IX. Le jugement dernier critique.

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Ecrit par Marx

Deux fois, la Critique critique a, par l'entremise de Rodolphe, sauvé le monde de la perdition; mais uniquement pour pouvoir décider elle-même la perte du monde. Et je vis et entendis un puissant ange, M. Hirzel, prendre son vol de Zurich et traverser le ciel. Et il tenait ouvert dans sa main un petit livre, semblable au cinquième fascicule de l'Allgemeine Literatur-Zeitung et voici qu'il posa son pied droit sur la Masse et son pied gauche sur Charlottenburg; et il cria d'une voix forte pareille au rugissement du lion, et ses paroles s'élevèrent telles une colombe, frout ! dans la région du Pathos et jusqu'au Jugement dernier critique et sont par certains aspects analogues au Tonnerre.

« Quand enfin tout se liguera contre la Critique — et, en vérité, en vérité, je vous le dis, cette époque n'est plus très éloignée — quand le monde entier qui tombe en poussière - il lui fut donné de lutter contre les saints - se groupera autour d'elle pour le dernier assaut, alors le courage de la Critique et son importance seront reconnus de tous côtés. Nous n'avons pas à nous inquiéter de l'issue. Toute cette bataille aboutira à ceci : nous apurerons les comptes avec les divers groupes — et nous les séparerons comme un pasteur sépare les brebis d'avec les boucs, et nous placerons les brebis à notre droite et les boucs à notre gauche — et nous établirons un certificat général d'indigence à la chevalerie ennemie — : ce sont les esprits des démons, et ils se répandent dans tout l'orbe du monde afin de rassembler les combattants pour le grand jour de Dieu, le Tout-puissant, et ceux-là seront saisis d'étonnement qui habitent sur la terre[1]. »

Et comme l'ange criait, sept tonnerres firent entendre leurs voix :

Dies irae, dies illa.

Solvet saeclum in favilla

Judex ergo cum sedebit,

Quidquid latet apparebit,

Nil inultum remanebit,

Quid sum miser tunc dicturus[2] ? etc.

Vous entendrez des guerres et de grands cris de guerre. Il faut que tout cela se produise d'abord. Car il surgira de faux Christ et de faux prophètes, MM. Buchez et Roux de Paris, MM. Friedrich Rohmer et Theodor Rohmer de Zurich[3], et ils diront : Voici le Christ ! Mais à ce moment le signe des frères Bauer apparaîtra dans la Critique, et nous verrons s'accomplir la parole de l'Écriture sur le travail des Bouviers[4] :

Quand les bœufs vont deux à deux, Le labourage en va mieux.

Épilogue historique.[modifier le wikicode]

Voici ce que nous avons appris après coup : ce n'est pas le monde qui a péri, c'est la Literatur-Zeitung critique.

  1. Marx cite ici - en les entremêlant d'ironique remarques - un extrait de la « Correspondance de Zurich » écrite par Hirzel dans l'Allgemeine Literatur-Zeitung, fascicule V, avril 1844.
  2. « Le jour de la colère, ce jour-là réduira le monde en poussière. Quand alors le juge siégera, ce qui est caché se révélera. Rien ne restera impuni, que vais-je dire alors, pauvre de moi ? » (Un des cinq chants de l'office des morts.)
  3. BUCHEZ Philippe (1796-1865) : voir p. 146, note. ROUX-LAVERGNE (1802-1874) : historien français, de tendance idéaliste. Les frères ROHMER sont deux publicistes suisses.
  4. Jeu de mots intraduisible sur le nom propre Bauer et le nom commun Bauer, qui veut dire paysan.