Banquet communiste de Belleville
Un banquet communiste fut organisé à Belleville le [1], par Jean-Jacques Pillot, Théodore Dézamy et Corneille Homberg.
1 Contexte[modifier | modifier le wikicode]
La France était alors sous une monarchie constitutionnelle (Monarchie de Juillet), dominée par ce que Marx appelait « l'aristocratie financière ». Le suffrage était censitaire, et de nombreux réformateurs réclamaient, pour les plus modérés, un élargissement du suffrage, pour les plus radicaux (les républicains) le suffrage universel.
Étant donné la répression politique, certains commençaient à organiser des banquets, dans lesquels on parlait politique. Même si ce phénomène ne prendra vraiment son essor qu'au moment de la campagne des banquets (1847-1848), certains ont lieu en 1840. L'essentiel des contestataires sont des libéraux ou des républicains, mais à leur gauche se trouvent des républicains socialistes / communistes (ces termes se répandent depuis les années 1830). En particulier, un groupe de communistes néo-babouvistes (se réclamant de Gracchus Babeuf, actif pendant la Révolution française) décide d'organiser un banquet communiste.
2 Le banquet[modifier | modifier le wikicode]
C’est au domicile de Pillot (7, impasse du Paon, 11e arr., maintenant boul. Saint-Germain, 6e), qu’étaient distribués les billets d’entrée). Pillot présida de fait le banquet, qui se tint à Belleville, « chez Desnoyez », sorte de cabaret champêtre.[2]
Environ 1 200 personnes participèrent, dont 800 communistes, « les hommes des sociétés secrètes », « la majeure partie des sectionnaires » néobabouvistes, comme le note le préfet de police.
Plusieurs toasts furent portés. Par exemple, celui du coiffeur Rozier :
Citoyens, Des exploiteurs de révolutions s’intitulent nos défenseurs pour nous entraîner dans des réformes purement politiques. Or, isolée de la réforme sociale, la réforme politique est un odieux mensonge, car elle conserve la vieille société, et avec elle l’exploitation de l’homme par l’homme; parce qu’elle ne guérit pas les tortures morales et les souffrances physiques du peuple; par que si les exploités veulent jouir de leurs droits politiques, les exploiteurs cruels et jaloux les jetteront à la rue, où ils seront en proie à la misère; par conséquent les travailleurs sacrifieront leurs droits à leur existence, ou bien, s’ils ne peuvent renoncer à toute dignité humaine, ils prendront les armes; mais aussi la tyrannie sera d’autant plus dangereuse que c’est sur une constitution en apparence démocratique qu’on s’appuiera pour les mitrailler. Donc les révolutionnaires sans principes ont tendu un piège à l’intelligence humaine en proclamant une réforme exclusivement politique, affligés qu’ils étaient et qu’ils sont encore des progrès et de la vérité des principes communistes ; ils ont pensé qu’en occupant le peuple d’insurrection et de combat, ils lui feraient oublier ses principes de fraternité et d’égalité réelle. Vous vous êtes trompés, messieurs les jouisseurs, messieurs les routiniers politiques. Le peuple a enfin compris que vous n’avez pu le détourner des idées sociales qui seules doivent accomplir le bonheur de l’humanité; ce qu’il veut, c’est la satisfaction de ses besoins physiques et moraux. Si pour arriver à ce but, nous, communistes, nous parlions pour le moment de réforme politique, nous serions des niais sans conviction, ou des explorateurs comme cette foule d’intrigants qui éternisent l’exploitation physique et morale du peuple, spéculant sur ses erreurs qu’ils s’efforcent d’entretenir. Nous le répétons donc hautement: A l’égale répartition des droits et des devoirs, c’est-à-dire à la communauté des travaux et des jouissances ![3]
Le compte rendu en fut publié en septembre sous le titre Premier Banquet communiste, le 1er juillet 1840. Publié par le comité de rédaction : J.-J Pillot, Th. Dezamy, Dutilloy, Homberg.[4][5]
3 Répression[modifier | modifier le wikicode]
Dès septembre Pillot était arrêté, écroué le 8 à Sainte-Pélagie et poursuivi pour communisme et association illicite, ainsi que de détention de munitions de guerre, en compagnie de six autres inculpés. Il s’agissait d’une « secte communiste » qui rêvait « l’anéantissement du droit de propriété » et son remplacement par un « système de communauté égalitaire »...
4 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]
- « Notice Pillot Jean-Jacques dit Docteur Pillot », sur maitron.fr, Le Maitron, dictionnaire bibliographique du mouvement ouvrier et du mouvement social, Association Les Amis du Maitron (consulté le 17 août 2021)
- Jean Stouff, Le temps où l'opposition banquetait, 2019
- ↑ Alain Maillard, « Introduction », Cahiers d'histoire, n° 77, 4e trimestre de 1999 « Les communistes dans la première moitié du XIXe siècle »
- ↑ Du Grand St Martin aux Folies Belleville
- ↑ La bataille socialiste, Allocution du coiffeur Rozier au Banquet communiste de Belleville (1840)
- ↑ Référence sur le site de la BNF
- ↑ Gian Mario Bravo, Les Socialistes avant Marx, (tome 2), Paris, F. Maspéro, 1979