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Special pages :
Introduction
- Introduction
- I. « La critique critique sous les traits d'un maître relieur », ou la critique critique personnifiée par M. Reichardt.
- II. « La critique critique sous les traits d'un minotier » ou la critique critique personnifiée par M. Jules Faucher
- III. « La profondeur de la critique critique » ou la critique critique personnifiée par M. J. (Jungnitz ?)
- IV. «La critique critique sous les traits du calme de la connaissance », ou la critique critique personnifiée par M. Edgar
- V. « La Critique critique » sous les traits du marchand de mystères ou « la Critique critique » personnifiée par M. Szeliga
- VII. « La Critique critique absolue » ou « la Critique critique » personnifiée par Mr. Bruno
- VII. La correspondance de la Critique critique
- VIII. « Vie terrestre et transfiguration de la critique critique », ou la critique critique personnifiée par Rodolphe, prince de Gerolstein
- IX. Le jugement dernier critique.
Avant-propos[modifier le wikicode]
La Sainte Famille est le premier ouvrage que Marx et Engels aient rédigé et publié en commun. À vrai dire, il était déjà arrivé que leurs signatures voisinent : dans la Rheinische Zeitung (Gazette rhénane) d'abord, dans les Deutsch-Französiche Jahrbücher (Annales franco-allemandes) ensuite, et Marx fera fréquemment référence à cette revue dans La Sainte Famille, précisément. Mais avec La Sainte Famille il s'agit d'une véritable collaboration. Et cette collaboration, on le, sait, se poursuivra désormais sans interruption entre les deux amis, jusqu'à ce que la mort de Marx vienne y mettre un terme.
Marx et Engels se rencontrent à Paris à la fin d'août 1844. Au cours des dix jours qu'ils passent ensemble, ils décident d'écrire en commun un ouvrage polémique contre les frères Bauer et leurs partisans, qui éditent une revue, l'Allgemeine Literatur-Zeitung [Gazette littéraire universelle]. Le livre s'intitulera Kritik der kritischen Kritik. Gegen Bruno Bauer und Consorten [Critique de la Critique critique. Contre Bruno Bauer et consorts]. Ils se répartissent aussitôt les chapitres et rédigent la préface sans plus tarder. Engels se met immédiatement au travail et écrit sur-le-champ sa part de ce qui, au début, semble ne devoir pas dépasser l'ampleur d'un bref pamphlet. Engels parti, Marx travaille sur le sujet jusqu'à la fin novembre et de semaine en semaine, sous sa plume, l'ouvrage s'enfle sans cesse : Marx utilise pour cette rédaction une partie de ses notes, les Manuscrits économico-philosophiques, qu'il venait de jeter sur le papier au printemps et à l'été 1844; il se servira également de ses notes sur la Révolution française.
L'ouvrage définitif est donc pour l'essentiel l’œuvre de Marx. Engels n'en a pas écrit le dixième. (Dès la première édition, on indiquait dans la table des matières, comme nous l'avons fait, quels chapitres revenaient à chacun des deux auteurs.)
La brochure initiale était devenue un véritable livre qui, en petit format, dépassait vingt placards. Du coup, il n'avait pas besoin, selon les règlements en vigueur dans plusieurs États allemands, d'être soumis préalablement à la censure.
Au moment d'envoyer le manuscrit à l'imprimeur, Marx lui donne son titre définitif : La Sainte Famille ou Critique... etc. L'ouvrage, imprimé sans retard, sort en février 1845, des presses de la Literarische Anstalt (J. Rütten), à Francfort-sur-le-Main.
La Sainte Famille est une façon plaisante de désigner les frères Bauer et leurs partisans jeunes-hégéliens qui se groupaient autour de l'Allgemeine Literatur-Zeitung. Marx et Engels critiquent les conceptions idéalistes des frères Bauer, leur éloignement de la vie réelle et leur penchant à mener des joutes oratoires abstraites dans les domaines de la philosophie et de la théologie. Ces Jeunes-hégéliens, qui inclinaient au subjectivisme, ne voyaient dans les masses populaires qu'une matière inerte, un poids mort dans le processus historique, proclamant en revanche que les personnalités élues, et eux-mêmes en particulier, porteurs de « l'esprit », de la « critique absolue », étaient les créateurs de l'histoire. Ils voyaient l'obstacle décisif sur le chemin d'une évolution progressive de l'Allemagne, non dans l'ordre social réactionnaire qui y régnait alors, mais seulement dans les idées dominantes, en particulier dans la religion. De ce fait, ils ne s'élevaient pas contre cet ordre social, mais seulement contre les idées dominantes[1].
La Sainte Famille est donc à l'origine essentiellement une œuvre polémique, un pamphlet. Elle souffre, comme L'Idéologie allemande, qui est de la même veine et vise, pour une bonne part, les mêmes adversaires — d'ailleurs bien des pages de ces deux œuvres rendent un son très voisin — de cette origine. D'abord parce que sont oubliés ou inconnus aujourd'hui les textes que Marx et Engels discutent, réfutent ou ridiculisent. Pour le lecteur actuel, La Sainte Famille souffre de la minceur de ces prétextes. Qui lit encore les brochures d'Edgar ou même de Bruno Bauer ? Qui, en Allemagne ou en France, s'intéresse aux commentaires détaillés qu'inspira à Franz Zychlin von Zychlinski (Szeliga) l'ouvrage d'Eugène Sue : Les Mystères de Paris ? Même ceux qui sourient ou s'attendrissent encore à la lecture des malheurs de Fleur-de-Marie, du Chourineur ou du Maître d'École, hésiteraient à considérer que ces héros de mélodrame expriment exactement le comportement, le mode de penser et d'agir de telle ou telle couche sociale de l'époque, au point qu'en faisant leur critique on s'attaque à la société dont ils sont issus et qu'ils reflètent.
D'autre part la critique de Marx s'attache trop souvent à la forme, à l’expression souvent maladroite ou ridicule, il est vrai, de la pensée de ses adversaires. Détachées de leur contexte, ces formules de Bauer, Szeliga ou Faucher, indéfiniment ressassées, produisent une impression fastidieuse, comme le note Lénine lui-même[2].
Pourtant Lénine n'a pas hésité à lire La Sainte Famille la plume à la main et à en recopier de longs passages. C'est que cet ouvrage polémique est pour Marx et Engels l'occasion « de régler [leurs] comptes avec [leur] conscience philosophique d'autrefois[3] », et que, dépassant le point de vue de Feuerbach — dont ils font ici encore l'éloge — ils commencent à « remplacer... le culte de l'homme abstrait... par la science des hommes réels et de leur développement historique[4] ». Autrement dit, ils commencent à élaborer les principes du matérialisme historique.
Dans La Sainte Famille, Marx, s'il emploie encore la terminologie hégélienne, se détourne de la philosophie de Hegel. Commentant les pages de La Sainte Famille consacrées à Proudhon, — à cette époque, Marx, à Paris, a de longues discussions avec lui — Lénine écrit :
« Marx quitte ici la philosophie hégélienne et s'engage sur le chemin du socialisme. Cette évolution est évidente. On voit ce que Marx a déjà acquis et comment il passe à un nouveau cercle d'idées[5]. »
En particulier, dénonçant le rôle attribué aux idées par les Jeunes-hégéliens, Marx va insister sur l'importance, dans les transformations sociales de l'action pratique des hommes.
« Des idées, ne peuvent jamais mener au-delà d'un ancien état du monde, écrit-il, elles ne peuvent jamais que mener au-delà des idées de l'ancien état de choses. Généralement parlant, des idées ne peuvent rien mener à bonne fin. Pour mener à bonne fin des idées, il faut des hommes qui mettent en jeu une force pratique[6]. »
Et encore d'Engels :
« L'histoire ne fait rien... C'est au contraire, l'homme, l'homme réel et vivant, qui fait tout cela... et livre tous ces combats[7]. »
Plus loin, Marx précise quelle catégorie d'hommes réels et vivants « critiquent » la société telle qu'elle existe actuellement. Ce sont
« les membres travailleurs de la société qui souffrent, sentent, pensent et agissent en hommes. C'est pourquoi leur critique est en même temps pratique[8]. »
C'est surtout dans la partie consacrée à Proudhon qu'est affirmé le rôle révolutionnaire du prolétariat :
« L'homme, dans le prolétariat, s'est perdu lui-même... il est contraint... de se révolter contre une pareille inhumanité... Or il ne peut se libérer lui-même sans abolir ses propres conditions de vie. Il ne peut abolir ses propres conditions de vie sans abolir toutes les conditions de vie inhumaines de la société actuelle[9]. »
Et Marx montre bien qu'il ne s'agit pas de la volonté subjective de tel ou tel prolétaire :
« Il ne s'agit pas de savoir quel but tel ou tel prolétaire, ou même le prolétariat tout entier, se représente momentanément. Il s'agit de savoir ce que le prolétariat est et ce qu'il sera obligé historiquement de faire, conformément à cet être[10]. »
Analysant les rapports de ces pôles opposés que sont « le prolétariat et la richesse », Marx montre qu'ils sont tous deux issus de la propriété privée. Et il explique comment cette propriété privée porte en elle-même les causes de sa destruction :
« Dans son mouvement économique la propriété privée s'achemine d'elle-même vers sa propre dissolution, mais... uniquement par une évolution indépendante d'elle... que conditionne la nature des choses... Le prolétariat exécute la sentence que la propriété privée prononce contre elle-même en donnant naissance au prolétariat[11]. »
Une partie de ces idées se trouve certes chez Proudhon dont Marx prend la défense contre les attaques d'Edgar Bauer et chez les autres socialistes français dont Marx connaît bien les œuvres. Mais sur certains points Marx va plus loin. Le passage suivant n'est-il pas une première formulation du concept de « rapports de production » dont on sait l'importance qu'il prend dans la théorie marxiste ?
« Proudhon n'a pas réussi à donner à cette idée un développement adéquat. L'idée... que c'est l'objet comme être pour l'homme, comme être objectif de l'homme qui est en même temps l'existence de l'homme pour l'autre homme, sa relation humaine à autrui, le comportement social de l'homme par rapport à l'homme[12]. »
Plus loin, Marx s'interroge, à la suite de Proudhon, sur la « valeur » d'un objet[13]. Et, comme le note Lénine, dans ces pages il est « sur le chemin de la théorie de la valeur-travail[14] ».
Mais ces citations risquent de donner à penser que La Sainte Famille traite essentiellement d'économie politique. Tel n'est point le cas. La polémique contre les frères Bauer est pour Marx et Engels l'occasion de « digressions » ou d'exposés qui touchent à bien des domaines : histoire, philosophie, sociologie, religion, littérature, etc.
Les spécialistes s'intéresseront à l'analyse des personnages d'Eugène Sue et à la critique du pseudo-socialisme de cet auteur. Mais il n'est pas nécessaire d'être philosophe de profession pour s'intéresser au bref aperçu du matérialisme français (ch. VI, pp. 151-160), ni sociologue ou historien pour goûter les remarques sur la question juive et sur la Révolution française (ch. VI).
Ces quelques indications suffiront, pensons-nous, à souligner tout particulièrement l'intérêt que présente La Sainte Famille, pour quiconque veut étudier de plus près le cheminement et l'élaboration de la pensée de Marx[15].
Peut-être peut-on enfin signaler que La Sainte Famille traite à chaque page de problèmes français. La polémique certes vise Bruno Bauer et le groupe de Jeunes-hégéliens qui l'entoure. Mais le débat a lieu à propos d'Eugène Sue et de Proudhon, de la Révolution française et du matérialisme français. Et quand Marx parle de « la Masse », c'est au prolétariat parisien qu'il pense, ce prolétariat dont il commence à avoir une connaissance et une expérience directes. Raison supplémentaire pour le lecteur français de découvrir ou de relire cette œuvre de jeunesse de Marx et d'Engels.
G. B.
Préface[modifier le wikicode]
L'humanisme réel n'a pas en Allemagne d'ennemi plus dangereux que le spiritualisme ou idéalisme spéculatif, qui, à la place de l'homme individuel réel, met la « Conscience de soi » ou l' « Esprit » et enseigne avec l'Évangéliste : « C'est l'esprit qui vivifie tout, la chair n'est bonne à rien. » Il va de soi que cet esprit désincarné n'a d'esprit qu'en imagination. Ce que nous combattons dans la Critique de Bauer, c'est précisément la reproduction caricaturale de la spéculation. Elle est à nos yeux l'expression la plus achevée du principe germano-chrétien, qui joue sa dernière carte en métamorphosant « la Critique » elle-même en une puissance transcendante.
Notre exposé se réfère par priorité à l'Allgemeine Literatur-Zeitung (Gazette littéraire universelle) de Bruno Bauer[16] dont nous avons eu sous les yeux les huit premiers fascicules parce que la Critique de Bauer et par suite l'ineptie de la spéculation allemande en général y ont atteint leur apogée. La Critique critique (la Critique de la Literatur-Zeitung) est d'autant plus instructive qu'elle achève ce renversement de la réalité auquel se livre la philosophie et aboutit à la plus suggestive des bouffonneries. Voir par exemple Faucher et Szeliga[17]. La matière que nous offre la Literatur-Zeitung peut servir à éclairer même le grand public sur les illusions de la philosophie spéculative. Tel est le but de notre travail.
Notre exposé est naturellement fonction de son objet. En règle générale, la Critique critique se situe au-dessous du niveau déjà atteint par le développement de la théorie en Allemagne. La nature de notre sujet nous autorise donc à ne pas porter ici de jugement plus ample sur ce développement lui-même.
La Critique critique oblige au contraire à lui opposer, comme tels, les résultats déjà acquis.
Cette polémique constitue donc, à nos yeux, l'avant-propos des travaux originaux où — chacun pour soi, bien entendu — nous développerons notre point de vue et, par suite, montrerons où nous nous situons par rapport aux doctrines philosophiques et sociales modernes.
Paris, septembre 1844.
F. ENGELS, K. MARX.
- ↑ Pour plus de détails sur la polémique entre Marx et Engels et les frères Bauer, on se reportera à l'avant-propos de L'Idéologie allemande.
- ↑ LÉNINE : Cahiers philosophiques, Éd. Soc., p. 34 : « Le chapitre suivant (VII) commence encore par une critique fastidieuse, pointilleuse » ... « Tout le chapitre VII, en dehors des passages cités, ne contient que chicanes et parodies les plus invraisemblables, se saisit des contradictions les plus insignifiantes et se moque de toutes les bêtises de la Literatur-Zeitung ».
- ↑ Contribution à la critique de l'économie politique, préface, p. 5, Éd. Soc., 1966. Certes, pour être précis, cette phrase se réfère à L'Idéologie allemande. Mais La Sainte Famille et L'Idéologie ne sont pas seulement proches dans le temps; les deux ouvrages représentent un travail d'éducation philosophique analogue. L'Idéologie ne fait, de ce point de vue, que continuer ce que La Sainte Famille avait commencé. Que le premier de ces ouvrages n'ait pas été publié en totalité à l'époque tandis que La Sainte Famille a paru tient aux circonstances (difficultés de trouver un éditeur, etc.) et non à la volonté des auteurs.
- ↑ C'est ce que note Engels dans Ludwig Feuerbach et la fin de la Philosophie classique allemande in Études philosophiques, Éd. Soc., p. 42 : « Mais le pas que Feuerbach ne fit point ne pouvait manquer d'être fait; le culte de l'homme abstrait qui constituait le centre de la nouvelle religion feuerbachienne devait nécessairement être remplacé par la science des hommes réels et de leur développement historique. Ce développement ultérieur du point de vue de Feuerbach, au-delà de Feuerbach lui-même, Marx l'inaugura en 1845 dans La Sainte Famille. »
- ↑ Cahiers philosophiques, Œuvres complètes, p. 16.
- ↑ La Sainte Famille, ch. VI, p. 145.
- ↑ Ibidem, ch. VI, p. 116.
- ↑ Ibidem, ch. VI, p. 17.
- ↑ Ibidem, ch. IV, pp. 47-48.
- ↑ Ibidem, p. 47.
- ↑ Ibidem, p. 48.
- ↑ Ibidem, p. 54.
- ↑ Ibidem, pp. 61-62.
- ↑ LÉNINE : Cahiers philosophiques, Œuvres complètes, p. 21.
- ↑ Pour de plus amples détails, se reporter à la longue introduction d'Émile Bottigelli et à sa traduction des Manuscrits de 1844 (Économie politique et philosophie), Éd. soc., et à l'avant-propos de L'Idéologie allemande, Éd. soc., 1968.
- ↑ Des deux frères Bauer - « la Sainte Famille » - Bruno est le plus connu. Philosophe, historien des religions, journaliste, il est l'auteur de nombreux articles et ouvrages dont il sera question plus loin. Né en 1809, il mourra en 1882 après être devenu national-libéral. Son frère Edgar (1820-1886) a publié surtout des brochures et des nouvelles. Tous deux font paraître beaucoup d'articles dans leur revue : Allgemeine Literatur-Zeitung, que nous traduirons par Gazette littéraire ou Gazette littéraire universelle. Cette revue mensuelle, éditée à Charlottenburg, a paru de décembre 1843 à octobre 1844. Toutes les notes infrapaginales qui ont été rédigées pour la présente édition sont dues aux éditeurs et non aux auteurs.
- ↑ FAUCHER Jules (1820-1878) économiste allemand partisan du libre-échange et écrivain. A publié dans les Cahiers VII et VIII de la Literatur-Zeitung un article sur les « Questions à l'ordre du jour en Angleterre » dont il sera question plus loin. SZELIGA est le pseudonyme littéraire du Jeune-hégélien Franz Zychlin von Zychlinski (1816-1900). Collaborateur de l'Allgemeine Literatur-Zeitung et des Norddeutsche Blätter(Feuilles de l'Allemagne du Nord) de Bruno Bauer, il sera très souvent pris à partie par Marx non seulement dans La Sainte Famille, mais aussi dans L'Idéologie allemande.