Loi du Maximum
La loi du Maximum est une loi promulguée le 4 mai 1793 par la Convention nationale, cette loi règlemente le marché des céréales pour alimenter la population et les soldats. Le 29 septembre 1793, la loi du maximum général concernera les biens de consommation courante et les salaires.
Elle a permis une forte baisse de la mortalité durant le temps caractérisé comme "la terreur" par les réactionnaires, parce que la limitation des prix a permis qu’il meure nettement moins de pauvres.
1 Historique[modifier | modifier le wikicode]
1.1 Contexte de crise[modifier | modifier le wikicode]
Les élus de 1789 (majorité des députés et des maires de grandes villes) sont généralement des bourgeois imprégnés de principes économiques libéraux "laisser faire laisser passer" ; aussi, ils mettent en place un libre-échange à l’intérieur de tout le pays sur tous les produits.
La menace de guerre et la crise politique de 1791 poussent des producteurs de céréales et marchands à stocker les céréales en attendant meilleur contexte pour vendre.
La crise politique, militaire et financière de 1792 conforte les accapareurs dans cette attitude spéculative.
1.2 Nécessité d'une réglementation[modifier | modifier le wikicode]
Dès le printemps 1792, des mouvements urbains appellent à la taxation des prix. A partir du 10 août de cette même année, le mouvement populaire impose sur Paris une règlementation du marché des grains (vente forcée, prix taxé) en particulier pour les besoins d’alimentation des armées. A l’automne, les Girondins abolissent ces législations locales.
En 1793, la Convention nationale affronte plusieurs contradictions concernant le marché des céréales : la "libéralisation" rapide de la vie économique amène en 1793 à une contradiction entre le droit politique de souveraineté populaire et la réalité socio-économique d’un peuple qui manque plus de céréales qu’à l’époque de la monarchie absolue.
Or, en ce printemps 1793, les armées révolutionnaires affrontent une énorme coalition comprenant l’Autriche, la Prusse, la Grande-Bretagne, les Provinces Unies, l’Espagne, les États du pape, le Piémont, le Portugal, Naples, Parme, Modène, la Toscane ... Ces alliés se réunissent à Anvers et se fixent pour objectif la restauration de la monarchie absolue à Paris et des compensations territoriales pour leur effort de guerre. Sans une mobilisation organisée de toute la nation, l’invasion de la France est inévitable. L’armée autrichienne commandée par Cobourg prend la Belgique suite à la défection du commandant en chef Dumouriez puis prend Valenciennes, Le Quesnoy, Maubeuge... Mayence est assiégée puis prise. Les Prussiens passent le Rhin. Les Piémontais envahissent la Savoie. Les Espagnols franchissent la frontière marchant sur Perpignan et Bayonne.
En somme, la logique de concurrence libre et non faussée conduit inévitablement à une hausse des prix en période de guerre.
Fin avril, début mai 1793, la situation militaire et sociale (début de famine) est désastreuse.
1.3 Du maximum au maximum général[modifier | modifier le wikicode]
Le 4 mai 1793, la Convention nationale débat d’une solution politique. Les Montagnards appuyés par les délégations des sections populaires parisiennes l’emportent et décident :
- la fixation d’un prix maximum des grains par département basé sur le prix moyen des six derniers mois ;
- la règlementation de tout le marché des céréales (déclaration de récolte, visites domiciliaires de contrôle, certificats délivrés par les administrations, peines pour les contrevenants et récalcitrants).
Cette loi va rapidement s’avérer source de grosses difficultés ; en particulier, elle pousse logiquement les producteurs à vendre de préférence dans les départements où le prix est supérieur.
La situation militaire difficile et la mobilisation populaire encouragée par les Enragés (Roux, Varlet...) poussent les Montagnards, non à revenir en arrière mais à durcir encore cette loi dans le sens d’une économie dirigée.
Le 26 juillet 1793, les accapareurs sont décrétés passibles de la peine de mort.
Le 11 septembre, la Convention établit un maximum national des grains et fourrages et une organisation des marchés permettant d’éviter les faiblesses de la loi du 4 mai, en particulier quant au ravitaillement des régions déficitaires.
Le 17 septembre, la Convention simplifie tout le dispositif en créant un monopole administratif sur ces biens.
Du 22 au 29 septembre, la loi concernant le pain est généralisée à tous les produits de première nécessité (sel, savon...) : un prix maximum doit être fixé par chaque district sur la base de celui de 1790 plus un tiers.
En octobre, la Convention crée la Commission nationale des subsistances pour diriger l’ensemble du processus dans le pays.
2 Justifications politiques[modifier | modifier le wikicode]
En mai 1793, dans son Opinion sur la fixation du maximum du prix des grains, le jacobin Momoro (mais aussi militant cordelier et sans doute plus proche de la sans-culotterie), après avoir défini la propriété comme le droit d’user et d’abuser, s’interrogeait.
« Ce même droit appartient-il au cultivateur sur les productions que la terre accorde à ses sueurs ? Non, sans aucun doute. C’est que ces productions sont destinées à la subsistance de la société, moyennant l’indemnité juste et préalable qui doit en être le prix. »
Cette indemnité doit être proportionnée « avec les facultés des citoyens ». Momoro en conclut que les productions de la terre ne sauraient être rangées « dans la même classe que les autres propriétés proprement dites ».
Hébert écrivait « la terre a été faite pour tous les êtres vivants, et depuis la fourmi jusqu’à l’insecte orgueilleux qui s’appelle l’homme, chacun doit trouver la subsistance dans les productions de cette mère commune (...) La première propriété, c’est l’existence ; il faut manger à n’importe quel prix. ».[1]
Même le dantoniste Dufourny, dont pourtant l’hostilité à la sans-culotterie était manifeste, formulait clairement, le 1er septembre 1793, ces aspirations confuses des masses.
« Les possesseurs du sol, les cultivateurs, n’ayant pas le droit d’abuser, soit en ne cultivant pas, soit en détruisant les produits de la culture, ne sont véritablement pas les propriétaires ni du sol ni de ses produits. »
« Tout spéculateur qui ne fait qu’employer des fonds en denrées pour en tirer bénéfice est un intermédiaire inutile, dangereux et coupable, un véritable accapareur, un monopoliseur, un ennemi de la société. »
3 Bilan[modifier | modifier le wikicode]
La réglementation des grains a permis un meilleur ravitaillement des armées et donc contribué aux victoires des armées révolutionnaires sur tous les fronts, permettant la libération totale du territoire avant la fin de l’année 1793 (puis la poursuite des offensives en 1794) :
- victoire de Jourdan à Wattignies dans le Nord
- victoire de Hoche à Wissembourg sur le Rhin
- reconquête de la Savoie par Kellermann
- nombreux succès dans les Pyrénées occidentales et orientales
- reprise de Toulon par Dugommier et Bonaparte
Dans la population civile, les lois du maximum ont temporairement aidé au ravitaillement des grandes villes mais au prix de tensions fortes en milieu rural.
Concernant la production et le ravitaillement des populations civiles, globalement, ces lois ont montré la grande difficulté d’application de règlements économiques très contraignants (fixation administrative des prix, contrôle de tout le circuit de commercialisation...)
Robespierre et le Comité de Salut public en prennent conscience, maintiennent les lois du maximum mais les assouplissent sur plusieurs plans pour tenir compte de la réalité. Les Hébertistes poussent au contraire à un durcissement des dispositifs ; cette question est centrale dans l’affrontement qui conduit ces derniers à l’échafaud.
La droite et l’ensemble des libéraux ont toujours utilisé cette loi du maximum des prix et des salaires pour caractériser la Convention montagnarde comme une dictature.
Il s’agit là d’une ineptie. Il paraît important de distinguer dans la décision d’instaurer la loi du maximum, les nécessités imposées par la guerre d’un essai d’économie dirigée qui préfigurerait le socialisme.
De 1916 à 1918, l’économie de guerre mise en place par l’Allemagne, la France et d’autres pays belligérants est bien plus contraignante en réalité pour l’économie que celle de 1793 et personne ne reproche par exemple à Poincaré ou Clemenceau d’être des dictateurs. Le même constat pourrait être fait pour l’URSS (communisme de guerre), les États-Unis, le Japon... durant la Seconde guerre mondiale.
4 Bibliographie[modifier | modifier le wikicode]
- Pierre Caron, La Défense nationale de 1792 à 1795, Paris, Hachette, 1912.
- Daniel Guérin, La Lutte de classes, sous la Première République, 1793-1797, Paris, Gallimard 1968.
- Georges Lefebvre, Questions agraires au temps de la terreur, Paris, H. Potier, 1954.
- Albert Mathiez, La Vie chère et le mouvement social sous la Terreur, Paris, Payot, 1927.
- Albert Soboul, La Première République, 1792-1804, Paris, Calmann-Lévy, 1968.
- ↑ Jacques-René Hébert, Le Père Duchesne n° 273, août 1793