Distinction sociale

De Wikirouge
(Redirigé depuis Snob)
Aller à la navigation Aller à la recherche
Affiche pour le film The Snob (1924)

Le distinction sociale est l'ensemble des procédés qu'utilisent les individus pour afficher une appartenance à un certain milieu social. C'est un concept étudié par la sociologie, notamment depuis Pierre Bourdieu. Cela inclut par exemple le snobisme ou le mépris de classe, mais aussi de nombreuses autres attitudes moins caricaturales et plus inconscientes.

1 Exemples historiques[modifier | modifier le wikicode]

1.1 Antiquité[modifier | modifier le wikicode]

Dans le Satyricon, on trouve déjà évoqué le thème du nouveau riche considéré comme de mauvais goût (l'affranchi Trimalcion).

À l'époque de l'Empire romain, pour récompenser les plébéiens méritants, l'empereur les autorisait à inscrire leurs enfants dans les écoles réservées à l'élite, aux patriciens (nobles). Cependant, pour bien marquer la différence entre les enfants nobles et ceux du peuple, les maîtres inscrivaient « s.nob. », abréviation de « sine nobilitate », en face du nom de ces derniers. Ceci est souvent présenté comme l'origine du terme moderne snob, mais la plupart des linguistes rejettent cette idée.[1]

1.2 Bourgeoisie et noblesse[modifier | modifier le wikicode]

Il y a une longue histoire de rivalités entre bourgeoisie et noblesse, évoluant au fil du temps. La noblesse a affiché du mépris de classe envers les bourgeois, les grands bourgeois ont imité les mœurs de la noblesse[2]... Lorsque la morale féodale s'est un peu affaiblie, de plus en plus bourgeois enrichis ont pu acheter des titres de noblesse. Cela a incité les nobles de familles anciennes (noblesse d'épée) à chercher à se distinguer de ces nouveaux nobles.

Lors de la révolution industrielle, avec l'essor de modes de vie bourgeois aux modes changeantes, de plus en plus de commentateurs observent des tendances à afficher certaines poses, certaines codes culturels et « intellectuels » sans grande profondeur. Le mot snob va être popularisé notamment par l'ouvrage satirique Le Livre des snobs (1848).

1.2.1 Parvenus[modifier | modifier le wikicode]

Souvent, il va davantage désigner des bourgeois parvenus, qui ont tendance à « en faire trop » pour se distinguer. Parfois, le terme snob a même été utilisé en opposition directe à noble (snobs / nobs au Royaume-Uni[3], chez Proust...).

On trouve le terme péjoratif de « parvenus » dans des romans de 1841-1842.[4][5][6]

1.3 Époque contemporaine[modifier | modifier le wikicode]

1.3.1 Nouveaux riches[modifier | modifier le wikicode]

Caricature d'un nouveau riche, affiche du film allemand Fräulein Raffke (1923).

Avec le temps le clivage bourgeoisie / noblesse a tendance à passer au second plan, même si la filiation avec une lignée de nobles très ancienne est toujours un plus dans les sommets de la société (à condition d'avoir aussi de l'argent). Cependant, la même dynamique se reproduit entre les nouveaux riches et les secteurs déjà établis de la bourgeoisie.

Par exemple aux États-Unis, même si l'aristocratie est quasiment inexistante, il existe un clivage entre la « old money » (les descendants des premiers colons européens) et ceux qui sont devenus riches par la suite.

L'expression « nouveau riche », apparue en France pendant l'entre-deux-guerres, est utilisée pour qualifier péjorativement les personnes qui se sont enrichies rapidement, parfois de manière suspecte (profiteurs de guerre notamment), et qui dépensent de manière ostentatoire leur argent.

Dans les années 1950 au Royaume-Uni et en Nouvelle-Angleterre, une distinction a fait parler d'elle, elle entre « U and non-U » (U désignait la Upper class et non-U désignait la petite-bourgeoisie).

Dans d'autres situations des expressions spécifiques désignent des couches de nouveaux riches : les « nouveaux Russes » enrichis souvent de façon mafieuse à la chute de l'URSS, les Donju apparus en Corée du Nord après la famine des années 1990...

1.3.2 Culture légitime et éclectisme[modifier | modifier le wikicode]

Un des phénomènes les connus est qu'il existe une culture légitime (tennis, opéra, classiques de la littérature, films d'auteur...) et une culture populaire (pétanque, films d'action, romans à l'eau de rose, télé-réalité...), dévalorisée et vue comme vulgaire.

Cependant ce ne sont pas les bourgeois qui affichent le plus grand mépris pour la culture populaire, mais plutôt les petits-bourgeois. Dans le domaine du langage, Bourdieu décrivait la tendance à « l'hypercorrection » comme un « phénomène caractéristique du parler petit-bourgeois ».[7] En effet, les classes moyennes, plus proches des classes populaires, recherchent davantage à marquer leur différence. Les bourgeois, qui ne courent pas le risque de « dégringoler » socialement, en ressentent moins le besoin.[V 1]

A l'inverse, au sein de la bourgeoisie ayant un fort capital culturel, certains aiment montrer leur capacité à manier différents registres, et afficher un goût pour l'éclectisme.[V 2]

2 Études sociologiques[modifier | modifier le wikicode]

Pierre Bourdieu publie en 1979 une étude sociologique intitulée La Distinction, Critique sociale du jugement, qui aura une grande influence. Il y reprend non seulement l'axe classique des classes sociales en termes de capital économique, mais définit également la notion de capital culturel et de capital social. Il y dresse un panorama de la société française, et montre comment les goûts (sports, loisirs, alimentation...) ne sont pas aléatoires mais chargés d'enjeux de distinction.

Espace social de Bourdieu.svg

Bourdieu a été critiqué par d'autres sociologues, sur des questions de rigueur méthodologique, mais aussi sur sa vision trop misérabiliste des classes populaires. En effet certains sociologues soutiennent qu'il y a deux écueils face aux questions de différences / inégalités culturelles entre classes :[8]

  • le misérabilisme, consistant à uniquement déplorer le manque d'instruction des classes populaires (qui peut être objectivé par exemple par le nombre de mots connus par les individus[9]), sans voir qu'il y a aussi des éléments de créativité spécifiques aux classes populaires, et des différences qui n'ont pas forcément à se lire en terme de mieux ou moins bien ;
  • le populisme, consistant à uniquement flatter les classes populaires, et revenant à nier les inégalités (ce qu'en général, les classes populaires elles-mêmes ne font pas).

3 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]

Vidéos

Textes

  1. « D’où vient le mot snob ? », sur Le Point, (consulté le 1er avril 2025)
  2. Une attitude moquée par Molière dans Le bourgeois gentilhomme (1670).
  3. Un article du Lincoln Herald en date du 22 juillet 1831 disait : « The snobs have lost their dirty seats – the honest nobs have got 'em. » (« Les snobs ont perdu les sièges qu'ils ne méritaient pas, et les honnêtes nobles les ont obtenus. »)
  4. « Parvenu » sur le CNRTL
  5. « Catherine était une Médicis, la fille de marchands florentins parvenus que les souverains de l'Europe n'avaient pas encore admis dans leur royale fraternité » (Balzac, Le Martyr Calviniste, 1841, p. 101)
  6. « Les parvenus (...) prétendent lutter avec l'argent contre la naissance et contre la supériorité intellectuelle. » (Reybaud, Jérôme Paturot à la recherche d'une position sociale, 1842, p.204).
  7. Pierre Bourdieu, revue Le français aujourd'hui, no 41, mars 1978, p. 4-20 et Supplément au no 41, p. 51-57.
  8. Claude Grignon, Jean-Claude Passeron, Le Savant et le Populaire, 1989
  9. Franceinfo, Ces Français qui manquent de vocabulaire, 16/10/2015