Fédération nationale des syndicats

De Wikirouge
Aller à la navigation Aller à la recherche
FNS-Lyon-1886.png

La Fédération nationale des syndicats est une organisation syndicale française du 19e siècle créée en 1886 à Lyon, à la suite de l'adoption de la loi Waldeck-Rousseau.

Elle donne naissance en 1895, avec la Fédération des Bourses du travail, à la Confédération générale du travail (CGT).

1 La naissance de la Fédération nationale des syndicats[modifier | modifier le wikicode]

La fin du 19e siècle est une période héritière des évènements de la Commune et de la loi du 12 mars 1872, qui est marquée par un mouvement syndical grandissant. Dans ce quart de siècle (1871-1895), le mouvement ouvrier français doit s’adapter à une société en pleine transformation, il subit donc une véritable mutation.

C’est dans ce contexte de bouleversements, que le premier congrès national des syndicats décida de la création d’une Fédération nationale (votée par 90 voix contre 15) à Lyon, le 11 octobre 1886.

1.1 Les éléments déclencheurs[modifier | modifier le wikicode]

La loi datée du 12 mars 1872, dite loi de l’internationale, permet au pouvoir de sanctionner l’existence des chambres syndicales. Force est de constater que le gouvernement, malgré les mesures prises et les répressions, ne pouvait plus efficacement combattre ces mêmes chambres.

Ainsi en 1881, M. Allain-Targé dans un rapport, estimait qu’il y avait 500 syndicats ouvriers en France avec 60 000 membres [1].

La loi Waldeck-Rousseau vint supprimer les derniers obstacles auxquels devaient faire face les chambres syndicale, dont les effectifs ne cessaient de croître.

Après 1884, les chambres syndicales continuent de se multiplier. La loi, même considérée comme une mesure policière et une tentative de contrôle du mouvement, favorise la syndicalisation des salariés car ces derniers n’ont plus la crainte des répressions[2].

Les premières fédérations nationales de métiers naissent, ce qui constitue un grand progrès dans l’organisation syndicale. Ces fédérations éprouvent rapidement un besoin d’autonomie. Elles accélèrent alors la séparation des syndicats et des groupes politiques; ces derniers étant écartés de leurs débats professionnels.

C’est dans cette perspective que les fédérations nationales de métiers décident de se fédérer.

1.2 Congrès de Lyon : le 11 octobre 1886[modifier | modifier le wikicode]

C’est au congrès syndical de Lyon, le 11 octobre 1886, qu’est fondée la Fédération nationale des syndicats et des groupes corporatifs de France.

Le congrès réunit une centaine de délégués dont les principaux sont M. Dumay, Heppenheimer, Blondeau, Gruhier, Farjat, Veyssier, Delahaye, Léon Martin, Rondet, Sol, J.-B. Lavaud[3].

L’ordre du jour du Congrès avait été ainsi fixé[3]:

  • Projet de Fédération de tous les Syndicats ouvriers.
  • Discussion de la loi sur les syndicats.
  • Étude du projet Lockroy.
  • Utilité d’un Conseil supérieur du travail près du ministre du Commerce et de l’Industrie.
  • Heures de travail.
  • Rapports du travail et du capital.

Cette fédération comprenait les fédérations régionales et locales. Chaque syndicat appartenant à la Fédération garde son autonomie d’un point de vue administratif toutefois une caisse régionale sera fondée afin de pouvoir parer aux premières nécessités, soit pour une grève reconnue inévitable, soit pour toute autre éventualité.

L’emploi des fonds ne pourra se faire que sur l’avis conforme donné par les trois quarts des syndicats, et sur un pouvoir délivré au Conseil régional.

Les guesdistes , qui sont en grande partie à l'initiative, l’emportent sur les modérés et dominent la fédération jusqu’en 1894.

2 L'influence guesdiste[modifier | modifier le wikicode]

L’action syndicale, pour les guesdistes, permet de développer un mouvement social mais aussi de former à une conscience politique de classe. Les syndicats guesdistes ont une forte influence dans les manifestations du premier mai pour la journée de huit heures en 1890-1891[4].

La grève devient le moyen de lutte ouvrière et syndicale: dès 1888-1889, avec la fin de la crise industrielle, on assiste à une véritable montée des grèves, souvent de longue durée et de grande ampleur [5] ; la grève générale est vue comme le grand moyen d’émancipation : la révolution même. Ce phénomène se prolonge en 1890-1891 pour culminer en 1893.

2.1 L’idée de grève générale[modifier | modifier le wikicode]

En 1888, la Fédération nationale des syndicats organise le congrès syndical du Bouscat, commune aujourd'hui intégrée à Bordeaux (Gironde). Il se révèle à majorité guesdiste. Celui-ci vote en novembre 1888, une résolution qui enregistre les progrès accomplis : «  Considérant que la grève partielle ne peut être qu'un moyen d’agitation et d’organisation, le congrès déclare que seule la grève générale, c’est-à-dire la cessation complète de tout travail, ou la révolution, peut entraîner les travailleurs vers leur émancipation ».

La Fédération nationale des syndicats semble avoir fait un choix clair mais non définitif, même si ce choix est réaffirmé au congrès socialiste de Troyes en décembre 1888, où siègent de nombreux guesdistes très partagés sur cette question de grève générale.

Les guesdistes sont les initiateurs des journées nationales revendicatives des 10 et 14 février 1889, destinés à obtenir des pouvoirs publics la journée de huit heures et le salaire minimum.

Lors du congrès international de juillet 1889, on fixe au premier mai 1890 la journée internationale pour exiger les huit heures, cette décision renforce chez les anarchistes et les non-guesdistes l’idée de grève générale.

La position des guesdistes étant ambiguë, le Parti Ouvrier décide de se prononcer définitivement en faveur de la grève générale, il le fait à son congrès à Lille en octobre 1890.

Le congrès suivant de la Fédération nationale des syndicats, se tenant à Calais en 1890, rejette la grève générale sous prétexte que la classe ouvrière n’est pas assez organisée. La fédération se prononce en faveur de la grève générale, lors du congrès syndical de Marseille en 1892.

2.2 Le congrès de Nantes (1894): évènement précipitant la chute de la Fédération[modifier | modifier le wikicode]

Alors que Paul Lafargue, comme il l’écrit le 5 octobre 1892, « croyait avoir enterré la question » [2] de la grève générale lors du congrès de Marseille ; la lutte atteint son paroxysme au congrès de Nantes en 1894. En effet les guesdistes lors du congrès nantais votent contre la grève générale. les arguments guesdistes sont défendus par Raymond Lavigne.

Anti-guesdistes, anarchistes et dirigeants des Bourses du travail votent en faveur de la grève générale dans le but de mettre en échec la domination guesdiste sur la Fédération nationale des syndicats. La manœuvre réussi quand les guesdistes, incapables de se soumettre à la majorité malgré la représentativité du congrès (1662 syndicats [5]), quittent la salle.

Nantes vote final [5] : 65 pour la grève générale, 37 contre et 9 abstentions. Le congrès de Nantes se sépare en ayant élu un comité de la grève générale, le départ des guesdistes reporte à l'année suivante les grandes décisions du congrès. C'est donc en 1895 (du 23 au 28 septembre) que se tient un nouveau congrès où va naître la CGT.

2.3 La dissolution de la Fédération Nationale du travail[modifier | modifier le wikicode]

Le congrès de Nantes marque une rupture, la fin de la domination guesdiste sur la Fédération nationale du Travail, qui va alors disparaître rapidement. Le mouvement syndical s'organise en dehors d'eux. La Fédération Nationale du travail s'éteint peu à peu, pour disparaître en 1898[5].

Au moment où une forte volonté d'indépendance par rapport à l'État se manifestait dans les syndicats, Guesde évoluait dans le sens de donner de graves illusions dans un régentement par le haut, par l'État (de fait dans l'immédiat un État bourgeois), des grèves. Ainsi il déposait le 8 février 1894 devant la Chambre des députés une proposition de loi dont l’exposé des motifs expliquait :

« La loi a reconnu, a dû reconnaître le droit de grève que ceux-là mêmes sont obligés d'admettre en théorie, qui s'efforcent de l'annuler dans la pratique. Mais elle ne l'a pas organisé ; et c'est à sa non-organisation, à l'état d'anarchie dans lequel il a été systématiquement laissé que doivent être attribués tous les désordres, toutes les violences auxquelles, du dedans et du dehors, il donne lieu ou sert de prétexte. Qui dit grève dit action ou inaction collective. On ne fait pas grève individuellement : un travailleur isolé qui se refuse au travail n'est pas un gréviste. La grève, c'est le refus collectif du travail, qu'il résulte des réclamations des salariés non satisfaits par les salariants ou des exigences des salariants non acceptées par les salariés. Elle est le droit collectif. (…) lorsque éclate un différend entre les ouvriers d'une usine, d'une concession minière, d'un chantier, et leurs employeurs, une réunion générale ait lieu de ces associés de fait dans le travail : travail commun, misère commune, ne permettant qu'une défense commune : que le cas leur soit soumis et qu'après délibération, si la grève est déclarée votée à bulletins secrets, elle devienne, de par la loi des majorités, obligatoire pour tous... La marche ou la continuation de la grève, du conflit désormais pacifique, sera réglée, comme sa fin, de la même façon, par le même procédé organique : la volonté de la majorité demandée au scrutin... »[6]

La proposition de Jules Guesde fut critiquée par certaines fédérations ouvrières, acceptée par d'autres et notamment par la Fédération des Mineurs.

Millerand, qu'il critiquera durement 5 ans plus tard, proposera lui-même un projet de loi inspiré de celui-ci.

3 Congrès[modifier | modifier le wikicode]

Date Lieu Congrès Remarques et documents
1886

11-16 octobre

Lyon 1er Congrès constitutif, convoqué par des militants du POF et de groupes corporatifs.
1887

23-28 octobre

Montluçon 2e
1888

28 octobre - 4 novembre

Bordeaux-le-Bouscat 3e Une majorité se prononce pour la grève générale
1890

13-18 octobre

Calais 4e
1892

19-22 septembre

Marseille 5e Rapport d’Aristide Briand sur la grève générale, adopté à l’unanimité.
1893

septembre

Paris « Congrès mixte », premier rapprochement entre FNS et BdT
1894

17-22 septembre

Nantes 6e 6e congrès de la FNS, en commun avec la Fédération nationale des Bourses du Travail

4 Dirigeants[modifier | modifier le wikicode]

5 Bibliographie[modifier | modifier le wikicode]

  • MAYEUR Jean-Marie, Les débuts de la 3e République (1871-1898), coll. Histoire, édition du seuil, Paris, 1973.
  • LAUNAY Michel, Le syndicalisme en Europe, coll. Notre siècle, édition Imprimerie Nationale, Paris, 1990, p. 18-19.
  • LOUIS Paul, Histoire du socialisme en France de la révolution à nos jours, Librairie des sciences politiques et sociales, Paris, 1925, Chap. IV, p. 250-254.
  • La France ouvrière, dir. WILLARD Claude, Les éditions de l’atelier, Paris, Tome 1, Chap. II.
  • L’invention des syndicalismes, sous la direction de ROBERT Jean-Louis, BOLL Friedhelm et PROST Antoine, La Sorbonne, Paris, 1997, chap. 13, p. 291.
  • Du mouvement ouvrier Français, dir. MAITRON Jean, édition ouvrière, Paris, Tome XI, p. 194.
  • DREYFUS Michel, Histoire de la CGT, question au 20e siècle, numéro 80, Paris.
  • DROZ Jacques, Histoire générale du socialisme (4 vol. 1-Des origines à 1875 2-De 1875 à 1918 3-De 1918 à 1945 4-De 1945 à nos jours), éd. PUF, coll. Quadrige.
  • CANDAR Gilles(dir.), Histoire des gauches en France. Paris, La Découverte, 2004.

6 Notes et références[modifier | modifier le wikicode]

  1. Paul LOUIS, Histoire du socialisme en France de la Révolution à nos jours, Librairie des sciences politiques et sociales, , p. 250-254
  2. 2,0 et 2,1 Claude WILLARD, La France ouvrière, vol. 1, Les éditions de l'atelier, chapitre II
  3. 3,0 et 3,1 Léon de SEILHAC, Les Congrès ouvriers de 1876 à 1897
  4. Jean-Marie MAYEUR, Les débuts de la 3e République (1871-1898), Du Seuil,
  5. 5,0 5,1 5,2 et 5,3 Jacques DROZ, Histoire générale du socialisme, PUF, chapitre IV
  6. Cité dans : Histoire du mouvement ouvrier ** 1871-1920. Edouard Dolléans. Page 26. Armand Colin. 1967

7 Liens externes[modifier | modifier le wikicode]