Préface à la brochure "L'Organe de masse" de Nicolle Braun

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Preface

Le travail du camarade Braun sur la dernière grande crise de la section française me semble être d'un grand intérêt et de grande utilité, en première ligne pour la section française elle-même, et ensuite pour toutes les autres sections. L'étude terminée, l'unification de notre section avec le groupe de "La Commune" qui s'en était séparé a eu lieu, ce dont il faut naturellement se réjouir. Mais l'unification ne signifie encore de loin pas que l'organisation serait guérie de ses infirmités. La scission ne s'est pas faite par hasard. Les scissionnistes ont fait naufrage. Mais rien ne prouve que tous aient tiré un grand enseignement de ce naufrage. Celui qui connaît les principaux responsables ne peut pas se faire d'illusions sur l'avenir. Le développement de la France dans la période à venir sera très riche en crises et chaque tournant à l'intérieur de cette situation de crises peut provoquer au sein de la couche dirigeante de la section française des réactions opportunistes ou aventuristes. Si je me sens le devoir de dire cela dans cette forme brutale c'est parce que mes observations au cours de sept années ne me permettent pas de nourrir un optimiste exagéré à cet égard.

Le Camarade Braun a analysé soigneusement et à mon avis d'une manière tout à fait objective la correspondance ardente entre moi et des camarades dirigeants de France du temps de la dernière crise. Mais cette crise était de loin pas la première et pendant chacune de nombreuses crises antérieures la correspondance était au moins toute aussi ardente et abondante. Mais à présent, après 7 années d'expérience, je ne puis pas me dire que mes interventions épistolaires aient eu des résultats positifs. Je ne veux pas ici en détailler les causes. Peut-être n'ai-je pas pu trouver les arguments nécessaires. Quoi qu'il en soit, il est vraiment temps d'abandonner les tentatives de convaincre certains camarades et de les amener à une meilleure compréhension par la correspondance privée. C'est pourquoi j'ai mis mes archives à la disposition du camarade Braun, afin que tous les membres de la section française ainsi que des autres sections tirent de la dernière crise les leçons nécessaires et se fassent par là un tableau exact sur le rôle de l'un ou de l'autre camarade, ce qui, pour la sélection de la direction, est de la plus haute importance.

Nous avons appelé pré-révolutionnaire l'étape politique qui se termine en ce moment en France. Dans cette étape il s'agissait, pour notre section française, de prendre l'élan nécessaire. La situation était difficile, mais non pas défavorable. Si, après le Congrès de Mulhouse, la section française avait déployé l'offensive révolutionnaire et internationale vigoureuse que lui dictaient toutes les circonstances, elle aurait maintenant un bien plus grand nombre d'adhérents et une autorité et une capacité de lutte infiniment plus grandes. Nous avons maintenant dans notre propre histoire un exemple important d'une situation manquée, ou plutôt gâchée ; car - et c'est je crois ce que prouve l'écrit de Braun - la direction a tout fait pour utiliser la situation le moins possible.

Comment peut-on éviter la répétition de pareilles aventures néfastes d'une part et de faiblesses d'autre part ? Par le contrôle actif de la base, c'est-à-dire des adhérents de ta section française et par le contrôle non moins actif de la part de notre organisation internationale. Le but de cet écrit consiste justement à donner à ce contrôle tes fondements nécessaires.

Malgré toute l'adversité la section française a maintenant environ 5 fois plus de membres que lors de l'entrée et des capacités de travail beaucoup plus grandes. Mais elle serait aujourd'hui certainement deux ou trois fois plus forte si la direction avait agi d'une manière véritablement bolchéviste. Cela prouve combien il est nécessaire de ne pas faire un fétiche des tournants purement tactiques et organisatoires. D'abord on ne voulait à aucun prix entrer dans le P.S. et plus tard on ne voulait - la plupart du temps c'étaient les mêmes - à aucun prix en sortir. Voilà deux côtés de la même mentalité sectaire conservatrice.

Espérons qu'à cet égard l'expérience belge sera beaucoup plus positive.

En tout cas les camarades qui appartiennent à des partis réformistes et centristes (Angleterre, Pologne, Amérique, etc.) doivent tirer pour eux tes conséquences nécessaires de l'expérience française : l'entrée dans des organisations étrangères ou même ennemies renferme non seulement des possibilités considérables, mais aussi des dangers. Seuls des entêtés foncièrement conservateurs peuvent affirmer que l'entrée est inadmissible en tout état de cause. Mais la tentative de faire de l'entrée un remède contre tous les maux mène inévitablement à la limite de la trahison, comme t'exemple français nous donne justement l'occasion de l'observer et de le vivre.

Mais en première ligne nous devons tous apprendre à ne pas accorder une confiance exagérée, même s'ils reviennent vers nous, à ceux des camarades dirigeants qui, à la première occasion venue, expriment leur mécontentement en quittant l'organisation nationale et internationale pour se considérer aussi longtemps que bon leur semble comme des francs-tireurs. Nous ne devons leur confier des postes importants qu'après une épreuve longue et sérieuse. C'est là ce que commande l'auto-conservation de toute organisation vraiment révolutionnaire.

Aux camarades français et particulièrement aux jeunes qui sont si courageusement venus à bout du parti réformiste on devrait peut-être dire encore : bien que cette étude s'occupe du passé elle ne doit pas servir à faire revivre les différends d'hier, mais au contraire éviter qu'ils ne se répètent demain ou après-demain. Chaque adhérent doit sous cet angle étudier soigneusement et sans préjugé la documentation qui lui est soumise. En dernière instance cela ne peut être que salutaire à la section française.

H., le 7 juin 1936
Crux.