envoie vers vous nous a chargés de vous déclarer qu’il vous investissait de nouveau de sa confiance, mais […] qu’il ne pouvait reconnaître, pour juger des mesures extraordinaires […], que le peuple français, votre souverain et le nôtre, réuni dans ses assemblées primaires. » Bien décidée à dicter aux parlementaires la conduite à adopter, la Commune se constitue de fait en double pouvoir.
Mais la Commune tend à s'en remettre aux beaux-parleurs Jacobins de la Convention, même si les sans-culotte parviennent à exercer une pression déterminante sur eux, et les contraindre à appliquer quelques réformes.
2.2 Premières aspirations sociales[modifier | modifier le wikicode]
En avril 1793, la Commune de Paris créa son propre comité de correspondance pour entrer en contact avec les autres municipalités, et en mai, les sections élisent leur nouveau comité central révolutionnaire. Les Jacobins s'appuient sur cette mobilisation pour dominer la Convention. L'écrasante majorité des sans-culottes est alors armée et la majorité des délégués des sections se réunissait en séance permanente, la sans-culotterie est donc une force réelle.
Les pétitions des sections en 1792 et en 1793 font preuve d’une cohérence et d’une maturité remarquable. Les revendications sont d’un égalitarisme profondément anti-féodal et tendent même vers la limitation de la propriété bourgeoise, bien que plus proche d'un républicanisme social que du socialisme. La revendication principale est la "loi du maximum" (la fixation d'un prix maximum sur le grain, contre les "accapareurs"). Les sections exigent aussi la fermeture de la Bourse de Paris, la suppression des sociétés par actions, des impôts sur les "riches égoïstes" afin de nourrir les pauvres et frapper les ennemis de la Révolution. Elles organisent des secours pour les pauvres et les femmes enceintes isolées et revendiquent le droit à l’instruction publique. Sans parler des fortes campagnes de déchristianisation qui montrent une réelle volonté de se libérer des aliénations spirituelles...
Une frange très radicale s'exprime au sein des sections, surtout les Enragés de Jacques Roux, qui exigent l’expropriation des biens des riches bourgeois qui ont profité de la Révolution pour faire fortune.[4] Les sans-culotte commencent donc à exprimer les aspirations que seuls une politique socialiste et le prolétariat pourront réaliser : la démocratie directe, le peuple en armes, et une nouvelle répartition des richesses.
Face à cela, pas question évidemment d'aller aussi loin pour les Jacobins, évidemment. Mais le 10 mai 1793, Robespierre est contraint d’exposer un projet d’« économie politique populaire » qui régule partiellement le commerce dans le sens du "droit à l’existence de chaque personne".
3 Encadrée et écrasée par la bourgeoisie[modifier | modifier le wikicode]
3.1 Encadrement par les Jacobins[modifier | modifier le wikicode]
Les Montagnards dominent la Convention en mai 1793 et écartent les Girondins du club des Jacobins. Ils sont des défenseurs résolus du nouveau système bourgeois. Fragile, ce dernier a besoin de leur intransigeance - la Terreur - et c'est pourquoi il est soutenu un temps. Ils vont donc s'en prendre évidemment à l'ennemi réactionnaire intérieur et étaient prêts à faire des concessions aux masses populaires.
Le 4 mai 1793 une « loi du maximum » est votée, pour limiter les prix du grain. C'était à la fois une concession à la pression populaire, et une nécessité pour nourrir les soldats. Mais le jacobinisme cherche constamment à contrôler les mobilisations plébéiennes et à éliminer sa composante la plus radicale et gênante.
L’été 1793 est marqué par une grave crise du ravitaillement qui touche surtout les plus pauvres de Paris. Devant le peu de cas qu'en font les Jacobins, la Commune finit par se détacher d'eux le 2 septembre 1793. Elle envoie alors une adresse au pouvoir en exposant sa propre solution : l’instauration de deux maximums généraux des prix : celui des denrées de première nécessité et celui des matières premières. Elle propose également un maximum sur les fortunes, afin de faire disparaître la trop grande inégalité des niveaux de vie.
Le 29 septembre 1793, le gouvernement instaure la loi du maximum général qui concerne aussi les biens de consommation courante et les salaires. Mais la Commune dirigée par les hébertistes ne taxe que les prix, pas les salaires, ce qui affecte les profits et exaspère la bourgeoisie.
Mais le grand élan qui va pour un temps mobiliser tout le monde (et bien sûr au front les sans-culotte), c'est la guerre. Car ce même 2 septembre 1793, on apprend que les royalistes ont livré Toulon aux Anglais. Dès le lendemain, les sans-culottes de plusieurs sections se rassemblent pour appeler le peuple à prendre les armes. Dès août, le Comité de salut public, où siégeaient maintenant Robespierre et Carnot, commanda la levée en masse (mobilisation de 300 000 hommes par tirage au sort dans toute la France). La guerre à outrance contre les monarchies européennes, les monarchistes régionaux et les fédéralistes correspondait à la mentalité révolutionnaire des sans-culottes, qui font sa force.
Parallèlement, en septembre 1793, sur la recommandation de Danton, la Convention a limité le nombre de réunions des sections à deux par semaine. C’est la première attaque contre la démocratie des sections. De plus, l’extrême-gauche des sans-culottes, les Enragés, fut décapitée : Jacques Roux, trop extrême pour la bourgeoisie, est arrêté. Les sections ne réalisent pas que le décret des suspects du 17 septembre 1793, qui vise initialement les royalistes et spéculateurs, se retournera bientôt contre elles.
En septembre 1793, les actes anticléricaux se multiplie sous l'impulsion de quelques sections de la Commune[5] (déchristianisation), ce qui lui met à dos des pans entiers de la population, surtout rurale. La Commune affaiblie, l’habile Robespierre[6] y voit l’occasion de la réprimer et de la museler. Elle est privée de son pouvoir exécutif entre décembre 1793 et février 1794 et décline alors rapidement. Les dirigeants hébertistes sont exécutés le 24 mars sans que les sans-culottes ne bougent.
Avec être repassée sous le contrôle robespierriste, la Commune publie le 5 thermidor (23 juillet 1794) une loi du maximum des salaires parisiens.
3.2 Écrasement par la réaction thermidorienne[modifier | modifier le wikicode]
Après avoir vaincu son aile gauche, la Terreur jacobine a creusé son tombeau, puisqu'elle seule était la force véritablement progressiste. La voie est alors libre pour la réaction. Après les journées de Thermidor où Robespierre est renversé, la Convention supprime ce qui reste de la Commune.
Le peuple parisien se révolte à nouveau en 1795, mais il sera écrasé suite à cette démobilisation. S'ouvre une longue période de réaction plus ou moins forte (Terreur blanche, Bonapartisme...) et surtout de renforcement du pouvoir bourgeois "régulier". Ce sont les dernières insurrections populaires avant la révolution de 1830.
4 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]
- Pour une cartographie des sections de la Commune de Paris, voir ici.
- Rosa Luxemburg, L’année 1793, 1893
- ↑ Le comité général de la Commune de Paris était élu par les « citoyens actifs » – c’est-à-dire des bourgeois acquittant un impôt.
- ↑ Le même mouvement se produit aussi en province à moindre échelle.
- ↑ Derrière bon nombre de violences des sans-culotte, généralement plutôt joviaux, il est plausible qu'il y ait une grande part d'agents provocateurs, comme les
- ↑ Gracchus Babeuf aussi sera toujours présent dans les sections.
- ↑ A noter que là encore les plus zélés des provocateurs anticléricaux ont été les hébertistes...
- ↑ L'athéisme est « aristocratique » dira-t-il, tout en voulant calmer tout le monde avec son Être suprême, « un grand Etre qui veille sur l'innocence opprimée » et qui est « toute populaire ».