Gouvernement ouvrier

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Le gouvernement ouvrier est un terme aujourd'hui ambigü.

Il peut renvoyer :

  • au gouvernement des travailleurs (par les travailleurs), la dictature du prolétariat
  • à un gouvernement d'unité des organisations de la classe ouvrière, ce dont traite cette page.

1 Gouvernement des organisations de la classe ouvrière

1.1 Idée générale

L'objectif des communistes révolutionnaires est clair : amener les travailleurs à s'auto-organiser et à exercer directement le pouvoir (dictature du prolétariat). Mais la lutte des classes est un processus complexe qui a soulevé historiquement de nombreux problèmes. En particulier, il peut arriver que les travailleurs aient une conscience de classe suffisamment forte pour vouloir exclure la bourgeoisie du pouvoir, mais ne soient pas assez organisés et donc confiant dans leurs propres capacités pour revendiquer tout le pouvoir.

Dans ces situations particulières, le devoir d'un parti révolutionnaire est non pas d'appliquer un schéma figé au mouvement réel, mais d'analyser de façon dialectique ce qui dans le mouvement actuel peut conduire à renforcer la conscience de classe. Et le gouvernement des organisations ouvrières (partis, syndicats) unies peut être une revendication transitoire correcte à soutenir.

Car le "gouvernement ouvrier" est nécessairement un état transitoire, car la question de la possession des moyens de production et donc le fondement du pouvoir est en suspens. Tant qu'ils ne sont pas socialisés, ils peuvent retomber très vite dans les mains des capitalistes. Mais dans une période révolutionnaire, soutenir un "gouvernement ouvrier" permet de poser la question du pouvoir en des termes immédiatement saisissables par la majorité des travailleurs, et de forcer toutes les contradictions à apparaître. En particulier, les partis socialistes réformistes devront nécessairement apparaître réactionnaires si en face se dresse un parti révolutionnaire suffisamment crédible pour montrer une perspective d'auto-organisation. Le gouvernement ouvrier peut alors être une transition vers le gouvernement des ouvriers.

1.2 L'exemple allemand

La question s'est posée durant la révolution allemande. Après le pustch de Kapp en mars 1920, la direction de la grande centrale syndicale demande des garanties face à la réaction et au risque de perdre sa place privilégiée. Elle lance alors l'idée d'un gouvernement ouvrier, qui regrouperaient toutes les organisations du prolétariat allemand (SPD, USPD, KPD, syndicats).

Craignant confusément de revenir à la situation de l'après novembre 1918, qui avait vu le Parti social-démocrate (SPD) laisser docilement le pouvoir à la bourgeoisie, l'USPD refuse. Le Parti communiste (KPD) hésite avant d'accepter, mais l'occasion est manquée. D'une part parce que l'USPD avait alors plus de poids que le KPD et que son refus laissait alors le SPD libre à la tête de l'État bourgeois, d'autre part parce que le KPD n'a pas réellement saisi ce mot d'ordre de gouvernement ouvrier, ne comprenant pas toute son importance transitoire.

Un tel objectif politique était pourtant susceptible de mobiliser la majorité des travailleurs contre la bourgeoisie, et de rendre saillante la contradiction avec la nature bourgeoise de l'appareil d'État et de la tête de la social-démocratie.

1.3 Hypothèse en France

Etudiant les potentialités de la situation en France au début des années 1920, Trotsky y évoque également la possibilité d'un gouvernement ouvrier dans ce sens de coalition des organisations ouvrières. L'objectif y est toujours de tendre les contradictions au maximum et pousser vers une transition au gouvernement direct des travailleurs.

« En effet, si l'on suppose qu'un puissant mouvement ouvrier dans le pays, lors d'une violente crise politique, amène des élections donnant la majorité aux dissidents et aux communistes, ainsi qu'aux groupes intermédiaires et sympathisants, et que l'état des masses ouvrières ne permette pas aux dissidents de faire bloc avec la bourgeoisie contre nous, il sera possible, dans ces conditions, de former un gouvernement ouvrier de coalition qui constituerait une transition nécessaire vers la dictature révolutionnaire du prolétariat. Il est très possible, il est même probable, qu'un tel mouvement, se déroulant sous le mot d'ordre de gouvernement ouvrier, n'aura pas le temps de trouver son expression dans une majorité parlementaire, soit parce que le temps fera défaut pour de nouvelles élections, soit parce que le gouvernement bourgeois tentera d'écarter ce danger en recourant aux méthodes de Mussolini. Sur le terrain de la résistance à l'attaque fasciste, la partie réformiste de la classe ouvrière pourra être entrainée par la partie communiste dans la voie de la formation d'un gouvernement ouvrier par des moyens extra-parlementaires. Dans cette hypothèse, la situation révolutionnaire serait encore plus claire que dans la première.

Accepterons-nous, dans ce dernier cas, une coalition gouvernementale avec les dissidents ? Nous l'accepterons : il s'avère qu'ils ont encore de l'influence sur une partie considérable de la classe ouvrière qui les forcera à se détacher de la bourgeoisie. Serons-nous alors assurés contre toute trahison de la part de nos alliés au gouvemement ? Pas le moins du monde. Tout en effectuant avec eux, au gouvernement, le travail révolutionnaire initial, nous devrons les surveiller avec autant de vigilance que nous surveillerions un ennemi, nous devrons consolider sans cesse nos positions politiques et notre organisation, conserver notre liberté de critique à l'égard de nos alliés et les affaiblir en présentant sans cesse de nouvelles propositions qui les désagrègent en détachant d'eux à leur droite des éléments de plus en plus nombreux. »[1]


2 Notes et sources