Socialisme petit-bourgeois
Le terme de socialisme petit-bourgeois désigne des courants « socialisants » portés par la petite-bourgeoisie.
En tant que classe intermédiaire, la petite-bourgeoisie peut profiter du capitalisme dans certaines périodes, et à d'autres se voir menacée de prolétarisation. Par conséquent, son idéologie peut osciller entre colère anticapitaliste et colère réactionnaire, les deux éléments se mélangeant souvent de façon confuse.
1 Distinctions du Manifeste communiste[modifier | modifier le wikicode]
Dans le Manifeste communiste (1848), Marx et Engels passent en revue les différentes variantes de « socialisme » en circulation à cette époque, parmi lesquelles ils distinguent :
- le socialisme réactionnaire :
- le socialisme féodal
- le socialisme petit-bourgeois
- le socialisme "vrai"
- le socialisme conservateur ou bourgeois
- le socialisme et le communisme critco-utopique
- le communisme
2 Socialisme petit-bourgeois[modifier | modifier le wikicode]
L'aristocratie féodale n'est pas la seule classe qu'ait ruinée la bourgeoisie, elle n'est pas la seule classe dont les conditions d'existence s'étiolent et dépérissent dans la société bourgeoise moderne. Les bourgeois et les petits paysans du moyen âge étaient les précurseurs de la bourgeoisie moderne. Dans les pays où l'industrie et le commerce sont moins développés, cette classe continue à végéter à côté de la bourgeoisie florissante.
Dans les pays où s'épanouit la civilisation moderne, il s'est formé une nouvelle classe de petits bourgeois qui oscille entre le prolétariat et la bourgeoisie ; fraction complémentaire de la société bourgeoise, elle se reconstitue sans cesse ; mais, par suite de la concurrence, les individus qui la composent se trouvent sans cesse précipités dans le prolétariat, et, qui plus est, avec le développement progressif de la grande industrie, ils voient approcher l'heure où ils disparaîtront totalement en tant que fraction autonome de la société moderne, et seront remplacés dans le commerce, la manufacture et l'agriculture par des contremaîtres et des employés.
Dans les pays comme la France, où les paysans forment bien plus de la moitié de la population, il est naturel que des écrivains qui prenaient fait et cause pour le prolétariat contre la bourgeoisie aient appliqué à leur critique du régime bourgeois des critères petits-bourgeois et paysans et qu'ils aient pris parti pour les ouvriers du point de vue de la petite bourgeoisie. Ainsi, se forma le socialisme petit-bourgeois. Sismondi[1] est le chef de cette littérature, non seulement en France, mais en Angleterre aussi.
Ce socialisme analysa avec beaucoup de sagacité les contradictions inhérentes au régime de la production moderne. Il mit à nu les hypocrites apologies des économistes. Il démontra d'une façon irréfutable les effets meurtriers du machinisme et de la division du travail, la concentration des capitaux et de la propriété foncière, la surproduction, les crises, la fatale décadence des petits bourgeois et des paysans, la misère du prolétariat, l'anarchie dans la production, la criante disproportion dans la distribution des richesses, la guerre d'extermination industrielle des nations entre elles, la dissolution des vieilles mœurs, des vieilles relations familiales, des vieilles nationalités.
À en juger toutefois d'après son contenu positif, ou bien ce socialisme entend rétablir les anciens moyens de production et d'échange, et, avec eux, l'ancien régime de propriété et toute l'ancienne société, ou bien il entend faire entrer de force les moyens modernes de production et d'échange dans le cadre étroit de l'ancien régime de propriété qui a été brisé, et fatalement brisé, par eux. Dans l'un et l'autre cas, ce socialisme est à la fois réactionnaire et utopique.
Pour la manufacture, le régime corporatif ; pour l'agriculture, le régime patriarcal : voilà son dernier mot.
Au dernier terme de son évolution, cette école est tombée dans le lâche marasme des lendemains d'ivresse.[2]
3 Notes[modifier | modifier le wikicode]
- ↑ Sismondi Jean Charles Léonard (Sismonde de) (1773-1842), historien et économiste suisse, représentant du socialisme petit-bourgeois. Sismondi ne comprenait pas les tendances progressistes de la grande production capitaliste et cherchait les modèles dans les vieux us et coutumes ; il estima nécessaire de suivre l'exemple des anciennes corporations dans l'organisation de l'industrie et, dans l'agriculture celui de la vieille agriculture patriarcale bien que cela ne correspondît point aux conditions économiques modifiées. (N.R.)
- ↑ Manifeste du parti communiste - Littérature socialiste et communiste, 1847