Clergé
Le clergé désigne l'institution dirigeant une communauté religieuse. (Un clerc est un membre du clergé.)
Bien que le terme de "clergé" soit régulièrement associé à l’Église chrétienne, chaque religion a son propre clergé.
1 Clergé catholique[modifier | modifier le wikicode]
1.1 Historique[modifier | modifier le wikicode]
1.1.1 Institutionnalisation[modifier | modifier le wikicode]
Le christianisme est d'abord apparu au Proche-Orient comme une hérésie au sein du judaïsme. Les premiers chrétiens étaient des petits groupes aux doctrines diverses, dont le prosélytisme avait du succès en particulier parmi les pauvres, et se répandit comme une trainée de poudre, en particulier dans l'Empire romain.
Dès la fin de l'Empire romain, le christianisme était devenue la religion dominante sous la forme du catholicisme romain. Un puissant clergé s'est constitué, et est parvenu à survivre à la chute de l'Empire, et à rester un allié de toutes les classes dominantes de l'Europe féodale (ce qui n'excluait pas des rivalités).
Le clergé est parfois décrit une classe sociale, mais c'est un terme abusif. Dans une famille noble typique au Moyen-Âge, l'aîné endossait le rôle principal de tenir les armes (chevalerie) ou la seigneurie, tandis que le cadet entrait dans le clergé. Le clergé et la noblesse étaient étroitement interpénétrés, bien qu'il y ait des intérêts de caste spécifiques. Il est donc plus exact de décrire la classe dominante sous le féodalisme comme englobant la noblesse et le clergé.
1.1.2 La papauté et les États-nations[modifier | modifier le wikicode]
Une des particularités de la répartition des pouvoirs dans le Moyen-Âge occidental était la coexistence de différents États européens et d'une autorité religieuse transnationale, l’Église catholique romaine dirigée par le pape. La séparation correspondait globalement à une bureaucratie (clergé) gérant l'appareil idéologique et les autorités gérant l'ordinaire (pouvoir spirituel et pouvoir temporel). Bien que l’Église ait en réalité la gestion directe d'un ensemble conséquent de terres rapportant des rentes bien matérielles.
Les identités nationales de ces différents États étaient relativement faibles avant le 19e siècle. Mais au fur et à mesure de leur montée en puissance, des conflits entre les États-nations (en voie de constitution) et l’Église catholique se sont multipliés (lutte du sacerdoce et de l'Empire, Guelfes et les Gibelins, papes d'Avignon, schisme anglican, gallicanisme, expulsions des Jésuites, constitution civile du clergé pendant la Révolution, Kulturkampf en Allemagne...). En France, la monarchie a fini par contrôler l'organisation de la plupart du clergé français (elle attribuait les prébendes, etc.). Il n'y a que l'ordre des jésuites qui était transnational et à ce titre haï par les classes dominantes françaises (d'où le fait qu'il soit la principale cible des Lumières au début du 18e siècle).[1]
1.1.3 Haut clergé et bas clergé[modifier | modifier le wikicode]
Le clergé, surtout à l'époque où il était massif, était traversé de divisions de classe, malgré son unité légale en tant qu'ordre.
L'unité du clergé l'emportait ordinairement, en temps de paix sociale. Par exemple lors des votes des États généraux, le vote se faisait par ordre (le clergé et la noblesse votaient habituellement la même chose, et gagnaient donc même si le tiers état n'était pas d'accord - « 2 contre 1 »).
En revanche, lors des États généraux de 1789, lorsque le tiers état réclame le vote par tête, le clergé le soutien. Ceci parce que le bas clergé était majoritaire parmi les députés du clergé : 208 simples prêtres contre 48 archevêques et évêques et 35 abbés et doyens).[1]
1.1.4 Face aux luttes sociales[modifier | modifier le wikicode]
Dans le Manifeste communiste (1848), Marx et Engels passent en revue les différentes variantes de « socialisme » en circulation à cette époque, parmi lesquelles ils citent le socialisme clérical :
« De même que le prêtre et le seigneur féodal marchèrent toujours la main dans la main, de même le socialisme clérical marche côte à côte avec le socialisme féodal.
Rien n'est plus facile que de donner une teinture de socialisme à l'ascétisme chrétien. Le christianisme ne s'est-il pas élevé lui aussi contre la propriété privée, le mariage, l’État ? Et à leur place n'a-t-il pas prêché la charité et la mendicité, le célibat et la mortification de la chair, la vie monastique et l’Église ? Le socialisme chrétien n'est que l'eau bénite avec laquelle le prêtre consacre le dépit de l'aristocratie. »[2]
Cette tendance peut être vue comme une manifestation précoce du christianisme social.
1.2 Organisation[modifier | modifier le wikicode]
Le clergé est fondamentalement divisé en deux ordres : le clergé séculier, dont leurs membres et représentants vivent au « contact des citoyens » ; et le clergé régulier, dont les membres sont isolés (dans la mesure du possible) de la société civile. Les deux ordres sont dirigés et encadrés par le Pape et son assemblée de cardinaux.[3]
1.2.1 Clergé séculier[modifier | modifier le wikicode]
C'est la partie "civile" du clergé : elle est chargée d'être au contact des gens, de répandre l'idéologie chrétienne et les dogmes de l’Église et de combattre le paganisme (ceux qui ne croient ni en la religion chrétienne ni en la religion juive). Le clergé séculier administre lui-même ses propres monuments et est soumis à une intense lutte de classes entre ses membres :
- le bas clergé : le curé et ses vicaires, se trouvant en bas de la hiérarchie religieuse dans les paroisses. Selon les ressources des paroisses, il était souvent assez pauvre, ne vivant que de la portion congrue de la dîme ;
- le haut clergé : les évêques, dirigeant le diocèse, placés en haut de la hiérarchie religieuse et résidant dans un évêché, archevêques, cardinaux, nonces… Ces ecclésiastiques étaient généralement riches, du fait des ressources foncières importantes de chaque siège épiscopal et des biens de leurs propres familles nobles. Comme ce n'était pas le cas de tous les diocèses, certains sièges épiscopaux pauvres étaient appelés, par mépris, « évêchés crottés ».
1.2.2 Clergé régulier[modifier | modifier le wikicode]
Le clergé régulier, lui, vit plus reculé, afin d'être "au contact de Dieu". Il s'agit de l'ensemble des couvents, monastères et abbayes, organisés en différentes sectes dont les plus fameuses furent les Bénédictins ainsi que les Cisterciens.
1.2.3 Pape[modifier | modifier le wikicode]
Le pape est le dirigeant de la bureaucratie chrétienne. Il s'agit d'un cardinal élu par les autres au suffrage par tête.
2 Rôle du clergé[modifier | modifier le wikicode]
Au cours de l'histoire, le clergé a joué différents rôles, parfois progressistes mais le plus souvent réactionnaires.
2.1 Prosélytisme religieux[modifier | modifier le wikicode]
La première tâche, bien sûr, était de répandre la religion, si nécessaire au moyen de la force : le clergé put ainsi compter sur l'Inquisition, l'une des premières organisations supranationales de l'histoire dont l'objectif était de neutraliser le paganisme et les "sectes".
2.2 Services à la population[modifier | modifier le wikicode]
Mais le clergé, et plus précisément le bas-clergé rendait des services à la population, du temps où l’État absolutiste n'assurait pas les services régaliens pris en charge par les États bourgeois de notre temps :
- mise en place d'hospices, lieux où les malades pouvaient se rendre ;
- premières lois de "pacification" décrétées pour combattre les excès de la noblesse ;
- constitution de tribunaux civils (aux méthodes toutefois excessives voire irrationnelles, comme au bas Moyen Âge).
2.3 Défense de l'ordre établi[modifier | modifier le wikicode]
Enfin, le clergé, et plus particulièrement le haut-clergé, jouait un rôle fondamental dans la préservation du système féodal, puis absolutiste : la collaboration était étroite entre la noblesse et le clergé. En effet, cette collaboration permettait à la noblesse de disposer d'un corps religieux justifiant leur domination (droit divin...) ; en échange, la noblesse assurait la mainmise du clergé dans la société, si nécessaire au moyen de la force (extermination des hérétiques...).
3 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]
- ↑ 1,0 et 1,1 Karl Kautsky, Les antagonismes de classes à l'époque de la Révolution française, 1889
- ↑ Manifeste du parti communiste - Littérature socialiste et communiste, 1847
- ↑ Alexandre Faivre, Chrétiens et Églises : des identités en construction. Acteurs, structures, frontières du champ religieux chrétien, Paris, Cerf-Histoire, 2011, « klèros/laïkos. Deux ensembles flous à l'origine d'une dichotomie mutuellement exclusive »