Avant-propos et Introduction

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Avant-propos[modifier le wikicode]

Ce livre a été composé sur le même modèle que l'ABC du Communisme. Il va de soi qu'il doit être lu après l'A B C; son sujet même est beaucoup plus ardu et, par suite, son exposé plus difficile à comprendre, bien que l'auteur se soit efforcé de le traiter d'une façon aussi populaire que possible. Ceci dit, cet ouvrage est écrit avant tout pour les ouvriers désireux de s'initier aux théories marxistes.

L'auteur a choisi le thème du matérialisme historique, parce qu'un exposé systématique de cette base fondamentale de la théorie marxiste faisait jusqu'ici défaut. L'unique essai en ce genre - le petit livre de H. Gorter - est trop simpliste et laisse de côté un trop grand nombre de problèmes compliqués qui se posent infailliblement à l'esprit de tout homme qui pense. Quant aux meilleurs écrits touchant la théorie du matérialisme historique, ils se trouvent, soit dispersés dans les périodiques, soit partiellement esquissés et difficilement compréhensibles (Les problèmes fondamentaux du marxisme, de Plékhanov), soit vieillis dans leur forme et devenus aujourd'hui illisibles (comme, par exemple, la Contribution au développement de la conception moniste de l'histoire, de Plékhanov); d'autres encore ne traitent qu'un côté de la question (purement philosophique), ou bien sont disséminés sous forme d'articles dans des recueils aujourd'hui introuvables.

D'autre part, le besoin d'un exposé systématique du matérialisme historique se fait fortement sentir. Dans la phase actuelle de la Révolution, de multiples problèmes se trouvent posés qui, auparavant, aux moments de crise aiguë, n'étaient pas d'actualité. Un nombre important de ceux-ci concernent la « conception générale du monde ».

Pour beaucoup d'entre nous, ces questions se posent pour la première fois, car il ne faut pas oublier que la moyenne des membres de notre Parti n'appartient plus à la génération qui a eu le loisir de se plonger dans les livres : ce sont des camarades dont la vie consciente a été complètement absorbée par la nécessité d'un travail pratique et étroit dans le Parti, travail qui, comme de juste, primait tout le reste.

Sur certains points, même très importants, l'auteur s'éloigne de la manière habituelle de traiter ce sujet ; sur d'autres, il ne considère pas comme possible de se limiter à quelques propositions déjà connues, et il cherche à les développer. Il serait étrange que la théorie marxiste piétinât toujours sur place. Mais, partout et toujours, l'auteur continue les traditions de la conception marxiste la plus orthodoxe, matérialiste et révolutionnaire.

Ce livre est né des discussions engagées dans les conférences de travaux pratiques que l'auteur dirigeait avec J. P. Deniké ; les camarades qui y participèrent venaient de terminer leurs études à l'Université Sverdlov; ils sont devenus par la suite les collaborateurs scientifiques de cette Université. C'est ainsi que s'est réalisé un nouveau type d'hommes qui, tout en étudiant la philosophie, sont de garde la nuit, un fusil à la main, qui discutent les problèmes les plus abstraits et, une heure après, coupent du bois ; qui travaillent dans les bibliothèques et passent ensuite de longues heures à travailler dans les usines. Ces camarades peuvent être considérés comme étant véritablement les auteurs du présent ouvrage. À tous ces amis qui me sont les plus proches, ainsi qu'à J. P. Deniké, j'exprime ici ma cordiale reconnaissance.

Moscou, septembre 1921.

Introduction : L’importance pratique des sciences sociales[modifier le wikicode]

1. Les nécessités de la lutte de la classe ouvrière et les sciences sociales.[modifier le wikicode]

Lorsque les savants bourgeois se mettent à parler d'une science quelconque, ils en parlent tout bas et mystérieusement, comme s'il s'agissait d'une chose du ciel et non de la terre. Pourtant, toute science, quelle qu'elle soit, à sa source dans les besoins de la société ou des classes qui la composent. Personne ne compte les mouches sur une fenêtre ou les moineaux dans la rue. Cependant, on compte, par exemple, des têtes de bétail. Personne n'a besoin des premiers, tandis qu'il est utile de connaître les seconds. Mais il ne suffit pas de connaître la nature dont nous tirons tant de choses utiles, les matières premières, les outils, etc...; il est aussi néces­saire, au point de vue pratique, d'avoir des notions claires concernant la société. La classe ouvrière éprouve, à chaque instant de sa lutte, le besoin d'une telle connaissance. Pour mener comme il convient le combat contre les autres classes, il lui faut prévoir la façon dont ces classes vont agir. Et, pour être en mesure de la prévoir, il lui faut savoir quelles sont les raisons qui déterminent l'action des différentes classes dans des conditions différentes. Aussi longtemps que la classe ouvrière n'aura pas conquis le pouvoir, elle sera opprimée par le capital et obligée, dans sa lutte pour l'émancipation, de compter avec les formes d'action des autres classes. C'est pourquoi il lui faut savoir de quoi dépend et par quoi est déterminée la conduite de ces classes. Seules les sciences sociales peuvent répondre à cette question. Après la prise du pouvoir, la classe ouvrière est obligée de lutter contre les États capitalistes des autres pays, et contre la contre-révolution dans son propre pays; c'est alors qu'elle est obligée de résoudre des problèmes extrêmement difficiles concernant l'organisation de la production et de la distribu­tion. Comment établir un plan de travail économique ? Comment se servir des intellectuels ? Comment gagner au communisme les paysans et la petite bourgeoisie ? Comment former des administrateurs expérimentés, issus de la classe ouvrière ? Comment approcher les larges couches encore inconscientes de leur propre classe ? Etc..., etc... - autant de questions dont la solution exige une connaissance approfondie de la société, des classes qui la composent, de leurs particularités et de leur conduite dans certaines conditions données. La solution de ces problèmes exige également la connaissance de la vie économique et des conceptions sociales des divers groupements sociaux. En un mot, elle demande l'utilisation pratique de la science sociale. La tâche pratique de la reconstruction sociale ne peut être réalisée correctement que grâce à l'application d'une politique scientifique de la classe ouvrière, c'est-à-dire d'une politique basée sur la théorie scientifique, mise à la disposition des prolétaires, la théorie fondée par Marx.

2. La bourgeoisie et les sciences sociales.[modifier le wikicode]

La bourgeoisie a, de son côté, créé sa propre science sociale, en partant des besoins de la vie pratique qui lui sont propres.

En tant que classe dominante, elle se voit obligée de résoudre un grand nombre de problè­mes : comment conserver l'ordre capitaliste ? Comment assurer le soi-disant «développement normal» de la société capitaliste, c'est-à-dire le prélèvement régulier du profit ? Comment organiser à cette fin des institutions économiques ? Quelle politique appliquer par rapport à d'autres pays ? Comment assurer sa domination sur la classe ouvrière ? Comment aplanir les différends dans son propre milieu ? Comment préparer les cadres de ses fonctionnaires, de ses policiers, de ses savants, de son clergé ? Comment organiser l'enseignement, de telle sorte que la classe ouvrière ne devienne pas une classe de sauvages, qui abîment les machines, mais qu'elle reste soumise à ses exploiteurs ? Etc.

Voilà pourquoi la bourgeoisie a besoin d'une science sociale qui puisse l'aider à se reconnaître dans la complexité de la vie sociale et lui fournir les moyens de résoudre les problèmes pratiques de l'existence.

Il est intéressant de constater que les premiers économistes bourgeois ou savants spécialisés dans l'économie ont été des praticiens issus du haut commerce ou des hommes attachés au service de l'État. Le plus grand théoricien de la bourgeoisie, Ricardo, était un banquier très habile.

3. Le caractère de classe des sciences sociales.[modifier le wikicode]

Les savants bourgeois ont l'habitude de répéter qu'ils sont les représentants de la soi-disant « science pure », que les passions terrestres, le conflit des intérêts, les difficultés de l'existence, la recherche du profit, et autres choses vulgaires et inférieures, n'ont aucun rapport avec leur science. Ils considèrent les choses comme si le savant était un dieu, assis au sommet d'une haute montagne et observant sans passion la vie sociale dans toute sa complexité. Ils pensent (ou plutôt ils disent) que l'immonde « pratique » n'exerce aucune influence sur la « théorie » pure.

Il est clair, après ce que nous venons de dire, qu'il n'en est rien. Au contraire. La science prend elle-même sa source dans la vie pratique. Il devient ainsi tout à fait compréhensible que les sciences sociales aient un caractère de classe. Chaque classe a une existence pratique qui lui est propre ; ses problèmes à elle, ses intérêts et ses conceptions particulières. La bourgeoisie s'efforce avant tout de conserver, de consolider, de rendre universelle et éternelle la domination du capital. Quant à la classe ouvrière, elle se soucie avant tout de détruire le régime capitaliste et d'assurer la domination du prolétariat pour réorganiser le monde. Il n'est pas difficile de comprendre que la vie pratique bourgeoise a sa propre conception du monde, et que la classe ouvrière en a une autre bien à elle; que la science sociale de la bourgeoisie est une chose, et que celle du prolétariat en est, inévitablement, une autre.

4. Pourquoi la science prolétarienne est-elle supérieure à la science bourgeoise ?[modifier le wikicode]

Telle est la question qui se pose maintenant devant nous. Si les sciences sociales ont un caractère de classe, pour quelles raisons la science prolétarienne est-elle supérieure à celle de la bourgeoisie ? La classe ouvrière a ses intérêts, ses aspirations, sa vie pratique propres, tout comme la bourgeoisie. Elles sont aussi intéressées l'une que l'autre. Le fait qu'une classe est bonne, généreuse, soucieuse du bien de l'humanité, et l'autre cupide, ne recherchant que le profit, etc., change-t-il quelque chose à l’affaire ? L'une porte des lunettes rouges, l'autre, des lunettes blanches ; pourquoi les lunettes rouges sont-elles meilleures que les lunettes blanches ? Pourquoi est-il plus facile d'observer la réalité à travers des lunettes rouges ? Pourquoi voit-on mieux avec elles ?

Avant de répondre à ces questions, quelques moments de réflexion sont nécessaires.

Voyons quelle est la situation de la bourgeoisie. Nous avons remarqué qu'elle est avant tout intéressée à maintenir l'ordre capitaliste ; on sait pourtant qu'il n'y a rien d'éternel sous le soleil. Il y a eu jadis un régime d'esclavage, ensuite un régime féodal ; il y a eu et il y a encore le régime capitaliste ; on a connu encore d'autres formes de sociétés humaines. S'il en est ainsi - et il en est incontestablement ainsi, - on peut en tirer la conclusion suivante : quicon­que veut compren­dre correctement la vie sociale doit comprendre avant tout que tout change et qu'une forme sociale en remplace une autre. Prenons, par exemple, un seigneur féodal ayant vécu avant l'affranchissement des serfs. Il lui était absolument impossible de se représenter un régime où les serfs ne seraient plus à vendre ou à échanger contre des chiens de chasse. Ce seigneur féodal serait-il capable de comprendre les conditions réelles du développement social ? Certainement non. Pourquoi ? Pour la très simple raison qu'il portait sur ses yeux, non pas des lunettes, mais un véritable bandeau. Il était incapable de voir plus loin que le bout de son nez, et c'est pourquoi il ne pouvait même pas comprendre ce qui se passait sous ses yeux.

Il en est exactement de même pour la bourgeoisie. Étant intéressée à conserver le régime capitaliste, elle croit en sa solidité et en son éternité. C'est pourquoi elle n'est pas en état d'observer et de voir telles particularités et tels phénomènes du développement de la société capitaliste, qui indiquent sa fragilité, sa décadence inévitable (ou même sa décadence possible), sa transformation en un autre ordre social. C'est en étudiant l'exemple de la guerre mondiale et de la Révolution que l'on s'en aperçoit le mieux. Parmi les savants bourgeois plus ou moins considérables, lequel a prévu les conséquences du bouleversement mondial ? Aucun. Qui, parmi eux, a prédit l'avènement de la Révolution ? Ils n'ont tous fait que soutenir leurs gouvernements bourgeois et prédire la victoire aux capitalistes de leur pays. Ce sont pourtant des phénomènes tels que l'appauvrissement résultant de la guerre et les Révolutions prolétariennes, inconnues jusqu'alors, qui décident du sort de l'humanité et modifient l'aspect du monde. C'est ici, précisément, que la science bourgeoise n'a rien prévu. Par contre, les communistes, représentants de la science prolétarienne, l'ont prévu. Cela s'explique par le fait que le prolétariat n'est aucunement intéressé à la conservation de l'ordre ancien, ce qui lui permet de voir beaucoup plus loin.

Il est maintenant facile de comprendre pourquoi la science du prolétariat est supérieure à celle de la bourgeoisie. Elle est supérieure, parce qu'elle étudie les phénomènes de la vie sociale d'une façon plus large et plus profonde, parce qu'elle sait voir plus loin et observer des choses que la science sociale bourgeoise est incapable d'apercevoir. On comprendra de même que nous autres, marxistes, sommes autorisés à considérer la science prolétarienne comme la science véritable et à exiger qu'elle soit généralement reconnue comme telle.

5. Les diverses sciences sociales et la sociologie.[modifier le wikicode]

La société humaine est extrêmement complexe, et les phénomènes sociaux sont, à leurs tours, très complexes et très variés. Nous avons affaire aux phénomènes économiques, au régime économique, à l'organisation de l'État, à la morale, à la religion, à la science, à la philosophie, aux conditions familiales, etc... Tout cela constitue parfois des mélanges singuliers et forme le torrent de la vie sociale. Il va de soi qu'il est nécessaire d'étudier cette vie sociale, si complexe, de différents points de vue, et de diviser la science en une série de sciences particulières. L'une étudie la vie économique de la société (la science économique) ou même les lois générales du régime capitaliste en particulier (l'économie politique) ; l'autre étudie le droit et l'État, et se subdivise à son tour en plusieurs branches ; une autre encore étudie, par exemple, les mœurs, etc...

Dans chacun de ces domaines, les sciences se divisent à leur tour en deux classes : les unes étudient ce qui a existé à une certaine époque et à un certain endroit ; ce sont les sciences historiques. Prenons comme exemple les sciences du droit : on peut étudier et décrire en détail les origines du droit et de l'État, ainsi que les changements qu'ont subis leurs formes ; ce sera l'histoire du droit. On peut aussi étudier et chercher à résoudre les problèmes d'ordre général : ce qu'est le droit, quelles sont les conditions de sa naissance, de sa disparition, de quoi dépendent ses formes, etc...; ce sera la théorie du droit. Ces sciences sont des sciences théoriques.

Il existe parmi les sciences, sociales deux branches très importantes, qui n'étudient pas un seul domaine de la vie sociale, mais la vie sociale dans toute sa complexité ; en d'autres termes, elles ne s'arrêtent pas à un seul genre de phénomènes. (Soit économique, soit juridique, soit religieux, etc.), mais elles étudient la vie sociale dans son ensemble, toutes les manifestations des phénomènes sociaux. Ces sciences constituent d'une part, l'histoire, de l'autre, la sociologie. Ceci dit, il est facile de voir ce qui les différencie. L'histoire suit et décrit le courant de la vie, sociale pendant un intervalle de temps et dans un endroit donnés (par exemple, la façon dont se développent l'économie, le droit.

La morale, la science, etc. en Russie de 1700 à 1800, ou bien en Chine de l'an 2000 avant Jésus-Christ à l'an 1000 après Jésus-Christ, ou bien en Allemagne après la guerre franco-allemande de 1871, ou bien encore une autre époque dans un pays quelconque, ou dans une série de pays). Quant à la sociologie, elle pose des questions d'ordre général : Qu'est la société ? Quelles sont les raisons de son développement et de sa décadence ? Quels sont les rapports entre les divers genres de phénomènes sociaux (l'économie, le droit, la science, etc...) ? Comment expliquer leur développement ? Quelles sont les formes historiques de la société ? Comment expliquer leurs changements ? Etc... Etc... La sociologie est la plus générale, la plus abstraite des sciences sociales. On la présente souvent sous d'autres noms : «philosophie de l'histoire », « théorie du développement historique », etc... On voit, d'après ce qui précède, quels sont les rapports entre l'histoire et la sociologie. En expliquant les lois générales de l'évolution humaine, la sociologie sert de méthode à l'histoire. Si, par exemple, la sociologie établit une loi générale suivant laquelle les formes de l'État dépendent de celles de l'économie, un historien, en étudiant une époque donnée, doit s'efforcer, en effet, de trouver ce rapport, et indiquer la forme concrète (c'est-à-dire correspondant au moment donné) dans laquelle il s'exprime. L'historien fournit les matériaux pour les conclusions et les généralisations sociologiques, parce que ces conclu­sions ne sont pas prises au hasard, mais tirées des faits historiques réels. La sociologie, à son tour, fournit le point de vue déterminé, les moyens de recherche, ou, comme on dit, la méthode de l'histoire.

6. La théorie du matérialisme historique en tant que sociologie marxiste.[modifier le wikicode]

La classe ouvrière a sa sociologie prolétarienne à elle, connue sous le nom de matérialisme historique. Les principes de cette théorie ont été donnés par Marx et Engels. On l'appelle aussi la conception matérialiste de l'histoire, ou plus simplement le matérialisme économique ». Cette théorie géniale constitue l'instrument le plus précis de la pensée et de la connaissance humaine. C'est grâce à elle que le prolétariat arrive à se reconnaître dans les problèmes les plus compliqués de la vie sociale et de la lutte de classe. C'est grâce à elle que les commu­nistes ont prédit la guerre et la Révolution, la dictature du prolétariat et la ligne de conduite des partis, des groupes et des différentes classes au cours du bouleversement formidable que traverse actuellement l'humanité. C'est à l'exposé et au développement de cette théorie qu'est consacré le présent ouvrage.

Certains camarades pensent que la théorie du matérialisme historique ne peut aucunement être considérée comme une sociologie marxiste et qu'elle ne peut être exposée d'une façon systématique. Ces camarades estiment qu'elle n'est qu'une méthode vivante de connaissance historique, que ses vérités ne peuvent être prouvées qu'autant que nous parlons d'événements concrets et historiques. On ajoute encore cet argument que la notion même de la sociologie est très mal définie, que l'on entend, sous le nom de «sociologie », tantôt la science de la culture primitive et de l'origine des formes essentielles de la communauté humaine (par exemple la famille), tantôt des considérations extrêmement vagues sur différents phénomènes sociaux « en général», tantôt l'assimilation arbitraire de la société à un organisme (l'école organique ou biologique en sociologie).

Ces arguments sont faux. D'abord, la confusion qui règne dans le camp bourgeois ne doit nullement nous inciter à en créer une nouvelle chez nous. Quelle place doit donc occuper la théorie du matérialisme historique ? Elle n'est pas dans l'économie politique, elle n'est pas dans l’histoire ; sa place est dans la science générale de la société et des lois de son évolution, c'est-à-dire dans la sociologie. D'autre part, le fait que la théorie du matérialisme historique constitue une méthode pour l'histoire ne diminue en rien son importance comme théorie sociologique. Il arrive souvent qu'une science plus abstraite fournisse un point de vue (c'est-à-dire une méthode) à une science moins abstraite. Tel est le cas actuel, ainsi qu'il résulte du texte ci-dessus.