Noblesse

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Minamoto no Yoshitsune (1159 – 15 juin 1189), un grand noble japonais

La noblesse est un ordre dominant, un statut social, que l'on retrouve sous des formes analogues et des dénominations différentes dans de nombreux pays. A l'apogée de la domination de la noblesse, ce statut correspondait à une classe sociale historiquement édifiée sur la domination des paysans par les armes. Typiquement, c'était la classe dominante sous le féodalisme.

1 Généralités[modifier | modifier le wikicode]

1.1 Les plus anciennes classes dominantes[modifier | modifier le wikicode]

Le terme de noblesse connote surtout la noblesse qui a régné sur l'Europe à partir du Moyen-Âge. Néanmoins, d'un point de vue marxiste, les caractéristiques de cette noblesse se retrouvent partout où a régné le féodalisme.

A la différence de la noblesse européenne, la noblesse de l'Empire russe constituait pour l’essentiel une aristocratie de service, dont la richesse, le pouvoir et les titres procédaient de la faveur princière. Recouvrant environ 200 000 chefs de famille en 1917, la noblesse russe constituait un monde hiérarchisé en fonction des charges civiles et surtout militaires que le prince lui allouait. Soumise à une stricte étiquette, elle tirait ses revenus des domaines que le service du prince lui avait permis d’acquérir et assurait son rang par l’existence d’une nombreuse domesticité. [1]

Étant donné le fort point commun entre tous les modes de production ayant précédé le capitalisme, qui sont basés sur l'agriculture, les classes dominantes avaient également de fortes proximités dans leur nature. En un sens, on peut donc parler de noblesse aussi dans la société romaine, et plus largement dès qu'il s'est agit dans la société, pour une fraction de la population, de s'accaparer le surproduit social, qui était d'abord agricole.

1.2 Petite et grande noblesse[modifier | modifier le wikicode]

Il y a évidemment des différenciations au sein de toute classe. Au cœur de la féodalité, au Haut Moyen-Âge (500 - 1000), les noblesses européennes sont relativement unies. Avec le temps les distinctions vont s'approfondir, et les différentes couches vont se trouver de plus en plus souvent dans des jeux d'alliance différents dans les luttes de classes.

1.3 Noblesse d'épée et noblesse de robe[modifier | modifier le wikicode]

Historiquement la noblesse a souvent été associée à la capacité militaire. Rétrospectivement, on a appelé « noblesse d'épée » ce type de nobles.

Avec le développement de nombreux postes administratifs (offices) héréditaires, s'est développé ce qu'on a appelé la « noblesse de robe » (ou encore les robins).[2]

1.4 Anoblissement[modifier | modifier le wikicode]

Même si par principe, la noblesse est une caste plutôt fermée, on pouvait être anobli de différentes façons, d'importances variables selon les époques. A l'origine, on pouvait notamment être anobli en étant adoubé chevalier. Avec le temps, c'est l'anoblissement par achat d'offices est devenu central.

1.5 Le sabre et le goupillon[modifier | modifier le wikicode]

Quasi systématiquement, la noblesse s'est présenté sous deux visages, correspondant à deux fonctions de sa domination. D'un côté la force brute, guerrière, de l'autre la justification idéologique et religieuse en particulier.

"Le sabre et le goupillon", ou "les sabre-peuple et les curés". Illustration tirée du livre Napoléon le Petit par Victor Hugo, aux éditions Albin Michel, vers 1922

2 Classe et caste[modifier | modifier le wikicode]

Les différentes noblesses avaient différents statuts officialisés. Presque toujours, le statut de noble est défini comme intrinsèque à la personne et héréditaire, ce qui va de pair avec la justification idéologique (sang bleu, appui par les divinités...).

Ce caractère immuable créé potentiellement une difficulté pour définir la catégorie de noblesse : désigne-t-elle une classe (au sens marxiste ou en tout cas sociologique), ou une caste (statut) ?

Dans une société où le pouvoir de la noblesse est stable, ces deux notions coïncident globalement. Cependant plus l'échange marchand se développe, et avec lui la bourgeoisie, plus elles tendent à se disjoindre, créant des enchevêtrements complexes :

  • des nobles déchus conservent leur statut de noble, mais étant sans terre, ils ne font plus partie de la classe des propriétaires fonciers qui était le cœur du pouvoir nobiliaire (par exemple la figure du baron des Bas-Fonds de Gorki),
  • dans des circonstances où la société bourgeoise n'est pas encore hégémonique, certains grands bourgeois achètent des titres de noblesse (et certains rois en vendent parce qu'ils ont besoin de l'argent de la bourgeoisie, et cette transaction elle-même exprime l'embourgeoisement des valeurs), ces gens sociologiquement bourgeois entrent ainsi dans la caste noble.

3 Noblesse dans différents pays[modifier | modifier le wikicode]

3.1 Chute de l'Empire romain[modifier | modifier le wikicode]

Lorsque les peuples germaniques se sédentarisent et deviennent fédérés à l'Empire romain d'Occident, une aristocratie dominante se forme entre les rois (rex) et les guerriers. Par exemple le dux est un grade militaire dans l'administration romaine lui donnant des fonctions de gouverneur provincial tant que l'Empire existe. Cette couche constitue l'embryon de la noblesse médiévale en Europe, les vassaux étant liés par l'hommage. Les titres nobiliaires transitent ensuite par leur signification, de rex, dux et autres (Graf, jarls, khans, seigneurs de la guerre) vers les acceptions médiévales des rois, ducs, comtes et marquis et la mise en place de leur hérédité.

3.2 Espagne[modifier | modifier le wikicode]

On peut différencier grande noblesse (Grandeza de España) et petite noblesse (hildalgos).

3.3 France[modifier | modifier le wikicode]

Le terme de gentilhomme désigne à l'origine toute personne noble. L'adjectif « gent », attesté en 1080 dans La Chanson de Roland, vient du bas latin genitus avec la signification de « bien né », puis de « noble », « beau ». L'adjectif « gentil » est attesté à la fin du 12e siècle dans la Vie de saint Alexis, vient du latin gentilis signifiant « de famille, de race, membre d'une gente » avec le sens moderne de noble. C'est seulement au 17e siècle que ce mot prend le sens affaibli de « joli, gracieux, bon ».[3]

Le féminin gente dame est tombé en désuétude à la fin du Moyen Âge, comme le terme damoiseau qui désignait un jeune noble n'ayant pas encore été armé chevalier, tandis que damoiselle s'est généralisé pour toutes les jeunes filles sous la forme altérée demoiselle.

Le terme gentilhomme a longtemps désigné un homme noble de naissance, à la différence de ceux qui étaient anoblis.[4] On pouvait distinguer les gentilshommes de nom et d'armes qui désignaient les membres des familles de noblesse dite immémoriale et les gentilshommes de quatre lignes qui désignaient ceux dont les huit bisaïeux étaient nobles.[5]

En 1549, les gentilshommes de la Maison du roi sont des hommes nobles attachés à la personne du roi. En 1606, le terme de gentilhommière est attesté comme désignant le manoir où demeure un gentilhomme et sa famille.[6]

On peut différencier grande noblesse (pairs de France) et petite noblesse. Le nombre de pairs de France a toujours été plus réduit que celui des grands d'Espagne.

En général, les nobles ne devaient pas travailler de leurs mains, et rester dans un rapport d'exploitation du travail d'autrui, sous peine de perdre leur rang (« dérogeance »). Il pouvait y avoir des exceptions autorisées par le roi, comme les gentilshommes verriers.

Sous Louis XIV, le phénomène parasitaire de la noblesse de cour était particulièrement développé :

« Il y avait environ 15 000 personnes admises à la cour, dont l'écrasante majorité n'était là que pour empocher un revenu lié à un titre. Il fallait, pour entretenir cette foule inutile, débourser le dixième des recettes de l’État. »[2]

3.4 Portugal[modifier | modifier le wikicode]

Voir : Fidalgo

3.5 Angleterre[modifier | modifier le wikicode]

The Complete English Gentleman (1630), montrant les qualités exemplaires d'un gentilhomme.

Le terme de gentleman, à l'origine, désigne le rang le plus bas de la noblesse terrienne anglaise.

A l'inverse les Lords sont des dirigeants de la grande noblesse.

3.6 Japon[modifier | modifier le wikicode]

Sous l'ère Heian (794–1185), une scission s'opère entre la noblesse à part entière, la très raffinée aristocratie impériale (kuge) et la classe des bushi (mi-guerrière, mi-noble et surtout moins raffinée). Bushi signifiant littéralement « guerrier gentilhomme ».

Les samouraïs en sont venus à désigner la masse de la noblesse guerrière, au service de la haute noblesse (daimyos).

La révolution Meiji (1868), révolution bourgeoise pilotée par l'Etat, met fin de façon assez brutale au statut privilégié des samouraïs.

4 Aristocratie[modifier | modifier le wikicode]

Étymologiquement « aristocratie » signifie gouvernement des meilleurs. Bien évidemment cela traduit l'idéologie dominante de cette élite.

Le terme aristocratie peut désigner un type de régime (par opposition à démocratie, monarchie...), représentant plutôt une domination collégiale de l'élite :

  • soit une élite de rang noble (cela a rarement existé de façon stable sans qu'il y ait un monarque) ;
  • soit une élite pouvant admettre des dirigeants de n'importe quel rang, pourvu qu'ils soient assez puissants et ambitieux (cela a existé dans l'Antiquité grecque entre les monarchies et les démocraties) ;
  • soit une élite officieuse basée sur le pouvoir de l'argent (dans ce cas on parle plutôt d'oligarchie, qui est le plus souvent la bourgeoisie)

Le terme aristocratie peut aussi désigner une couche sociale, et dans ce cas il est quasiment synonyme de noblesse, même s'il peut y avoir des nuances selon les contextes.

En particulier en France le mot a connu une évolution particulière à partir de la Révolution française. Après l'abolition des privilèges il n'y a officiellement plus de noble. Alors dans le langage politique courant, on oppose les « patriotes » (y compris les anciens nobles qui respectent la révolution), et les « aristocrates » (qui s'accrochent à leurs anciens privilèges).[7]

5 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]

  1. NPA, La Russie à la veille de la Révolution : Quand « ceux d’en bas » ne veulent plus et « ceux d’en haut » ne peuvent plus, 2017
  2. 2,0 et 2,1 Karl Kautsky, Les antagonismes de classes à l'époque de la Révolution française, 1889
  3. Albert Dauzat, Nouveau dictionnaire étymologique (1964), Paris, Larousse
  4. Éditions Larousse, « Définitions : gentilhomme - Dictionnaire de français Larousse »
  5. Alain Texier, Qu'est-ce que la noblesse ?, éditions Tallandier, 1995, p. 513-515.
  6. Le Robert dictionnaire historique de la langue française, 1992, p.1577
  7. Adeline Daumard, Noblesse et aristocratie en France au XIXe siècle, Publications de l'École Française de Rome, 1988