Poujadisme

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Le poujadisme, du nom de Pierre Poujade, est un mouvement politique français d'extrême droite apparu en 1953 dans le Lot, et disparu en 1958. Il est fondé sur la défense des commerçants et des artisans.

Par extension, le terme « poujadisme » est devenu un terme péjoratif désignant un mouvement politique corporatiste à tendance réactionnaire des classes moyennes à supérieures ou « conservatisme de petits-bourgeois »[1].

1 Description[modifier | modifier le wikicode]

Ce mouvement revendiquait la défense des commerçants et des artisans, mis en danger par le développement des grandes surfaces dans la France de l'après-guerre.

Le mouvement s'est inscrit à l'extrême droite, critiquant l'inefficacité du parlementarisme de la Quatrième République.

Pierre Poujade a fondé un « syndicat » nommé Union de défense des commerçants et artisans, et un groupe pour se présenter aux élections, l'Union et fraternité française.

2 Histoire[modifier | modifier le wikicode]

L'action de l'Union de défense des commerçants et artisans (UDCA) naît à Saint-Céré dans le Lot d'une révolte antifiscale, alors que le fisc applique le traditionnel principe qui sous-entend que le commerçant dans une société rurale camoufle une large part de son chiffre d'affaires, lequel commence par ailleurs à être bridé par la puissante concurrence de la grande distribution et de l'industrialisation[2],[3]. Le mouvement obtient, en deux ans et dans toute la France, plus de 2 millions de voix et 52 députés [soit 12 %] et aux élections de 1956 se réunit alors sous l'étiquette d'Union et fraternité française (UFF).

L'Union est hostile au traité de Rome (instituant la Communauté européenne) et demande la suppression des contrôles fiscaux et la défense des petits commerçants. Les intellectuels sont souvent dénigrés au profit du supposé bon sens « des petites gens ». Le groupe UFF est aussi un fidèle soutien de l'Algérie française. Cependant, il refuse de voter la confiance au gouvernement Mollet lors de la crise du canal de Suez, par réflexe anti-anglais.

Jean-Marie Le Pen a commencé sa carrière politique dans le poujadisme

Le mouvement n'a qu'une postérité limitée, se maintenant jusqu'à la fin de la Quatrième République en s'alliant avec les gaullistes. Il disparaît presque complètement avec la mise en place de la Cinquième République en 1958. Tous les députés élus sous la bannière poujadiste en 1956 sont battus aux élections législatives françaises de 1958, à l'exception de deux d'entre eux, parmi lesquels Jean-Marie Le Pen, qui s'était éloigné du mouvement.

3 Idéologie[modifier | modifier le wikicode]

Le poujadisme peut être considéré comme une des dernières expressions d'un mouvement de révolte des classes moyennes[4]. On compte parmi les députés poujadistes des bouchers, des boulangers, des épiciers, des libraires[5].

Les méthodes violentes sont courantes durant les manifestations poujadistes, le mouvement dispose d'un service d'ordre qui n'hésite pas à faire le coup de poing.

La sociologue Annie Collovald écrivait :

« Le poujadisme est une formule autoritaire pour classes moyennes - ces classes moyennes dont Auguste Comte écrivait, il y a plus d'un siècle, qu'elles faisaient le malheur de la France, et qui n'ont cessé de le faire, par leur malthusianisme , leur chauvinisme , leur fermeture à tous les courants de la vie moderne. Petit fascisme pour petits Français. »[6]

Jean-Marie Le Pen, député poujadiste après les élections législatives de , s'inscrit dans cette lignée[7]. Il a intégré dans l'idéologie du Front national la protestation contre les élus, les partis dominants et l'État qui trahit.

4 Terme par extension[modifier | modifier le wikicode]

Le terme « poujadisme » peut être utilisé pour qualifier péjorativement ce que le locuteur juge être du corporatisme réactionnaire de classes moyennes à supérieures sans qu'il y ait de rapport avec le mouvement lancé par Pierre Poujade.

Le terme poujadiste est parfois utilisé pour qualifier négativement un discours politique ou social jugé démagogique. Les attitudes visées peuvent inclure un militantisme en faveur des petits commerçants vis-à-vis des « gros » (d'abord nationaux puis multinationaux), mais également désigner diverses formes d'antiparlementarisme, de corporatisme, ou plus généralement pour désigner un populisme réactionnaire.

On utilise également très couramment ce terme pour désigner plus spécifiquement l'anti-intellectualisme dénoncé chez Poujade par Roland Barthes dans Mythologies.

En , Robert Zaretsky, un éditorialiste du New York Times, compare le Tea Party américain avec le poujadisme[8].

5 Notes et références[modifier | modifier le wikicode]

Notes

  1. le terme petit-bourgeois étant ici pris dans son sens originel de petit capitaliste, ou possesseur de petits moyens de production tels un petit commerce ou une petite entreprise
  2. « L'histoire », sur histoire.presse.fr, (consulté le 10 avril 2015)
  3. François Caron, « L'industrialisation de la France au 19ème », sur aehsc.chez.com (consulté le 29 novembre 2023)
  4. Le poujadisme, de l'étincelle au déclin : 1953-1958, Philisto.
  5. Le Pen-Poujade quels parallèles?, Indymedia, .
  6. Annie Collovald, « Histoire d'un mot de passe : le poujadisme. Contribution à une analyse des « ismes » », Genèses. Sciences sociales et histoire, vol. 3, no 1,‎ , p. 97–119 (DOI 10.3406/genes.1991.1048, lire en ligne)
  7. « Jean-Marie Le Pen, la première victoire du para », sur Le Figaro, (consulté le 29 novembre 2023) : « Le président d'honneur du Front national a fait ses premières armes électorales à 27 ans, sous les couleurs du mouvement de Pierre Poujade, qui voyait en lui « le drapeau tricolore planté sur le tiroir-caisse » »
  8. (en) Robert Zaretsky, « The Tea Party Last Time », The New York Times,‎ (lire en ligne).

Bibliographie

  • Dominique Borne, Petits bourgeois en révolte ? Le mouvement Poujade, Paris, Flammarion, coll. « L'Histoire vivante. Révoltes et protestations », , 249 p. (ISBN 2-08-210807-4, présentation en ligne).
  • Thierry Bouclier, Les Années Poujade : une histoire du poujadisme (1953-1958), Éditions Remi Perrin (ISBN 978-2-913-96023-7)
  • Serge Herbain, Étude sur le poujadisme parlementaire, janvier 1956-juin 1958, Université Paris 1,
    Mémoire de diplôme d'études supérieures en science politique ; direction Maurice Duverger
  • Christophe Meslin, Le Mouvement Poujade et la construction européenne : 1953-1957 (mémoire de maîtrise en histoire), Paris, université Panthéon-Sorbonne, , 240 p. (OCLC 492556856)
  • Romain Souillac, Le mouvement Poujade : de la défense professionnelle au populisme nationaliste (1953-1962), Paris, Presses de Sciences Po, , 415 p. (ISBN 978-2-7246-1006-2, présentation en ligne), [présentation en ligne].
  • Franck Buleux, Pierre Poujade & l'Union pour la Fraternité française : 1956 : ceux qui firent trembler le Système, Paris, Synthèse Éditions, coll. Cahiers d'Histoire du nationalisme, , 186 p.