Valeur d'usage et valeur d'échange
La valeur d’usage et la valeur d’échange sont les deux caractéristiques essentielles de la marchandise.
La distinction valeur d'usage/valeur d'échange est utilisée par Marx, mais avant lui elle avait déjà été établie et utilisée par Aristote, Adam Smith ou Ricardo.
1 Définitions[modifier | modifier le wikicode]
1.1 Valeur d'usage[modifier | modifier le wikicode]
Tout objet que l'on utilise a par définition une valeur d'usage. N'importe quel objet peut avoir une valeur d'usage, qu'il soit marchandise ou non : un couteau du commerce ou un silex taillé soi-même reste un objet avec une valeur d'usage pour son utilisateur. C'est l'utilisation qui la lui confère, dit autrement, "La valeur d'usage n'a de valeur que pour l'usage et ne se réalise que dans le procès de la consommation."[1] En revanche, toute marchandise possède une valeur d'usage, puisque c'est la condition première pour qu'elle intéresse des acheteurs.
1.2 Valeur d'échange[modifier | modifier le wikicode]
Si l'on prend le cas moyen d'un échange équilibré, il existe une grandeur commune entre les deux objets que l'on échange. Plus généralement, il existe une grandeur commune à toutes les marchandises échangeables sur le marché, grandeur qui se matérialise dans leur étalon commun : l'argent. Cette grandeur est la valeur d'échange.
On parle aussi de prix relatif.
1.3 La double nature de la marchandise[modifier | modifier le wikicode]
Une marchandises est donc caractérisée à la fois par sa valeur d'usage, et par sa valeur d'échange. Dans le langage du Capital de Marx, c'est ce qui est appelé la nature bifide de la marchandise.
Si un bien est offert sur un marché c’est nécessairement qu’il a une utilité sociale. L'acheteur voit cette utilité, et de son côté le marchand pense en tirer quelque argent. L'un voit la valeur d'usage et l'autre la valeur d'échange. Et, que l’on soit acheteur ou marchand, à un instant donné, la marchandise ne présente qu’une seule de ces qualités, et le fait de la voir sous cet angle lui fait perdre l’autre qualité.
On peut prendre une image : la bouteille de vin de collection, a une valeur d’usage (le fait d’être buvable …) et une valeur d’échange (qui fera monter la prime d’assurance). Si on boit le contenu, la bouteille n’a plus de valeur ; si on ne la boit pas, on n’en fera aucun usage, mais elle conservera sa valeur.
2 Détermination de la valeur d'échange[modifier | modifier le wikicode]
Lorsqu'il n'y a aucun contrôle institutionnel sur les prix, on constate que les prix relatifs des différents produits (leur valeur d'échange) émergent « spontanément » du marché.
2.1 Coûts de production et temps de travail[modifier | modifier le wikicode]
Si on peut échanger une table contre quatre chaises, quelle est cette valeur X telle que 1 table = X = 2 chaises ?
Qu’y a-t-il de commun entre ces marchandises ? Hormis la matière première, c’est uniquement le temps qu’il a fallu pour les fabriquer (incluant le temps pour fabriquer les machines-outils qui ont servi à fabriquer les pièces ...).
La valeur d’échange est en relation avec du temps de travail. Plus précisément, avec le temps de travail socialement nécessaire, car la valeur émerge de la moyenne (il est évident que si un artisan prend un retard et donc augmente son temps de travail individuel, il ne pourra pas pour autant vendre son produit plus cher). C'est la « loi de la valeur ». Cette analyse a été faite par les économistes classiques (Smith, Ricardo...) et reprise par Karl Marx.
Adam Smith parlait de « prix naturel » pour désigner cette valeur-travail, sociale mais objectivable.
Dans cette analyse, les coûts de production sont analysés comme du temps de travail social, incorporé dans des marchandises.
(En comptabilité on parle aussi de coût de revient, en ajoutant aux coûts de production les coûts de gestion, de transport, etc. Mais dans une analyse marxiste ces différentes tâches peuvent aussi être vues sous l'angle du temps de travail).
2.2 Variations avec l'offre et la demande[modifier | modifier le wikicode]
Évidemment, les prix ont aussi des variations de court terme en fonction des variations de l'offre et de la demande. Si pour une raison quelconque il y a ponctuellement une forte demande de chaises, il est possible que le nouveau prix d'une chaise soit égal à celui d'une table. Mais cela explique les fluctuations des prix et non pas les valeurs autour desquelles les prix fluctuent.
2.3 Cas particuliers[modifier | modifier le wikicode]
Ce mécanisme par lequel le marché fait converger le prix vers le « coût », suppose une concurrence libre et non faussée. Or, il existe de nombreux cas dans lesquels le marché est faussé.
Par exemple, lorsque des entreprises sont en situation de monopole, elles peuvent fixer les prix qu'elles veulent. C'est par exemple le cas de l'entreprise de diamants De Beers qui a manipulé les prix pendant des décennies.[V 1] Lorsqu'une poignée d'entreprises sont en situation d'oligopoles, il est aussi relativement facile pour elles de signer des ententes pour manipuler les prix. Pour toutes ces raisons, les États capitalistes adoptent des mesures pour réguler la concurrence.
Par ailleurs, de puissantes entreprises sont capables, en jouant sur la publicité et les biais irrationnels, de maintenir des marchés largement artificiels. Par exemple, il est techniquement possible de synthétiser du diamant, pour un coût largement inférieur au coût qu'il faut pour aller l'extraire dans la nature. D'un point de vue matériel, moléculaire, ce diamant est identique au diamant « naturel » (il est même encore plus pur). Pourtant, les grands diamantaires sont parvenus à protéger l'idée qu'il est indispensable d'acheter un diamant « naturel » (et donc plus cher). Le cours du diamant « naturel » est encore aujourd'hui totalement indépendant du cours du diamant de synthèse (qui lui est utilisé plutôt dans l'industrie, laquelle est bien évidemment passé outre les considérations irrationnelles).[V 1]
3 Historique[modifier | modifier le wikicode]
Les économistes ont longtemps raisonné sur l'origine de la valeur en faisant l'expérience de pensée selon laquelle « aux origines », avant l'apparition de l'argent, le troc était généralisé. Ils pensaient que c'était une réalité historique. On sait aujourd'hui qu'avant la domination de l'argent, ce n'était pas le troc qui dominait, mais plutôt une logique de dons et contre-dons.
Dans les sociétés primitives communautaires, le peu de biens disponibles était collectif. Dans la vie ordinaire, les échanges étaient donc immédiats : gibier ou fruits ramenés par les chasseurs-cueilleurs confiés à l'ensemble des membres, outils fabriqués mis en commun, etc... La valeur d'échange ne pouvait alors jouer qu'un rôle extrêmement marginal, au niveau des échanges entre différents clans.
Les sociétés agricoles d'après la révolution néolithique étaient basées sur une exploitation des paysans-esclaves ou paysans-serfs. Les activités marchandes s'y sont lentement développées, mais sont restées "périphériques" dans toutes les sociétés pré-capitalistes. Certains peuples étaient concentrés sur l'activité marchande, mais cela n'était rendu possible que par leur rôle d'intermédiaires entre les "peuples producteurs".
"Dans l'Antiquité, la valeur d'échange n'était pas le nervus rerum ; elle ne l'était que chez les peuples marchands, qui, tout en assurant les transports, ne produisaient pas ce qu'ils vendaient. Mais, les Phéniciens, les Carthaginois, etc. n'y jouaient qu'un rôle secondaire. Ils vivaient dans les interstices du monde antique, comme les Juifs en Pologne ou au Moyen-Âge. C'était le monde ambiant qui était le support de ces peuples marchands, et chaque fois qu'ils entraient en conflit avec les anciennes communautés, il leur en cuisait."[2]
Le passage vers une économie marchande a été un processus historique long. En Europe, le capital marchand progresse au cours du Moyen-Âge, particulièrement à partir du 16e siècle, ce qui va conduire à une accumulation permettant la révolution industrielle au 19e siècle.
4 Références[modifier | modifier le wikicode]
Vidéos
- ↑ 1,0 et 1,1 Sortie d'usine, Le funeste secret de l'industrie du diamant, janvier 2024
Lectures
- ↑ Karl Marx, Le Capital, Livre I, Chapitre 1, 1859
- ↑ Karl Marx, Grundrisse, 1857