Critiques de gauche et opposition révolutionnaire au front populaire (1936-1938)

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Introduction[modifier le wikicode]

Les souvenirs de l'époque du Front populaire sont chargés d'émotions : enthousiasme du coude-à-coude, des foules le poing levé, des chants et des cris, d’un côté, des volets fermés, des devantures baissées, des valeurs sûres mises à l'abri, de l'autre; "assaut du ciel" et "grande peur". Il en est ainsi de toute période révolutionnaire. Mais faut-il parler en l'occurrence de période révolutionnaire ? Les historiens qui se réclament du Parti communiste, comme Jacques Chambaz, se sont employés à démontrer que la politique de leur parti avait été "sans ambiguïté", pour une alliance défensive entre le prolétariat et les classes moyennes, la situation en France à l'époque du Front populaire n’étant pas "une situation pré-révolutionnaire, encore moins révolutionnaire"[1].

En fait, dans les profondeurs de la classe ouvrière, de façon généralement diffuse mais explosive, circule, pendant toute cette période, un courant révolutionnaire qui perce en surface lors des émeutes de Brest et Toulon en août 35, puis en mai-juin 1936, mais qui, refoulé par l'action conjuguée des partis membres du Rassemblement populaire, devient peu à peu un contre-courant avant de se diluer en 1939 dans la passivité générale de la classe et son désarroi.

Il suffit à cet égard de se replonger dans la presse syndicale et politique de l'époque, ne serait-ce que dans l'Humanité et le Temps, pour se rendre compte de la place qui fut sur le coup accordée par les uns et les autres à ce courant révolutionnaire avant que, l’oubli aidant, il ne fût attribué au Parti communiste par la droite, purement et simplement nié par la gauche. Courant ou contre-courant spontané ? Résultat, au contraire, de l'action tenace de "minorités agissantes" ? Ce problème-là et bien d’autres se posent : quels furent ses rapports avec la masse qui fit la force numérique du Front populaire, de quelle manière se manifesta-t-il, notamment à l'intérieur des partis membres du Rassemblement ? Chercha-t-il à s'y exprimer de façon indépendante et organique sous forme d'organisation politique, groupe, fraction ou tendance, ou sous forme de tendance syndicale ? Autant de questions encore mal connues qui n’ont guère retenu l'attention des chercheurs et sur lesquelles nous avons cru possible de faire quelque lumière.

Les minorités révolutionnaires[modifier le wikicode]

Georges Lefranc, étudiant le problème des minorités ayant "consciemment poussé aux grèves" en 1936, en retient quatre : "les syndicalistes révolutionnaires groupés autour de la revue la Révolution prolétarienne", les "trotskytes", les "socialistes de la tendance gauche révolutionnaire", et "certains éléments communistes dont Ferrat a été le porte-parole"[2]. Nous l'avons suivi[3].

Monatte et la R.P.[modifier le wikicode]

L’équipe syndicaliste qui, depuis 1925, s’est groupée autour de Pierre Monatte et du noyau de la R.P. se réclame de perspectives révolutionnaires. Depuis 1930 cependant, et en particulier depuis l'expérience du rassemblement pour l'unité syndicale autour du "Comité des 22", son hostilité à la politique stalinienne l’a conduite à se rapprocher des réformistes. Trotsky, le vieil ami des années de guerre, a accusé Monatte d’avoir "franchi le Rubicon"[4] et d’être devenu "l'avocat des social-patriotes"[5].

En fait, ce sont l'indépendance du syndicalisme et l'unité syndicale qui constituent,pour Monatte, la "loi et les prophètes" en matière d'organisation ouvrière. Il ne saurait être question pour lui d'admettre qu’un accord politique tel que celui du Front populaire compromette ou lie les organisations syndicales. En revanche, la conclusion du Front populaire permet la réalisation de l'unité syndicale et crée les conditions pour que la classe ouvrière reprenne confiance en elle-même.

Les modalités de l'unité n’ont pas de quoi séduire Monatte : "L’unité d’action, le jour où elle s’est faite, a non seulement écarté ses partisans de la première heure, mais elle a été dominée par ceux qui l’avaient le plus souvent combattue"[6]. Du coup, le Front populaire, dès sa naissance, a revêtu "une figure inquiétante"[7] avec le tournant du P.C. au lendemain du pacte Laval-Staline, la passivité du P.C. et de la C.G.T.U. lors des "mouvements sauvages" de Brest et de Toulon, précisément au lendemain des dits accords. Et Monatte s'interroge : "Au lieu du rassemblement pour la paix et pour la résistance au fascisme [...] le Front populaire n’est-il que le prélude à l'union sacrée de la prochaine guerre ?"[8].

Ces réserves n'empêchent pas Monatte de se réjouir des résultats : que l'unité d’action ait pris une singulière figure, "ce n’est pas une raison pour lui devenir hostile"[9]. L'essentiel a été obtenu : par l'unité syndicale et l'unité d'action, les masses peuvent entrer en mouvement. S'il y a "une volonté du rang, distincte de la volonté des Chefs, une pensée des troupes du Front populaire différente de la pensée ou de l'arrière-pensée des partis qui dirigent ce front", alors, "ce n’est pas le Front populaire qu’il faut condamner, mais les partis, ceux des partis qui veulent mener le Front populaire vers un objectif différent de celui qui est annoncé"[10]. Il n’est pas question de dénoncer le Front populaire : "Il faut marcher avec les masses, à leur pas ; et ne pas s’éloigner d’elles"[11].

Trotsky et les trotskystes[modifier le wikicode]

Ce disant, Monatte, de façon voilée, mais sans conteste, polémique avec Trotsky.

Le révolutionnaire proscrit vient, en effet, de passer en France plusieurs années, au cours desquelles il a suivi de près la vie politique, "militant" effectivement, pendant plusieurs mois, au mépris des interdits policiers. L’axe essentiel, pour lui, ne peut être le syndicat. C'est - toute l’expérience russe en témoigne - le parti, l’Internationale, l'organisation politique de l'avant-garde ouvrière. A ses yeux, les deux Internationales sont mortes pour l’action révolutionnaire, passées définitivement du côté de l'ordre bourgeois, la Seconde depuis sa trahison d'août 1914, la Troisième depuis sa faillite en Allemagne où elle porte la responsabilité de la victoire hitlérienne. Il s’agit donc d’abord de reconstruire une nouvelle Internationale, la Quatrième par la force des choses.

Cette tâche doit être réalisée à partir du petit noyau de la Ligue communiste qui fut jusqu’en 1934 l’opposition communiste en France. Elle exige la présence et l'action des militants au sein d'organisations de masses, et c’est pourquoi, sur l'insistance de Trotsky, les trotskystes sont entrés en août 1934 dans la S.F.I.O. où ils constituent, autour de l'hebdomadaire La Vérité, la tendance des "bolcheviks-léninistes". Pendant plusieurs années, contre les staliniens qui traitaient les socialistes de "social-fascistes", les "b.l." ont été les champions du front unique, cette "alliance ouvrière" qui a su, en octobre 34 aux Asturies, grouper sous le même drapeau toutes les tendances ouvrières.

Pour Trotsky, en effet, la lutte pour la construction d’une "nouvelle direction" est inséparable de la lutte défensive, par le front unique, contre le danger fasciste. En 1934, il a écrit :

Sur l'arène de l'Histoire, c’est maintenant le tour de la France prolétarienne [...]. Si le fascisme réussissait à abattre le prolétariat français, toute l’Europe se teindrait en noir[12].

Or il n’est pas pour lui d’autre alternative que fascisme ou révolution socialiste. C’est pourquoi le Front populaire est à ses yeux "un front unique dévoyé" : il lie, en effet, les partis ouvriers au Parti radical, parti bourgeois, sur un programme de défense de la démocratie et de la société bourgeoises, et vise en fait à détourner les travailleurs de la voie révolutionnaire.

Le Parti radical, écrit-il, représente l'instrument politique de la grande bourgeoisie qui est le mieux adapté aux traditions et aux préjugés de la petite bourgeoisie [...]. L'alliance extra-parlementaire avec les radicaux contre le fascisme est non seulement un crime, mais une idiotie[13].

Et encore :

La bourgeoisie a actuellement besoin non seulement des bandes de La Rocque, mais aussi de la réputation "gauche" d’Herriot. Le capital financier s’occupe d’armer les fascistes. Les staliniens restaurent la réputation gauche d’Herriot à l'aide des mascarades du Front populaire[14].

Là où Monatte s'interroge, Trotsky répond donc catégoriquement : le Front populaire, prélude à l’Union sacrée, est une duperie contre-révolutionnaire. Il pressent le tournant du P.C. dès avant le pacte franco-soviétique, L'exclusion de ses partisans de la S.F.I.O. en 1935, la condamnation par les partis socialiste et communiste des mouvements de Brest et de Toulon ne font que confirmer son analyse : il invite les "bolcheviks-léninistes" à rompre avec la S.F.I.O., à s'organiser en force indépendante afin de pouvoir gagner les ouvriers révolutionnaires qui aspirent à la bataille de classes. Tout en défendant la nécessité de l'organisation d’une milice ouvrière[15], il propose à ses camarades de lancer, chaque fois qu’une action ouvrière s'engage, le mot d’ordre de "comités d’action" élus par les travailleurs en lutte : de tels organes – embryons des soviets à ses yeux – lui paraissent seuls susceptibles d'assurer la direction des mouvements et d’empêcher qu’ils ne soient dévoyés par le Front populaire[16].

Mais aucun "comité d’action" ne verra le jour. L'organisation trotskyste, l'instrument historique de Trotsky en France, n’a ni les idées aussi claires, ni la même détermination que lui. La Vérité a titré "Front populaire, oui, mais pour le combat !". Bien des militants regimbent lorsqu'il faut sortir de la S.F.I.O., et deux des dirigeants du groupe, Molinier et Pierre Frank, sont prêts à accepter les exigences de la direction socialiste plutôt que de rompre comme Trotsky les en presse. Exclus par le Secrétariat international en 1935, ils fondent leur propre journal, La Commune. Au printemps de 1936, il y aura trois groupes distincts se réclamant de la IV° Internationale et proclamant la nécessité de construire un "parti révolutionnaire" : une scission dommageable qui conduit Trotsky à affirmer qu’une occasion unique de construire précisément le "parti révolutionnaire" a été "gâchée"[17].

Pivert et la gauche révolutionnaire[modifier le wikicode]

C’est que, contrairement à une légende solide, les idées défendues par les trotskystes au cours de leur bref séjour dans la S.F.I.O. y avaient rencontré une réelle audience, chez les Jeunesses comme dans la Fédération de la Seine. C’est notamment leur influence qui a précipité la rupture à l'intérieur de la tendance unitaire et gauchisante de la Bataille socialiste entre partisans de Zyromski et partisans de Pivert. Daniel Guérin a montré les trotskystes pesant sur Marceau Pivert, en lui administrant une permanente douche écossaise, applaudissant les pas qu’il faisait vers le trotskysme, pour le rappeler à l'ordre quand, selon leurs critères, il retombait dans le "centrisme"[18]. Pivert écrira qu’

un nombre croissant d'ouvriers socialistes se trouvent en accord avec les b.l. : milices ouvrières, défaitisme révolutionnaire, grève générale insurrectionnelle, conquête du pouvoir et dictature du prolétariat[19].

Mais, à l'été 1935, la divergence est totale. Pivert se refuse à quitter la S.F.I.O., et conseille aux jeunes socialistes exclus de faire à la direction les concessions nécessaires pour y demeurer. Au moment où Trotsky dénonce la S.F.I.O. comme un "obstacle sur la route révolutionnaire", Pivert rétorque que rien ne prouve que ce parti "soit incapable de s’adapter à un niveau supérieur de la lutte des classes"[20]. Persuadé que rien n’est joué et qu’il n’est pas prouvé que les dirigeants socialistes se soient définitivement orientés vers l'union sacrée, il se sépare de Zyromski qui a emboîté le pas au P.C. dans son tournant patriotique, et fonde, à l'intérieur de la S.F.I.O., la tendance de la Gauche révolutionnaire qui luttera loyalement, "à fleurets mouchetés"[21], pour une orientation révolutionnaire. La création de la "tendance révolutionnaire de la S.F.I.O." est un coup très dur pour les plans de Trotsky qui voit en elle un "écran" entre ses idées et les éléments révolutionnaires de la S.F.I.O. Il accuse Pivert de donner ainsi sa caution à l'exclusion des trotskystes et de servir de "paravent" aux réformistes et aux social-patriotes.

En réalité, les amis de Pivert occupent, vis-à-vis du Front populaire, une position qui n’est pas sans analogie avec celle de Monatte – à la différence qu’ils sont, eux, à l’intérieur. Le manifeste de la Gauche révolutionnaire a réclamé un "Front populaire de combat". Position ambiguë, fort bien analysée par Daniel Guérin :

Nous ne pouvions entériner ni la collusion électorale, ni les comités parlementaires, mais nous ne pouvions pas non plus, en condamnant sans appel le "Front populaire", apparaître comme nous isolant du formidable mouvement, issu du plus profond des masses qui, depuis 1934, revigorait la France [...]. Nous étions des adversaires du Front populaire n° 1 et des partisans enthousiastes du Front populaire n° 2 [...]. Nous crûmes trouver une solution [...] en nous faisant les champions d’un "Front populaire de combat" qui devait dissiper les illusions électorales et faire passer les masses à l'action directe extra-parlementaire[22].

La nouvelle opposition communiste[modifier le wikicode]

Le tournant du P.C. avait été suffisamment brutal pour provoquer des remous : moins cependant qu’on aurait pu le supposer. Le régime intérieur du parti avait, depuis des années, supprimé totalement l'expression des divergences. La rapide évolution vers la droite – plus tard vers le fascisme – du rayon de Saint-Denis, qui avait derrière Doriot lutté pour le "front unique", constituait incontestablement un obstacle psychologique important au développement des divergences chez les militants que tourmentaient quelques doutes.

Cependant, à la conférence de Paris-ville, les 23 et 24 mars 1935, le secrétaire du XI° rayon intervient contre ce qu’il appelle la "ligne opportuniste" et défend des mots d’ordre proches de ceux des trotskystes. L’Humanité du 28 mars, qui rend compte de la conférence, ne mentionne pas son intervention. Il est exclu avec d’autres[23]. Après la déclaration de Staline approuvant la politique de défense nationale, le 17 mai, salle Bullier, devant une assemblée de militants, Thorez est catégorique : "Cette déclaration n’est pas une phrase diplomatique. C’est la position de l'lnternationale communiste définie par son chef Staline". Les questions écrites affluent auxquelles il répond en bloc. Une femme l'interrompt : "Staline approuve la politique du gouvernement français. Et vous ? oui ou non ?". Au vote, sur quelque 5.000 présents, il n’y a que 7 abstentions déclarées et un vote contre, celui d’un membre des J.C.[24]. On apprend que le rayon d’Auxerre demande un congrès extraordinaire, que les J.C. du même lieu ont pris position contre la déclaration de Staline, qu’il y a des exclusions à Lille, des suspensions aux Lilas, des menaces au Pré Saint-Gervais[25]. A Nice, en août, le P.C. exclut deux militants connus, Campa et Boivert, secrétaire de l’Union régionale (C.G.T.U.), qui ont accusé le parti de mener une politique "réformiste"[26]. A Brest, il exclut Paul Valière, ancien dirigeant des J.C., ancien secrétaire régional du parti en Bretagne, très connu chez les métallos unitaires, et secrétaire adjoint de l’Union locale[27]. Des responsables J.C. sont exclus à Lorient et à Grenoble. Il y a aussi des "départs", discrets mais significatifs, comme celui de Gustave Galopin, pionnier de la J.C., ancien secrétaire de la Fédération unitaire des Métaux, militant de choc de la lutte antimilitariste, plusieurs fois condamné, un authentique ouvrier révolutionnaire qui retourne à l’usine...

La minceur des informations sur les oppositions "révolutionnaires" à l'intérieur du P.C. démontre l’absence de toute organisation. Il existe pourtant un embryon d’opposition, groupé autour de la revue Que Faire ? depuis décembre 1934. C’est en 1933 que se sont réunis une poignée de responsables unis par leur hostilité à la politique allemande de Staline et leur méfiance à l'égard de Doriot, seul opposant déclaré. Ce sont Georges Kagan, un Polonais qui, délégué de l’I.C., est responsable des Cahiers du communisme et de "l'agit-prop" ; André Ferrat, ancien dirigeant des J.C., membre du C.C.. et du B.P., représentant du parti à Moscou de 1930 à 1932, puis rédacteur en chef de l'Humanité et responsable de la commission coloniale, et sa femme, Jeanne. Leur noyau s’est élargi à des communistes étrangers, puis a été rejoint par d’anciens trotskystes, Pierre Rimbert et Kurt Landau qui signe Wolf Bertram.

Le groupe s'affirme partisan d’un "redressement du Parti communiste". Dans le premier numéro de Que Faire ?, Wolf Bertram s'en prend à Trotsky et décrit "le chemin qui l’a conduit à la social-démocratie"[28]. Il faut, en effet, pour ce groupe, "rénover" le Parti communiste, en faire "le réceptacle et l'expression du courant unifié du prolétariat", ce qui exige préalablement que les "révolutionnaires de la S.F.I.O... perdent leurs illusions"[29]. A partir de 1935, le ton se durcit :

La direction de l'Internationale communiste et du Parti communiste français, Staline en tête, dans une situation critique pour l’U.R.S.S., abandonnent le drapeau de la révolution et de l'internationalisme prolétarien, s'engagent dans le courant réformiste de collaboration de classes et de l'union sacrée[30].

Les critiques sont proches de celles de Trotsky, contre le refus du P.C. de lutter pour l'armement du prolétariat, son hostilité à peine déguisée aux mouvements de Brest et de Toulon[31]. En revanche, l'appel de Trotsky pour un "nouveau parti" ne rencontre que sarcasmes.

Ferrat – vraisemblablement "démasqué" par la direction – n’est pas réélu au B.P. lors du congrès de Villeurbanne. Il demeure cependant membre du C.C. et responsable de la commission coloniale, et décide de rompre le silence. Le 2 avril, devant le Comité central, il intervient sur la politique du P.C. face au danger de guerre, prononce un réquisitoire qui demeurera inconnu des militants. S'affirmant l'écho de "nombreux prolétaires révolutionnaires", il déclare :

Dans la lutte contre le fascisme et l'hitlérisme, nous n'avons pas le droit de nous solidariser avec notre propre bourgeoisie. La seule politique que nous puissions suivre, c’est la politique de classe indépendante du prolétariat. Nous devons dénoncer les véritables objectifs de notre bourgeoisie [...]. Il n’y a qu’une seule voie pour marcher à la défense de l’U.R.S.S., de la paix, des libertés démocratiques, c’est la voie révolutionnaire de classe[32].

Ferrat ne formule aucune critique directe de la politique du Front populaire : le contexte, cependant, montre clairement que la nouvelle opposition communiste, comme l'opposition socialiste de Pivert, pense que l’action "de classe" peut être menée de l’intérieur du Front populaire, si elle y est imposée aux états-majors par les "masses".

L'éparpillement des minorités[modifier le wikicode]

Ce rapide exposé permet de comprendre les relations complexes des minorités à la veille de juin 36. D’une part, leur accord sur la nécessité d’ouvrir des perspectives révolutionnaires, de définir une stratégie fondée sur l'action de masses, la grève, les milices ouvrières, et débouchant sur les soviets et la dictature du prolétariat, de tenir pour réformiste la ligne générale des Partis socialiste et communiste préparant l’union sacrée sous la bannière du Front populaire. D’autre part, leurs profonds désaccords sur le rôle des partis en général, de tel parti en particulier, et des possibilités qu'il offre pour un "regroupement révolutionnaire", enfin sur l'attitude à observer à l'égard du mot d’ordre de Front populaire et de la nécessité d’"éclairer" les masses sans se couper d'elles.

Il n'est pas surprenant dans ces conditions que des initiatives aient été prises pour l'unification ou tout au moins la coordination de ces minorités. L’une d’elles émane de Marcel Valiére, secrétaire général de la Fédération unitaire de l'enseignement.

Dans une lettre adressée à Que Faire ?, Valière constate qu’il y a "des révolutionnaires conséquents partout", dans le P.C., à la S.F.I.O., "en dehors de toute organisation politique, dans des sectes nombreuses". Il faut donc opérer un "regroupement révolutionnaire qui ne peut être réalisé ni au sein ni autour du P.C. ni de la S.F.I.O.".

C'est un nouveau congrès de Tours qui s’impose pour la S.F.I.O. [...]. Pour le P.C., un travail du même genre, disons le mot, une scission précédée d’un travail actif d'éclaircissement, de débourrage de crâne s'impose.

Dans l'immédiat, il suggère la formation d’un comité de coordination dont la base programmatique pourrait être constituée par les résolutions des quatre premiers congrès de l’I.C[33].

Initiative sans écho. La Gauche révolutionnaire demeure à La S.F.I.O., non pour y préparer un nouveau congrès de Tours, mais afin d'élever son action à un niveau révolutionnaire. Ni Monatte ni aucun de ses amis ne songent un instant à recommencer leur aventure des années 20 et à "construire" à nouveau un "parti révolutionnaire". Que Faire ? répond à Valière que "l'hypothèse d’un redressement du P.C. est très plausible" et qu’il faut "rassembler les éléments communistes qui s'opposent à la politique et au régime du parti" autour de... Que Faire ?[34] Trotsky, pour qui les bolcheviks-léninistes doivent se considérer "comme une fraction de l’Internationale qui se bâtit"[35] pourrait, certes, être partie prenante dans une telle tentative, mais les deux groupes trotskystes sont en train de préparer la "proclamation" de deux partis concurrents se réclamant de la construction d’une IV° Internationale dont les autres minorités ne veulent pas entendre parler. Il n’existe pas, pour le moment, de solution au problème posé par Valière.

L'affrontement de juin 1936[modifier le wikicode]

L’accélération du rythme du mouvement social à partir de mai 1936 était cependant susceptible de mettre en question aussi bien le cadre dans lequel se situaient les minorités que leurs rapports entre elles et avec la classe ouvrière. Il est donc permis de considérer que les gigantesques grèves qui commencent au lendemain de la victoire électorale du Front populaire constituaient pour les minorités une occasion ou une chance de renverser la situation à leur profit, ce qui rend nécessaire l'étude de leurs réactions et de leur adaptation aux événements.

Les tendances au débordement spontané[modifier le wikicode]

Il n’est pas question de reprendre ici la question, tant de fois discutée, du rôle des militants du Parti communiste dans le déclenchement des grèves de 36. Nous pensons qu’on peut tenir pour suffisamment solide l'appréciation portée, sur le coup, par Pierre Monatte :

Il est difficile de ne pas reconnaître l'intervention des communistes à l'origine du mouvement [...]. Qu’ils n'aient pas prévu l'ampleur du mouvement, c'est probable ; mais le coup de sonde, c’est bien eux qui l'ont donné. La sonde a rencontré la nappe d’eau souterraine, le courant de souffrance et d’espoir qui cherchait une issue. L'issue trouvée, une vague de grèves inattendue s’est répandue partout[36].

Que les militants communistes aient poussé à la grève, que l’action ait pris immédiatement la forme de "grève sur le tas" conformément à une idée popularisée par la Gauche révolutionnaire, le fait est que le mouvement a rapidement débordé ses initiateurs.

Du point de vue qui nous intéresse, l'important est l'existence de cette tendance au débordement que les minorités révolutionnaires vont expliquer par le mouvement spontané de la classe ouvrière, et les partis et syndicats débordés, par l'action "irresponsable" ou "provocatrice" des minorités révolutionnaires. Contentons-nous de quelques points de repère : le jeudi 28 mai, alors, que les usines Hotchkiss, Lavalette, Nieuport, Renault sont occupées, les patrons exigent pour ouvrir la discussion que les grévistes évacuent d’abord les usines. Les représentants de la Fédération des métaux que les députés communistes Duclos, Bonte et Fajon accompagnent au ministère de l’Intérieur, acceptent l'évacuation. Mais les délégués des métallos protestent à la réunion qui se tient le 29 à la Bourse du Travail quand Benoît Frachon transmet cette proposition[37]. Malgré le premier accord Renault, les occupations s’étendent. Costes soulève des protestations quand il affirme que cet accord constitue un succès, et il faudra l’intervention de Benoît Frachon pour aplanir l'incident[38]. L’assemblée des délégués, avenue Mathurin-Moreau, le 9 juin, refuse d'accepter l'application des accords Matignon, signés le 7, "sans un rajustement préalable des salaires"[39]. Il faudra la vigoureuse intervention de Maurice Thorez, le 11 juin, pour que les militants du P.C. s’emploient à "faire terminer les grèves", ainsi qu’il le leur a demandé au nom de la politique d’union du Front populaire, de la nécessité de "ne pas effrayer les classes moyennes", et en fonction de l'importance des résultats obtenus par l'accord Matignon[40].

Les remous sont longs à s’apaiser : on parle couramment dans les usines des "accords Maquignon", et Eugène Hénaff avoue au comité central du P.C. que d’"excellents ouvriers révolutionnaires" voient dans ces accords signés par Benoît Frachon la "troisième trahison de Jouhaux"[41]. Jacques Chambaz résume la situation en écrivant que "des éléments irresponsables et provocateurs tentent de s'introduire dans le mouvement et cherchent à le faire dégénérer dans une voie aventuriste" ; mentionnant les efforts des trotskystes, Chambaz affirme :

C'est à l'adresse des ouvriers influencés par ces éléments que le Bureau politique précisera, le 9 juin, pourquoi la situation en France n’est pas une situation prérévolutionnaire, encore moins révolutionnaire[42].

Maurice Thorez, dans son rapport, souligne d’ailleurs la nécessité de "réagir contre les tendances gauchistes dans le mouvement" et parle de "lutte sur deux fronts"[43]. Hénaff s'en prend à certains délégués qu’il qualifie de "beaux parleurs" et de "forts en gueule"[44]. Jouhaux assure que le danger principal provient de l’"impulsivité de la masse", utilisée dans chaque usine, par les "éléments troubles" dont Roy pense que ce sont "moins des agents provocateurs que de bons camarades qui attendent plus qu’on ne peut leur donner"[45].

Formes nouvelles d'organisation et de lutte[modifier le wikicode]

La presse ouvrière de juin-juillet fourmille d’indications sur cette poussée à la base, la volonté de durcir et de poursuivre l’action, le refus de souscrire à des accords jugés "insuffisants" : on les découvre seulement en "négatif" dans les communiqués de "mise en garde" des syndicats, fédérations, unions départementales, contre les "éléments inconnus", "louches", "provocateurs", les "surenchères démagogiques" et les "agents du fascisme". Il est plus difficile – du fait même que les communiqués émanent d’appareils syndicaux – de déceler les tendances du mouvement spontané à se couler dans des formes d’organisations nouvelles, toutes inspirées de la pratique de la démocratie directe qui était précisément l’essence du système "soviétique" primitif. Quelques traits cependant permettront une esquisse.

C’est l'initiative du comité de grève des usines Hotchkiss qui réunit une première fois les délégués de 33, puis de 250 entreprises de la région : les 350 délégués présents à la réunion du 12 juin "jugent très utile de former un comité d’entente entre les usines qui permette d'envisager de former demain de nouvelles victoires"[46]. Thorez, qui salue l'initiative, affirme aussitôt que "les conditions ne sont pas encore réunies pour le pouvoir des soviets"[47]. Ce sont les initiatives des délégués d’atelier nouvellement élus à qui le C.C.N. de la C.G.T. rappellera qu’ils "n’ont pas à se substituer à l’assemblée de leurs syndicats", et dont Dumoulin dit qu’ils "exagèrent" souvent leur tâche[48]. C'est enfin le fait que les comités locaux de la C.G.T., en principe organismes de propagande et de liaison, soient en ces journées de véritables organes exécutifs — Daniel Guérin parle du "soviet" des Lilas[49] — au point que l’Union des syndicats de la région parisienne devra "leur rappeler qu’ils ne doivent à aucun moment se substituer aux syndicats intéressés" et qu’"ils devront toujours s’effacer devant le délégué du syndicat intéressé ou celui de l’Union des syndicats"[50].

Il est enfin possible de relever des manifestations de la volonté ouvrière de prendre en main non seulement l'usine déjà occupée, mais la production elle-même. C'est un délégué d’usine de métallurgie qui, à l'assemblée du 7 juin propose, au nom de ses camarades, d’"organiser hardiment la continuation du travail sans le concours patronal"[51]. Ce sont les 650 ouvriers de l’usine de chocolats et biscuits Delespaul-Havez, de Marcq-en-Barœul, qui décident de faire marcher eux-mêmes l’usine, et qui, le courant électrique et l'eau leur ayant été refusés, distribuent gratuitement aux nécessiteux de la ville les marchandises entreposées par le patron avant l'occupation[52]. Il est significatif que seul le Temps ait donné sur cette initiative une brève information, et que la presse du Front populaire n’en ait pas soufflé mot, comme si elle avait craint de favoriser ce que la Lutte ouvrière qualifiait de "solutions les plus énergiques, qui atteignent au cœur le système capitaliste".

Les minorités, en présence d’une situation nouvelle, réagissent en fonction de leurs analyses antérieures, de leur passé et de leurs traditions. Elles aussi, sont surprises et dépassées par l'ampleur du mouvement. Au moins sur ce point en effet, Monatte et Trotsky, Pivert et Ferrat sont d’accord avec Monmousseau et Frachon : le mouvement gréviste de juin 36 est le plus gigantesque qu’ait jamais connu le mouvement ouvrier français.

Monatte et le "noyau" de la révolution prolétarienne[modifier le wikicode]

Monatte avait connu et vécu les vagues de 1907 et 1919-1920. Il est catégorique : la comparaison est toute à l'avantage de 1936. Le grand fait, à ses yeux, c’est que "la classe ouvrière reprend confiance en elle-même". Or ce n’est pas le fruit du hasard. Il écrit : "Par le seul fait de sa naissance, le gouvernement de Front populaire a donné à la classe ouvrière plus que nous n’osions espérer de six mois d’efforts à son abri"[53]. Le voilà, du coup, presque réconcilié : "Sans le Front populaire, la dernière explosion de grèves n'aurait pas eu lieu. Avouons qu’il prend une figure moins inquiétante"[54]. L’importance de la vague et de ses résultats le rassure :

Ne perdons pas de vue, écrit-il, le facteur décisif qu'a été le Front populaire. Pas de méprise de ce côté, surtout devant les jugements catégoriques, devant les condamnations impitoyables que prononcent un certain nombre de groupes et de sectes […] ; Nous ne devons pas nous dresser contre le gouvernement du Front populaire ; nous ne devons rien faire qui puisse permettre, même à tort, de rejeter sur le mouvement syndical la responsabilité de l'échec de cette expérience[55].

A la différence de ceux qui pensent qu’on pouvait "obtenir plus", il se demande, lui, s’il sera possible de "faire entrer en application tout ce qui a été obtenu".

Pour Monatte, ce n'est donc pas "la révolution qui commence"[56]. On chercherait vainement sous sa plume une critique de la position de Thorez sur la nécessité de "savoir terminer une grève". Il semble bien que le noyau de la R.P. soit, sur ce point au moins et dans les circonstances données, d’accord avec Thorez et la direction du Front populaire. Dans le même numéro de la R.P., à la suite de l'article de Monatte, Marcel Roy narre comment "il a fallu faire un travail de persuasion pour arriver à convaincre nombre de camarades que cet accord représentait la première étape", et admet que l’opposition de l'assemblée des délégués d'usine a failli tout faire "échouer", "près du but", remarque-t-il[57]. Ainsi, malgré sa défiance, l’équipe de la R.P. prend position, en juin 36, avec les partis du Front populaire contre les tendances révolutionnaires au débordement, même si, fidèle à elle-même, elle sait se garder des outrances verbales qui accompagnent à cette date les déclarations et les mises en garde de Thorez ou de Gitton.

Trotsky et la fondation du POI[modifier le wikicode]

Trotsky a écrit au mois de mars, en guise de préface à la réédition de Terrorisme et communisme sous le titre de Défense du terrorisme, un véritable manifeste contre la politique du Front populaire[58]. Il a vu dans la manifestation du Mur des Fédérés, comme dans les résultats des élections, la preuve que les électeurs ont voté pour les extrêmes et que les radicaux n’ont échappé au désastre que grâce à leur alliance avec les partis ouvriers. La majorité des électeurs communistes ont manifesté leur volonté d’aller le plus à gauche possible, leur désir d'une ligne révolutionnaire, plus que l'attachement au programme modéré du front. Il souligne que les élections ont eu comme premier résultat d'imposer un gouvernement à direction socialiste à des états-majors qui ne prévoyaient qu'un gouvernement à direction radicale.

Trotsky conteste ensuite que la grève ait été déclenchée en raison des espoirs que les ouvriers auraient placé dans le gouvernement Blum. Il pense que c’est, au contraire, leur manque de confiance dans la force de ce gouvernement, qui les a poussés à passer à l'action, pour l'aider "à la manière prolétarienne". Le 9 juin, il écrit : "La révolution française a commencé"[59]. Ce qui s’est passé,

ce ne sont pas des grèves corporatives. Ce ne sont pas des grèves. C'est la grève. C'est le rassemblement au grand jour des opprimés contre les oppresseurs, le début classique de la révolution[60].

Le plus significatif, pour lui, est que les ouvriers se soient lancés dans cette magnifique improvisation, sans direction, sans état-major, sans plan ni programme : ils prennent conscience de leur force dans cette mobilisation spontanée, et découvrent dans toutes les usines de nouveaux dirigeants.

Persuadé que les grèves de juin sont la preuve du caractère organiquement révolutionnaire du mouvement et qu’elles ouvrent la voie à une étape qui se déroulerait à un niveau supérieur avec l'apparition de soviets, Trotsky n’a pas pour autant placé ses espoirs dans un débordement immédiat des directions du Front populaire, par la poursuite du mouvement après le coup d’arrêt des accords Matignon et du discours de Thorez. Pour aller plus loin, le prolétariat a besoin d'une direction qui ne pourra se forger que si les révolutionnaires savent atteindre et gagner les nouveaux dirigeants du mouvement, les hommes de juin 36.

Une chose est claire par avance, la seconde sera loin d’avoir le même caractère pacifique, presque débonnaire, printanier, que la première. Elle sera plus mûre, plus tenace et plus âpre, car elle sera provoquée par la déception des masses devant les résultats pratiques de la politique du Front populaire et de leur première offensive[61].

Le seul problème pour cette étape – où les masses devront combattre non plus seulement malgré les organisations officielles, mais contre elles – est de savoir si elle se terminera par un écrasement du type de juin 1848 ou une demi-défaite préparant la victoire comme les journées de juillet 1917. La réponse ne peut être donnée que par les capacités des révolutionnaires à construire la direction de rechange dont les masses ont besoin.

Or, sur, ce point précis, toutes les allusions de Trotsky à ses camarades de France sont empreintes de sévérité et même de pessimisme. Pourtant, la vague gréviste a provoqué chez eux un sursaut. Au début de juin, ils ont constitué – tous ensemble – le Parti ouvrier internationaliste. Le nouveau "parti" ne cherche pas à "bluffer" : sa proclamation, écrit-il, ne "signifie rien en soi". Dans une lutte contre le courant, les masses inclinant vers la solution démocratique-bourgeoise du Front populaire, elle ne constitue qu’une "première étape très modeste". Le P.O.I. déclare que sa première tâche doit être "la lutte pour la fusion avec les groupes et courants évoluant vers des positions plus ou moins précises de lutte de classes, même à l'intérieur des partis opportunistes"[62].

A peine né, le P.O.I. est frappé — le premier — par le gouvernement de Front populaire : les premiers numéros de la Lutte ouvrière sont saisis, ses dirigeants poursuivis pour leur appel à constituer milices ouvrières et comités d'usine.

La gauche révolutionnaire[modifier le wikicode]

Les événements de juin 36 semblent séparer encore Trotsky et Pivert, si proches une année auparavant. Les amis de Pivert semblent même avoir oublié la "lutte à fleuret moucheté" : à la veille de la formation du gouvernement Blum, ils ont voté, au congrès de Huyghens de la S.F.I.O. une résolution définissant le cadre de l’"expérience Blum" comme un "exercice du pouvoir" dans le cadre du régime capitaliste et de la légalité, et rejetant la conquête et, par conséquent, l'action révolutionnaire, au-delà de cette expérience. La Gauche révolutionnaire apporte ainsi sa caution à ce que Daniel Guérin appelle le "Front populaire n° 1". Significatif à cet égard est le célèbre article de Marceau Pivert, "Tout est possible", dont le mot d’ordre le plus hardi est celui de "Comités populaires entraînant dans le mouvement toutes les énergies prolétariennes sans gêner, bien au contraire, le développement du Parti, ni des syndicats"[63]. Ce "tout est possible" de Pivert doit en réalité être compris au sens particulier de "tout est possible sous la direction du gouvernement Blum", l'affirmation d’une confiance que Trotsky n’avait cessé, depuis une année, de reprocher véhémentement à Pivert. Or, Marceau Pivert va plus loin puisqu’il entre au secrétariat général de la Présidence du Conseil, chargé par Blum du contrôle politique de l'information. A l'exception de Daniel Guérin, les dirigeants de la Gauche révolutionnaire acceptent cette "mission" qui, en définitive, va pourtant les lier, suivant l'expression de Guérin, "par un fil à la patte", et les ranger, eux aussi, du côté du Front populaire — n° 1 si l’on veut —— contre les tentatives de "débordement"[64].

Ferrat et Que Faire ?[modifier le wikicode]

L'opposition communiste, elle, allait se battre. Le 25 mai, Ferrat intervient au Comité central sur l’attitude du Parti vis-à-vis du gouvernement Blum.

Je ne crois pas, déclare-t-il, qu’un communiste puisse se faire d'illusions sur le prochain gouvernement : il n’est pas un gouvernement révolutionnaire. Nous savons depuis longtemps que, dans la société actuelle, un gouvernement quel qu’il soit, [...], s’il ne brise pas l'appareil de l’État capitaliste, ne peut pas être autre chose que le conseil l'administration de la bourgeoisie[65].

Le gouvernement de Blum, sous lequel Pivert estime que "tout est possible", est pour Ferrat un gouvernement bourgeois vis-à-vis duquel le Parti communiste se doit de conserver toute sa liberté de critique afin de pouvoir dénoncer ses capitulations à venir. Le Parti communiste doit dire aux travailleurs "Vous n’obtiendrez que ce que vous arracherez vous-mêmes par votre action de classe"[66].

L’Humanité fait le silence sur cette intervention, qui restera ignorée du Parti : le danger, est grand cependant d’une jonction entre cette opposition d'un dirigeant et les tendances au débordement qui se manifestent dans les grèves. Le 10 juin, le Bureau politique décide, de convoquer le Comité central pour le 13, et de lui proposer l'exclusion d’André Ferrat. Le 11, à l'assemblée d'information des militants, gymnase Jean-Jaurès, Thorez indique en passant qu’un "membre du C.C. est en désaccord sur la tactique du Front populaire" (l'Humanité orthographiera Fennot)[67]. A la Grange-aux-Belles, Duclos dresse contre Ferrat — qui est présent — un réquisitoire en règle, mentionnant son opposition à la tactique allemande de l’I.C., son hostilité à la déclaration de Staline, à la politique du Front populaire en général. Ferrat demande la parole qui lui est refusée. Le service d'ordre l'empoigne et le retient derrière la tribune jusqu'à la fin de la réunion. L'incident a provoqué stupeur et remous[68].

Le 12, l'Humanité qui publie les directives du C.C., contient également un communiqué du 5 juin du syndicat des Métaux appelant à la poursuite des grèves contre le patronat obstiné. Dans la journée, un communiqué de l'Humanité annonce le renvoi du "coupable", Raveau, qui, en insérant le communiqué des Métaux, a "facilité les manœuvres des exploiteurs de la classe ouvrière"[69]. Paris-soir, écrit, que "l'énergique décision prise par les chefs responsables du Parti communiste vis-à-vis d’un des leurs" facilite la reprise des pourparlers "dans une atmosphère plus sereine et plus sûre"[70].

C'est le 13 juin également que "l'affaire Ferrat" vient devant le Comité central. L’"accusé" s’explique sur ses désaccords passés et ses griefs contre l'attitude actuelle de la direction. "Les dirigeants du Parti, déclare-t-il, [...] entrent en conflit contre l'avant-garde de la classe ouvrière." La politique de "soutien sans éclipse" du gouvernement Blum, "pousse en fait le Parti à collaborer avec la bourgeoisie pour freiner et briser le mouvement gréviste du prolétariat"[71]. Son propre cas illustre le parti pris de la direction de dissimuler la vérité aux militants, son refus de laisser s’ouvrir une discussion politique. Invoquant les résolutions sur l'organisation des partis communistes adoptées en 1921 par le III° congrès de l’Internationale communiste, il s’écrie :

Le principe anticommuniste qui consiste à exiger sous peine d’exclusion la confiance absolue dans une direction prétendument infaillible a remplacé le principe du centralisme démocratique[72].

Le Comité central, considérant que la ligne politique soutenue par Ferrat est une "conception aventurière", "relevant de la plate forme trotskyste", l'exclut de son sein à l’unanimité[73].

Ferrat va dès lors rejoindre ouvertement le groupe Que Faire ? Dans la revue c’est Kagan, qui, sous le pseudonyme de Pierre Lenoir, commente le mouvement gréviste. "Les comités de grève et les délégués d'usine, ce sont les germes des organisations soviétiques", écrit-il.

Quand, le 10 juin à Paris, 587 délégués, représentant 243 usines de la région parisienne, se sont réunis pour décider de la conduite à suivre, qu’est-ce d’autre que le germe d'un soviet ?

Pour l'opposition communiste, il "suffirait" donc de développer ce germe.

Il suffit de rendre ces réunions régulières, de constituer un bureau permanent, il suffit que les délégués et ceux qu'ils représentent comprennent la portée immense des institutions qu’ils viennent de créer pour que ce soviet en puissance devienne un véritable organe de lutte contre le pouvoir, un élément du futur pouvoir ouvrier révolutionnaire[74].

Dans ces circonstances, "en face de la décision unanime des délégués métallurgistes de continuer la grève jusqu’à la victoire entière, la déclaration que Thorez a eu le triste courage de faire ne peut être qualifiée autrement qu’un acte en faveur des patrons"[75].

Pourtant Que Faire ? ne va pas modifier sa ligne de "redressement" du P.C. et du Front populaire. Lenoir continue à distinguer entre le "Front populaire légal", autour du gouvernement Blum, qui cherche selon lui à sauver la société bourgeoise en canalisant l’élan révolutionnaire des masses, et le "front populaire réel", les masses en lutte pour le pain, la paix, la liberté, qui seules ont l'issue entre leurs mains...[76].

Premier bilan[modifier le wikicode]

Il est incontestable que la direction du Parti communiste a frappé en Ferrat le germe d’une opposition révolutionnaire ou, si l'on préfère, d’une "direction de rechange" qui aurait pu prendre la tête des mouvements de débordement. Est-ce seulement parce que les opposants conscients au P.C., avaient plus de détermination que n’en avaient ceux du Parti socialiste ? Il est permis d’en douter. A la conférence du P.C. en juillet, Maurice Thorez souligne la vigueur du courant "gauchiste" lorsque, parlant des nouveaux adhérents, il s'écrie : "Ils pensent que notre mot d'ordre de propagande "les soviets partout" peut et doit être réalisé tout de suite"[77]. Le phénomène, à vrai dire, est général. Au C.C.N. de la C.G.T., Marcel Roy fait la même analyse à propos de ceux qu’il appelle les "nouveaux venus" à la C.G.T. : "Ils attendent du Rassemblement populaire qu’il fasse sauter les cadres du régime capitaliste, alors qu’en réalité tout n’est pas possible"[78]. Il est incontestable que les jeunes hommes qui se sont révélés les chefs, improvisés souvent, des grèves de juin 36 dans les entreprises, ont rallié le Parti communiste parce qu’ils voyaient en lui un parti révolutionnaire : le danger de débordement a été, pour cette raison, plus aigu au Parti communiste qu’à la S.F.I.O. Et il est très vraisemblable que les centaines de lettres reçues par Ferrat après son exclusion ne reflètent que très imparfaitement ce heurt entre la politique du P.C. et les couches de jeunes travailleurs dont finalement aucun ne connaissait Ferrat et ne se trouvait à même d’apprécier le sens et la portée de son opposition, puis de son exclusion. Il reste que l’" affaire Ferrat", au sommet de la vague, a été sans lendemains. La classe ouvrière s’est grisée de sa propre force. "L’enthousiasme communicatif qui grise au milieu des grandes foules rassemblées par le Front populaire [...] au faite d’une vague immense d'enthousiasme", comme l’admettait déjà Ferrat à la conférence nationale du P.C. en juillet[79], étouffe les voix discordantes et trop grêles des minorités. L’été 1936 est celui des premiers "congés payés" que les travailleurs goûtent avec la joie de les avoir conquis. Il est aussi celui du début de la guerre d’Espagne d’où surgira le conflit entre la "révolution" et la "guerres" qui prendra pour beaucoup l'allure d’un conflit entre "romantisme" et "réalisme" révolutionnaires. Il est enfin celui du début de l'extermination de la vieille garde bolchevique, au premier Procès de Moscou, coup direct à l'optimisme ouvrier, à la confiance naïve et à l'enthousiasme qui avaient précisément caractérisé le mouvement de juin 36 et favorisé ses tendances à déborder le cadre fixé par les partis du Front populaire.

Lendemains de victoire, premières défaites[modifier le wikicode]

En fait, dès l'arrêt des grèves, au moment même où la Chambre votait les "lois sociales" qui consacraient la victoire ouvrière, commençait l'érosion, la remise en question des avantages conquis qui était le fait du patronat, l'usure du moral ouvrier qui était celui des directions des partis et syndicats.

Le 7 juillet, le sénateur radical Bienvenu-Martin demande "si le gouvernement tolérera de nouvelles occupations d’usines et de fermes". Le socialiste Salengro, ministre de l'intérieur, répond :

Je répète que le gouvernement est résolu à assurer l'ordre public, et si demain des occupations de magasins, de bureaux, d’usines, de fermes, étaient tentées, le gouvernement, par tous les moyens appropriés, entend y mettre un terme[80].

Certes, ni la C.G.T., ni le Parti communiste n'omettent de protester contre cette menace à peine voilée d’employer à l'avenir la force pour faire évacuer les usines occupées. Les uns et les autres sont néanmoins d’accord pour éviter des occupations qu’ils ne jugent "plus nécessaires". Jouhaux exprime l'avis unanime des dirigeants de la C.G.T. quand il déclare :

Si l'occupation d’usines ne doit pas être poursuivie en raison de la peur qu’elle créé dans l'opinion publique, des angoisses qu’elle fait naître, des possibilités de désagrégation qu’elle peut comporter en elle, si l'usine ne doit plus être occupée, l'usine doit être "neutralisée" en cas de grève, C'est-à-dire lorsqu’une majorité de travailleurs s’est prononcée pour des revendications et que ces revendications n’ont pas obtenu satisfaction et qu’il s’ensuit un mouvement de grève, l'usine doit être fermée[81].

Ce que confirme Benoit Frachon :

Nous leur disons avec franchise que le prolongement de l'agitation gréviste, de la continuation de l'occupation des usines les desservirait [...]. L'occupation des usines n’est pas la seule forme de grève et la grève n’est pas le seul moyen pour obtenir satisfaction[82].

Or, ici ou là, des grèves éclatent, avec occupation des usines. Dans le Nord, c’est, le 9 septembre, la grève des textiles de Lille et des environs contre le refus du patronat d'augmenter les salaires : 33.000 ouvriers et ouvrières occupent 113 entreprises. Roger Salengro, se rend, le 14, à une assemblée de délégués des grévistes et les conjure d’évacuer s’ils ne veulent pas, par leur obstination, provoquer la chute du gouvernement. Un délégué lui rappelle un discours récent dans lequel il lavait affirmé que "si on venait à renverser le gouvernement, c’est la rue et tous les travailleurs qui se dresseraient". Les dirigeants communistes Marthe Desrumeaux et Bourneton joignent leurs adjurations à celles de Salengro. Les délégués votent pourtant contre l'évacuation. Une intervention de dernière heure obtient un moyen terme : évacuer, quitte à réoccuper, si le patronat ne cédait pas. Cette fois, l'évacuation est décidée, de justesse. Le lendemain, les patrons refusent tout compromis ; les grévistes décident de réoccuper[83].

Au même moment, l'agitation recommence à Paris. Le 8 septembre, c’est un débrayage d’une heure à la chocolaterie Suchard[84], une grève d’une heure des chocolatiers et confiseurs contre l'interruption brutale par le patronat de négociations qui durent depuis deux mois sur le contrat collectif[85]. Le 14 septembre à la suite du licenciement de 20 dessinateurs, les 1.200 ouvriers. de l'usine Sauter-Harlé occupent l'entreprise[86]. Ils élisent un comité de grève, hissent sur les bâtiments le drapeau rouge frappé des initiales de la C.G.T.[87]. Quelques jours plus tard, onze entreprises de chocolaterie sont en grève, dont celle de la rue des Gourmets, dans le XV°, qui emploie 150 ouvriers[88]. Cette fois, c’est l’impasse : le comité de grève de Sautter-Harlé, pas plus que celui de la chocolaterie des Gourmets, ne veut entendre raison : l’occupation se poursuit. Le 9, la police, après de sévères bagarres, fait évacuer la chocolaterie : le député communiste Michels, présent, proteste, mais aucune action de solidarité ne sera entreprise[89]. Le 16, le député communiste Georges Cogniot s'adresse à une assemblée des grévistes de Suchard et les convainc d’évacuer[90]. Quant aux grévistes de Sautter-Harlé, qui, à la suite de l'attaque contre la chocolaterie des Gourmets, ont mis l'usine en état de défense, ils sont réquisitionnés au nom de la défense nationale, et, selon l'Humanité "de bonne grâce"[91], selon la Lutte ouvrière "la rage au cœur", reprennent le travail sans avoir obtenu la garantie que la direction reviendrait sur les licenciements contre lesquels ils avaient soutenu une grève de 32 jours[92]. Le bureau de la C.G.T. déclare, en "se plaçant du point de vue de l'intérêt général du pays" :

Il est indéniable que les divergences inévitables entre organisations ouvrières et patronales ne pourront dans la période présente trouver leur solution en évitant les à-coups des arrêts de travail, grève ou look-out et l'occupation des usines que par une procédure de discussion et de solutions apportant à tous des garanties d'impartialité et de sécurité. C’est pratiquer la véritable démocratie que mettre sur le même plan droit du travail et droit de propriété et vouloir que l’un et l'autre trouvent par des solutions de justice sociale leur sauvegarde[93].

Benoit Frachon, s’adressant aux élèves de l’école du syndicat parisien des métaux dit :

Nous savons que les efforts des militants syndicalistes ont empêché que de nombreux différends se transforment en grèves. Nous vous demandons de faire plus encore. Je sais qu’il est dur de maîtriser son impatience quand les injures et les parjures se multiplient. Mais il faut garder la tête froide et ne pas céder aux provocations.

et, plus loin,

Nous vous le disons franchement : dans le présent, votre intérêt bien compris réclame qu'il n’y ait plus d'occupation d'usines[94].

Quand les patrons de Suchard font encadrer les travailleurs par des surveillants armés, quand la direction de Sautter-Harlé maintient non seulement les licenciements prévus, mais licencie 69 ouvriers de plus, le député Cogniot a beau rappeler à l'arbitre qu’il a lui-même obtenu l'évacuation volontaire[95] de l'entreprise, les décisions sont maintenues : il semble bien que les partis du Front populaire et les directions syndicales aient obtenu qu’il en soit fini avec l'"abus des grèves" que Dumoulin déplorait au C.C.N. de septembre. La question est de savoir si tout s’est passé, comme le souhaitait Sémard, ancien secrétaire du P.C. et dirigeant de la Fédération des Cheminots, quand il affirmait : "Cette masse, il faut la discipliner sans la contraindre et sans qu'elle ait l’impression qu'on trahit ses intérêts"[96].

Le Nord, une fois encore relaie la région parisienne. Le 18 novembre, 2 500 métallos débrayent à Fives-Lille contre le licenciement d'un délégué, le chaudronnier Emile Meyer que la Lutte ouvrière qualifie de "militant révolutionnaire"[97]. Le mouvement s’étend. Dormoy, nouveau ministre de l'Intérieur, demande aux ouvriers d’évacuer. Blum leur demande par télégramme "de s’incliner par patriotisme". Les responsables syndicaux font des démarches pour obtenir la promesse d’une "neutralisation" qui leur permettrait de faire accepter l'évacuation. Le 20, se tient à Valenciennes une réunion houleuse de délégués : le député communiste Musmeaux. appuie les secrétaires syndicaux qui combattent l'élargissement. Le 30, le syndicat des métaux se décide à coiffer la grève : il réclame l'application immédiate des quarante heures, une augmentation de 15 % des salaires, un aménagement de la convention collective[98]. Il y a désormais 15 000 grévistes et R. Semat, secrétaire de la Fédération des Métaux écrit : "Ouvriers sidérurgistes, pas de mouvements sauvages, soyez disciplinés en constante liaison avec votre fédération"[99]. Devant les grévistes de Maubeuge, Benoît Frachon tient un langage plus mâle : "Nous sommes capables d'obtenir pour aider les ouvriers en lutte l'aide efficace d'autres fractions de la classe ouvrière"[100]. C'est précisément ce que les grévistes demandent et que la C.G.T. refuse. L'Humanité, en caractères gras, publie le 25 décembre un communiqué des métaux parisiens démentant l'imminence d’une grève générale de la métallurgie : "provocation contre laquelle les métallurgistes et leurs organisations s’élèvent avec indignation"[101]. Entre-temps, gouvernement et syndicats ont mis au point la procédure de l'arbitrage obligatoire "rendu nécessaire, dit Jouhaux, par la manœuvre de la C.G.P.F. rompant les pourparlers et tentant de jeter la classe ouvrière dans un mouvement inconsidéré"[102]. Les métallos du Nord, demeurés seuls, s’inclinent, après 53 jours de grève : les salaires sont augmentés de 9 %, les journées de grève ne sont pas payées. Surtout le licenciement d’Emile Meyer est maintenu : il sera, selon l'Humanité "l'objet d’une manifestation émouvante de sympathie de la part des ouvriers" qui reprennent le travail[103]. Il y a d'ailleurs, au total, 81 licenciements[104].

Depuis juin 36, et particulièrement depuis septembre, la situation n'a cessé de se dégrader. Le gouvernement Blum a dû dévaluer. Il n'a su empêcher ni la fuite des capitaux qui paralyse sa trésorerie, ni la hausse des prix qui annule les augmentations de salaires. La contre-attaque patronale se développe et réussit à imposer son droit, de licencier[105]. Les "ligues" dissoutes se sont reconstituées sous de nouvelles étiquettes et le P.S.F. de La Rocque, qui prolonge les Croix-de-Feu, multiplie les manifestations que les ouvriers prennent pour autant de provocations, surtout quand elles se déroulent dans des banlieues qu’ils considèrent comme leurs fiefs. Le gouvernement n’a épuré ni l'armée, ni la police, ni l’administration. La déception est à la mesure de ce qu’avaient été les espoirs. Les remous se produisent d’abord — et c'est normal — à la S.F.I.O., où les militants de la Gauche révolutionnaire ont le sentiment d’avoir été dupés. Beaucoup sont d'accord avec Collinet qui reproche à Pivert d’avoir approuvé la non-intervention en Espagne. Tous sont choqués de l'atmosphère d’"union sacrée" qui a prévalu lors de la cérémonie parisienne du 11 novembre. La "neutralisation" des usines et l’"arbitrage" gouvernemental leur paraissent des moyens par lesquels on dupe les travailleurs[106]. Début 1937, Marceau Pivert abandonne sa charge au secrétariat général de la Présidence du Conseil : "Je n’accepte pas, écrit-il, de capituler devant le militarisme et les banques […]. Je ne consens ni à la paix sociale, ni a l'union sacrée"[107]. Pour la première fois, un article qu'il a rédigé est censuré dans le Populaire. La circulaire n° 273 du secrétariat de la S.F.I.O. parle de "tentatives de désagrégation" conduites par la Gauche révolutionnaire, de "sanctions" au besoin "nécessaires"[108]. C’est au même moment que Blum s'adressant aux fonctionnaires, réclame la "pause" : il faut cesser. de revendiquer...

C’est à n’en pas douter, l’état d'esprit de la classe ouvrière en ce début de mars 1937 que décrit le secrétaire — réformiste — de la Fédération de l'alimentation, Savoie, lorsqu'il déclare au C.C.N. de la G.G.T.

Il sera difficile de contenir les camarades plus longtemps. Que la Fédération ne décide pas le mouvement que certains réclament, c’est très bien. Mais j'ai peur que l'on ne passe par-dessus sa tête [...] . Si demain nous ne sommes pas capables de trouver encore la possibilité de faire comprendre aux ouvriers [...] qu’il faut patienter encore un peu, nous serons débordés.

Il poursuit :

Les camarades nous disent : "Si nous ne faisons rien, si, pour éviter que le gouvernement soit mis en danger, nous laissons détruire nos organisations syndicales, si nous laissons nos employeurs continuer leurs représailles, si des lois de protection ouvrière ne sont pas appliquées, il y aura désaffection de la part des masses à l'égard du gouvernement de Front populaire"[109].

La crise du front populaire en 1937[modifier le wikicode]

Le mois de mars 1937 marque un tournant dans l'histoire du Front populaire. C’est le 1° mars qu’est publiée la lettre de démission de Marceau Pivert. C’est le 5 mars que le gouvernement Blum intronisé, à la tête du fonds d'égalisation des changes, les experts Jacques Rueff et Paul Baudoin. Les mesures adoptées en conseil le 5 mars sont approuvées par les milieux d'affaires ; le Temps écrit : "On ne peut qu'approuver", et, ainsi que l’a noté G. Lefranc, "Paul Reynaud triomphe"[110]. L'emprunt spécial de "Défense nationale" est couvert en quelques heures. Au même moment, les dirigeants de la Fédération du Bâtiment se font siffler au cours d’assemblées générales[111], une grève dure des cimentiers sur les chantiers de l'Exposition est évitée de justesse et limitée à 24 heures[112]. Le "climat" est désormais bien différent de celui de 1936 : dans la classe ouvrière, c’est le Parti socialiste qui fait les frais du désenchantement. Les divergences entre S.F.I.O. et P.C. sur la politique extérieure et notamment la non-intervention ont conduit les députés communistes à s’abstenir lors du vote de confiance du 4 décembre 1936. Dans le Doubs, lors d’une élection partielle, la conjonction des communistes et de la fédération S.F.I.O. en opposition au secrétariat du parti a failli battre le candidat radical. Tout se passe comme si l’on allait à une scission du Front populaire, la ligne de partage devant passer au milieu de la S.F.I.O. Tel est, au moins, l'espoir de ceux qui ont, de tout temps, opposé "un" Front populaire à un autre.

C'est alors que se produit l’incident, évité de justesse à Montreuil le 17 février, puis à Suresnes le 21. Le P.S.F. organise le 16 mars à Clichy une réunion que le ministre de l'Intérieur Marx Dormoy se refuse à interdire comme le lui ont demandé les élus et le comité local du Front populaire. Le maire S.F.I.O. de Clichy, Auffray, le conseiller général Naile et le député Honel, tous deux communistes, lancent un appel à la contre-manifestation : il s’agit de "montrer massivement aux ennemis du peuple que la place des représentants du capital et du fascisme international est ailleurs qu’au centre d’une ville qui entend vivre libre"[113]. Dormoy a mis en place un important service d’ordre qui s’interpose quand les manifestants ouvriers, partis de l’hôtel de ville, tentent de gagner le cinéma Olympia où se tient la réunion P.S.F. La police cogne d’abord, puis tire, dans des circonstances mal élucidées : il y a cinq morts et des centaines de blessés dont le propre chef de cabinet de Blum, venu dès qu’alerté. Maurice Thorez, arrivé à la Mairie de Clichy à 22 h. 45, refuse de s’adresser, du balcon, aux travailleurs qui se pressent sur la place[114]. Selon le témoignage d’un militant du P.C. reproduit par la Lutte ouvrière, il recommande le calme et promet de demander la démission de Dormoy, puis il traite de "sales trotskystes" des ouvriers qui réclament les milices ouvrières[115].

La réaction ouvrière est immédiate : des grèves, accompagnées très souvent de mesures d’"épuration" dirigées contre les cadres qui passent pour "fascistes". Grèves purement "politiques", comme le souligne le Temps, sans référence à aucune revendication d’ordre professionnel, grèves "illégales" aussi, si l’on veut, puisqu’elles ne tiennent aucun compte de la législation sur la conciliation et l'arbitrage récemment adoptée[116]. Pierre Naville, retraçant les grandes lignes du mouvement, écrit qu’on peut le tenir pour "une immense protestation contre la politique de capitulation de Blum"[117]. L'exigence qui s’élève dans toutes les usines, du châtiment des responsables des "forces de l’ordre" n’est pas un vœu pieux comme le montre l'épuration entreprise dans les usines. Le mouvement a-t-il une allure révolutionnaire ? Il est plus âpre, en tout cas, que celui de juin 1936.

Les partis du Front populaire et la C.G.T. volent au secours du gouvernement. L’U.D. de la région parisienne "en présence des mouvements spontanés", lance le mot d'ordre de grève générale d’une demi-journée pour la matinée du 18, en recommandant d’"éviter toutes les provocations, toutes les manifestations de rue, à reprendre partout le travail l’après-midi pour manifester la puissance et solidarité du mouvement"[118]. Blum dira de cette grève que ses initiateurs "désiraient cantonner cette agitation et la limiter dans le temps et l'espace"[119], Bothereau qu’elle a été "décidée pour coordonner et discipliner l'explosion naturelle de la classe ouvrière parisienne"[120], et Henri Raynaud, secrétaire de la C.G.T. et dirigeant communiste, déclare :

Dans la journée d'hier, les grèves éclataient un peu partout spontanément de façon anarchique. Elles se développaient et se généralisaient d’une façon qui pouvait donner à toutes les provocations une base d'action redoutable. Certaines de ces grèves n’ont pu être arrêtées mercredi que parce que les ouvriers ont su que l’U.D. envisageait un mouvement général pour le jeudi. Ainsi cette grève générale a été une grève pour le maintien de l'ordre[121].

Vers 13 heures, des incidents éclatent pourtant chez Renault où de violentes discussions opposent partisans et adversaires de la reprise du travail : à la suite d’un nouveau débrayage, un chef d’atelier, pris à partie comme "factieux", est chassé de l'usine, un délégué réclame le renvoi de plusieurs "fascistes" des services d'administration. Il semble bien que cadres et militants communistes se soient divisés et même heurtés[122].

Une partie de la presse de droite reconnaît les mérites des dirigeants luttant contre le flot qui les déborde. Marcel Lucain écrit dans Paris-Midi :

Les élus communistes [...] font tout ce qu’ils peuvent pour contenir certains troubles déchaînés [...]. Il apparaît à ce freinage des chefs extrémistes qu’on pourrait qualifier de "réguliers" sur la pente révolutionnaire qu’ils redoutent d’être débordés [...]. Le dilemme pathétique est de savoir si les cadres parviendront dans cette tourmente à retenir les masses[123].

Le choix des partis[modifier le wikicode]

Le heurt sanglant entre les forces de police et les manifestations ouvriers pose le problème dans les termes mêmes où les dirigeants du Front populaire ont, depuis mai 36, évité qu’il le soit. Le service d’ordre a incontestablement agi conformément aux instructions qu’il avait reçues du gouvernement. Le P.S.F. de La Rocque adresse le "tribut de son admiration et de sa reconnaissance à la garde mobile et au service d’ordre"[124]. Le Temps, dans un retentissant éditorial le 24 mars, pose le problème en écrivant qu’il s’agit d’"un conflit entre deux conceptions irréductibles : celle qui est favorable au maintien des libertés, celle qui tend à leur subversion". Parlant des initiatives ouvrières, il demande "si les pouvoirs publics se prêteront aux caprices néroniens d’une "classe" désormais privilégiée". Il affirme :

La Chambre va dire si décidément la dictature du prolétariat, déjà, hélas ! inscrite dans les faits, doit être considérée comme un régime de droit [...]. Si, pour s’être opposés, non sans courage et au péril de leur vie, à ce que fussent molestées des familles convoquées à la soirée récréative du P.S.F., certains chefs de la police parisienne étaient frappés, les agitateurs illégalistes deviendraient officiellement les maîtres de la rue ; en réalité, il n’y aurait plus de police, l'émeute aurait le champ libre et dicterait sa volonté[125].

La réponse avait déjà été donnée : l'Humanité avait dit que les travailleurs, dans la grève du 18,

avaient affirmé leur confiance, leur fidélité et leur attachement à l’U.S.O.R.P. et à la C.G.T. qui, comme le disait son secrétaire Léon Jouhaux à Clichy, sont des organisations d’ordre, réclamant que tous respectent l'ordre républicain[126].

Blum, au nom du gouvernement, allait la développer, donnant réponse positive à toutes les questions du Temps. Il confirme que le P.S.F., parti reconnu par la loi, a droit à la protection qu’elle lui confère. "Nous n’avons pas interdit la réunion de Clichy, dit-il, nous l’avons même protégée." Il condamne l'initiative des élus Front populaire de Clichy : "L’appel à la population de Clichy est une erreur, c’est-à-dire quelque chose de pire qu’une faute [...]. J'adjure mes amis de ne pas renouveler un pareil geste." Il s’écrie

Le plus puissant des intérêts, à l'heure présente, c’est l’ordre républicain, c’est la concorde civile, c’est la coopération et l'intelligence réciproque dans le travail, c’est le respect de la loi, de toutes les lois, de celles qui protègent les droits du travail comme de celles qui protègent les libertés politiques.

Aux députés de droite qui s’indignent des mesures d’épuration dans les usines, il répond qu’il s’agit d’"incidents déplorables et intolérables [...] provoqués par des éléments qui échappent au contrôle d'organisations ouvrières", et se déclare convaincu que ces dernières "ne laisseraient pas introduire chez elles des pratiques auxquelles le tempérament français répugne". Aucune sanction ne sera prise contre les responsables du service d’ordre à moins que l’enquête ne prouve qu’ils ne se sont pas conformés aux ordres reçus. Il conclut en affirmant que, pour la première fois peut-être, le sang a coulé sans creuser "un fossé entre les masses populaires et le régime"[127].

Conforme aux exigences du Temps, la réponse du président du Conseil socialiste l’est aussi à celles de ses partenaires radicaux : deux jours auparavant, Daladier avait conseillé à la classe ouvrière de ne pas "se laisser entraîner par des éléments irresponsables vers la dangereuse chimère que le pouvoir lui appartiendra bientôt et à elle seule"[128]. Le Parti communiste qui parle, depuis quelques jours, de "monstrueuse provocation" et réclame le châtiment des responsables du service d’ordre que Blum — on le sait — a promis aux radicaux de refuser, va-t-il regimber ? C’est Jacques Duclos qui propose à la Chambre un ordre du jour de confiance et les communistes sont parmi les 362 députés qui votent la confiance. Le "massacre de Clichy" n’a, pas plus que la fusillade du 7 mars à Metlaoui, contre des mineurs tunisiens en grève, fait éclater le Front populaire. En revanche, il existe un divorce croissant entre les directions et l’opinion ouvrière telle qu’elle s’est exprimée dans l'action.

Les minorités et le "massacre" de Clichy[modifier le wikicode]

Il est sans doute très significatif de l’état d’esprit de la classe ouvrière parisienne au lendemain de la fusillade que les militants trotskystes du P.O.I. aient pu participer avec leurs drapeaux et leurs mots d’ordre au gigantesque cortège qui le 21 mars suit les cercueils des victimes, sans qu’éclate le moindre incident avec le service d’ordre de la manifestation. Le compte rendu de la Lutte ouvrière met l'accent sur le fait qu’à plusieurs reprises les ouvriers scandent en chœur le mot d’ordre — quelque peu délaissé à cette date — des "soviets partout"[129].

Pour l'opposition communiste de Que Faire ? le Parti socialiste vient de montrer son véritable visage : il se "démasque" ainsi que l'avait prédit Ferrat. Mais le Parti communiste, à son tour, capitule devant le gouvernement : tel est bien, souligne Ferrat, le sens de l'ordre du jour de "confiance au gouvernement pour assurer la liberté de tous, le respect de la loi nécessaire au maintien de la paix intérieure et au jeu normal des institutions démocratiques"[130]. Pour Pierre Lenoir, la fusillade de Clichy a consacré la coupure du Front populaire en fusilleurs et fusillés. "C'est sous la bannière de la droite du Front populaire que se rangent, pour se défendre contre les masses, les 200 familles et leurs agents"[131]. Encore une fois, il en appelle à l’action des masses pour "un vrai Front populaire" contre la "politique radicale-policière" du Front populaire légal[132].

Même analyse chez les Jeunesses socialistes de la Seine dont le numéro spécial de la Jeune Garde titre : "Huit milliards pour l'emprunt ! Cinq morts à Clichy ! L'argent de la bourgeoisie se paie avec le sang des ouvriers !". Les dirigeants sont exclus et l’Entente dissoute[133]. Un appel des exclus à la lutte en vue, de la constitution d’un "parti révolutionnaire" permet à l'appareil de la S.F.I.O. de prendre l'offensive contre la Gauche révolutionnaire. Marceau Pivert qui, une fois de plus, a pris la défense d’exclus qui avaient été ses disciples, considère toujours, pour sa part, que le "parti révolutionnaire existe" et que c’est le Parti socialiste. Les dirigeants de la Gauche révolutionnaire s'inclineront donc devant la sanction qui les frappe au Conseil national de la S.F.I.O. : la tendance Gauche révolutionnaire est dissoute, son mensuel disparaît. D’avance, Marceau Pivert a répudié ceux qui demanderaient "la dislocation du Front populaire"[134].

Ainsi, pas plus que les "communistes révolutionnaires" du groupe Que Faire ? ne renoncent à "rénover" le Parti communiste, les socialistes révolutionnaires de Marceau Pivert ne se décident à rompre avec le Parti socialiste en renonçant à son "redressement". Les uns et les autres continuent à se placer sous le drapeau du Front populaire qu’ils veulent "réel" ou "de combat", et à contribuer ainsi au nom de la nécessité de rester avec les masses à une ambiguïté qui sert ce qu’ils appellent le "Front populaire légal". Au Parti communiste, on assiste après Clichy, à une nouvelle vague d'exclusions : à Lens, à Carvin, à Marseille, à Clermont-Ferrand, à Suresnes où l'instituteur et historien du mouvement ouvrier René Garmy est exclu le 26 juin 1937[135]. Du Parti socialiste, de nombreux militants, surtout parmi les sympathisants de la Gauche révolutionnaire, s’en vont sur la pointe des pieds, ne comprenant pas la prudence des opposants, même quand, comme dans le cas de Daniel Guérin, ces derniers pensent seulement qu’une scission serait "prématurée"[136].

Dans les mois suivants, marqués par les progrès de l'offensive hitlérienne, la répression contre le P.O.U.M. en Espagne sous le gouvernement Negrin, le deuxième procès de Moscou et le langage toujours plus violent et menaçant de la presse du P.C. contre les "trotskystes", un tassement se produit. C'est dans une relative indifférence — inconcevable en 1936 — que Léon Blum s’en va, face à l'opposition du Sénat en juin. Le congrès de la S.F.I.O. à Marseille se tient, écrit Daniel Guérin, dans une ambiance "lugubre"[137]. Il n'y a plus que des luttes partielles, dont aucune n’aboutit, mais où se fait entendre la voix de travailleurs qui exigent qu’on lutte avec détermination et ensemble.

Jouhaux sonne l'alarme au C.C.N. des 12 et 13 avril :

Collaboration loyale avec le gouvernement, voilà notre attitude, dit-il, Nous ne pouvons pas en même temps laisser se développer dans notre mouvement une attitude d'opposition qui affaiblirait ce gouvernement et le Front populaire tout entier[138].

En mai, à propos de la reconduction des conventions collectives, la C.G.T. se défend d'avoir demandé, comme l'assure la presse de droite, un "contrôle arbitraire sur l'embauche et le congédiement"[139].

Le mouvement ouvrier subit défaite sur défaite. Défaite des maçons de Nantes après dix semaines de grève. Discussions violentes dans le Bâtiment entre la direction et une minorité qui condamne "les mouvements partiels qui permettent à la réaction patronale de s’exercer et jettent le découragement et le désarroi dans l'ensemble de la classe ouvrière"[140]. Finalement, une menace de look-out contraint les dirigeants du Bâtiment à renoncer à la grève de 24 heures prévue pour le 11 août[141] ; Même déconfiture, début juillet, du mouvement des H.C.R.B. dont le syndicat avait, selon l'Humanité, "fait toutes les concessions", accepté une période transitoire pour la durée de l’Exposition, renoncé à l'application des conventions dans les petites entreprises[142]. Les grévistes occupent. La police de Dormoy fait évacuer. Les patrons lock-outent. Grave défaite enfin des métallos de Simca en lutte contre les licenciements, après que le syndicat des métaux ait démenti l'intention qu’on lui prêtait d'une grève de solidarité : "Les métallurgistes et leurs syndicats, confiants dans leur force, ne décideront jamais une action au moment choisi par le gouverne ment"[143].

Le gouvernement Chautemps — de Front populaire auquel les communistes avaient vainement offert de participer — prépare une nouvelle législation sur l'arbitrage obligatoire en matière de conflits du travail. Les échecs répétés et les reculs successifs des organisations syndicales ont permis de prendre cette voie. Deux ans après la plus grande grève de son histoire, le mouvement ouvrier français va-t-il endosser une camisole de force ?

La crise sociale de 1938[modifier le wikicode]

La nouvelle crise sociale, écrit Daniel Guérin, est un "deuxième round" avec une importante différence :

Les travailleurs étaient maintenant ligotés par une puissante bureaucratie syndicale et la pratique d’un arbitrage en passe de devenir obligatoire[144].

Le choc entre la poussée de la base et la résistance concertée de l'appareil syndical et politique tourne à un affrontement sévère et à une démoralisation rapide des éléments qui ont tenté le débordement sans direction, sans avoir pris réellement conscience de l’enjeu — en un mot de ceux qui se sont heurtés au Front populaire au nom du Front populaire.

La grève Goodrich à Colombes[modifier le wikicode]

C'est dans l'usine Goodrich à Colombes — 2.000 ouvriers — que va éclater le premier conflit. La section syndicale, affiliée à la fédération C.G.T. des Produits chimiques, est dirigée par d’anciens unitaires dont certains, comme Bourlet, semblent avoir été liés à des minorités révolutionnaires[145]. La grève a pour origine le mécontentement contre le système Bedeaux, et pour occasion le renvoi d’un ouvrier accusé d’avoir installé un écouteur dans le bureau du directeur. Elle est décidée en assemblée générale — 400 présents — et l'occupation immédiatement et méthodiquement réalisée sous la direction d’un comité de grève élu.

Or, le 23 décembre, vers 5 heures l’usine est investie par six cents gardes mobiles. A 7 heures, le comité de grève décide d’actionner les sirènes. dans les entreprises de Colombes, Argenteuil, Courbevoie, Bezons, les ouvriers débrayent, occupent, envoient des "renforts" devant Goodrich. A 11 heures 30, quand le syndicat des métaux d’Argenteuil-Bezons donne l’ordre de grève, il ne ratifie qu’un état de fait.

Devant l'usine et dans ses alentours, stationnent plus de 30.000 travailleurs. A 13 heures 30, l’ordre est donné de reprendre le travail : la grève de solidarité se poursuivra toute la journée à la seule usine d'aviation SNCASE (anciennement Lioré)[146]. A la sortie du travail, les ouvriers reviennent devant Goodrich. Les forces de l’ordre sont retirées.

Le gouvernement en reculant a, certes, évité le choc, mais il redoute d’avoir créé un précédent. Peut-il laisser se réinstaurer la pratique des "grèves sur le tas" condamnées par les organisations syndicales et le Front populaire ? La victoire du 23 décembre inaugurera-t-elle une nouvelle vague, plus dure ? Sur ce point, patronat, gouvernement et syndicats sont d’accord : il n’en est pas question. La C.G.T. devra user de toute son autorité pour obtenir des ouvriers l'évacuation. L'administrateur de Goodrich propose de neutraliser l'usine jusqu’au 3 janvier. La Fédération donne son accord et, en son nom, Poulmarch déclare :

Nous avons la promesse formelle de M. le Président du Conseil, ainsi que la parole de M. Boyer, administrateur des établissements Goodrich, que la neutralisation de l’usine sera effective. C'est une garantie pour nous.[147]

Mais au comité de grève, cette garantie n’est pas jugée suffisante. Douze des votants se prononcent contre l'évacuation : encore, les seize qui l'acceptent précisent-ils que la neutralisation doit se poursuivre jusqu'à la publication de la sentence arbitrale[148].

La sentence est rendue le 6 janvier. Le licenciement prévu est confirmé, quoique l'ouvrier incriminé soit innocenté. La question des cadences et du système Bedeaux est renvoyée à un arbitrage ultérieur. La Fédération des Produits chimiques se prononce pour l'acceptation de la sentence arbitrale[149]. Mais, au comité de grève, réuni en présence des représentants du syndicat et de la fédération, cinq délégués seulement votent en faveur de l'acceptation. Onze, avec Bourlet, se prononcent pour le refus et par conséquent pour la poursuite de la grève ; enfin, la majorité avec Charpentier, autre responsable, s’abstient en signe de protestation contre l'attitude des représentants syndicaux. La question devra être portée devant deux assemblées générales où Poulmarech et Carasso, de la Fédération se font épauler par Henri Raynaud et le député communiste Waldeck Rochet. Contre eux, la majorité du comité de grève, dont Bourlet est le porte-parole. Carasso attaque violemment les "ultra-révolutionnaires, super-révolutionnaires qui font le jeu du patronat", parce qu’ils sont "payés par la rue Lauriston"[150]. Au référendum, 673 ouvriers se prononcent pour l'acceptation de la sentence et la reprise du travail, 488 contre. Il y a plus de 800 abstentions déclarées[151]. A l’Assemblée générale du 10 janvier, Bourlet et Charpentier, traités de "provocateurs" par Carasso, appellent les quatre cents présents à ne pas quitter la C.G.T. malgré l'attitude de ses dirigeants.

Conflit des services publics[modifier le wikicode]

Pendant que se déroulait la grève Goodrich, un événement non moins significatif et plus spectaculaire s’est produit : la grève, déclenchée à l'improviste, des services publics de la Seine, qui prive Paris d’eau, de gaz, d’électricité, de voirie et de transports. Ainsi que le souligne G. Lefranc, il s’agissait "d’un sérieux glissement vers les méthodes d’action directe de catégories sociales demeurées relativement paisibles en mai-juin 1936"[152]. En fait, dans ces catégories précisément, la hausse du coût de la vie avait durement frappé. Chez les fonctionnaires, le mouvement gréviste a été évité de justesse, et la C.E. de leur Cartel a pu féliciter

les militants qui, non sans difficulté, par esprit de discipline et pour ne pas porter atteinte au Rassemblement populaire, se sont efforcés d’éviter dans leurs services que le mécontentement des travailleurs se traduise par une agitation désordonnée et inefficace[153].

Les travailleurs des services publics de la région parisienne avaient déjà manifesté en octobre[154]. Cette fois, ils frappent un grand coup.

Leur initiative, à la veille des fêtes de Noël, est considérée à droite comme une véritable provocation ; dans les milieux dirigeants du Front populaire, elle suscite division et affolement. Le président du Conseil Camille Chautemps déclare que "le grave désordre social qui a été provoqué et qui moleste injustement toute la population parisienne ne trouve aucune excuse dans un motif corporatif quelconque". Il menace : "le gouvernement saura remplir son devoir et assurer, en dépit de toute résistance, la reprise des services publics et le maintien de l’ordre"[155]. Dans le Populaire, Daniel Mayer juge "inconcevable" le déclenchement à l’improviste du mouvement qui pouvait "ne pas paraître justifié aux yeux de la population"[156]. Cependant, la Fédération de la Seine se déclare solidaire des grévistes. Symptôme plus grave, les journaux ouvriers — à l'exception du Peuple, mais y compris le Populaire et l'Humanité — sont distribués par les camions militaires que le gouvernement utilise pour briser la grève ; un des secrétaires de- l’Union des syndicats, Amblard, intervient par téléphone auprès des dirigeants syndicaux du Livre pour qu’ils laissent s'opérer l'enlèvement des journaux, à l’insu et sans l’aval des syndicats des transports intéressés[157].

Ce sont, semble-t-il, les socialistes, qui au gouvernement insistent pour que soient faites aux grévistes les concessions nécessaires. Dans la nuit du 29, les ministres socialistes Dormoy, Monnet et Paul Faure déclarent que les travailleurs des services publics auront satisfaction et recevront l'indemnité de 1.200 fr qu'ils réclament[158]. L'Humanité rapporte :

Et les représentants des organisations ouvrières décidèrent d’un commun accord, soucieux de l’ordre républicain, et enregistrant l'avantage remporté par une juste cause, que le travail reprendrait dans ces conditions le matin même dès 5 heures[159].

A travers la grève Goodrich comme la grève-éclair des services publics, s'est dessinée une situation nouvelle : dans les semaines suivantes, face à la résistance des appareils syndicaux, la combativité ouvrière allait s’émousser dans des mouvements désordonnés et s’enliser dans une confusion dont le sommet devait être atteint avec la grève des métallos.

La grève des métallos parisiens[modifier le wikicode]

La grève de mars-avril dans la métallurgie parisienne est un événement capital dont nous ne pourrons, faute de place, que souligner les traits essentiels.

Sur le plan intérieur, elle éclate dans le contexte d’une radicalisation croissante. C’est la pression des militants, après le congé signifié par Chautemps aux communistes, qui a entraîné la démission des ministres socialistes[160]. Un conseil national de la S.F.I.O. a refusé la participation proposée pourtant à la fois par Blum et par Paul Faure[161]. La Gauche révolutionnaire a conquis la majorité de la Seine, et Marceau Pivert est devenu secrétaire fédéral. Sur le plan de la politique extérieure, c'est la crise européenne qui aboutit, le 11 mars, à l'Anschluss. Dans l'émotion qui suit le coup de force hitlérien, Blum obtient du Conseil national le mandat de tenter un "rassemblement national autour du Front populaire", union sacrée que la droite refuse[162]. Il constitue alors un nouveau gouvernement de Front populaire qui sera renversé par le Sénat sur ses projets financiers, après vingt-six jours. Le gouvernement Daladier qui lui succède le 10 avril, ne comprend ni socialistes ni communistes, mais en revanche des députés du centre droit ; il bénéficie pourtant des voix socialistes et communistes, le 12 avril pour la confiance, le 13 pour les "pleins pouvoirs" en matière économique et financière.

La grève des métallos débute le 24 mars, aux usines Citroën, soit six jours après l'investiture de Blum[163]. Élargie, dès le 25, à quelque 330.000 ouvriers de la région parisienne, elle se prolonge dans l'équivoque et la confusion pendant toute la durée du gouvernement Blum, le Populaire accusant les communistes, et les communistes accusant les trotskystes et la Gauche révolutionnaire d’en être les responsables. Ce n’est qu’après la chute de Blum, dans les premiers jours du gouvernement Daladier, que Renault débraie et que le Syndicat des Métaux coiffe la grève, portant à 150.000 le nombre des grévistes. Moins de cinq jours plus tard, il y met fin en acceptant l'arbitrage du contrôleur général Jacomet.

Là où la grève est déclenchée à la fin mars, c’est à l'initiative des commissions exécutives des sections C.G.T. et avec la participation active des cellules du P.C., sans consultation des travailleurs des usines intéressées qui s’y lancent cependant avec enthousiasme, comme vers un nouveau "Juin 36". Mais les revendications des usines en grève varient considérablement, de simples augmentations de salaires et de revendications portant sur la nouvelle convention collective, des exigences politiques comme l'aide à l'Espagne républicaine.

Là où la grève n’est pas déclenchée, dans les derniers jours de mars, les responsables syndicaux et les cellules du P.C. freinent la poussée ouvrière pour l’"élargir". Les arguments sont politiques il s’agit d’éviter un mouvement qui risque de compliquer la tâche du gouvernement. Dirigeants socialistes et communistes tiennent, à cet égard, le même langage. André Blumel dit aux responsables des amicales socialistes d’entreprise : "Si lundi (28 mars) la grève n’est pas terminée, Blum s’en va, et vous aurez Pétain"[164] ; Doury et Timbaud, dirigeants communistes des Métaux, répondent à la section d'Alsthom-Lecourbe qu’ils tiennent de Vincent Auriol que le gouvernement Blum démissionnerait si la Fédération des Métaux lançait elle-même la grève[165].

En réalité, l'élargissement rapide du mouvement après l'initiative du P.C. chez Citroën révèle l’existence d’une opposition sérieuse à la politique attentiste. Fait sans précédent, Jouhaux se fait siffler au meeting de Buffalo et l'Humanité, sous la plume de Gitton, s’en indigne[166]. Or, à partir de cette date, le ton se durcit. Gitton appelle le gouvernement à sévir contre les "provocateurs trotskystes"[167]. Le ton de l'Humanité, nettement "terroriste", ne peut pas ne pas évoquer la mise au pas des prétendus "incontrôlables" en Espagne. Le 28, un tract de la C.G.T. de Renault dénonce la "bête trotskyste" qui pousse à la grève[168], et Francis Desphelippon, responsable national des amicales socialistes, invite, dans le Populaire, les amicalistes à se faire briseurs de grève[169]. La Fédération de la Seine le dénonce par tract[170].

Le 7 avril, sous la signature de Marceau Vigny, militant du P.C. et secrétaire de la section C.G.T. Renault, l'Humanité affirme : "Les ouvriers sentent nettement la volonté du patronat d’imposer la grève chez Renault. Des milliers et des milliers de tracts signés de la IV° Internationale appelant les ouvriers à l'action sont distribués chaque jour aux portes de l’usine". Et de conclure que la section "fera le maximum pour lutter contre la démagogie fasciste" et que ses délégués ont demandé au gouvernement "de prendre les mesures nécessaires"[171]. Le soir se déroule la manifestation de soutien du gouvernement Blum contre le Sénat organisée par la Fédération de la Seine[172].

Au congrès de l’U.D. de la région parisienne, Eugène Hénaff admet que "certaines inquiétudes et une certaine impatience [...] commencent à s’exprimer dans les entreprises"[173]. Le délégué du Livre, Charbit, un ami de Monatte, est le seul à poser, au milieu des huées des congressistes, le problème du caractère et des objectifs de la grève des métallos. Le Temps écrit :

Il est nécessaire de rappeler - quitte à étonner les profanes - que les partisans officiels d’une agitation sociale telle que celle de la métallurgie sont non pas les communistes, mais leurs adversaires influencés par les trotskystes ou les éléments extrémistes des amicales socialistes[174].

Un thème s’impose dans les clameurs des adversaires de l'extension de la grève, celui de la nécessaire union contre le fascisme, de la défense nationale mise en péril par les "menées trotskystes". Quand Charbit parle de l'union des prolétaires contre la bourgeoisie, on l'interrompt en criant : "A Berlin !"[175]. L’Humanité invoque l'autorité de la Pravda pour affirmer :

Les provocateurs trotskystes jouent un rôle particulièrement vil dans les menées réactionnaires ; c’est par leur truchement que les éléments fascistes de la bourgeoisie s’efforcent d'aggraver la situation dans le pays et de semer la discorde entre partis du Front populaire[176].

Le P.S.F. fait écho en assurant de son côté : "La IV° Internationale et les socialistes extrémistes ont déclenché le mouvement [...]. C'est la paralysie de la défense nationale que l’on cherche"[177]. Ainsi prévaut, du sommet du Front populaire à sa droite, le thème de l'union sacrée que l'éditorial du Temps aura beau jeu de retourner, le 13, contre le P.C.[178], quand Marceau Vigny, à la tête de la section Renault, aura fait débrayer l’usine après avoir lutté plusieurs semaines contre la "bête trotskyste"...

Le P.C. a-t-il cherché, en déclenchant les grèves Citroën, à exercer sur le gouvernement Blum une certaine pression ? C’est possible. Mais il ne ménage pas ultérieurement ses efforts pour en empêcher l'extension. Sa sonde, maintenant comme en 36, a-t-elle atteint la "nappe de souffrance et d’espoir" et provoqué une explosion qui lui échappe ? C'est probable. Pourquoi généralise-t-il la lutte des métallos parisiens à partir du 11 avril ? Parce qu’il se sent réellement débordé, et que, le gouvernement Blum tombé, il n’a plus de raison de demeurer le "dos au mur" ? Ou ne coiffe-t-il la grève que parce que c'est l'unique moyen d'en venir à bout ? Ne termine-t-il la grève, ainsi que l'affirment les minorités révolutionnaires, que parce qu’il l’a d’abord usée, et que le moment est venu pour lui de montrer son autorité, après que Daladier lui eut donné des garanties sur la politique de "fermeté" qu’il entend mener vis-à-vis de Hitler, fermeté dont la présence de Paul Reynaud au gouvernement semble la caution ?

Le fait est que la conclusion de la grève est aussi déconcertante que l'avait été sa conduite. Pour les travailleurs de l’aviation, 0 fr.75 de l'heure et la semaine de 45 heures ; pour les autres, augmentations de 0,25 à 0,35 selon les catégories constituent un maigre "bilan" et ne justifient guère les cris de victoire de l'Humanité[179]. Dans nombre d’usines, les opposants se voient refuser la parole lors de la "discussion" sur la reprise. Ils existent pourtant : 3 à la commission exécutive de la section syndicale d’Hispano-Suiza, 5 à celle de l’usine Citroën de Clichy, 600 ouvriers dans le référendum organisé chez Gnome-Rhône (Kellermann)[180]. Mieux, ces opposants ont parfois la majorité : les C.E. des sections C.G.T. de Lavalette-Saint-Ouen, le 15 avril, à l'unanimité, d'Alsthom-Lecourbe le 22, par 22 voix contre 2 et 1 abstention, votent des résolutions sévères pour les dirigeants syndicaux à qui elles demandent des comptes, avec des accents qui prouvent que la propagande des minoritaires a été et demeure entendue dans ces entreprises[181]. Au congrès des Métaux de juillet où Galopin fera entendre la voix de la tendance "Lutte de classes", 12 sections, avec 57 mandats — un mandat représentant 50 syndiqués — se prononceront contre le rapport d’activité[182].

La crise des organisations ouvrières[modifier le wikicode]

Ces chiffres ne représentent en réalité, et pour un secteur limité, qu’une fraction du courant qui se détourne maintenant des directions officielles. En fait, une fois de plus, les travailleurs "votent avec leurs pieds". Comme au lendemain de la grève Goodrich, mais sur une autre échelle, des syndiqués déchirent leurs cartes. Chez les métallos, en quelques mois l’organisation syndicale perd 80.000 syndiqués[183].

Dans les partis, la crise, qui ne revêt pas les mêmes formes n’en est pas moins réelle. Et d’abord dans la S.F.I.O. La Fédération de la Seine, pendant la grève, a diffusé un tract désavouant le Populaire. Le 18 mars, elle adresse aux autres fédérations un texte intitulé : "Alerte ! Le Parti est en danger !" Le 11 avril, la Commission des conflits suspend pour trois ans Marceau Pivert, pour deux ans les autres membres du Bureau fédéral. Le 12, le Conseil fédéral de la Seine décide de maintenir dans ses fonctions le bureau suspendu. Le 13, la C.A.P. dissout la fédération de la Seine et constitue une nouvelle fédération. Les militants pivertistes occupent leurs locaux. Désormais, et malgré les réticences de beaucoup, c’est, la scission qui est mise à l’ordre du jour par les initiatives de la direction S.F.I.O. contre la Seine. Plusieurs milliers d’auditeurs se pressent aux meetings organisés par la Fédération de Pivert et Daniel Guérin lance l’idée qu’il faudra peut- être construire un "parti révolutionnaire"[184].

L'évolution de la crise socialiste est suivie avec passion dans les minorités trotskystes. La Lutte ouvrière, organe du P.O.I. élève le débat en écrivant :

Le sabotage criminel par les staliniens de la grève de la métallurgie parisienne, l'offensive social-patriote à l'intérieur de la S.F.I.O. passent au premier rang des préoccupations de l'avant-garde ouvrière que secoue une profonde crise. La crise de la S.F.I.O. est publique, et gagne de jour en jour en ampleur, secouant toutes les fédérations. Mais elle s’accompagne d’une crise, moins connue, du P.C. Des militants syndicaux, des délégués d'entreprise, secrétaires de cellules d’usine, les hommes de Juin 36, quittent par centaines le P.C. à Paris et en province[185].

Un symptôme évident de cette crise est la lettre adressée à Maurice Thorez par le député de Clichy, Honel, publiée par l’Humanité le 13 mai 1938, Honel déclare se faire l'écho des travailleurs de l'usine Citroën à Clichy avec lesquels il s’est fréquemment entretenu dans les semaines précédentes. Tout en maintenant qu’il a constaté "parmi les travailleurs une confiance absolue" dans le P.C. et en dénonçant les "agents provocateurs de fascisme, les trotskystes qui s’efforcent de nuire par tous les moyens au Front populaire", il parle du "regard interrogateur" tourné vers les dirigeants du P.C., "d’une inquiétude grandissante, d’une angoisse même". Les ouvriers, dit-il, souhaitent, de la part du Front populaire, plus de vigueur, « et ce souci de vigueur s'exprime chez certains par le désir d’aller au-delà de la formation du Front populaire par la constitution d’un "front ouvrier" ou d’un "front révolutionnaire". "Toutes ces remarques assure-t-il, traduisent incontestablement l’état d'esprit d’une notable partie de la classe ouvrière"[186]. Elles paraissent, en tout cas, suffisamment intéressantes pour que Maurice Thorez consacre à la lettre d'Honel une longue réponse.

Or les mêmes préoccupations assaillant d'autres cadres du Parti communiste dans son bastion de la métallurgie parisienne, l’usine Renault. En juillet, deux militants, membres du P.C. depuis 1934, tous deux membres de la C.E. de la section syndicale Renault, délégués .de l'atelier 126, sont exclus du P.C., accusés d’"être trotskystes et agents de Renault". On sait qu’ils ne sont que les plus connus d’un groupe de militants qui ont posé des questions sur la politique du P.C. au lendemain de l'affaire de Clichy et lors de la grève de la métallurgie. Quatorze d’entre eux ont écrit à Maurice Thorez. L'exclusion est la réponse[187].

Ce n’est pas une coïncidence si, à ce moment, les menaces se font plus précises contre les militants révolutionnaires dans les organisations syndicales. Ainsi, au congrès des Métaux tenu les 2-3 juillet, après l'intervention de Gustave Galopin l’interprète du "délégué fraternel" de l’U.G.T. espagnole affirme : "Nous avons eu aussi des Galopin en Espagne, mais notre prolétariat les a réduits au silence ; les ouvriers français feront de même avec leur Galopin." Le même jour, à une conférence régionale du Bâtiment, c’est Arrachard qui déclare : "En Espagne aussi, il y avait également des irréductibles dans les rangs. Il a fallu s’en débarrasser, à l'arrière comme à l'avant, et en France aussi nous avons affaire aux mêmes éléments. Il faudra donc aussi nettoyer notre arrière"[188]. Propos auxquels il faut accorder quelque poids si l’on se souvient qu’ils sont tenus une année après la disparition en Espagne d’Andrès Nin, Kurt Landau, Camillo Bermeri, Erwin Wolff, militants trotskystes, anarchistes, ou membres du P.O.U.M. et le mois même de l’enlèvement, en plein Paris, de Rudolf Klement, militant du secrétariat de la IV° Internationale[189].

La défaite[modifier le wikicode]

C’est dans les mêmes conditions que se déroulent les luttes ouvrières de l’été et de l’automne 1938 : grève des techniciens de Marseille, grève des dockers de Marseille, grève du bâtiment en septembre. On note que les grèves de novembre ont toutes un caractère de violence contre lequel se dressent les appareils syndicaux. Chez Renault, le 23 novembre, les grévistes ont occupé l’usine et se préparent à soutenir le siège. Le maire S.F.I.O. Morizet et le député communiste Costes s'efforcent de les faire évacuer : la police profite des atermoiements des grévistes pour attaquer et évacuer l’usine de force après trois heures de dures bagarres : 285 ouvriers seront condamnés pour "violences"[190].

La grève du 30 novembre n’est que le point final. Le Peuple, journal socialiste belge, commente ainsi la décision de la C.G.T. :

Devant l'ampleur croissante du mouvement gréviste, la C.G.T. a pris la décision de canaliser, discipliner et enrayer le mouvement en proclamant pour mercredi prochain une grève générale de protestation de 24 heures. Après quoi le travail sera repris dans l'ordre[191].

C’est, en effet, toutes tendances réunies que le communiqué de la C.G.T. a tenu à préciser :

Quels que soient les circonstances ou les événements, le travail devra reprendre le jeudi I° décembre au matin […]. La C.G.T. déclare que la grève se fera sans occupation d’usine, de chantier ou de bureau. Le mercredi 30 novembre, il ne sera organisé aucune manifestation et aucune réunion[192].

On sait quelle répression s’abattit sur cette grève "dans l’ordre". Nous laisserons à d’autres le soin de déterminer dans quelle mesure les préoccupations de politique extérieure l'avaient emporté chez les dirigeants sur le souci de défense ouvrière, dans quelle mesure il s’agissait plus de culbuter un gouvernement "munichois" que d’organiser une riposte ouvrière à l'offensive déclenchée au gouvernement sous la pression de Paul Reynaud, partisan de la "fermeté" à l'extérieur et de la mise au pas de la classe ouvrière.

Du point de vue qui nous intéresse, nous nous contenterons de noter qu’Alfred Costes, au procès des grévistes de Renault, de même que le comité de défense de Boulogne, feront tomber la responsabilité des bagarres de novembre sur "une poignée d’agitateurs se prétendant membres d’une IV° Internationale"[193]. A la conférence nationale du P.C. de janvier 1939, les rapports d’Henri Janin et ce Marcel Gitton donnaient une place de choix à la lutte contre la "provocation trotskyste" et à la dénonciation des "tendances malsaines" dans le parti[194].

Le véritable problème, à cette date, est ailleurs. Il est dans ce que Trotsky appelait "l'indifférence, prélude de la catastrophe". Le bulletin intérieur du P.S.O.P. écrit, en avril 1939 :

De toute part, les masses découragées quittent les organisations politiques de la classe ouvrière, Parti socialiste et Parti communiste. Seuls résistent encore les rares éléments qui continuent au travers des échecs à escompter qu'un redressement est possible, les imbéciles et les permanents[195].

Mais ceux qui partent ne rejoignent aucune organisation minoritaire : leur désillusion les détourne de toute action politique.

Révolution manquée : faillite des révolutionnaires ?[modifier le wikicode]

Une dernière question se pose, insoluble dans le cadre de cet article, mais qu’il serait malhonnête d’esquiver. Pourquoi les minorités révolutionnaires dont les bases, quoique minces, étaient réelles en 1936, dont les analyses se révélèrent souvent correctes au cours de cette période, n'ont-elles pu, en définitive profiter de l’élan ouvrier ?

Pour le groupe de la Révolution prolétarienne, la question est rapidement résolue. Il s’est laissé gagner, en juin, à la fois par l’illusion de la première victoire facile et par la réaction des sommets contre la tendance au débordement. Sa sensibilité à tout ce qui touche à l'"indépendance" du syndicalisme lui dicte des réactions rapides et parfois efficaces contre ce que les milieux syndicaux non-communistes appellent à l’époque la "colonisation", la mainmise du P.C. sur l'appareil syndical — et contre les tentatives de mise en condition de la classe ouvrière sous couleur d'arbitrage obligatoire. Si cette tendance demeure "syndicaliste", il lui est difficile de se réclamer du syndicalisme révolutionnaire à partir du moment au moins où, sous couleur d'efficacité, elle s’engage, notamment dans la préparation du congrès de Nantes de la C.G.T., dans un "bloc" avec la droite qu’incarne la tendance Syndicats de Belin[196].

Pas plus que les militants du groupe Monatte, ceux qui, autour de Que faire ? se sont quelque temps intitulés "communistes révolutionnaires" ne sont allés jusqu’au bout de la voie qu’ils s’étaient tracée. Ces militants qui en 1934 n’avaient pas suffisamment d’ironie pour accabler les trotskystes, qui, en 35-36, criblaient de leurs sarcasmes les membres de la Gauche révolutionnaire, les uns et les autres coupables d'entretenir désillusions sur la S.F.I.O., la rejoignent eux-mêmes en 1938. Conclusion surprenante de l'action des anciens tenants de la thèse de la "rénovation du Parti communiste". Le bilan du groupe mériterait sans doute une étude particulière : inspirés au fond par des "communistes de droite", plus proches de Boukharine que de Trotsky, les amis de Ferrat ont été conduits par les seules circonstances à rompre sur sa gauche avec le Parti communiste. Ils trouvent "sommaire" le courant gauchiste de base qui semble se diriger vers eux au cours de l’été 1936, et dont ils refusent, en définitive, de prendre la tête. C’est que la situation internationale, la nécessité d’une lutte efficace contre Hitler leur posent des problèmes dont ils ne trouvent pas la solution dans les textes qui leur servent de références ; ils répudient ce qu’ils considèrent comme un "antimilitarisme primaire", et surtout le "pacifisme", vigoureux dans bien des groupes hostiles à l'union sacrée, notamment autour de Marceau Pivert. Ainsi, exclu du P.C. pour avoir refusé l'union sacrée en 36, Ferrat se retrouvera-t-il au Parti socialiste près de Zyromski en qui la Gauche révolutionnaire avait précisément dénoncé le chantre de l’union sacrée nouvelle manière "antifasciste"[197]. A cette date, il y a longtemps que l'opposition de Que faire ? ne représente plus rien par rapport au Parti communiste.

La Gauche révolutionnaire demeure comme courant et comme organisation jusqu’à la guerre. A partir d’août 38, avec la création du Parti socialiste ouvrier et paysan, elle constitue même le "foyer de regroupement révolutionnaire" que les trotskystes cherchaient ou voulaient créer depuis 1934. Avec l’entrée individuelle, à partir de 1938, des militants des organisations trotskystes, avec l'adhésion individuelle de quelques dizaines d'anciens militants du P.C., elle sera, pendant quelques mois la possibilité vivante de voir naître ce "parti révolutionnaire" qui avait fait défaut aux révolutionnaires. On peut pourtant penser que la scission venait trop tard[198]. Certes, la conférence de fondation du P.S.O.P., en se refusant à suivre Marceau Pivert dans la voie de l’adhésion au Front populaire moribond, montre qu’elle n’a pas les mêmes illusions que son chef de file[199]. Mais à la fin de 1938 il n’y a plus, dans la classe ouvrière, l’élan qui aurait pu répondre en 1936 aux appels à l’"action directe" que lancent maintenant, après deux ans de cruelles désillusions et de bureaucratisation effective du mouvement syndical, les militants du nouveau parti. Avec l'affaissement de la combativité ouvrière, les facteurs de désagrégation interne prennent rapidement le dessus : à la déclaration de guerre, le P.S.O.P. est — littéralement — décomposé[200]. Ses "chances" s’étaient peut-être appelées "mai 36" ou "mars 37". Sa longue hésitation à naître l’avait privé de ses forces vives.

Reste à expliquer l’échec des trotskystes, non seulement leur incapacité à prendre la direction d’une fraction importante de la classe ouvrière, mais même à constituer une sérieuse force d’intervention dans les luttes ouvrières. Nous négligerons les reproches de ceux qui incriminent le "sectarisme" de Trotsky : aucun de ces critiques n’a de bilan plus positif à présenter. Nous retiendrons plus volontiers leurs divisions : à partir d’août 36, la scission est à nouveau consommée et le P.O.I. avec La Lutte ouvrière s’oppose au P.C.I. qui publie la Commune. Ni l’un ni l'autre ne parviendront à gagner dans la période 36-38 la moitié du nombre de jeunes que le groupe uni avait gagnés en 34-35 et qu’ils n’ont pas su garder. La préhistoire du trotskysme explique aussi leur faiblesse, sa lutte contre le courant, leur composition sociale, le fait qu’ils soient formés en 1936 de tout jeunes gens, à l'écart des usines et du mouvement ouvrier réel, sans base dans les syndicats et dans les entreprises, même s'ils réussissent, au prix de durs efforts, à s'assurer des "liaisons". La presse trotskyste, avec ses petits hebdomadaires, permet pourtant aujourd’hui de retrouver la trace du courant spontané de la classe et de son conflit avec les appareils et le Front populaire. On peut, bien sûr, relever de monumentales erreurs d'appréciation comme l'appel de la Commune à constituer des soviets au lendemain du 30 novembre 1938[201], une sous-estimation générale du travail dans les syndicats à l'exception de l'action des militants du P.O.I. dans la Fédération des Techniciens[202]. Ce sont là, en définitive, causes secondaires. L’échec des trotskystes s'explique déjà par leur état lamentable à la suite de la scission de 1935, leur disparition presque totale à la veille des grands combats de classe de 1936, et par l’isolement dans lequel les laissent, de 36 à 38, l'évolution et les choix des oppositions socialistes et communiste. Il s’explique surtout par le mouvement général de la période : la confiance dans le Front populaire a coïncidé avec l’élan des masses, la désillusion avec l'apathie. "Hors du coup" en 1936, ils n’ont pu mordre sur ceux qui se détournaient du Front populaire parce que les défaites les accablaient. Leur apparition dans les usines coïncide la période du découragement et du repli sur eux-mêmes des travailleurs, arrêt de mort des minorités qui comptaient sur un débordement[203].

C’est seulement sur le plan syndical que l’on assiste à un regroupement partiel des efforts des militants révolutionnaires. En janvier 1937, à l'initiative de Gustave Galopin et d’autres anciens du P.C., se crée le "Cercle syndicaliste Lutte de classes", autour d'un noyau de métallurgistes. Le manifeste du cercle, "contre le réformisme et le nouveau réformisme dans le mouvement syndical, le chauvinisme et la nouvelle union sacrée", revendique "en application du principe de la démocratie syndicale, la liberté d'expression des minorités dans les assemblées syndicales régulières, le droit de représentation des minorités syndicales dans les organismes dirigeants du mouvement syndical de la base au sommet"[204]. Il s’allie à la minorité révolutionnaire de l'enseignement, la tendance École émancipée[205], et s’appuie, dans de nombreuses entreprises, sur les militants de la jeune Fédération des Techniciens C.G.T., la seule à maintenir, entre 1936 et 1939, une orientation "lutte de classes".

Le Cercle Lutte de Classes est un véritable front unique des minorités révolutionnaires sur le plan syndical : les militants du P.O.I. et du P.C.I., ceux du groupe « Que faire ?"[206], peu nombreux, il est vrai, les militants de la Gauche révolutionnaire, y côtoient les anciens de la Fédération unitaire de l’Enseignement, les "anarcho-syndicalistes" du bâtiment et de la métallurgie, les militants révolutionnaires appartenant à de petits groupes ou sans affiliation et, surtout chez les métallos, les anciens du P.C. demeurés fidèles à l’ancienne ligne révolutionnaire et décidés, comme Gustave Galopin, à préserver leur "indépendance" pour mieux unir dans le travail syndical les minorités divisées. Les divergences ne sont pas esquivées : les discussions sont vives sur des problèmes comme l’"indépendance du syndicalisme", le "front unique avec des organisations politiques", ou la formation de "comités d’usine hors de la C.G.T."[207]. L'influence du cercle grandit cependant. A partir de janvier 1938, il publie un bi-mensuel, le Réveil syndicaliste, se démultiplie sous la forme de cercles locaux, régionaux, d’industrie, d’entreprise, dans la plupart des centres ouvriers, dans toutes les grandes entreprises de la région parisienne. Ses militants sont présents et actifs dans la grève de la métallurgie parisienne d’avril 1938, dans tous les congrès de la Fédération des Métaux. Les "cercles" seront dénoncés comme un "camouflage" des "trotskystes", "calomniant et injuriant les militants ouvriers", à la conférence nationale du P.C. de janvier 1939[208].

Au congrès de Nantes de la C.G.T., c’est Gilbert Serret, ancien secrétaire général de la Fédération unitaire de l'Enseignement, militant de l’École émancipée, délégué de la IXe région, qui fera entendre la voix du "Cercle syndicaliste Lutte de classes" et de l'opposition révolutionnaire. Aucun témoin, quoi qu'il en ait pensé à l'époque, n’a oublié aujourd'hui l'intervention de ce petit homme à la voix de stentor dominant un invraisemblable chahut organisé pour proclamer que les travailleurs ne voulaient plus être les "Sénégalais de Staline, le Dieu-Soleil", et dresser cet impitoyable bilan :

Le Front populaire, formidable escroquerie sociale, n’a non seulement en fait rien su réaliser de ce qu’il avait promis, mais encore il est parvenu à. faire accepter à la classe laborieuse ce qu’elle n’aurait jamais accepté d’un gouvernement réactionnaire[209].

Il était doublement significatif que ce fût cette voix-là qui s’élevât au nom des révolutionnaires, pour la dernière fois, dans les assises nationales de l'organisation syndicale. D’abord parce que Gilbert Serret représentait l'unique noyau syndical — issu de la C.G.T.U. —- qui avait pu, des années durant, et au prix d’une lutte acharnée, se maintenir aussi bien contre les amis de Jouhaux que ceux de Frachon. Ensuite, parce que Serret et ses camarades, raidis dans leur lutte défensive, ne s’étaient jamais décidés à faire le "grand saut"[210] qui aurait consisté à se consacrer à la création de l'organisation politique sans laquelle les efforts des révolutionnaires sur le plan syndical étaient voués à l'échec : en définitive, pendant les années du Front populaire, ils n'avaient pas avancé d’un pas. La guerre menaçait désormais, qui allait les précipiter tous, pèle-mêle, dans la défaite, réformistes et révolutionnaires, orthodoxes et oppositionnels, staliniens et trotskystes, syndicalistes et libertaires...

  1. J. Chambaz, Le Front populaire pour le pain, la liberté et la paix, p. 164.
  2. G. Lefranc, , p. 146-147.
  3. Nous avons laissé de côté les organisations anarchistes : leur incontestable originalité, le fait qu'elles aient toujours en France constitué des minorités "à contre courant", nous a conduit à les écarter dans le cadre de cet article.
  4. La Vérité, 19 décembre 1930.
  5. La Vérité, 16 janvier 1931.
  6. "La classe ouvrière reprend confiance en elle", la Révolution prolétarienne, 10 juillet 1936, p. 180, col. 1.
  7. Ibidem, col. 1.
  8. Ibidem, col. 2.
  9. Ibidem, col. 1.
  10. a] Ibidem, p. 181, col. 1.
  11. b] Ibidem, p. 181, col. 1.
  12. La Vérité, 2 mars 1934. Il s’agit du manifeste des "communistes internationalistes", rédigé par Trotsky.
  13. "Encore une fois, où va la France ?", Où va la France ?, p. 48.
  14. Ibidem, p. 61.
  15. "Objections et réponses : la milice du peuple", la Vérité, 2 novembre 1934.
  16. "Front populaire et comités d’action", la Vérité, 26 novembre 1934.
  17. Préface signée du pseudonyme de Crux à la brochure de Nicolle Braun, l’"organe de masse" (10 juin 1936).
  18. Daniel Guérin, Front populaire, révolution manquée, p. 86.
  19. "Réponse au camarade Trotsky", 20 août 1935; La Gauche révolutionnaire du Parti socialiste (S.F.I.O.) et le groupe bolchevik-léniniste (trotskyste), lettres éditées- par la XV“ section du Parti socialiste, p. 6.
  20. Ibidem, p. 7.
  21. Lettre aux camarades exclus, la Vérité, 25 août 1935.
  22. D. Guérin, op. cit., p. 93-94.
  23. Que faire ? n° 5, mai 1935.
  24. Que faire ? n° 6, juin 1935, p. 20.
  25. Que faire ? N° 7, juillet 1935, p. 34.
  26. Que faire ? n° 9-10, septembre 35, p. 30. La Vérité, 11 octobre 1935.
  27. Les détails sur l'exclusion de Paul Valière qui demeura secrétaire-adjoint de l’U.L. de la C.G.T. se trouvent dans le Drapeau rouge, 1°’ juillet-15 août 1937.
  28. Que faire ? n° 1-2, novembre-décembre 1934, p, 36-44.
  29. "Le problème du parti unique", Que faire ? n° 1 (3), janvier 1935, p. 1-4.
  30. Que faire ? n° 9-10, septembre 1935, p. 3.
  31. Que faire ? n° 9-10, septembre 1935.
  32. André Ferrat, Lettre ouverte aux membres du P.C., p. 26.
  33. Que faire ? n° 11, novembre 1935, p. 19-20.
  34. Ibidem, p. 24
  35. "Étiquettes et numéros : au sujet de la lettre du camarade Pivert", la Vérité, 25 août 1935.
  36. Monatte, article cité, la Révolution prolétarienne, 10 juillet 1936, p. 179, col. 1.
  37. Que faire ? n° 19, juillet 1936, p. 12.
  38. Que faire ? n° 19, juillet 1936, p. 19 et l'Humanité, 4 juin 1936.
  39. Le Peuple, 10 juin 1936.
  40. L'Humanité, 13 juin 1936.
  41. André Ferrat, op. cit. "Intervention au C.C. du P.C. le 13 juin", p. 32.
  42. J. Chambaz, op. cit. p. 163-164 : l'auteur polémique ici contre l’ouvrage pionnier de Danos et Gibelin, Juin 36.
  43. L'Humanité, 13 juin 1936.
  44. Cité par Ferrat, op. cit, p. 32.
  45. Compte rendu du C.C.N. de la C.G.T., le Peuple, 26 septembre 1936.
  46. L’Humanité, 13 juin 1936.
  47. [46] Ibidem.
  48. Le Peuple, 26 septembre 1936.
  49. D. Guérin, op. cit. p. 120-123.
  50. Communiqué publié dans le Populaire, l8 juin 1936.
  51. Le Peuple, 8 juin 1936.
  52. Le Temps, 6 juillet 1936; la Lutte ouvrière, 11 juillet 1936.
  53. Monatte, op. cit. p. 177, col 2.
  54. Ibidem, p. 131, col. 1.
  55. Ibidem, p. 177, col. 2.
  56. Ibidem, p. 182, col. 2.
  57. Marcel Roy, "De la volonté, de l’action des métallurgistes est sortie la victoire", la Révolution prolétarienne, 10 juillet 1936, p. 183, col. 2.
  58. « La France a un tournant (28 mars)", in Où va la France ?, 2° éd., p. 103-108.
  59. La Lutte ouvrière, 20 juin 1936.
  60. Ibidem.
  61. [60] Ibidem.
  62. La Lutte de classes, juin 1936.
  63. Le Populaire, 27 mai 1936. Reproduit en annexe par D. Guérin (op. cit. p. 301-304 et Lefranc op. cit. p. 450-453).
  64. Guérin, op. cit. p. 108-111.
  65. A. Ferrat, op. cit. p. 27.
  66. Ibidem, p. 28.
  67. L’Humanité, 13 juin 1936.
  68. Que faire ? n°19, juillet 1936, p. 30-31.
  69. Communiqué du C.C. du P.C. dans l'Humanité et le Populaire du 13 juin 1936. Raveau était "rédacteur responsable de la vie sociale". Après son remplacement — c’est peut-être un hasard — il n’y a plus de comptes rendus des assemblées de délégués, mais seulement des résolutions, toutes dans la ligne. Notons également que c’est dans le même numéro de l'Humanité que parait le compte-rendu de la réunion de délégués de grévistes organisée par le comité de grève de Hotchkiss, dont il ne sera jamais plus question.
  70. Paris-soir, 13 juin 1936.
  71. A. Ferrat, op. cit. "Intervention au C.C. du P.C. le 13 juin", p. 31.
  72. Ibidem, p. 37
  73. L'Humanité, 7 juillet 1936.
  74. Pierre Lenoir, "La classe. ouvrière est entrée en mouvement", Que faire ? n° 19, juillet 1936, p. 6.
  75. Ibidem, p. 8.
  76. Ibidem, p. 10.
  77. L’Humanité, 12 juillet 1936.
  78. Le Peuple, 26 septembre 1936.
  79. Ferrat, op. cit. "Intervention à la conférence nationale du P.C., le 11 juillet 1936", p. 13.
  80. Publié dans les quotidiens du 8 juillet 1936.
  81. Le Peuple, 26 septembre 1936.
  82. L’Humanité, 13 juillet 1936.
  83. La Lutte ouvrière, 19 septembre 1936.
  84. L’Humanité, 9 septembre 1936.
  85. L’Humanité, 10 septembre 1936.
  86. L’Humanité, 15 septembre 1936.
  87. Reportage de L. Nicolas (pseudonyme de Lazarévitch) dans la Révolution prolétarienne du 10 octobre 1936, p. 309-310.
  88. L'Humanité, 22, 23, 24 septembre 1936.
  89. L’Humanité, 12 octobre 1936.
  90. L’Humanité, 30 octobre 1936.
  91. L'Humanité, 10 octobre 1936, sous la signature de Ch. Doucet.
  92. Au mois de novembre, 110 ouvriers et techniciens sont licenciés (la Lutte ouvrière, 14 novembre 1936).
  93. Communiqué du bureau de la C.G.T., l'Humanité, 17 octobre 1936.
  94. Extraits de cette conférence dans l’Humanité, 21 octobre 1936.
  95. Lettre de Cogniot au conseiller d’État Cahen-Salvador qui a arbitré le conflit, l’Humanité, 30 octobre 1936.
  96. Compte rendu du C.C.N. de la C.G.T.. dans le Peuple, 26 septembre 1936.
  97. La Lutte ouvrière, 27 novembre 1936. Dans Juin 36, 10 février 1939, Jean Rous reprend l'expression de "militant révolutionnaire" pour Emile Meyer que l'Humanité orthographie aussi "Mayer".
  98. Ibidem.
  99. L'Humanité, 11 décembre 1936.
  100. L’Humanité, 21 décembre 1936.
  101. L'Humanité, 25 décembre 1936.
  102. Compte rendu de l'intervention de Jouhaux au C.C.N. de la C.G.T. l'Humanité, 8 décembre 1936.
  103. L’humanité, 12 janvier 1937.
  104. La Lutte ouvrière, 1er janvier 1937.
  105. Voir la sentence d'arbitrage délimitant les fonctions des délégués dans l'Humanité du 24 janvier1937. L’un des arbitres était membre du P.C.. L’Usine, journal patronal, salue, le 28 janvier 1937, cette sentence; qui fait jurisprudence et la qualifie de "document capital".
  106. D. Guérin, op. cit. p. 151-156.
  107. Cité par Lefranc (op. cit. p. 233) qui précise que la lettre de démission de Pivert, connue le 28 février, fut publiée dans la Vague le 1er mars .
  108. Cité par Guérin, op. cit., p. 157.
  109. Le Travailleur de l'alimentation, cité par le Drapeau rouge, n” 17 du 7 mai 1937.
  110. Cité par Lefranc, op. cit, p. 235.
  111. A. Ferrat, "Notes sur les événements de mars", Que faire ? N° 28, avril 1937, p.13.
  112. La Lutte ouvrière, 9 avril 1937.
  113. Texte reproduit par Lefranc, op. cit., annexe n” 20, p. 470.
  114. Selon la Lutte ouvrière, 19 mars 1937. Le Temps mentionne cet épisode dont l'Humanité ne fait pas mention.
  115. Récit de Ch. Kramer, du 17e rayon à la Lutte ouvrière, 19 mars 1937.
  116. Le Temps, 24 mars 1937.
  117. Quatrième Internationale, n° 3, mars-avril 1937, p. 3.
  118. Communiqué de l’U.S.O.R.P., l'Humanité, 18 mars 1937.
  119. Compte rendu sténographique du discours de Léon Blum, Le PopuIaire, 24 mars 1937.
  120. Le Peuple, 21 mars 1937.
  121. Déclaration du 18 mars à Ce soir, 19 mars 1937.
  122. Compte rendu de ces incidents dans le Temps, 20 mars 1937, confirmé l'année suivante par une déclaration d’un ouvrier de Renault à la Lutte ouvrière, 8 juillet 1938 : "Tandis que Marceau Vigny et les autres approuvaient la grève de protestation d‘une demi-journée, ils créent une telle confusion que l’on vit les Vigny, les Pioline, diffuser entre 1 h. 10 et 1 h. 50 trois mots d’ordre différents ; tandis qu’à la porte de l'usine (rue de l’île) ils incitaient les ouvriers à poursuivre la grève, rue du Hanneau, ils leur donnaient l'ordre de reprendre le travail."
  123. Paris-Midi, 19 mars 1937.
  124. Le Temps, 18 mars 1937.
  125. Le Temps daté du 24 mars 1937, donc avant le débat parlementaire.
  126. L’Humanité, 18 mars 1937.
  127. Compte rendu sténographique du discours de Léon Blum, le Populaire, 24 mars 1937.
  128. Discours prononcé à Maromme le 21 mars, cité par Lefranc, op. cit., p. 238.
  129. La Lutte ouvrière, 26 mars 1937.
  130. A. Ferrat, "Notes sur les événements de mars", Que faire ? N° 28, p. 16.
  131. Pierre Lenoir, "Les fusillades de Clichy et la crise du Front populaire", Que faire ? N° 28, avril 1937, p. 6.
  132. Ibidem, p. 9.
  133. D. Guérin, op. cit., p. 160-161.
  134. Déclaration citée dans Guérin, op. cit., p. 162.
  135. Drapeau rouge, 15 juillet-1er août 1937, d’après l'EveiI de Puteaux- Suresnes du 11 juillet 1937.
  136. D. Guérin, op. cit., p. 161.
  137. Ibidem, p. 171.
  138. Compte rendu dans l'Humanité, 14 avril 1937.
  139. Communiqué de la C.G.T., l'Humanité, 8 mai I937, complété par une déclaration de J. Racamond, l’Humanité du 11 mai 1937.
  140. Résolution publiée dans la Lutte ouvrière, 22 juillet 1937.
  141. L’Humanité, 4 août 1937.
  142. L’Humanité, 29 juin 1937.
  143. L'Humanité, 23 septembre 1937.
  144. D. Guérin, op. cit. p. 191.
  145. Les compte-rendus particulièrement détaillés parus dans la Lutte ouvrière et dans la Commune suggèrent des liaisons entre ces journaux et des membres du comité de grève. Bourlet s’excuse par écrit de ne pouvoir participer à une réunion sur la grève organisée par le P.O.l. avec David Rousset comme orateur. Deux membres du comité de grève sont présents et participent à la discussion. (La Lutte ouvrière, 6 janvier 1938).
  146. Nous indiquerons au passage les divergences entre les informations de l'Humanité et celles de la Lutte ouvrière (6 janvier 1938), la Commune (14 janvier 1938) et le Réveil syndicaliste (15 janvier I938).
  147. L’Humanité, 25 décembre 1938.
  148. L’Humanité du 26 décembre se contente d’écrire que "l'ensemble des ouvriers accepte la proposition" d’évacuation faite par Finck, délégué du syndicat des Produits chimiques. Dans l'Humanité du 27 décembre, Varloteau, secrétaire de l’U.S.O.R.P. admet que si les ouvriers ont décidé d’évacuer, "ce ne fut pas de gaieté de cœur".
  149. L’Humanité, 6 janvier 1938.
  150. L’Humanité est d’une remarquable discrétion sur les oppositions qui se sont manifestées. Le 8 janvier, elle note, rendant compte de l'assemblée : "Charpentier explique son vote et celui des camarades qui se sont abstenus : l'opinion des organisations syndicales et de la C.G.T. sur la sentence et ensuite leur désir de ne pas généraliser le mouvement" (sans préciser que Charpentier et ses camarades sont contre l'acceptation de la sentence et pour la généralisation du mouvement, mais qu’ils jugent impossible de poursuivre du fait de la position adoptée par la C.G.T., car les ouvriers de Goodrich seraient alors isolés...) Le 9, elle écrit simplement : "Bourlet, délégué ouvrier, intervient contre la reprise du travail. Charpentier, délégué ouvrier, s’abstient."
  151. L'Humanité n’indique pas le chiffre même probable des abstentions qui est indiqué par la Commune.
  152. Lefranc, op. cit., p. 264.
  153. L’Humanité, 29 septembre 1937.
  154. L’Humanité, 7 octobre 1937.
  155. L’Humanité, 30 décembre 1937.
  156. Le Populaire, 29 décembre 1937.
  157. Le Réveil syndicaliste, 15 janvier 1938, dans l'éditorial, sous titre : "Les briseurs de grèves", accuse Lucien Sampaix, rédacteur à l'Humanité, d’avoir traité, de "provocateur" le délégué des clicheurs qui protestait contre l'enlèvement des journaux.
  158. L'Humanité, 3 janvier 1938.
  159. L'Humanité, 31 décembre 1937.
  160. Lefranc, op. cit., p. 267.
  161. D. Guérin, op. cit., p. 196. La Bataille socialiste de Zyromski avait voté contre la participation, avec les amis de Pivert.
  162. La Bataille socialiste s'étant ralliée, le conseil national donna le mandat à Blum par 6575 voix contre 1684. L'appel de Blum aux groupe parlementaires de la droite est reproduit dans Lefranc, op. cit., annexe 2, p. 470-476.
  163. L'Humanité, 25 mars 1938.
  164. D. Guérin, "Nous, les pestiférés", Juin 36, 1° mai 1938.
  165. Le Réveil syndicaliste, 25 avril 1938.
  166. L’Humanité, 27 mars 1938.
  167. L'Humanité, 29 mars 1938.
  168. Cité par D. Guérin, op. cit., p. 193.
  169. Le Populaire, 28 mars 1938.
  170. L’Humanité, 6 avril 1938.
  171. L’Humanité, 7 avril 1938.
  172. Récit dans le livre de D. Guérin, op. cit., p. 199. Texte de l'appel ibidem, annexe III, p. 307-308.
  173. La Lutte ouvrière, 14 avril 1938.
  174. Le Temps, 10 avril 1938.
  175. La Lutte ouvrière, 14 avril 1938.
  176. L’Humanité, 9 avril 1938.
  177. Placard dans le Petit Journal, 12 avril 1938.
  178. Éditorial intitulé "L’agitation sociale".
  179. Notamment l'article de Doury, dirigeant du syndicat des métallurgistes, dans l'Humanité, 15 avril 1938.
  180. Le Réveil syndicaliste, 25 avril 1938.
  181. Le Réveil syndicaliste, 9 mai 1938, publie le texte de ces résolutions.
  182. Le Réveil syndicaliste, 18 juillet 1938, publie un compte rendu du congrès et les interventions de Galopin et des autres délégués minoritaires.
  183. A. Prost, La C.G.T. à l'époque du Front populaire, p. 45.
  184. D. Guérin, op. cit. p. 207-212.
  185. La Lutte ouvrière, 12 mai 1938.
  186. "Lettre de Maurice Honel, député de Clichy-Levallois à Maurice Thorez", l'Humanité, 13 mai 1938.
  187. La Lutte ouvrière, 8 juillet 1938, sous le titre "Petit Guépéou chez Renault : trois ouvriers communistes victimes de la répression staliniste", cite l'Étincelle, journal de la section du P.C. de Renault et des déclarations de Renault. La Lutte ouvrière du 5 août annonce que les ouvriers des ateliers 86 et 87 ont réélu deux des exclus comme délégués, contre des candidats soutenus. par le P.C.
  188. Le Réveil syndicaliste, 18 juillet 1938. C’est à peu près vers cette date que furent découvertes les "listes noires" mises en circulation par le Parti communiste et donnant des signalements de type policier de militants révolutionnaires.
  189. P. Broué et E. Témime, la Révolution et la guerre d’Espagne, p. 275-278.
  190. La Commune, n° 256, décembre 1938, publie un récit des bagarre chez Renault. Le rôle de Morizet et Costes prêchant l'évacuation dans le calme au moment où la police lance l’assaut est confirmé — quoique différemment interprété par Pierre Mars, "La France contre les décrets lois" (La Propagande populaire, mensuel, n° 26, déc. 38, édité 44, rue le Peletier, p. 7).
  191. Le Peuple, 28 novembre 1938.
  192. L’Humanité, 26 novembre 1938.
  193. L'Humanité, 5 mars 1939.
  194. Rapport de Janin dans l'Humanité du 23 janvier 1939, et rapport de Gitton dans l’Humanité du 24 janvier 1939.
  195. Bulletin intérieur du P.S.O.P., n° 3, début 1939, p. 7.
  196. Voir notamment les. articles de M. Chambelland dans la Révolution prolétarienne à la veille et après le congrès de Nantes de la C.G.T.
  197. Nous remercions ici A. Ferrat qui a bien voulu nous recevoir le 6 mai 1965 et répondre à nos questions. Nous gardons, bien entendu, l'entière responsabilités de nos interprétations.
  198. On peut noter que les dirigeants de la Gauche révolutionnaire même en 1938, ne voulaient pas cette scission qui leur fut imposé par la direction de la S.F.I.O. Cf. l'éditorial intitulé "Rupture" de Lucien Hérard, Juin 36 du 17 juin 1938 : "Nous avons tout fait pour que le Congrès de Royan ne nous contraignit pas au départ..."
  199. Juin 36, 22 juillet 1938. La conférence nationale repousse la proposition Pivert par 100 mandats contre 83 et 11 abstentions.
  200. D. Guérin, op. cit. p. 294-295.
  201. La Commune, n° 256, décembre 1938.
  202. Bardin et Tissot animaient la tendance "lutte de classes" de cette fédération.
  203. Voir à ce sujet les remarques de Trotsky (Crux) à C.L.R. James en avril 1939. (Archives de Trotsky, Harvard, Houghton Library, T 4560.)
  204. Tract reproduit entre autres dans la Commune du 5 février 1937. Autour de Galopin, on pouvait relever, parmi les signataires du manifeste, les noms de Colette Audry et Michel Collinet, de l'enseignement, Jean Bernier, le métallo Bott, vétéran du Comité pour la III° Internationale, et le métallo Guyard, qui avait été en septembre-octobre 36, l’un des animateurs du comité de grève de Sautter-Harlé.
  205. Compte rendu de la conférence des minorités syndicalistes révolutionnaires de, la C.G.T., le 5 juin 1938, sous la présidence de Louis Bouët dans la Lutte ouvrière, 23 juin 1938. On note la présence de Treint.
  206. Ils s'en iront assez vite, mécontents des initiatives de l’aile "pacifiste", laissant cependant des militants comme Guilloré.
  207. Voir notamment le compte rendu de la conférence nationale de cercles du 25 décembre 1938 dans le Réveil syndicaliste, 2 janvier 1939, et plus en détail, dans la Lutte ouvrière, 13 janvier 1939.
  208. Rapport de Janin dans l'Humanité, 23 janvier 1939.
  209. La Lutte ouvrière, 25 novembre 1938.
  210. Trotsky le leur reprochera sur tous les tons, en public et en privé.