Friedrich Engels

De Wikirouge
(Redirigé depuis Engels)
Aller à la navigation Aller à la recherche
Friedrich-Engels.jpg

Friedrich Engels (1820-1895) est, avec Karl Marx, dont il fut l'ami et le collaborateur, l'un des fondateurs du socialisme scientifique. Son oeuvre constitue l'une des principales références théoriques des militants et des intellectuels marxistes.

1 Biographie[modifier | modifier le wikicode]

1.1 Enfance[modifier | modifier le wikicode]

Friedrich Engels naît en 1820 à Barmen, ville de Prusse rhénane, dans la famille d'un fabricant textile. Sa région natale est la région d'Allemagne où le Capitalisme s'est développé le plus tôt. Engels a pu observer, dès son enfance, les méfaits du capitalisme. Ses Lettres de Wuppertal décrivent, avec une sincère compassion, la vie des ouvriers et artisans de sa ville.

Le père d'Engels était un homme très religieux et conservateur. Contrairement à ses sept frères et soeurs, Friedrich Engels échappe au conformisme familial et développe un esprit d'analyse aigu, ce qui inquiète fort ses parents.

En 1837, Friedrich Engels est contraint d'arrêter ses études, car son père veut l'associer à son propre travail pour en faire un commerçant. Face au peu d'appétit de Friedrich pour cette carrière, son père l'envoie chez un pasteur protestant à Brême. C'est précisément dans ce cadre que le jeune Friedrich est assailli de doutes quant à la religion, et perd la foi pour toujours. Il s'intéresse de plus en plus aux problèmes économiques et sociaux. A Brême, grand port commercial, Engels peut s'informer en lisant des journaux étrangers et des livres interdits dans le reste de l'Allemagne. Il acquiert aussi de la sorte une certaine connaissance des langues étrangères.

1.2 Début des activités révolutionnaires[modifier | modifier le wikicode]

Engels commence à cette époque ses activités de journaliste. Dans les articles qu'il publie dans le Telegraph für Deutschland, Engels apparaît comme un véhément démocrate révolutionnaire qui prend parti en faveur des opprimés, contre la monarchie, la propriété féodale de la terre, le pouvoir de la bureaucratie. Il promeut un État allemand démocratique et unifié, tout en s'opposant aux aspirations hégémoniques de la Prusse.

1.3 Engels jeune-hégélien[modifier | modifier le wikicode]

Friedrich-Engels-Jeune.png

En 1841 Engels se rend à Berlin pour s'acquitter du service militaire obligatoire, et s'engage volontairement dans une brigade d'artillerie. Pendant son temps libre, il suit des cours de philosophie à l'Université de Berlin.

Les années 1830 voient se multiplier les soulèvements ouvriers dans différents pays d'Europe, avec notamment les révoltes de canuts lyonnais en 1831 et 1834. En 1832 naît en Angleterre le premier mouvement ouvrier organisé d'Europe, le mouvement chartiste.

Ce renouveau militant a également un versant intellectuel. A la fin des années 1830 et au début des années 1840, différents groupes critiques apparaissent dans les milieux intellectuels allemands. Parmi eux, le mouvement "jeune hégélien", qu'Engels fréquente à l'Université de Berlin. Ce groupe comprend notamment les frères Bruno et Edgar Bauer et Max Stirner. Marx a fait partie de ce groupe, mais il a, à cette époque, quitté la ville. Dans des articles anonymes qu'il produit alors, Engels défend le contenu rationnel et progressiste de la philosophie hégélienne, tout en pointant les contradictions qu'il y a entre la méthode dialectique de Hegel et son conservatisme politique. En critiquant la dimension mystique et religieuse des idées du philosophe Schelling, Engels est le premier néo-hégélien à revendiquer ouvertement son athéisme. Même si Engels est encore idéaliste à l'époque, ses écrits contre Schelling laissent entrevoir son virage futur vers le matérialisme. Les écrits d'Engels diffèrent également des autres écrits néo-hégéliens par leur dimension militante et révolutionnaire.

1.4 Premiers grands textes[modifier | modifier le wikicode]

Engels, modeste, a souvent insisté sur l'apport considérable de la pensée de Marx dans l'élaboration de sa propre pensée. Mais l'inverse est vrai aussi. En 1844, Engels publie un article intitulé "Contribution à la critique de l'économie politique" pour les Annales franco-allemandes. Cette revue est publiée à Paris par Arnold Ruge et par Karl Marx, qui à l'époque se situe encore sur le terrain de la défense de la démocratie contre l'impérialisme prussien. C'est Engels qui, par son article, ouvre les yeux de Marx sur la nature du système capitaliste. En 1845, Engels écrit un ouvrage intitulé La situation de la classe laborieuse en Angleterre, où il est le premier à formuler, avant Marx, donc, l'idée que le prolétariat n'est pas qu'une classe qui souffre, mais aussi une classe dont la situation économique intolérable l'oblige à lutter pour son émancipation. En 1847, il écrit les Principes du communisme, qui serviront de canevas au Manifeste du parti communiste.

1.5 Marx et Engels[modifier | modifier le wikicode]

1.5.1 Débuts de la collaboration[modifier | modifier le wikicode]

Marx et Engels font connaissance à Paris en 1844. Dès lors s'engage entre les deux hommes une collaboration de toute une vie, fondée sur la confiance et l'amitié, mais aussi sur une communauté profonde d'idées et sur la croyance partagée dans le rôle historique que le prolétariat est appelé à jouer. Leur réflexion commune donne naissance à deux livres importants : La Sainte Famille (1844) et L'Idéologie allemande (1846). Dans ces ouvrages, Marx et Engels règlent leur compte aux jeunes hégéliens et défendent le matérialisme dialectique.

En particulier, le matérialisme dialectique rompt avec un matérialisme vulgaire qui ne reconnaîtrait aucun rôle actif à la conscience. Marx et Engels ne séparent pas le combat théorique du prolétariat de son combat pratique. Loin d'être des savants en chambre, Marx et Engels ont des soucis très concrets relatifs à l'organisation politique du prolétariat. Leur célèbre Manifeste(1847) se veut le programme de la Ligue des communistes, une organisation qui s'apprête à prendre part aux combats qui s'annoncent. En 1848, Engels, comme Marx, participe activement aux révolutions bourgeoises qui éclatent en Europe. Ils publient en Allemagne un quotidien, la Nouvelle Gazette rhénane, qui devient un instrument de combat. Engels s'engage dans les troupes révolutionnaires dans le pays de Bade.

1.5.2 Exil anglais et militantisme révolutionnaire[modifier | modifier le wikicode]

Après l'échec de la vague révolutionnaire, Engels et Marx s'exilent à Londres. Engels travaille, jusqu'en 1870, dans l'usine de sa famille à Manchester. Mais l'exil ne paralyse pas la participation des deux hommes aux combats de classe. Ils continuent à agir au sein de la Ligue des communistes jusqu'à la dissolution de cette dernière, en 1852.

En 1864, dans une période de montée des mouvements ouvriers, Marx et Engels participent activement à la création de l'Association internationale des travailleurs. Engels rejoint le Conseil général de l'AIT en 1870. C'est lui qui, après la Commune de Paris, animera le service d'aide matérielle aux émigrés communards réfugiés à Londres. Au sein du Conseil général, Marx et Engels mènent côte à côte différents combats, comme le soutien à la Commune de Paris, mais aussi la lutte contre l'Association de la Démocratie socialiste de Bakounine. En 1872, au congrès de La Haye de l'AIT, c'est Engels qui rédige l'essentiel du rapport contre les bakouninistes.

L'AIT s'éteint en 1876, en raison de l'affaiblissement du prolétariat consécutif à l'échec et à la répression de la Commune de Paris. Marx et Engels suivent de très près le développement des partis ouvriers qui apparaissent dans différents pays d'Europe, activité qu'Engels poursuivra après la mort de Marx. Ils interviennent notamment auprès du Parti social-démocrate allemand : Engels écrit en 1891 la Critique du programme d'Erfurt. Au soir de sa vie, Engels expliquera que rien pour lui n'avait été plus passionnant que le travail de propagandisme militant, tel que celui qu'il avait mené, de façon clandestine, dans la Nouvelle Gazette rhénane en 1848 et dans le Sozialdemokrat allemand, alors clandestin, dans les années 1880.

1.5.3 Collaboration intellectuelle avec Marx[modifier | modifier le wikicode]

La collaboration de Marx et Engels a été particulièrement féconde sur un plan théorique. Les ouvrages d'Engels, comme L'Anti-Dühring (1878) et L'Origine de la famille, de la propriété privée et de l'Etat (1884) doivent beaucoup à Marx. Réciproquement, Le Capital de Marx n'aurait jamais vu le jour sans Engels : toutes les hypothèses contenues dans cet ouvrage majeur ont fait l'objet de longues et fructueuses correspondances entre les deux hommes. Engels, impliqué directement dans le fonctionnement d'une entreprise capitaliste à Manchester, a pu livrer à son ami des informations de première main. C'est également Engels qui, après la mort de Marx, a mis en forme les brouillons du Capital pour éditer les livres II (1885) et III (1894).

De sa part dans l'élaboration de la théorie communiste et le fait qu'elle soit finalement restée surtout liée au nom de Marx, Engels disait en 1888 :

« Je ne puis nier moi-même avoir pris, avant et pendant ma collaboration de quarante années avec Marx, une certaine part personnelle tant à l'élaboration que surtout au développement de la théorie. Mais la plus grande partie des idées directrices fondamentales, particulièrement dans le domaine économique et historique, et spécialement leur formulation définitive, rigoureuse, sont le fait de Marx. Ce que j'y ai apporté - à l'exception, tout au plus, de quelques branches spéciales - Marx aurait bien pu le réaliser sans moi. Mais ce que Marx a fait je n'aurais pas pu le faire. Marx nous dépassait tous, il voyait plus loin, plus large et plus rapidement que nous tous. Marx était un génie, nous autres, tout au plus des talents. Sans lui la théorie serait aujourd'hui bien loin d'être ce qu'elle est. C'est donc à juste titre qu'elle porte son nom.  »[1]

1.5.4 Les différences entre Marx et Engels[modifier | modifier le wikicode]

La plupart des marxistes mettent en avant la grande harmonie de vues entre les deux hommes. Mais de nombreux auteurs, marxistes ou non, ont défendu qu'ils n'avaient pas exactement la même pensée, ou du moins qu'Engels après la mort de Marx aurait divergé de la pensée de Marx.

Jean-Paul Sartre a soutenu que le vieil Engels était ainsi devenu réformiste, lorsqu'il soutenait le progrès électoral graduel du parti social-démocrate allemand.[2]

Maximilien Rubel (et d'autres) a soutenu qu'Engels avait créé un marxisme ossifié, éloigné de la pensée dialectique de Marx.

1.6 Engels et la IIe Internationale[modifier | modifier le wikicode]

Outre son apport théorique, Engels a permis que soit légué, après la mort de Marx, une expérience et des principes organisationnels légués jusqu'à la IIIe Internationale. En 1889, Engels pèse de tout son poids pour écarter vaincre l'opportunisme au congrès de fondation de la IIe Internationale, fondation qu'il juge rendue nécessaire par l'activité d'intrigants et la renaissance de l'anarchisme. Jusqu'à sa mort Engels luttera contre l'opportunisme qui se développe notamment dans la social-démocratie allemande, ainsi que contre l'anarchisme.

L'inféodation de l'Internationale aux opportunistes comme Bernstein et Kautsky allait déboucher sur l'éclatement de l'organisation en 1914. Cependant, les principes affirmés et légués par Engels, comme l'internationalisme et la défense du centralisme organisationnel, ne seraient pas perdus par l'aile gauche de la Seconde Internationale qui, avec Lénine, Rosa Luxemburg et d'autres, allait reprendre le flambeau de la révolution.

2 Principaux ouvrages[modifier | modifier le wikicode]

Voici une liste des principaux ouvrages (les plus importants et/ou ou les plus connus) d'Engels, écrits seuls ou avec Marx :

3 Sources[modifier | modifier le wikicode]

3.1 Etudes biographiques et scientifiques[modifier | modifier le wikicode]

  • Tristram Hunt, Engels, Le gentleman révolutionnaire, Flammarion,‎ 2009, 591 p.
  • Mohamed Moulfi, Engels, philosophie et science, L'Harmattan, 2004, 244 p.
  • Georges Labica, Mireille Delbraccio et al, Friedrich Engels, Savant et révolutionnaire, PUF, coll. « Actuel Marx confrontation »,‎ 1997, 448 p

3.2 Liens internet[modifier | modifier le wikicode]

4 Références[modifier | modifier le wikicode]

5 Citations[modifier | modifier le wikicode]

5.1 Correspondances[modifier | modifier le wikicode]

Avec Weiner Sombart :

Toute la manière de concevoir, chez Marx, ce n'est pas une doctrine, c'est une méthode. Elle n'offre pas de dogmes tout apprêtés, mais des points de repère pour une recherche ultérieure, et la méthode de cette recherche.
  • in Le Capital de Karl Marx, Friedrich Engels, éd. Folio Essai, 2008  (ISBN 978-2-07-035574-7), t. 1, partie Introduction générale par Maximilien Rubel (1968), p. 74

Avec T. Cuno, 24 janvier 1872 :

En conséquence, comme le mal principal est pour [Bakounine] l'État, il faudrait avant tout supprimer l'État et le capital s'en irait alors de lui-même au diable; À l'opposé nous disons : Abolissez le capital, concentration des moyens de production entre quelques mains, et l'État tombera de lui-même.
  • In Karl Marx - Une vie entre romantisme et révolution (Lettre de F. Engels à T. Cuno, 24 janvier 1872. In K. Marx F. Engels, Correspondance (pp. 28-29). vol 12 (MEC XII). Édition sociale 1977.), Bernard Cottret, éd. Perrin, 2010  (ISBN 978-2-262-03270-8), chap. L'effondrement de l'internationale, La conférence de Londre, p. 297

Avec Auguste Bebel

D'un pays à l'autre, d'une province à l'autre, voire d'un endroit à l'autre, il y aura toujours une certaine inégalité dans les conditions d'existence, inégalité que l'on pourra bien réduire au minimum, mais non faire disparaître complètement
  • Engels, Le gentlemen révolutionnaire (lettre a A. Bebel, 1875), Tristan Hunt, éd. Flammarion, 2009, p. 351
Se représenter la société socialiste comme l'Empire de l'égalité est une conception française trop étroite
  • Engels, Le gentlemen révolutionnaire (lettre a A. Bebel, 1875), Tristan Hunt, éd. Flammarion, 2009, p. 351 (texte intégral sur Wikisource)
comme toutes les conceptions trop étroites des écoles socialistes qui nous ont précédés, devrait à présent être dépassée, puisqu'elle ne crée que de la confusion dans les esprits et qu'elle a été remplacée par des conceptions plus précises et répondant mieux aux réalités.
  • Critique des programmes de Gotha et d'Erfurt (lettre), Engel, éd. Éditions Sociales, 1949, chap. Engels, SUR LE PROGRAMME DE GOTHA, Lettre à A. Bebel, 1875, p. 39 (texte intégral sur Wikisource)

Avec Joseph Bloch

D'après la conception matérialiste de l'histoire, le facteur déterminant dans l'histoire est, en dernière instance, la production et la reproduction de la vie réelle. Ni Marx, ni moi n'avons jamais affirmé davantage. Si, ensuite, quelqu'un torture cette proposition pour lui faire dire que le facteur économique est le seul déterminant, il la transforme en une phrase vide, abstraite, absurde.
Nous faisons notre histoire nous-mêmes, mais, tout d'abord, avec des prémisses et dans des conditions très déterminées. Entre toutes, ce sont les conditions économiques qui sont finalement déterminantes. Mais les conditions politiques, etc., voire même la tradition qui hante les cerveaux des hommes, jouent également un rôle, bien que non décisif.
C'est Marx et moi-même, partiellement, qui devons porter la responsabilité du fait que, parfois, les jeunes donnent plus de poids qu'il ne lui est dû au côté économique. Face à nos adversaires, il nous fallait souligner le principe essentiel nié par eux, et alors nous ne trouvions pas toujours le temps, le lieu, ni l'occasion de donner leur place aux autres facteurs qui participent à l'action réciproque. Mais dès qu'il s'agissait de présenter une tranche d'histoire, c’est-à-dire de passer à l'application pratique, la chose changeait et il n'y avait pas d'erreur possible.
  • Lettre à Joseph Bloch (Publiée pour la première fois dans le Sozialistische Akademiker, 1895. Berlin, pp. 351-353), Friedrich Engels, éd. marxist.org, 1880, p. [en ligne]

5.2 Manifeste du Parti communiste, 1848 (avec Karl Marx)[modifier | modifier le wikicode]

Voir le recueil de citations : Manifeste du Parti communiste

5.3 Anti-Dühring, 1878[modifier | modifier le wikicode]

... [Les principes philosophiques, dialectiques matérialistes] ne sont pas le point de départ de la recherche mais son résultat final; ils ne sont pas appliqués à la nature et à l'histoire des hommes mais abstraits de celle-ci; ce ne sont pas la nature et l'empire de l'homme qui se conforment aux principes, mais les principes ne sont exacts que dans la mesure où ils sont conformes à la nature et à l'histoire.
  • Anti-Dühring, Friedrich Engels (trad. Émile Bottigelli), éd. sociales, 1971, p. 66
... en caractérisant le processus comme négation de la négation, Marx ne pense pas à démontrer par là la nécessité historique, au contraire; c'est après avoir démontré par l'histoire comme en fait, le processus s'est réalisé, en partie doit forcément se réaliser encore, que Marx le désigne en outre comme un processus qui s'accomplit selon une loi dialectique déterminée.
  • Anti-Dühring, Friedrich Engels (trad. Émile Bottigelli), éd. sociales, 1971, p. 162
Avec la prise de possession des moyens de production par la société, la production marchande est éliminée, et par suite, la domination du produit sur le producteur. L'anarchie à l'intérieur de la production sociale est remplacée par l'organisation planifiée consciente. La lutte pour l'existence individuelle cesse. Par là, pour la première fois, l'homme se sépare, dans un certain sens, définitivement du règne animal, passe de conditions animales d'existence à des conditions réellement humaines. Le cercle des conditions de vie entourant l'homme, qui jusqu'ici dominait l'homme, passe maintenant sous la domination et le contrôle des hommes qui, pour la première fois, deviennent des maîtres réels et conscients de la nature, parce que et en tant que maîtres de leur propre vie en société.
  • Anti-Dühring, Friedrich Engels (trad. Émile Bottigelli), éd. sociales, 1971, chap. II (« Notions théoriques »), p. 319

Or, toute religion n'est que le reflet fantastique, dans le cerveau des hommes, des puissances extérieures qui dominent leur existence quotidienne, reflet dans lequel les puissances terrestres prennent la forme de puissances supra-terrestres.

Dans les débuts de l'histoire, ce sont d'abord les puissances de la nature qui sont sujettes à ce reflet et qui dans la suite du développement passent, chez les différents peuples, par les personnifications les plus diverses et les plus variées. […]

Mais bientôt, à côté des puissances naturelles, entrent en action aussi des puissances sociales, puissances qui se dressent en face des hommes, tout aussi étrangères et au début, tout aussi inexplicables, et les dominent avec la même apparence de nécessité naturelle que les forces de la nature elles-mêmes. Les personnages fantastiques dans lesquels ne se reflétaient au début que les forces mystérieuses de la nature reçoivent par là des attributs sociaux, deviennent les représentants de puissances historiques. A un stade plus avancé encore de l'évolution, l'ensemble des attributs naturels et sociaux des dieux nombreux est reporté sur un seul dieu tout-puissant, qui n'est lui-même à son tour que le reflet de l'homme abstrait. C'est ainsi qu'est né le monothéisme, qui fut dans l'histoire le dernier produit de la philosophie grecque vulgaire à son déclin et trouva son incarnation toute prête dans le Dieu national exclusif des Juifs, Yahvé.

  • Anti-Dühring, Friedrich Engels (trad. Émile Bottigelli), éd. sociales, 1971, chap. V (« État, famille, éducation »), p. 353
Si jamais l'humanité en arrivait à ne plus opérer qu'avec des vérités éternelles, des résultats de pensée ayant une validité souveraine et un droit absolu à la vérité, cela voudrait dire qu'elle est au point où l'infinité du monde intellectuel est épuisée en acte comme en puissance, et ainsi accompli le fameux prodige de l'innombrable nombré.
  • Anti-Dühring, Friedrich Engels (trad. Émile Bottigelli), éd. sociales, 1971, chap. IX (« La morale et le droit. Vérités éternelles »), p. 118
Dès l'instant où la propriété privée des objets mobiliers s'était développée, il fallait bien que toutes les sociétés où cette propriété privée prévalait eussent en commun le commandement moral : tu ne voleras point. Est-ce que par là ce commandement devient un commandement moral éternel ? Nullement. Dans une société où les motifs de vol sont éliminés, où par conséquent, à la longue, les vols ne peuvent être commis que par des aliénés, comme on rirait du prédicateur de morale qui voudrait proclamer solennellement la vérité éternelle : Tu ne voleras point !
  • Anti-Dühring, Friedrich Engels (trad. Émile Bottigelli), éd. sociales, 1971, chap. IX (« La morale et le droit. Vérités éternelles »), p. 123
La liberté n'est pas dans une indépendance rêvée à l'égard des lois de la nature, mais dans la connaissance de ces lois et dans la possibilité donnée par là même de les mettre en œuvre méthodiquement pour des fins déterminées.
  • Anti-Dühring, Friedrich Engels (trad. Émile Bottigelli), éd. sociales, 1971, chap. XI (« La morale et le droit. Liberté et nécessité »), p. 143

Rousseau voit donc un progrès dans la naissance de l'inégalité. Mais ce progrès était antagoniste, c'était en même temps un recul.

(...).

Tout nouveau progrès de la civilisation est en même temps, un nouveau progrès de l'inégalité, Toutes les institutions que se donne la société née avec la civilisation, tournent de leur but primitif.

(...)

Et cependant, ces chefs deviennent nécessairement les oppresseurs des peuples et renforcent cette oppression jusqu'au point où l'inégalité, poussée à son comble, se retransforme en son contraire, devient cause de l'égalité : devant le despote tous sont égaux, à savoir égaux à zéro.

(...).

Mais le despote n'est maître tant qu'il à la violence et c'est pourquoi

"sitôt qu'on peut l'expulser, il n'a point à réclamer contre la violence... La seule force le maintenait, la seule force le renverse. Toutes choses se passent selon l'ordre naturel".

Et ainsi, l'inégalité se change derechef en égalité, non toutefois en cette vieille égalité naturelle de l'homme primitif privé de la parole, mais dans l'égalité supérieur du contrat social. Les oppresseurs subissent l'oppression. C'est la négation de la négation. Nous n'avons donc pas seulement chez Rousseau une marche de la pensée qui ressemble à s'y méprendre à celle qui est suivie dans le Capital de Marx, mais même dans les détails toute une série des tournures dialectiques dont Marx se sert : processus, qui part nature, sont antagoniste et contiennent une contradiction; transformation d'un extrême en son contraire; enfin comme noyau de l'ensemble, la négation de la négation. (...) Et quand M. Dürhing (...), en affadissant la théorie de l'égalité de Rousseau, il est déjà sur la pente par laquelle il glisse sans rémission dans les bras de la négation de la négation.

  • Anti-Dühring, Friedrich Engels (trad. Émile Bottigelli), éd. Science Marxiste, 2007, chap. XIII. Dialectique. Négation de la négation, p. 176-177

5.4 Socialisme utopique et socialisme scientifique, 1880[modifier | modifier le wikicode]

Qu'est-ce que l'agnoticisme, sinon un matérialisme honteux ?
  • Socialisme utopique et socialisme scientifique, Friedrich Engels (trad. Paul Lafargue), éd. Librairie de l'Humanité, 1924, Introduction, « L'agnoticisme anglais, matérialisme honteux », p. 26
La preuve du pudding, c'est qu'on le mange.
  • Socialisme utopique et socialisme scientifique, Friedrich Engels (trad. Émile Bottigelli), éd. sociales, 1977, Introduction, p. 35
Le socialisme est pour eux tous l'expression de la vérité, de la raison et de la justice absolues, et il suffit qu'on le découvre pour qu'il conquière le monde par la vertu de sa propre force; comme la vérité absolue est indépendante du temps, de l'espace et du développement de l'histoire humaine, la date et le lieu de sa découverte sont un pur hasard. […] Pour faire du socialisme une science, il fallait d'abord le placer sur un terrain réel.
  • Socialisme utopique et socialisme scientifique, Friedrich Engels (trad. Émile Bottigelli), éd. sociales, 1977, partie 1 (« Socialisme utopique »), p. 113

Ce n'est que dans le cas où les moyens de production et de communication sont réellement trop grands pour être dirigés par les sociétés par actions, où donc l'étatisation est devenue une nécessité économique, c'est seulement en ce cas qu'elle signifie un progrès économique, même si c'est l'État actuel qui l'accomplit ; qu'elle signifie qu'on atteint à un nouveau stade, préalable à la prise de possession de toutes les forces productives par la société elle-même. Mais on a vu récemment

[…] apparaître certain faux socialisme qui même, çà et là, a dégénéré en quelque servilité, et qui proclame socialiste sans autre forme de procès, toute étatisation […].

Évidemment, si l'étatisation du tabac était socialiste, Napoléon et Metternich compteraient parmi les fondateurs du socialisme. […] ce n'était nullement là des mesures socialistes, directes ou indirectes, conscientes ou inconscientes. Autrement ce seraient des institutions socialistes que la Société royale de commerce maritime, la Manufacture royale de porcelaine, voire l'étatisation proposée avec le plus grand sérieux […] par un gros malin, - celle des bordels.

  • Socialisme utopique et socialisme scientifique, Friedrich Engels (trad. Paul Lafargue), éd. sociales, 1973, partie 2 (« Socialisme scientifique »), chap. Vers l'élimination du capitalisme individuel, p. 109 (note 1)
Le premier acte par lequel l'État se constituera réellement le représentant de toute la société, — la prise de possession des moyens de production au nom de la société, — sera en même temps son dernier acte en tant qu'État. Le gouvernement des personnes fera place à l'administration des choses et à la direction de la production. La société libre ne peut pas tolérer un État entre elle et ses membres.
  • Socialisme utopique et socialisme scientifique, Friedrich Engels (trad. Paul Lafargue), éd. Librairie de l'Humanité, 1924, partie 2 (« Socialisme scientifique »), chap. Mission du prolétariat : abolition des classes et des États de classe, p. 89

5.5 Introduction à la Guerre Civile en France de Karl Marx,1891[modifier | modifier le wikicode]

...l'ironie de l'histoire a voulu - comme toujours quand des doctrines arrivant au pouvoir - que les uns comme les autres fissent le contraire de ce que leur prescrivait leur doctrine d'école.
  • Sur la Commune de Paris, Marx, Engel, Lénine, éd. Les Éditions du Progrès, 1971, La Guerre Civil en France, p. 16 (texte intégral sur Wikisource)
La Commune instituait une organisation de la grande industrie et même de la manufacture qui devait non seulement reposer sur l'Association des Travailleurs dans chaque fabrique, mais aussi réunit toutes ces associations dans une grande fédération; bref, une organisation qui comme Marx le dit trés justement dans la Guerre civil, devait aboutir finalement au communisme...
  • Sur la Commune de Paris, Marx, Engel, Lénine, éd. Les Éditions du Progrès, 1971, La Guerre Civil en France, p. 16 (texte intégral sur Wikisource)
Pour éviter cette transformation, inévitable dans tous les régimes antérieurs, de l'État et des organes de l'État, à l'origine serviteurs de la société, en maîtres de celle-ci, la Commune employa deux moyens infaillibles. Premièrement, elle soumit toutes les places de l'administration, de la justice et de l'enseignement au choix des intéressés par élection au suffrage universel, et, bien entendu, à la révocation à tout moment par ces mêmes intéressés. Et, deuxièmement, elle ne rétribua tous les services, des plus bas aux plus élevés, que par le salaire que recevaient les autres ouvriers.Le plus haut traitement qu'elle payât était de 6 000 francs. Ainsi on mettait le holà à la chasse aux places et à l'arrivisme, sans parler de la décision supplémentaire d'imposer des mandats impératifs aux délégués aux corps représentatifs. Cette destruction de la puissance de l'État tel qu'il était jusqu'ici et son remplacement par un pouvoir nouveau, vraiment démocratique, sont dépeints en détail dans la troisième partie de La Guerre civile.
  • Sur la Commune de Paris, Marx, Engel, Lénine, éd. Les Éditions du Progrès, 1971, La Guerre Civil en France, p. 19 (texte intégral sur Wikisource)
Mais, en réalité, l'État n'est rien d'autre qu'un appareil pour opprimer une classe par un autre, et cela, tout autant dans la république démocratique que dans la monarchie; le moins qu'on puisse en dire, c'est qu'il est un mal dont hérite le prolétariat vainqueur dans la lutte pour la domination de classe et dont, tout comme la Commune, il ne pourra s'empêcher de rogner aussitôt au maximum les côtés les plus nuisibles, jusqu'à ce qu'une génération grandie dans des conditions sociales nouvelles et libres soit en état de se défaire de tout ce bric-à-brac de l'État.
  • Sur la Commune de Paris, Marx, Engel, Lénine, éd. Les Éditions du Progrès, 1971, La Guerre Civil en France, p. 19 (texte intégral sur Wikisource)
Le philistin social-démocrate a été récemment saisi d'une terreur salutaire en entendant prononcer le mot de dictature du prolétariat. Eh bien, messieurs, voulez-vous savoir de quoi cette dictature a l'air  ? Regardez la Commune de Paris. C'était la dictature du prolétariat.
  • Sur la Commune de Paris, Marx, Engel, Lénine, éd. Les Éditions du Progrès, 1971, La Guerre Civil en France, p. 20 (texte intégral sur Wikisource)

5.6 L'origine de la famille, de la propriété privée et de l’État, 1874[modifier | modifier le wikicode]

Dans la famille, l'homme est le bourgeois ; la femme joue le rôle du prolétariat.
  • L'origine de la famille, de la propriété privée et de l’État, Friedrich Engels, éd. marxists.org, 1874, partie II (« La famille »), chap. 4, La famille monogamique, p. nc