Pêche et aquaculture

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400 tonnes de chinchard pêchées au large du Chili

La pêche est une activité humaine de capture de poissons, crustacés ou mollusques pour l'alimentation.[1]

Depuis le développement très rapide des techniques dans le cadre hors de contrôle du capitalisme, la plupart des espèces pêchées sont menacées par la surpêche.

Aujourd'hui, 60% de la consommation provient de l'aquaculture.[A 1]

La pêche et l'aquaculture, comme la production de viande, génèrent d'importants rejets de gaz à effet de serre, et des perturbations des équilibres écologiques marins.

1 Impacts de la pêche[modifier | modifier le wikicode]

1.1 Situation[modifier | modifier le wikicode]

Aujourd'hui les trois quart des grandes réserves de pêche sont surexploitées, menacées de non-reproduction ou déjà épuisées.[2] Parmi les différentes espèces de poissons, 77 % seraient impactées à différents degrés, 8 % serait épuisées, 17 % surexploitées et 52 % exploitées à leur maximum. Les prises de poissons ont atteint un maximum de 100 millions de tonnes en l’an 2000 mais la production stagne depuis 1990 alors que les capacités de pêche ne cessent d’augmenter. Les individus capturés sont de moins en moins gros et de plus en plus jeunes.

Les espèces menacées sont de plus en plus nombreuses : le thon rouge en Méditerranée et dans l’Atlantique, la morue (cabillaud), le haddock de Mer du Nord, l'anguille d'Europe, la sardine en Californie, l’anchois du Chili / Pérou, voire le poulpe au large de la Mauritanie...

Même si la biodiversité marine est aussi attaquée par la pollution de l'eau (marées noires et autre...) et le changement climatique, c'est principalement la pêche excessive qui vide les océans.

Surexploitation morue surpêche.jpg

Par ailleurs, il ne peut pas y avoir de surpêche sans qu'il y ait de graves conséquences sur les écosystèmes marins. Par exemple, on sait que beaucoup d'oiseaux prédateurs sont menacés par le manque de proies, et il se pourrait bien qu'en retour, leur diminution ait des conséquences nocives : comme ils attrapent plutôt les poissons malades ou moins vifs, ils entretiennent une bonne santé globale des stocks.

1.2 Prémisse : les progrès techniques[modifier | modifier le wikicode]

Tant que les moyens de pêche étaient rudimentaires, les hommes ne pouvaient pas imaginer qu'ils étaient capables de vider les océans. Par exemple en 1609, un juriste proclamait « La pêche en mer est libre, car il est impossible d’en épuiser les richesses »[3].

Mais sur de petits écosystèmes, un peu d'ingéniosité a vite suffit à atteindre l'état de surpêche. Ainsi depuis au moins le 18e siècle, on savait poser des barrages[4] interceptant tous les saumons remontant un cours d'eau !

C'est la révolution industrielle qui a engendré de tels progrès techniques qu'elle a rendu possible la surpêche à grande échelle. Le problème a commencé à se poser un peu après sur les littoraux, comme avec les sardines de Douarnenez surexploitées dès la fin du19e siècle. Puis rapidement, cela a touché les océans.

Début 20e, les bateaux à vapeur remplacèrent les voiliers, les filets remplacèrent les lignes, puis devinrent maillants. On inventa la congélation à bord. Dès 1921 la General Foods inventa la machine à débiter les filets de morue. Vers 1950 des bateaux usines apparurent, le sonar fut utilisé pour détecter les bancs. La fuite en avant se poursuivit. Les gros armateurs de chaque pays compensèrent la raréfaction du poisson par l’augmentation de la taille des bateaux. Ils allèrent vider les eaux internationales à proximité de Terre-Neuve quand leurs propres eaux territoriales furent dépeuplées.

1.3 La surpêche capitaliste[modifier | modifier le wikicode]

Navire-usine Atlantis dans l'Oregon

C'est le progrès technique qui a rendu possible la surpêche, mais le fait qu'elle se poursuive aveuglément est le fait du capitalisme, ce système de concurrence effrénée pour le profit.

L'augmentation de la productivité n'est pas un problème en elle-même, au contraire puisqu'elle permet d'économiser du travail humain. Il y a en revanche deux principaux bémols :

  • cette productivité est aujourd'hui basée sur la combustion à outrance d'énergie fossile, qui n'est pas renouvelable, et surtout qui menace déjà la planète d'un dangereux changement climatique
  • le niveau de pêche actuel va plus vite que la reproduction naturelle

Le problème de fond c'est que les choix concernant ces moyens techniques surpuissants ne sont pas faits de façon démocratique, ce que les bourgeois légitiment puisque c'est leur "propriété privée".

Il aurait fallu depuis longtemps planifier la pêche en surveillant scrupuleusement le renouvèlement des stocks, mais la logique capitaliste mène à l'exact opposé. À aucun moment il n’y eut de concertation ou de réel programme pour préserver des zones de reproduction. Il a fallu la quasi disparition de la morue dans l’Atlantique Nord pour qu'un moratoire de sa pêche soit imposé en 1992.

Aujourd'hui, cette course aveugle a conduit à une absurdité : les bateaux-usines surdimensionnés qui ne pourront fonctionner que peu de temps... Comme l’Atlantic Dawn mis en service en 2000, irlandais puis racheté par des Néerlandais, pouvait traiter 15 % de la capacité irlandaise de pêche et peut traiter 30 t/heure, 400 t/jour de poisson (pour une capacité totale de 7 millions de kg de poisson surgelé en moins de 30 jours, avec chambre froide de 3000 t. Entre 1970 et 1990, le nombre de bateaux de plus de 100 tonnes a doublé. La pêche mondiale est aujourd’hui dominée par quelques gros industriels : 1 % de la flotte de pêche mondiale est responsable de 50% des prises.

En plus de sa surcapacité, cette pêche capitaliste a d'énormes dommages collatéraux. Les filets employés sont si fins qu'ils récupèrent bien plus que les poissons recherchés : 25 % des poissons (27 millions de tonnes) qui sont péchés sont rejetés morts à la mer car ils n’appartiennent pas aux espèces souhaitées (des dauphins, des tortues, des oiseaux marins...). Plus cynique encore : la bourse étant suivie en direct depuis les bateaux-usines, il arrive que les prises soient rejetées simplement parce que le prix de vente est jugé trop bas et donc la pêche pas assez rentable.

Non seulement les gouvernements bourgeois ne font rien de sérieux pour enrayer cette prédation mais leur politique la renforce. Les représentants français aux commissions internationales sur la pêche au thon s’opposent, par exemple, à toute limitation sérieuse des prélèvements qui permettrait le renouvellement des stocks. Il faut dire que les prises françaises de thons - qui représentent 20 % du total - sont deux fois plus importantes que les quotas autorisés.

Le gouvernement invoque la sauvegarde de l’emploi. Mais les petits pêcheurs sont les premières victimes de la raréfaction du poisson. Il en est de la pêche ce qu’il en fut pour l’agriculture dans les années 1960 et 1970 : les petits pêcheurs disparaissent mais les gouvernements utilisent leur détresse pour subventionner massivement les gros armateurs. Des centaines de millions d’euros ont été versés par l’Union européenne aux gros propriétaires au prétexte de réduire le nombre de bateaux.[5]

2 Aquaculture[modifier | modifier le wikicode]

Pêche en bleu ; aquaculture en vert

L'empreinte carbone de l'aquaculture varie considérablement en fonction de l'espèce et de la façon dont elle est pêchée. La moyenne pour les poissons d'élevage est de 6 kg d'équivalent CO2, et en général les petits poissons (anchois, maquereaux...) ont un impact plus faible, et les mollusques (huîtres, moules...) un impact très faible.

Les crevettes d'élevage ont un impact très négatif (18 kg eq. CO2), parce que ces élevages sont situés très majoritairement dans des régions d'Asie où ils prennent la place de forêts de mangroves détruites, or ces mangroves étaient d'énormes puits de carbone.[6]

Élever des poissons carnivores (bar, saumon, morue, brochet, thon, etc.) a un impact plus lourd qu'élever des poissons herbivores (carpes, tilapias...), puisqu'il faut d'abord récolter des poissons pour nourrir ces poissons (pêche minotière).[7]

Or, ce sont les poissons carnivores, plus gros et avec en proportion moins d'arêtes, qui sont préférés par les consommateurs.

Pour diminuer les impacts, les éleveurs ont maximisé ces dernières années la réutilisation des « déchets » de poisson (têtes, queues, peaux, arêtes, etc.) pour en faire des farines animales, et limiter le besoin de pêche. Mais cela ne suffit pas à inverser l'augmentation de la consommation mondiale.

La culture d'algues a en revanche beaucoup moins d'impact, mais la consommation d'algues par les occidentaux est très faible.[8]

3 Rapports impérialistes[modifier | modifier le wikicode]

Les premiers pays à avoir anéanti leurs stocks de poissons sont les pays où la bourgeoisie s'est développée le plus tôt (Europe occidentale, États-Unis, Japon). Ce sont ces pays qui les premiers ont étendu leur domination impérialiste au reste du monde, y compris dans la pêche. La raréfaction des ressources a poussé leurs flottes de pêche à piller les mers des pays du Sud.

Bien sûr il y a en théorie des règles dans ces pays, surtout depuis la "décolonisation" de façade, mais les grands capitalistes passent facilement outre. Parfois de façon carrément illégale, plus souvent par mille et une pressions, par exemple par un marchandage de leur dette. L’Union européenne, au nom des gros pêcheurs d'Europe, achète des droits dans les eaux territoriales des États de l’Afrique de l’Ouest et dans l’océan Pacifique. Il y a plus de 300 bateaux européens qui pêchent régulièrement au large de l’Afrique. Il va sans dire que les accords entre la puissante Union européenne et ces différents pays sont profondément inégalitaires. Les compensations financières n’arrivent pas jusqu’aux pêcheurs locaux. Des dizaines de milliers de petits pêcheurs ne peuvent survivre qu’en sous-traitant pour les bateaux de pêche européens. Du coup ils n’alimentent plus le marché local du poisson, dont les prix flambent.

Construction d'un élevage de crevettes en Indonésie

Dans les années 1960, la Mauritanie, aux eaux très poissonneuses était le pays dont la plus grande part des protéines consommées provenait de la mer. Suite à la vente des droits de pêche par le gouvernement, les poissons mauritaniens sont vendus sur les marchés occidentaux et ne sont plus accessibles au consommateur local.

L’arrivée de grosses flottes près des côtes prive les autochtones d’une ressource importante et pousse les pêcheurs à aller pêcher plus loin en mer pour une rentabilité moindre et de plus grands risques. De plus, la diminution des prises entraîne une augmentation des prix défavorable au consommateur pauvre. Une baisse de la consommation a déjà été observée en Asie du sud.

Les consommateurs du Nord privilégient les poissons comme le saumon, plus chers. Or pour nourrir les grands élevages de saumon de Norvège, on surpêche dans le Pacifique Sud.[7]

Cependant globalement, les vieux pays impérialistes d'Europe sont très peu présents sur le marché de l'aquaculture, qui est au contraire très concentré en Asie.[9]

Même des tensions entre pays du Nord existent. Ainsi, quand les bancs de la Mer du Nord commencèrent à s’épuiser, les bateaux britanniques allèrent racler les fonds près de l’Islande. Celle-ci réagit. À deux reprises, en 1958 puis en 1971, il y eut une véritable guerre de la morue entre l’Islande et le Royaume Uni : des navires de combat accompagnèrent les chalutiers britanniques dans les eaux poissonneuses de l’Islande.

4 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]

Audio

  1. Podcast Time to shit, #43: Mer nourricière 1/2 : la pêche et #45 Mer nourricière 2/2: l'aquaculture, Novembre 2024

Textes

  1. Wikipédia : Pêche, Surpêche, Aquaculture
  2. Selon la FAO, organisme de l'ONU pour l'alimentation mondiale.
  3. Grotius, Mare Liberum, 1609
  4. Un tel dispositif est ainsi décrit dans l'Encyclopédie de Diderot.
  5. Lutte ouvrière, Écologie : nature ravagée, planète menacée par le capitalisme !, Cercle Léon Trotsky n°106, Janvier 2007
  6. Isabelle Gerretsen, Systèmes alimentaires : quelle est la protéine qui produit le moins d'empreinte carbone ?, BBC Future, 24 décembre 2022
  7. 7,0 et 7,1 Bruno Parmentier, Privilégier l'élevage de poissons herbivores, Futura Sciences, Avril 2024
  8. Bruno Parmentier, Cultiver des algues, une vraie solution d’avenir , Futura Sciences, Avril 2024
  9. Bruno Parmentier, Développer l’aquaculture en Europe, pas seulement en Chine et en Asie, Futura Sciences, Avril 2024