Ligue communiste (1969-1973)

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La Ligue communiste (1969-1973) était une organsation trotskiste française fondée dans le sillage de Mai 68. Dissoute en 1973, elle se reforme sous le nom de Ligue communiste révolutionnaire.

1 Historique[modifier | modifier le wikicode]

1.1 Création[modifier | modifier le wikicode]

La Ligue communiste est née peu après Mai 68, de la fusion de la Jeunesse communiste révolutionnaire et du Parti communiste internationaliste, affilié à la IVe Internationale.

Son congrès de fondation a lieu à Mannheim (Allemagne) du 5 au 8 avril 1969, pour échapper à la surveillance policière. Le congrès de fondation de la Ligue communiste met en avant trois points :

  • la construction du parti révolutionnaire ;
  • l’adhésion à la Quatrième Internationale[1] ;
  • la « dialectique des secteurs d’intervention ».

Elle a alors pour porte-parole Alain Krivine et pour dirigeants principaux Daniel Bensaïd, Charles Michaloux et Henri Weber.

La LC était principalement implantée, à l'époque, au sein de la jeunesse scolarisée et un peu ouvrière.

1.2 Analyse et ligne gauchiste[modifier | modifier le wikicode]

La Ligue menait une politique que ses militants ont jugé a posteriori « gauchiste »[2], basée notamment sur une exagération de l'analyse de la situation. La Ligue communiste estimant de grandes possibilités révolutionnaires mena une politique dite du « triomphalisme » avec des appels incessants à la mobilisation des travailleurs. La LC considérait à l'époque le Parti socialiste comme un parti  bourgeois. Pour la LC, la gauche était incarnée par le PCF et la CGT.

La Ligue partageait alors avec d'autres organisations d'extrême gauche une conviction : en Europe occidentale, le développement impétueux des luttes sociales déboucherait rapidement - dans les "quatre ou cinq années à venir" - sur des confrontations révolutionnaires. Pour briser l'offensive sociale et conserver son pouvoir, la bourgeoisie se servirait de tous les moyens : mesures répressives, utilisation de l'armée ou des bandes fascistes. Cette dernière hypothèse s'appuyait sur certains éléments tangibles : violences policières et utilisation de milices privées contre les grévistes, filatures et fichage de militants politiques et syndicaux, écoutes téléphoniques illégales, ratonnades contre les immigrés, assassinat de Pierre Overney, jeune ouvrier maoïste, par un vigile de la régie Renault... La LC possède une vision de Mai 1968 inspirée par la Révolution russe avec l'analogie 1905/1917. Elle considère que Mai 1968 avait été une « répétition générale »[3].

Ce « gauchisme » avait également une dimension quasi-militaire dans l'organisation par la Commission technique de la LC d'un service d'ordre (SO). Les groupes d'extrême droite, bien que très peu nombreux, avaient la même logique à l'époque.

Le reste de l'extrême gauche allait cependant beaucoup plus loin dans ce travers, notamment les maoïstes « spontanéistes » qui appelaient de leur côté à la « guerre civile »[4]. C'était une tendance générale en Occident et au Japon. Des mouvements d'extrême gauche en France, et surtout en Italie, allaient basculer dans le terrorisme. C'est le début des « Années de plomb ».

1.3 Alain Krivine aux présidentielles de 1969[modifier | modifier le wikicode]

La campagne d'Alain Krivine à l’élection présidentielle de 1969 reflète la ligne de l'époque. La LC appelle ses électeurs à s'organiser en « Comité rouge ». Alain Krivine obtiendra 1,06%.

1.4 Affrontement avec la CFT[modifier | modifier le wikicode]

Le 13 mai 1971, des militants de la Ligue communiste tentent de diffuser des tracts devant l'usine Citroën de Rennes, et une bagarre éclate avec les membres de la Confédération française du travail (CFT), syndicat jaune qui tenait l'usine d'une main de fer.[5]

1.5 Affrontement avec Ordre nouveau[modifier | modifier le wikicode]

Le 21 juin 1973, le groupe fasciste Ordre nouveau (successeur d'Occident) organise une conférence « contre l'immigration sauvage » à Paris. ON est alors impliqué dans la création du Front national de Jean-Marie Le Pen, mais fortement divisé en interne sur cette tactique de parti large perçue par beaucoup comme un risque de reniement des valeurs fascistes. Entre janvier 1971 et mai 1973, la police compte 83 faits de violence publique impliquant ON, qui cherche à faire des démonstrations dans les milieux d'extrême droite. L'organisation de ce meeting était une provocation délibérée.

Ainsi en réaction, le service d'ordre de la Ligue, sous l'impulsion de son responsable, Michel Recanati, organise, en commun avec des maoïstes (PCMLF), l'attaque du meeting tenu à la Mutualité. L'extrême gauche réunit 2000 manifestants dont une moitié sont armés. Le mot d'ordre est "meeting fasciste, meeting interdit !".

Devant le nombre, Ordre nouveau se retranche dans la Mutualité, protégé par un impressionnant dispositif policier. Les manifestants, casqués et armés de cocktails Molotov, ont alors chargé la police, l'obligeant à reculer à plusieurs reprises.

Les affrontements sont violents et font une centaine de blessés parmi les policiers[6] (16 sont hospitalisés).

1.6 La dissolution[modifier | modifier le wikicode]

D'abord choquée par la diffusion télévisée d'images spectaculaires d'affrontements, l'opinion publique fut d'abord hostile à la Ligue communiste. Nombreux, y compris à gauche, condamnèrent l'attaque. Les plus bienveillants pensaient que la Ligue était tombée dans une provocation.

Le ministre de l'Intérieur de l'époque, Raymond Marcellin, décide la dissolution de la Ligue communiste le 23 juin 1973, ainsi que celle d'Ordre nouveau. Plusieurs dirigeants de la Ligue sont incarcérés, son local et sa librairie sont mis à sac par la police. La Gauche prolétarienne (maoïste) avait été dissoute peu de temps avant.

Mais l'opinion se retourne cependant assez rapidement. D'abord la presse dut rendre compte du contenu du meeting fasciste : le vrai scandale était donc surtout la tenue d'un tel meeting ! Le principal syndicat de policiers diffusa de nombreux témoignages prouvant que la police avait protégé les fascistes qui déchargeaient en toute impunité des stocks de barres de fer et de boucliers. D'autres témoignages attestèrent que la hiérarchie policière, pourtant informée de la formation de la manifestation, n'en avait pas averti les unités présentes sur le terrain, qu'elle avait abandonnées sans consignes ni équipement suffisant. Résultat : Le Nouvel Observateur qualifia Marcellin de "suspect numéro un".

Les organisations syndicales, tous les partis et dirigeants de gauche, des magistrats ainsi que de nombreux artistes et intellectuels protestèrent contre la dissolution de la Ligue. Grande première : le Cirque d'hiver accueillit un meeting de solidarité où, après de nombreux autres orateurs, Jacques Duclos, dirigeant du PCF, déclara "élever une vigoureuse protestation contre l'arrestation d'Alain Krivine et contre la dissolution de la Ligue communiste". Attitude nouvelle : le PCF avait jusqu'alors traité les militants révolutionnaires de "gauchistes-Marcellin". Néanmoins, la Ligue fut interdite de parole au cours de ce meeting convoqué… pour la défendre.

1.7 Suites[modifier | modifier le wikicode]

Dans le contexte de retournement de l'opinion, au cours de l'été, les dirigeants emprisonnés furent relâchés, et les poursuites abandonnées. Marcellin avait raté son coup et, quoique dissoute, la Ligue continua à fonctionner et à intervenir autour de Rouge qui n'avait pas été interdit.

Deux mois plus tard les militants de la Ligue forment le Front communiste révolutionnaire. Ni le gouvernement ni la justice n'osèrent invoquer le délit de "reconstitution de ligue dissoute".

Puis, fin 1974, la Ligue se reformera officiellement sous le nom de « Ligue communiste révolutionnaire ».

2 Retours critiques[modifier | modifier le wikicode]

Ces événements nourrirent un intense débat dans les rangs de l'organisation. Le 21 juin avait-il été un pur acte de violence minoritaire, une erreur gauchiste ? Fallait-il pour autant ne rien faire ? Périodiquement, cette dernière question revient sous diverses plumes : l'ainsi nommée "tentation insurrectionnelle" dont la Ligue était soupçonnée aurait-elle pu donner naissance à une dérive terroriste comme ce fut le cas pour d'autres organisations en Allemagne (bande à Baader) ou en Italie (Brigades rouges) ?

Cependant, la réflexion stratégique de la Ligue excluait formellement le terrorisme, et malgré son faible poids, elle avait des liens historiques avec le mouvement des travailleurs et de la jeunesse. Dans les mois qui précédèrent le 21 juin, la Ligue avait animé un mouvement rassemblant des centaines de milliers de lycéens contre la réforme des sursis (loi Débré). Elle avait organisé une conférence de salariés réunissant plusieurs centaines de sympathisants, preuve d'un début d'implantation dans le monde du travail.

Mais le 21 juin marquait bien une rupture avec la période de l'immédiat après-68. Une autre aventure commençait avec Lip, le Larzac, les comités de soldats, la confrontation avec l'Union de la gauche.[2]

3 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]

  1. Cette adhésion est refusée par l'une de ses tendances, qui choisit de rejoindre le maoïsme et de créer l'organisation « spontanéiste » Vive la révolution (VLR).
  2. 2,0 et 2,1 Texte de formation interne de la LCR, par François Duval, 2003
  3. Daniel Bensaïd et Henri Weber, Mai 1968 : une répétition générale ?, Maspero, 1968.
  4. Voir Vers la guerre civile d'Alain Geismar et Serge July.
  5. Hugo Melchior, « Banaliser un objet socio-historique. Les gauches alternatives dans les années 1968, et leurs devenirs », Université Rennes 2,‎ 2015
  6. Rouge numéro 2000, 16 janvier 2003.