Partie IV. Une entreprise condamnée par l'Histoire ?

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XLIII. Histoire et politique[modifier le wikicode]

Plus que tout autre sujet sans doute de l'histoire contemporaine, l'histoire du mouvement communiste allemand a été au cours du demi-siècle écoulé soumise aux exigences des idéologies et de la politique quotidiennes.

Le 11° congrès du K.P.D., tenu en 1927, avait décidé la rédaction et la publication d'une histoire du parti[1]. En février 1932, Thaelmann, alors président et tout-puissant dirigeant du K.P.D., avait annoncé que cette tâche allait être rapidement entreprise au moins pour la première partie, jusqu'à la scission des indépendants au congrès de Halle et l'adhésion des indépendants de gauche à la III° Internationale[2]. La victoire du nazisme en 1933 et la mise hors la loi du K.P.D. allaient, autant que les difficultés politiques, faire remettre sine die cette entreprise. Il fallut attendre la fin de la deuxième guerre mondiale pour voir paraître la première étude, due à un historien non communiste, M. Ossip K. Flechtheim[3], suivie de peu par celle de Ruth Fischer[4]. Bien des historiens allemands de l'Ouest, anglais ou américains, s'étaient, sous un angle ou sous un autre, attachés à retracer l'histoire des premières années du K.P.D., que la République démocratique allemande, qui se veut son héritière, en était restée à quelques paragraphes de l'Abrégé d'histoire du P.C.R.(b) datant de 1938 et à un recueil tronqué, et par endroits falsifié, de documents et de commentaires. Il a fallu attendre les années 1962-1963 pour que la R.D.A. et son parti dirigeant, le S.E.D. — théoriquement continuateur du K.P.D. — puisse offrir aux jeunes générations une version « officielle » de son histoire, le célèbre Grundriss der Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung[5].

En réalité, l'historiographie du mouvement communiste allemand a connu les mêmes difficultés que celle des autres partis communistes « officiels » : révision périodique des récits et analyses en fonction des nécessités politiques de l'heure, falsification ou suppression du rôle des militants considérés comme « déviationnistes », « traîtres » ou « renégats », interprétation tendancieuse, falsification ou élimination de documents, reconstruction du passé en fonction d'impératifs idéologiques ou tactiques. Il faut remonter à 1927 pour trouver sous la plume d'un vieux spartakiste, Ernst Meyer, la dernière tentative d'une histoire scientifique des premières années du K.P.D. (S)[6] : l'auteur allait être presque aussitôt écarté comme « conciliateur », à la veille de sa mort.

La majorité des pionniers du K.P.D. passèrent en effet, à un moment ou un autre, pendant la période dite de « bolchevisation », puis la stalinisation, dans les rangs des oppositions, ce qui leur valut de se voir refuser rétrospectivement tout rôle « positif ». Ainsi disparaissaient de l'histoire officielle Paul Levi et Karl Radek, principaux dirigeants du parti entre 1918 et 1923, aussi radicalement supprimés que Trotsky l'avait été de l'histoire bolchevique, et seulement affublés, à l'occasion, quand mention de leur nom apparaissait nécessaire, des traditionnelles épithètes d' « ennemis du peuple », « traîtres » ou « renégats ». Ainsi disparaissent Brandler et Thalheimer, boucs émissaires de la défaite de 1923, et avec eux les « droitiers », Walcher, Frölich, Böttcher, et les « gauchistes » ou « ultragauchistes », Ruth Fischer et Maslow, comme Urbahns, Rosenberg et Korsch, et, enfin, les « conciliateurs » comme Ernst Meyer. En Union soviétique, puis dans l'Europe en guerre, la grande purge des années 1936 à 1939 allait voir disparaître — exécutés ou morts en prison — d'autres dirigeants, pourtant longtemps dévoués à la fraction stalinienne dans le K.P.D., Hugo Eberlein comme Heinz Neumann, Remmele, Hans Kippenberger, Flieg, Leow, Schulte, Schubert — et, plus tard, Willi Münzenberg[7].

Pendant toutes ces années, l'histoire du K.P.D. était aux mains de ses seuls dirigeants, les Wilhelm Pieck et Walter Ulbricht, dont le rôle avait été capital dans son histoire d'après 1923 comme agents de la fraction stalinienne et qui avaient dirigé la lutte contre la vieille garde. Il s'agissait pour eux de se justifier, de s'attribuer la position juste à toutes les étapes du passé, mais aussi et surtout de présenter de ce passé une image conforme aux nécessités de leur domination dans l'appareil et de celle du parti russe dans l'Internationale. L'histoire du K.P.D. devenait une suite d'efforts conscients menés du sommet - de la direction stalinienne du parti russe — pour éliminer les « tendances » et « déviations petites-bourgeoises », le poids de la tradition social-démocrate, c'est-à-dire, selon le modèle stalinien, les « agissements de l'ennemi de classe ». Elle se devait de minimiser, supprimer ou dénaturer le rôle de tous ceux qui, à un moment ou un autre, s'étaient trouvés sur une autre position que celle de la fraction stalinienne, de magnifier et d'exalter le rôle de ses agents dans le K.P.D., en allant, comme ce fut le cas pour Thaelmann jusqu'en 1933, pour Walter Ulbricht ensuite, jusqu'aux manifestations de « culte de la personnalité ». Tâche incompatible avec la publication intégrale de documents authentiques — ce qui explique l'indigence de la production, au cours des premières années, des instituts « historiques » de la R.D.A. — au surplus dangereuse, depuis que Staline avait condamné les « bureaucrates » qui avaient besoin de « papiers » pour écrire l'histoire, et attachaient une valeur aux « documents-papier »[8].

La simple évocation des hommes des oppositions broyées dans le passé risquait en effet de ressusciter aux yeux des jeunes générations une conception du bolchevisme et du parti, de ses buts, de ses moyens, de sa nature même, bien différente de celles que présentaient vie quotidienne et discours officiels. Il eût été imprudent de rappeler que l'Internationale communiste du temps de Lénine avait pour but la révolution mondiale, non la construction du socialisme dans un seul pays, ou que les bolcheviks ne croyaient pas en la prédestination messianique du peuple russe en général et de leur parti en particulier, mais avaient au contraire considéré la révolution russe comme la première étape — la plus facile — d'une révolution qui ne pouvait vaincre qu'à l'échelle mondiale. Il était dangereux de laisser savoir aux jeunes générations — tout particulièrement à partir de 1956 et de la renaissance explosive des conseils ouvriers en Pologne et en Hongrie — que la révolution allemande des conseils d'ouvriers et de soldats avait revêtu les traits d'une révolution proprement soviétique, et qu'il n'existait pas en Allemagne à cette date de parti ressemblant de près ou de loin à l'image du parti bolchevique que présentaient les historiographes staliniens, la phalange invincible, « centralisée et coulée d'un seul bloc », avec ses cadres « trempés » par le « marxisme-léninisme », son appareil infaillible, projection rétrospective du tout-puissant S.E.D., parti unique de la R.D.A. Il n'était pas possible enfin de retracer les efforts des militants allemands, épaulés par les chefs de la révolution russe, pour construire en Allemagne un parti de type bolchevique adapté aux conditions allemandes, quand cette construction s'était en réalité appuyée dans les premières années de son histoire sur des traditions de démocratie prolétarienne, la reconnaissance des tendances et même des fractions organisées, la pratique des assemblées générales de militants et responsables, celle des contre-rapports confiés aux minorités, des discussions larges, l'ouverture de la presse aux courants d'opposition, la représentation des minoritaires dans les organismes dirigeants.

L'histoire du bolchevisme fourmille d'exemples qui le font apparaître, sur un certain nombre de points essentiels, comme l'antithèse du stalinisme qui prétend le continuer. Celle du communisme allemand est peut-être encore plus riche de ce point de vue. Déjà, au début des années trente, c'était à la personnalité et au rôle de Rosa Luxembourg que Staline s'en était pris pour mettre au pas les historiens russes[9] et pour « écraser » la théorie de Radek sur les « courants » dont la confluence historique aurait donné naissance au mouvement communiste mondial[10], offensive qui était nécessaire pour imposer le dogme du « bolchevisme » et du « léninisme » omniscients construits dans une lutte consciente contre la social-démocratie. L'acharnement apporté dans la critique de la « surestimation » de Rosa Luxemburg avait été l'une des constantes de l'époque stalinienne, Rosa et ses compagnons de Spartakus étant d'autant plus suspects qu'ils avaient critiqué la direction bolchevique et marqué fréquemment leur attachement profond à la démocratie ouvrière et à l'initiative des masses. De ce point de vue, même la « réhabilitation » de la social-démocratie était plus facile, comme le montrent les ménagements accordés, lors de la fondation du S.E.D., à d'anciennes personnalités social-démocrates comme Friedrich Ebert junior.

La « déstalinisation » allait quelque peu modifier cette situation. Encouragés par la relative ouverture des archives en Union soviétique, par les attaques des nouveaux dirigeants contre le « culte de la personnalité » et Staline lui-même, poussés par l'élan de curiosité et la soif de vérité manifestée depuis 1953 et surtout 1956 par les jeunes générations, des chercheurs allaient tenter d'établir une histoire d'allure plus scientifique, capable d'affronter les textes de l'historiographie occidentale tout en demeurant inspirée d'un « esprit de parti », c'est-à-dire tenant compte des nécessités politiques dictées par le pouvoir, C'est dans ces conditions que s'est déroulée la rédaction, puis la discussion sur la première version officielle de quelque envergure de l'histoire du communisme allemand, le Grundriss... , à travers laquelle devait être pour la première fois mise en cause, quoique partiellement et sous forme indirecte, les thèses des dirigeants.

En 1957, l'historien Robert Leibbrand, vieux militant[11], s'en prend, dans les colonnes de Einheit, à la thèse stalinienne exposée dans le célèbre Abrégé[12], selon laquelle la révolution de 1918 avait été « une révolution bourgeoise, et non socialiste », dans laquelle les conseils d'ouvriers et de soldats auraient été, non des organes de double pouvoir comme les soviets, mais de simples « instruments » de la bourgeoisie, puisque « dominés » par les social-démocrates, indépendants et autres mencheviks allemands[13]. Pour lui, la révolution allemande, « par ses tâches historiques, par ses forces fondamentales et par les objectifs du prolétariat », était « une révolution socialiste » vaincue. Il soutient que la caractériser comme une « révolution bourgeoise » équivaut à « une sous-estimation et une minimisation de ce grand mouvement du prolétariat allemand»[14].

L'effort de Leibbrand est bientôt soutenu par un autre historien, vétéran plus prestigieux encore, puisqu'il s'agit du vieux militant spartakiste Albert Schreiner, lequel écrit, dans une revue historique, qu'après avoir étudié la question de façon approfondie, il est contraint de déclarer qu'il abandonne « son » ancienne interprétation de la révolution de novembre 1918 considérée comme une « révolution bourgeoise »[15]. C'est alors qu'un jeune historien, Roland Bauer, s'appuyant sur des documents, tant allemands que russes, contemporains de la révolution de novembre, et notamment sur les textes — inattaquables — de Karl Liebknecht et de Lénine lui-même, s'en prend avec vigueur à la thèse stalinienne de la « révolution bourgeoise », dont personne n'ignore qu'elle est également celle de Walter Ulbricht. Résumant le débat sur l'opposition de deux thèses fondamentales, celle de la « révolution démocratique-bourgeoise » et celle de la « révolution prolétarienne non victorieuse », il souligne que la seconde, à laquelle « se rallie un cercle toujours plus large » d'historiens, était également « l'ancienne interprétation des historiens marxistes »[16]. Sa conclusion est catégorique :

« La révolution de novembre avait le caractère d'une révolution prolétarienne inachevée et vaincue. Une telle appréciation est conforme aussi bien aux opinions de Marx, Engels et Lénine sur la révolution prolétarienne qu'aux appréciations portées sur la révolution de novembre par la Ligue Spartakus et le parti communiste allemand »[17].

A peine ouverte, cette discussion fondamentale, mais lourde d'implications et de conséquences, est close par voie d'autorité. Walter Ulbricht tranche le débat qui aurait eu lieu sur ce point au sein du Politburo en affirmant, dans les colonnes de l'organe du parti, Neues Deutschtand, que la seule interprétation « conforme au point de vue du marxisme-léninisme » de la révolution de novembre est celle d'une « révolution démocratique-bourgeoise menée par des moyens et des méthodes prolétariennes », et en condamnant formellement « l'opinion erronée défendue par une partie des historiens sur le caractère socialiste de la révolution de novembre »[18]. La thèse ancienne ainsi réaffirmée demeure donc à la base de l'histoire officielle et la nouvelle version de l'histoire du K.P.D. ne présente pas de modifications substantielles par rapport à l'histoire « stalinienne» de l'Abrégé. Brandler et ses camarades demeurent « ennemis du parti » et « opportunistes de droite », et les camarades de tendance de Ruth Fischer des « ultra-gauches sectaires, ennemis du parti ». Mais, Walter Ulbricht qui, en 1923, appartenait au groupe de Brandler, et Ernst Thaelmann, qui suivait Ruth Fischer et Maslow, sont présentés comme les forces « saines », « révolutionnaires » qui, à l'intérieur du K.P.D., luttaient pour défendre le point de vue marxiste-révolutionnaire. Alors que le compte rendu du congrès de Leipzig donne in extenso le texte d'une intervention de Ulbricht tout entière consacrée à une polémique contre Ruth Fischer et ses interprétations « gauchistes » du rapport de forces en Allemagne[19], les rédacteurs du Grundriss écrivent :

« Déjà dans l'année 1923, au sommet de la crise révolutionnaire d'après guerre, Walter Ulbricht apparut comme un des dirigeants du parti qui, au congrès de Leipzig, se dressèrent contre la révision opportuniste de droite de la théorie marxiste-léniniste de l'Etat par le groupe Brandler-Thalheimer »[20].

Soucieux du culte de sa propre personnalité, Walter Ulbricht ne perd pas de vue ses objectifs politiques, la défense d'un statu quo qui constitue sa justification. Dans un discours au comité central lors du débat sur le Grundriss, il déclare :

« J'ai l'avantage d'avoir, pendant deux époques de l'histoire du mouvement ouvrier allemand, participé à la direction de façon active et consciente. Lorsque, au cours de ce rapport, je traite un certain nombre de questions de stratégie et de tactique, cela ne repose pas seulement sur mes connaissances théoriques, ni sur une exploitation systématique de mes diverses expériences, mais aussi sur ma participation personnelle à ces grands combats de la classe ouvrière allemande »[21].

C'est ainsi qu'il veut trancher le débat - qui reste en fait largement ouvert - concernant les liens respectifs avec le bolchevisme des radicaux de gauche de Brême et des spartakistes, question importante abordée, pendant la période de la déstalinisation, par Wilhelm Eildermann et Karl Dreschsler[22], en affirmant :

« Il est (...) faux de dire que les gauches de Brême aient été, sur la question du parti, le groupe qui avait eu dans le mouvement ouvrier révolutionnaire allemand la plus grande clarté politique. (...) C'était le groupe Spartakus qui était le plus proche des bolcheviks. Son action a influencé, directement ou indirectement, tous les groupes révolutionnaires allemands et a trouvé dans le mouvement des soutiens importants, particulièrement de la part de Lénine et des bolcheviks. Mettre sur le même plan que le groupe Spartakus les radicaux de gauche de Brême ou simplement les surestimer ne répond donc pas aux faits historiques »[23].

Ainsi que le fait remarquer Hermann Weber dans son ouvrage critique sur le Grundriss[24], il ne s'agit pas seulement ici pour Ulbricht d'affirmer que le chef incontesté du S.E.D. ne peut avoir appartenu qu'au groupe le plus conséquent et historiquement le plus important, nécessité qui fait à ses yeux pencher la balance de l'histoire en faveur de la Ligue Spartakus ; il s'agit surtout, à travers l'histoire « révisée », de préserver un principe fondamental et intangible :

« Il ne peut jamais y avoir qu'un groupe qui agit correctement, un qui a « le rôle dirigeant », et qu'une ligne politique correcte, ce qui étaye le droit à la direction politique »[25].

En fait, dans un discours dont une bonne partie est consacrée à la dénonciation des conceptions qu'il traite de « révisionnistes », Walter Ulbricht consent pour son propre compte et pour celui de son parti à une seule révision, mais de taille, lorsqu'il s'écrie :

« La défaite de la classe ouvrière allemande au cours de la révolution de novembre et les défaites des soulèvements révolutionnaires du prolétariat dans les autres Etats impérialistes après la première guerre mondiale ont démontré que la classe ouvrière ne pouvait pas, dans les pays ayant un capitalisme monopoliste d'Etat développé, ériger d'un seul coup la dictature du prolétariat »[26].

Ainsi, comme le note Hermann Weber, non seulement se trouve affirmée, par le dirigeant du S.E.D., que la voie de l'Allemagne vers le socialisme n'était, ne pouvait et ne peut être que ce qu'elle est en R.D.A. sous la direction de Walter Ulbricht, mais est encore justifiée — en dépit de l'essentiel de la pensée de Marx, Lénine et Rosa Luxemburg — toute la politique passée de construction du « socialisme dans un seul pays », la politiquesuicide dictée au K.P.D. par l'Internationale de Staline entre 1931 et 1933, sans parler de la récente politique des partis communistes dans le cadre de la « coexistence pacifique », de la « lutte pour la démocratie avancée » et de la « voie parlementaire vers le socialisme » ...

A l'instar d'un Habedank, l'un des premiers à avoir tenté de réhabiliter l'usage des « documents-papier » dans son histoire de l'insurrection de Hambourg[27], les chercheurs risquent encore aujourd'hui de se heurter à un veto des dirigeants politiques. Comme en Union soviétique, les recherches historiques ne sauraient être abstraites des conséquences politiques qu'elles impliquent. Les travaux d'Arnold Reisberg sur le rôle de Lénine dans l'élaboration de la politique du front unique ouvrier[28], qui ont établi pour les lecteurs de R.D.A. la personnalité et le rôle de Karl Radek et rendu justice à Brandler, ne peuvent pas, malgré les précautions de langage dont elles s'entourent, ne pas provoquer réflexions et questions.

On doit noter d'ailleurs que, sur le point capital des perspectives de la révolution prolétarienne dans les pays avancés, la révision théorique formulée par Walter Ulbricht reçoit, sous des formes plus ou moins nuancées, l'appui des principaux travaux de l'historiographie en Occident. C'est ainsi que Werner Angress écrit au terme de son étude sur le K.P.D. entre 1921 et 1923[29].

« Ils concevaient cette révolution comme une révolution dont ils seraient les inspirateurs et le fer de lance, mais qui serait réalisée par les masses des ouvriers allemands. Cette vision fut dissipée pendant les semaines qui suivirent l'effondrement de l'empire, et, après janvier 1919, elle cessa d'être une entreprise réalisable. Ce fut une tragédie pour le K.P.D. et, en fait, pour la répub1ique de Weimar, que les communistes allemands aient été incapables d'accepter le caractère irrévocable de leur défaite. Leurs différentes tentatives de prendre le pouvoir, qui ne prirent fin qu'au terme de l'année 1923, étaient vouées à un échec certain et le parti n'aurait trouvé qu'un maigre réconfort en songeant que ses tentatives n'étaient pas les seules tentatives avortées de révolution dans l'histoire de l'Allemagne moderne »[30].

Richard Lowenthal, dont l'étude sur « la bolchevisation de la Ligue Spartakus[31] » constitue incontestablement un travail de pionnier, va dans le même sens. Sur l'histoire proprement dite du K.P.D., il peint en noir et blanc ce que les écrivains de l'Est peignent en blanc et noir et conclut que c'est l'exécutif de l'Internationale qui a introduit dans le mouvement communiste allemand des « techniques d'organisation » qu'il énumère :

« le mélange délibéré d'éléments différents au sein de la direction afin de constituer une direction moins homogène et plus flexible ; l'encouragement à la formation d' « ailes » que le Comintern pouvait jouer l'une contre l'autre; l'incorporation dans les documents du parti de phrases-clés générales qui pouvaient servir ultérieurement d'aune pour mesurer les réalisations des dirigeants ; la construction progressive de légendes à l'intérieur du parti contre les dirigeants récalcitrants afin de les discréditer, d'abord par des mesures, puis publiquement par la bouche des gens de l'opposition, et finalement par l'usage ouvert de l'autorité du Comintern »[32].

Surtout, comme Walter Ulbricht lui-même, il explique l'échec en Allemagne du parti révolutionnaire par l'impossibilité d'une révolution dans un pays industriellement développé :

« Le transfert de l'autorité au Comintern reposait sur l'échec de tous les mouvements révolutionnaires non bolcheviks en Europe. La poussée à gauche de la base communiste résultait de l'impossibilité de maintenir longtemps un parti révolutionnaire séparé avec une conception « luxembourgiste » de son rôle. Mais l'une et l'autre circonstance exprimaient en réalité le fait — plus évident aujourd'hui qu'à l'époque — que la prévision fondamentale de Rosa Luxemburg et en général des marxistes révolutionnaires non bolcheviks, avait été réfutée par l'Histoire : la prévision que la classe ouvrière de l'Europe industriellement avancée serait de plus en plus « révolutionnarisée » par sa propre expérience. (...) En dernière analyse, les héritiers de Rosa Luxemburg furent vaincus par les « bolchevisateurs » parce que leur propre vision de la révolution prolétarienne n'avait pas d'avenir »[33].

Faisant, à la différence de bien d'autres historiens occidentaux, la nécessaire distinction entre l'Internationale du temps de Lénine et celle placée au cours des années suivantes sous la férule de Staline, il écrit :

« Si Lénine avait pu prévoir le résultat final du processus que nous avons appelé la « bolchevisation » des partis communistes, il aurait vraisemblablement et avec sincérité réprouvé cette issue. Pourtant, en le jugeant, non sur ses intentions conscientes, mais sur les conséquences historiques (de son choix), il aurait eu tort »[34].

Nous pensons, quant à nous, que Walter Ulbricht, Richard Lowenthal et Werner Angress se trompent lorsqu'ils pensent que Lénine et Rosa Luxemburg ont commis l'erreur fondamentale de croire en la possibilité d'une révolution prolétarienne et de sa victoire dans un pays avancé. Nous croyons que le parti communiste allemand pouvait vaincre, même s'il a été vaincu. Il n'existe aucun Livre du destin de l'humanité dans lequel auraient été inscrites d'avance et la victoire de l'Octobre russe et la défaite de l'Octobre allemand, la victoire de Staline et celle de Hitler. Ce sont les hommes qui font l'Histoire.

XLIV. La greffe du bolchevisme sur le corps allemand[modifier le wikicode]

L'histoire du K.P.D. — Ligue Spartakus, K.P.D. (S), V.K.P.D., K.P.D. tout court — n'est pas l'épopée en noir et blanc du combat mené par les justes contre les méchants, opportunistes de droite ou sectaires de gauche. Elle n'est pas non plus la lente agonie d'un secteur socialiste et révolutionnaire du mouvement ouvrier allemand sous l'étreinte d'un organisme étranger tendant consciemment à le vider de sa substance de classe. Elle représente un moment dans la lutte du mouvement ouvrier allemand pour sa conscience et son existence et ne peut être comprise en dehors de la crise de la social-démocratie, longtemps larvée et sous-jacente, manifeste et publique à partir de 1914.

La social-démocratie avait constitué, et constituait encore dans une large mesure en 1914, l'expression du mouvement ouvrier allemand avec ses caractéristiques : le sérieux de l'organisation, la stricte discipline exigée des militants groupés en « fractions », la coexistence d'un programme minimum dictant une pratique réformiste avec le programme de la révolution prolétarienne rejeté à l'arrière-plan pour toute une période historique. Le conflit mondial mettait fin à ce compromis péniblement ajusté au cours des années d'expansion, difficilement préservé pendant les années d'avant guerre. Il impose en effet le choix entre les deux perspectives présentées jusque-là comme complémentaires, mais que la situation rend contradictoires. Si la poursuite du combat pour la réalisation — ou au moins la préservation des acquis — du programme minimum peut sembler passer par la voie de l'union sacrée avec les classes dirigeantes, il est clair que la perspective révolutionnaire, elle, passe par la lutte — au besoin illégale — contre la guerre, et par la préparation de la guerre civile.

La crise de la social-démocratie allemande libère des éléments qui s'étaient fondus en son sein depuis plusieurs décennies. Les courants anciens resurgissent : le « corporatisme » des syndicats de métier qui cherchent avec le patronat l'accord qui les privilégie, le « révisionnisme » bernsteinien qui renoue avec le mouvement démocratique et nationaliste, le « syndicalisme » qui rejette par-dessus bord les « illusions » parlementaires, prône l'organisation « à la base », l'action directe, et célèbre les vertus de la « spontanéité » opposées aux vices de l'« organisation » ; les courants dits « centristes » oscillent entre les choix inévitables, exprimant tous et la continuité de la tradition social-démocrate et la résistance à l'adaptation devant le changement objectif de la situation, le conservatisme comme réflexe de défense face à la crise, le désir d'un retour au statu quo ante considéré comme un âge d'or. Le gauchisme est à la fois courant ancien et réflexe nouveau, négation globale du passé et désir puéril de forcer le cours des choses, refus de tout compromis et même de toute transition, maximalisme simpliste et utopisme impatient et sommaire, rendu attrayant pourtant par le caractère aberrant de la politique des « socialistes de gouvernement ».

La révolution russe intervient, indirectement d'abord, puis directement et de façon décisive, dans cette crise. Le bolchevisme est, d'une certaine manière, une expérience et une doctrine extérieure, pour ne pas dire étrangère au mouvement ouvrier allemand : c'est sur la base de conditions spécifiquement russes que s'est construit le parti bolchevique. Mais le bolchevisme ne s'est jamais senti lui-même spécifiquement russe. Lénine l'a décrit comme né sur la base d'une expérience mondiale du mouvement social-démocrate confronté aux conditions concrètes de la lutte dans l'empire tsariste. C'est d'ailleurs le programme maximum de la social-démocratie, la perspective marxiste de la révolution prolétarienne pour l'instauration du socialisme qui a été ouverte par la victoire de la révolution d'octobre 1917. Quoi qu'il en soit, pour les révolutionnaires allemands, à quelque groupe ou groupuscule qu'ils appartiennent, le bolchevisme constitue, d'abord et avant tout, la théorie et la pratique qui ont mené les travailleurs russes à la victoire.

Il n'y a pas eu de « bolcheviks » allemands avant la révolution d'Octobre. Un Karl Radek est certes très proche de Lénine — il n'a avec lui ni plus ni moins de divergences qu'un Boukharine ou un Piatakov — mais il est difficile de le tenir à cette époque pour un militant allemand, quoi qu'il soit capable, par ses liaisons personnelles, d'assurer le lien entre la gauche zimmerwaldienne et les internationalistes allemands[35]. Fascinés et éblouis, à certains égards, par l'expérience bolchevique dont ils se réclament, les radicaux de gauche de Brême, avec leur théorie des « unions industrielles », leur gauchisme instinctif dans les questions syndicales et électorales, sont sans doute plus proches des gauchistes du mouvement russe combattus des années durant par Lénine dans sa fraction même, que de ce qu'on peut appeler le « bolchevisme ». Les spartakistes, pour leur part, peuvent coïncider avec les bolcheviks sur un certain nombre de points tactiques importants, l'utilisation des tribunes parlementaires, par exemple, et le militantisme au sein des syndicats opportunistes ; ils n'en apparaissent pas moins imperméables, pendant des années, à la conception bolchevique du parti, hostiles qu'ils sont à la centralisation qu'ils jugent inévitablement bureaucratique et « bureaucratisante », attachés à la spontanéité et à l'identification entre la classe ouvrière et son « mouvement » politique, réfractaires aussi aux arguments sur l' « aristocratie ouvrière » à l'aide desquels les Lénine et les Radek justifient la nécessité historique de la scission volontaire du mouvement social-démocrate par les révolutionnaires.

Spartakistes, gauchistes de toutes nuances et bolcheviks sont pourtant persuadés de la nécessité de l'organisation internationale de la lutte. Le prestige de l'exemple russe victorieux, joint à la proclamation de l'Internationale communiste, les rangent tous, aussi hétérogènes soient-ils par leurs théories et leurs pratiques, dans le camp qui arbore le drapeau de « Moscou ». De ce moment, il devient inévitable — et pour beaucoup souhaitable — que le bolchevisme en tant que théorie et pratique victorieuse de la révolution se greffe sur le corps en crise du mouvement ouvrier allemand, s'agrippe à ses courants révolutionnaires, sans les « russifier », mais au contraire en se « germanisant », en leur transmettant, non ses recettes, mais son expérience et sa ligne générale. Disparue la vieille garde spartakiste — surtout Rosa Luxemburg et Leo Jogiches — pour qui Lénine était d'abord le chef de l'infatigable fraction bolchevique avec ses intrigues et ses ultimatums, le leader de groupuscule avec qui ils s'étaient, des années durant, colletés, les hommes plus jeunes qui leur succèdent voient en lui d'abord le théoricien et le guide révolutionnaire, l'homme qui avait su prévoir la dégénérescence de la vieille maison et en préserver son parti, le seul qui ait été capable de commencer à réaliser le programme maximum, la révolution mondiale. Cette greffe du bolchevisme sur l'aile gauche du mouvement allemand paraît donc à tous une nécessité historique, le juste retour dialectique de l'expérience internationale, enrichie par la victoire dans un de ses secteurs : les révolutionnaires russes restituent aux révolutionnaires allemands l'acquis qu'ils ont hérité de la social-démocratie allemande, l'héritage qu'ils ont su faire fructifier. La « bolchevisation » du parti communiste allemand dans les années qui nous intéressent n'est pas la transposition mécanique de recettes d'organisation, de mots d'ordre et d'instructions qu'elle sera plus tard ; elle est l'effort pour traduire le bolchevisme en langue allemande, en mentalité ouvrière allemande, en pratique socialiste allemande, la tentative de créer, en Allemagne comme ailleurs, une organisation « communiste », puisque tel est le vocable retenu — et non celui de « bolchevique » qui caractérise la branche russe du mouvement.

Si le congrès de fondation du K.P.D. (S) avait donné le spectacle d'une organisation qui ne ressemblait que de très loin à un parti, et absolument pas à ce qu'aurait pu ou dû être un parti communiste en Allemagne, en d'autres termes, si le K.P.D. (S), à sa naissance, était effectivement, simultanément et contradictoirement, « spartakiste » et « gauchiste », le congrès de Heidelberg, lui, marque une transformation profonde au moins dans l'esprit de l'équipe dirigeante. Les résolutions du 2° congrès du K.P.D. (S) constituent en effet la première tentative systématique d'adopter les principes et la tactique du bolchevisme en Russie, un pas en avant considérable par rapport au congrès de fondation, si l'on veut bien admettre que le parti bolchevique n'avait pas toujours été le parti de masses qu'il était alors — et qu'il avait, dans son histoire, connu lui aussi des scissions et des effectifs aussi réduits que l'étaient ceux du K P. D. (S) au lendemain du congrès de Heidelberg. Le fait est d'autant plus notable que les bolcheviks eux-mêmes ne se reconnaissent pas exactement dans les décisions de Heidelberg, et que les communistes allemands, Levi comme Thalheimer, paraissent, dans leur discussion avec Lénine, plus bolcheviques que les bolcheviks eux-mêmes.

Dans la période de construction du parti ouverte par le congrès de Heidelberg, la greffe prend parfaitement. Non seulement les expériences russes telles qu'elles sont concentrées sous la forme des vingt et une conditions commencent à modeler les contours et le fonctionnement du parti allemand, mais l'inverse est également vrai. L'expérience de la lutte de classes en Allemagne, telle qu'elle est plus ou moins assimilée dans la direction du KPD., va introduire dans l'organisme international un certain nombre de thèmes et de positions d'une importance capitale : Lénine, avec La Maladie infantile, ne fait que systématiser, avec plus de hauteur de vue et moins de hargne sans doute, les thèmes développés par Radek et par Levi contre l'opposition et les gens du K.A.P.D.; c'est l'expérience vécue en Allemagne, ce sont les tâtonnements de la centrale du K.P.D. autour de la question du gouvernement ouvrier soulevée par les lendemains du putsch de Kapp et les propositions de Legien, qui vont introduire dans le corps de la doctrine de l'Internationale ce mot d'ordre désormais essentiel ; c'est l'initiative des métallos de Stuttgart dans leur lutte contre Dissmann qui inspire la lettre ouverte de janvier 1921, où se trouve pour la première fois nettement formulée l'idée de la politique du front unique ouvrier, pratiquée en 1917, mais pas encore partie intégrante de la doctrine ; c'est le souci d'organiser ce front unique des travailleurs, communistes et non communistes, en Allemagne, qui va faire apparaître, d'abord dans les discussions de l'Internationale, puis dans son programme, la notion de « mots d'ordre » et de « revendications de transition », appelés à prendre, dans l'arsenal de la théorie communiste, la place laissée vide par l'effondrement de la vieille dichotomie d'Erfurt entre programme maximum et programme minimum.

Pourtant, cette greffe n'est pas sans susciter quelques anti-corps. Ce sont les gauchistes allemands qui donnent au bolchevisme un grand coup de chapeau, mais se refusent à le reconnaître et le combattent en réalité de toutes leurs forces comme « opportuniste », « droitier » et « capitulard », quand il leur est présenté, dans sa traduction allemande, par Levi. Ce sont les gauchistes de l'Internationale, et derrière Zinoviev et Boukharine, les apparatchiki de l'exécutif, qui se dressent avec vigueur contre toutes les innovations allemandes, y dénoncent systématiquement la pression du milieu, le poids de l'opportunisme, l'influence de la social-démocratie. Contre les uns et contre les autres, contre le conservatisme qui tend à adopter théorie et pratique de la veille, comme si le monde ne changeait pas et comme si les communistes n'avaient rien à apprendre de la vie[36], c'est toujours Lénine qui limite les dégâts, empêche les condamnations hâtives, obtient la remise à plus tard d'une discussion mal engagée, pour finalement proposer, non un compromis, mais une synthèse entre les principes anciens et les conditions nouvelles.

La situation de la société allemande, la brutalité cynique de ses mœurs politiques, la réaction contre le carcan bureaucratique de la social-démocratie et des syndicats, la haine de la caste militaire, du junker et du bonze, continuent à sécréter en permanence des courants gauchistes. Münzenberg défend le boycottage du Parlement après l'exclusion de Laufenberg, et Béla Kun découvre au lendemain du congrès de Heidelberg les vertus du boycottage actif ... Aux « putschistes » de 1919 succèdent, dans le K.P.D. (S), des hommes qui, les ayant pourtant exclus, se font en 1921 les zélateurs de la nouvelle mouture de leur vieille théorie de l'« offensive ». Pour un Friesland, convaincu par Lénine au cours du 3° congrès de l'Internationale, combien de disciples de Ruth Fischer et de Maslow, intellectuels révoltés par la guerre, travailleurs frustes et combatifs, sommaires dans leur stratégie, impatients dans la tactique, tendant constamment la main vers les fusils et l'insurrection, toujours prêts à dénoncer, eux aussi, l'« opportunisme » des Russes ou de la direction, et à mettre dans le même sac de l'« opportunisme » la Nep et le front unique, les concessions aux capitalistes en U.R.S.S. et les revendications « de transition » ? Là encore, Lénine joue le rôle de médiateur. Impuissant, en 1919, à empêcher la scission et l'exclusion des gauchistes, il ne cesse de tendre la main aux militants du K.A.P.D. sans les ménager dans les discussions de fond, et, à partir de 1921, étend sa protection aux gauchistes de l'aile Ruth Fischer, qu'il cherche à tout prix à conserver dans les rangs de l'Internationale.

C'est contre la social-démocratie, mais aussi d'une certaine manière, en elle, et, en tout cas, par rapport à elle, que se construit le parti communiste. Or la social-démocratie n'est pas immuable. Si, en 1918-1919, elle présente aux militants communistes et indépendants le répugnant visage du « parti de Noske », elle se dégage, au moins en apparence, après 1920, de ses liens les plus compromettants. Tandis que des hommes comme Lensch ou Winnig rallient ouvertement l'ennemi de classe et sont exclus, Noske est mis à l'écart. Instruit par l'expérience du putsch de Kapp, le parti social-démocrate, tout en se proclamant ouvertement réformiste, c'est-à-dire antirévolutionnaire, au congrès de Görlitz, tient à se redonner le visage d'un parti ouvrier : c'est sa raison d'être que de gagner les ouvriers à une politique réformiste, raisonnable, réaliste, qu'il oppose à l'aventure et à l'irresponsabilité des révolutionnaires « moscoutaires ». La réunification, en 1922, avec les indépendants de droite, contribue à lui donner un visage rajeuni. Tel qu'il est, désormais, avec son aile « gauche» qui accepte de discuter et d'agir en commun avec les communistes, le parti social-démocrate est de nouveau capable d'influencer son frère ennemi, de faire, directement ou non, pression sur lui, de l'attirer ou d'en attirer des éléments, en particulier au sein des syndicats où ils travaillent côte à côte. Cette pression de la social-démocratie, jointe au désir très vif dans les masses — et parfois quasi fétichiste — de l'unité ouvrière expliquent, d'une certaine façon, l'écho en Allemagne de la politique du front unique ou, du moins, de la façon dont elle est interprétée par certains secteurs du parti communiste. Au moins autant que les responsabilités syndicales occupées par certains des dirigeants communistes, cette pression favorisera en 1923 les tendances « droitières » du parti.

Le K.P.D. semble ainsi se construire entre deux tendances renouvelées en permanence, nourries par la réalité sociale, une « gauche » et une « droite » qui se combattent, mais aussi se complètent, et entre lesquelles ses directions successives tentent continuellement une synthèse. Car la logique de l'une comme de l'autre conduirait le parti à sa perte : perte dans l'isolement de la secte par la politique de « putsch » ou d'« offensive », perte dans la dissolution au sein d'un rassemblement unitaire qui serait la rançon de concessions excessives payées pour la recherche de l'unité de front à tout prix. Le parti constitue un perpétuel champ de bataille sans que pour autant il soit permis de conclure à sa faiblesse, ou à l'insuffisance de son emprise sur les événements et sur les luttes ouvrières. Car le parti bolchevique a connu les mêmes difficultés, vécu la même crise permanente, plus aiguë encore en période révolutionnaire, si l'on se souvient de la veille de l'insurrection, de la résistance acharnée « à droite » de Zinoviev et Kamenev venant après l'accès de « gauchisme » de juillet et précédant celui de mars 1918.

Dans l'ensemble, le parti communiste est un organisme vivant. Le « bébé » de Rosa Luxemburg se révèle viable; il ne se contente pas de crier, il grandit. La preuve, on ne la trouve pas seulement sur le terrain de l'élaboration de la théorie, de la promotion de mots d'ordre nouveaux, du progrès dans la précision des moyens et la clarté des objectifs intermédiaires, mais aussi dans la vie quotidienne de l'organisation, en particulier dans la cohabitation de ces tendances de droite et de gauche, avec toutes les nuances de centre, au sein du parti. Cette cohabitation n'est pas un but, mais un fait, non un modèle, mais une donnée. Elle est institutionnalisée dans les statuts et la pratique du parti sous la forme de la reconnaissance du droit des tendances — et même de la tolérance à l'égard des fractions qui, en 1923, se substituent en fait aux tendances —, groupes qui ont leur discipline propre et concluent entre eux des « compromis » dont l'exécutif est le garant. Elle se concrétise par la participation de tous aux discussions précédant les grandes décisions, par l'usage qui veut que les minorités aient le droit de présenter, dans tous les cadres et à tous les échelons, des contre-rapports, d'être représentées dans tous les organismes, exécutifs compris, de s'exprimer non seulement à l'intérieur du parti, mais dans sa presse, publiquement, quand elles ont des divergences sérieuses avec la politique de la direction.

La permanence des tendances aux contours approximativement fixés pourrait, certes, être interprétée comme une preuve du caractère artificiel de l'organisme : une fédération de courants ne constitue pas un parti. En fait, si les contours des tendances demeurent en gros identiques par rapport aux grands problèmes de stratégie et de tactique, les hommes qui les incarnent ne sont pas les mêmes. Paul Levi, en Suisse, était hostile à la participation aux élections, mais vraisemblablement partisan, en 1918-1919, des « unions industrielles » et adversaire du travail dans les syndicats. A Heidelberg, c'est un converti de fraîche date aux thèses du congrès. Frölich, au congrès de fondation, était le prototype du gauchiste sur toutes les questions essentielles du moment. Partiellement convaincu en 1919 au cours du travail à la centrale avec Levi, il a un nouvel accès de gauchisme en 1921, puis, après avoir été morigéné par Radek, qui avait été son maître à penser, il devient résolument « droitier ». Friesland, passablement indéterminable quand il commence en décembre 1918 son activité dans le parti, endosse, en 1920, lors du putsch de Kapp, la responsabilité principale pour la passivité de la centrale et son appel à l'abstention du 13 mars. Mais, dès l'automne suivant, il est à la pointe des attaques contre l'opportunisme de Levi, fervent soutien des initiatives de l'Internationale en direction du K.A.P.D. Partisan de la théorie de l'offensive en mars 1921, il est pris en main par Lénine au cours du 3° congrès et revient en Allemagne en champion de l'application du compromis de Moscou. Et sans doute cette évolution ne peut-elle s'expliquer par sa docilité devant l'exécutif, puisque, poussé par lui au poste de secrétaire général, il se dresse rapidement contre son ingérence dans les affaires du parti allemand, pour devenir, quelques mois après, l'organisateur d'une opposition qui reprend presque point par point les thèmes de Levi dont il avait été l'un des plus violents accusateurs. Brandler, ancré dans le travail syndical, animateur d'un parti de masse dans son bastion de Chemnitz, est le père spirituel du front unique dès 1919, mais aussi le président de la centrale qui déclenche l'action de mars 1921, avant de devenir le chef de file de la droite en 1922. Thalheimer et lui sont avec Levi contre Frölich, puis avec Frölich contre Levi ...

Les pressions sociales ne cessent en effet de s'exercer sur ces hommes. C'est leur réfraction dans la conscience des militants qui anime les discussions politiques, nourrit les tendances, alimente les contradictions à partir desquelles s'élabore une politique qui tente de les surmonter. Mais il n'existe pas toujours de lien entre le milieu, la tradition, la formation, l'origine, l'activité des militants et leurs positions dans les batailles politiques internes. Bien sûr, dans l'ensemble, les secteurs de gauche traditionnellement les plus forts, Berlin, le Wasserkante, la Rhénanie moyenne, constituent des bastions des indépendants de gauche, tandis que les bastions de la droite, Wurtemberg, Nord-Ouest, Erzgebirge, Saxe occidentale, reposent sur des fondations spartakistes anciennes. Mais le rapport n'est pas toujours direct : les dirigeants indépendants de gauche de Rhénanie moyenne, par exemple, étaient presque tous des partisans de Levi lors de la crise de 1921, et c'est justement leur départ, avec lui, qui a livré le district à l'influence des néo-gauchistes. Certes, les indépendants de gauche ancrés dans le « travail syndical », les anciens délégués révolutionnaires de Berlin, pour la plupart chefs de file des indépendants de gauche en 1919-20, les Eckert, Wegmann, Brass, Neumann, Malzahn, Winguth quittent le V.K.P.D. en 1921. Mais leurs chefs de file s'appellent, à ce moment-là, Levi, vieux spartakiste, et Friesland, gagné au communisme directement par les bolcheviks eux-mêmes. Et les hommes qui prennent alors la tête de la centrale sont non seulement le noyau des vieux spartakistes, les Pieck, Brandler, Thalheimer, Walcher, Eberlein, mais aussi d'autres chefs de file des ex-indépendants de gauche, Stoecker, Remmele, Koenen et autres Böttcher. Seule constante peut-être : les intellectuels venus tardivement au communisme, essentiellement à travers l'expérience de la guerre, sont tous, sans exception, et jusqu'en 1923, dans la gauche : mais ils n'y sont pas seuls.

La vie du K.P.D. — son action extérieure comme sa vie intérieure, sa vie politique et ses interventions — relèvent de la dialectique de la théorie et de la pratique, ou, si l'on préfère de l'analyse et de l'action. On constate une sorte de sécrétion permanente du conservatisme par l'organisation elle-même, une tendance à refuser de voir que la réalité a changé, un attachement aux mots d'ordre anciens, une grande répugnance à prendre des virages. Levi avait raison en 1919 quand il dénonçait les tendances putschistes comme un danger mortel pour son parti ; mais il continuait de les dénoncer alors qu'elles s'étaient depuis longtemps estompées. En dépit du fait que la situation internationale s'était profondément modifiée au lendemain du 2° congrès de l'Internationale, celle-ci et le K.P.D. persistaient imperturbablement sur une ligne ancienne, comme si les perspectives étaient demeurées identiques après l'armistice russo-polonais, l'échec des grèves française, anglaise, italienne, tchécoslovaque et le début de stabilisation du capitalisme européen. C'est Levi qui, le premier, a perçu un changement, que Lénine et Trotsky firent reconnaître ensuite par l'Internationale.

Quel fut le rôle de l'Internationale, son poids dans la vie et les combats du KP.D.? La réponse n'est pas simple. Certes, Béla Kun, en mars 1921, a agi avec toute l'autorité d'un représentant de l'exécutif et du parti russe. Mais les putschistes, en 1919, n'avaient pas eu besoin pour agir d'émissaires venus de Moscou. Le V.K.P.D., aveuglément engagé dans sa théorie de l'offensive au lendemain de l'action de mars, aurait-il compris ses erreurs si Lénine n'avait pas stoppé ses dirigeants à Moscou en juin? Et n'allait-on pas vers une liquidation rapide des P.C. européens dans des aventures gauchistes à la Kun, si l'Internationale n'avait pas elle-même arrêté les frais, grâce à l'autorité de Lénine et de Trotsky ? Autorité qui, pourtant, n'a pas suffi à conserver dans les rangs du K.P.D. un Paul Levi qui lui aurait pourtant été bien utile...

En 1919, répondant à Lénine sur le problème des indépendants et de la scission de Heidelberg, Thalheimer lui tient le langage d'un égal. Quelques mois plus tard, il porte la responsabilité d'une bourde énorme, la déclaration du 13 mars, qu'il ne cherchera jamais à justifier. Et l'année suivante, parti pour Moscou sûr de son orientation, il en revient sévèrement admonesté, convaincu de s'être, une fois de plus, lourdement trompé. Le problème des mots d'ordre de transition — et particulièrement celui du gouvernement ouvrier — n'est pas en fait posé par les communistes allemands. C'est le vieux social-démocrate révisionniste, le bonze syndical Legien, qui l'invente, sous la pression des travailleurs mobilisés, au lendemain du putsch de Kapp. Enfoncés dans la routine de leur pratique, les dirigeants communistes se divisent et perdent quelque peu la tête : la « déclaration d'opposition loyale », condamnée presque aussitôt que publiée, n'était pourtant qu'une prise de position prudente. Quelques remarques de Lénine feront revenir l'exécutif sur une condamnation hâtive. Mais, deux ans plus tard, c'est Radek, soutenu par Lénine qui, de Moscou, pousse les dirigeants allemands à renoncer à cette voie, les encourage et les harcèle pour qu'ils aillent jusqu'au bout d'une politique qu'ils tiennent pour juste, mais qu'ils n'ont discernée que peu à peu, qu'ils se sont laissés suggérer par leurs adversaires et qu'ils hésitent longuement à endosser.

C'est que le poids est immense, pendant toute cette période, de la victoire russe, face aux successives défaites allemandes. Là aussi, la situation est complexe. Lénine dit et répète que l'expérience bolchevique constitue un « modèle », mais il reproche au 3° congrès d'avoir adopté des résolutions écrites et pensées en russe, non traduites réellement, inadaptées, incompréhensibles pour ceux qui n'ont pas vécu l'expérience russe. La méthode de Lénine pour aborder les questions allemandes peut, de ce point de vue, être tenue pour exemplaire. Mais celle de Zinoviev ne l'est jamais, et celle de Radek pas toujours. Or Lénine n'intervient que dans les grandes occasions. Quand il se lance à fond dans la bataille du 3° congrès mondial, il n'a pour tout viatique que deux minces brochures, celle de Levi et celle de Brandler. Au lendemain de l'action de mars, il avoue son ignorance, écrit à Levi qu'il ne sait que ce que Levi lui a fait connaître personnellement, et lui confie qu'il croit bien volontiers, quoique sans preuves, aux « kuneries » de Béla. Mais Béla Kun a été envoyé à Berlin par Zinoviev, et Radek, qui vient juste de quitter Berlin, conseille par lettres les adversaires de Levi...

Se pose alors la question des appareils, celui de l'Internationale et celui du parti. Pour bien des militants communistes, la cristallisation d'un appareil solide, « bureaucratique », était à l'origine de la dégénérescence de la social-démocratie : c'est l'appareil de permanents construit par Ebert qui avait confisqué les droits des militants du parti social-démocrate, introduit en contrebande dans la pratique électoraliste les conceptions révisionnistes, cherché, sous couleur d'adaptation, à s'intégrer dans l'appareil d'Etat. Déjà, en 1916, Liebknecht dressait contre l'appareil centralisateur, autoritaire, faisant de l'organisation une fin en soi, un réquisitoire sévère[37]. Le thème était resté au cœur de la propagande spartakiste et gauchiste, au centre des préoccupations de tous les délégués du congrès de fondation du K.P.D. (S). On rendait l'appareil responsable de tout, de la passivité des prolétaires, de leur absence de réaction devant la guerre mondiale. C'est de cette expérience négative, de cette certitude instinctive et presque manichéenne que le gauchisme se nourrit après 1919, qu'un Otto Rühle, par exemple, tire argument pour ses attaques contre l'organisation en tant que telle, pour une philosophie spontanéiste, anti-autoritaire. Cette tradition, cette méfiance à l'égard de l'appareil, de la centralisation, demeurent vivaces à travers les premières années du K.P.D., comme le manifestent la vitalité de la pratique des assemblées de militants, le souci jaloux des organisations locales de conserver leurs prérogatives de contrôle sur leurs responsables élus et sur leur presse. Le K.A.P.D. l'attaque systématiquement en tant que « parti de chefs », mais Die Rote Fahne dans le même temps, ne dissimule jamais l'existence, dans les rangs du KP.D. (S), d'une certaine appréhension à l'égard d'une « bureaucratie du parti »[38]. Au 5° congrès, en novembre 1922, si Hermann Duncker affirme que la principale leçon de la révolution russe est la nécessité d'un parti révolutionnaire « rigoureusement organisé »[39], Hans Tittel, délégué du Wurtemberg s'écrie : « Nous ne voulons pas de centralisme bureaucratique, nous voulons un centralisme démocratique ! »[40] et le district qu'il représente présente une résolution dans ce sens[41].

C'est pourtant dans l'enthousiasme qu'au lendemain de l'unification avec les indépendants de gauche on en vient à rebâtir un appareil, tant légal que clandestin : pour tous, c'est le prix dont il est désormais clair qu'il faut payer l'efficacité. De ce point de vue, l'exemple russe, la passion du centralisme efficace, développé, pendant la guerre civile, jusqu'à une véritable militarisation du parti, ne semblent pas contredire l'expérience allemande. Contre l'état-major de la bourgeoisie, il faut un état-major ouvrier, contre ses spécialistes, des spécialistes, contre son armée, une armée. Et Levi comme Thalheimer, Stoecker ou Däumig, de pourfendre les indépendants de droite qui parlent d'« autonomie » et de « décentralisation », dénoncent la dictature sur le parti des apparatchiki communistes. Le parti unifié se construit sur la base du centralisme démocratique à la mode bolchevique, adapté aux conditions et aux traditions allemandes. La discipline est exigée dans l'action, mais la discussion demeure toujours possible, le parti est centralisé, mais c'est un centralisme démocratique, et, en janvier 1922, Friesland a toute latitude pour aller, dans toutes les assemblées, défendre ses positions contre celles de la direction, devant les militants de base ou leurs délégués. Comme Levi avant lui, il sera exclu pour infraction à la discipline, mais après avoir disposé de toutes les facilités pour s'exprimer aussi bien à la base que devant le comité central qui prend la décision finale. Comme Levi également, il était décidé à rompre, et personne ne peut en définitive reprocher au K.P.D. d'avoir tenue fermée une porte qu'ils avaient tous deux volontairement claquée.

Pendant toute cette période, l'appareil des permanents n'a pas posé d'autres problèmes que ceux qu'avait posé, en Russie, le corps des révolutionnaires professionnels au temps de la lutte contre le tsarisme, et qui ne peuvent être tenus pour les ancêtres des bureaucrates de profession qu'au prix d'une grande distorsion de la réalité. Le parti communiste allemand emploie peu de permanents, guère plus de deux cents[42]. Ils reçoivent un salaire moyen d'ouvrier qualifié, n'ont aucun privilège, sinon celui d'être les premiers arrêtés, poursuivis, condamnés, et, quand les armes parlent, abattus. Le parti communiste, malgré ses effectifs, sa participation aux élections, le nombre de ses élus, n'est pas intégré à la société de l'Allemagne weimarienne. Parti révolutionnaire, il est dans ce monde un corps étranger, lié à lui seulement par une implacable volonté de le détruire. On entre jeune dans l'appareil, et la concurrence y est émulation. Alors que l'appareil social-démocrate d'avant guerre constituait un moyen d'ascension sociale individuelle, souvent l'étape intermédiaire entre l'usine et les mandats parlementaires, l'appareil communiste ne s'ouvre qu'aux meilleurs des combattants, les plus désintéressés, ceux qui engagent dans la lutte toute leur vie : on reprochera précisément à Levi de n'avoir jamais voulu se donner tout entier, d'avoir toujours tenté de préserver sa vie privée. Les hommes de l'appareil allemand, légal ou illégal, sont des révolutionnaires convaincus, et c'est pour cette raison qu'ils deviennent professionnels de la révolution. Sauf les spécialistes de l'appareil illégal, dont le rôle politique est loin d'être déterminant, ils sont étroitement contrôlés par leurs mandants, fonctionnaires révocables et non bureaucrates tout-puissants : Friesland, rallié au compromis de Moscou, est éliminé par les militants de la direction du district de Berlin-Brandebourg à son retour du 3° congrès, et Ernst Meyer, la veille encore président du parti, puis délégué auprès de l'exécutif, est éliminé au vote secret pour la centrale à Leipzig en 1923.

En fait, les plus sévères critiques du K.P.D., qu'il s'agisse de contemporains comme Levi ou Friesland, ou d'anciens militants tentant de faire œuvre d'historiens, comme Ruth Fischer et Lowenthal, ne mettent pas en question, pour cette époque, l'appareil national du K.P.D., mais seulement l'appareil international, les émissaires de l'exécutif, d'une part, l'étroite dépendance financière du KP.D. à l'égard de l'Internationale et de son exécutif, de l'autre. Avec les « émissaires », les conflits sont fréquents : il en va de même dans tous les autres partis, en Italie comme en France. Il y a l'incident entre Thomas et Levi au lendemain du 2° congrès mondial, et Radek l'a vraisemblablement préparé en laissant lire à Levi les rapports de Thomas. Il y a, au lendemain de Livourne, les éclats qui se produisent devant la centrale et le comité central entre Levi et Rakosi. Après la démission de Levi, ce sont les heurts entre Béla Kun et d'autres dirigeants allemands.

Pourtant, l'exécutif ne soutient pas inconditionnellement les siens : Rakosi comme Béla Kun seront finalement désavoués, le premier par Radek, presque sur le coup, l'autre devant les délégués du congrès mondial, par Lénine en personne. Il n'apparaît pas d'ailleurs que tous les « émissaires » — même si les hommes de valeur étaient rares parmi les « émigrés rouges » de Moscou — aient eu une conception identique des rapports entre le parti et l'exécutif. Félix Wolf était lié à Levi et partageait ses critiques à l'égard de l'exécutif. Au début du 2° congrès, en 1920, Radek lui-même, secrétaire de l'Internationale, ne s'est-il pas solidarisé du K.P.D. dans l'affaire de l'admission du K.A.P.D., prenant en la circonstance position contre son propre parti, le parti russe ? De nouveaux conflits éclatent en 1921 entre Friesland et Stassova, en 1922 entre Ernst Meyer et Kleine. Mais Stassova est là en spécialiste de l'organisation plus qu'en tête politique et Kleine, œil de Zinoviev peut-être, mais pas son bras, ne joue guère un rôle déterminant dans l'élaboration de la ligne, puisqu'il obtient par chantage une autocritique de la centrale mais se fait mettre en minorité au comité central. En 1923, Brandler, excédé par les références de ses critiques de gauche à la phrase de Zinoviev selon laquelle le « gouvernement ouvrier » serait un « paravent » de la dictature du prolétariat, répond de la tribune :

« Nous n'avons pas de seigneur et maître et ne sommes pas liés par les opinions personnelles du camarade Zinoviev »[43].

Les conseillers envoyés par l'exécutif pendant la préparation de l'insurrection, qu'ils soient ou non russes, se confinent dans leur rôle de techniciens; c'est la centrale allemande qui prend les décisions sur place, ce sont des responsables politico-militaires allemands qui sont prévus pour diriger effectivement l'insurrection. Les décisions capitales prises à partir du début de septembre le sont certes à Moscou, mais elles ne sont apparemment pas imposées aux dirigeants allemands, qui les acceptent et en partagent la responsabilité, ont la charge de les mettre au point et de les appliquer.

C'est seulement à partir de 1924, comme conséquence de la lutte fractionnelle au sein du parti russe, et à l'occasion de la défaite de la révolution allemande, que ces mœurs vont changer, et que les dirigeants russes, par le biais de l'exécutif, vont décider de faire porter à Brandler, Thalheimer, et à ceux qu'ils appellent « les droitiers », la responsabilité du fiasco. La pratique du « bouc émissaire » annonce une ère nouvelle.

Dans la période qui nous intéresse, le K.P.D. est à plusieurs reprises jugé sévèrement à Moscou pour ses erreurs politiques, critiques qu'il accepte généralement, non sans avoir discuté. Mais cette discussion, cette bataille politique ne s'accompagne pas d'une valse des responsables. Le noyau demeure, indépendamment des erreurs commises, tout en s'élargissant à des éléments nouveaux, ces cadres ouvriers venus de la gauche des indépendants que l'on prépare avec tant de soin. Sévère dans ses critiques, l'exécutif — sous la pression de Lénine — est très attaché en même temps à la continuité de la direction, à la notion de « progrès » de ses éléments responsables, à celle de la « formation » des dirigeants, formation qui ne s'acquiert qu'au travers des erreurs et de leur correction. Il en était déjà ainsi au sein du parti bolchevique de Lénine. Il n'en sera pas de même avec la « bolchevisation » menée à partir de 1924 sous la férule de Ruth Fischer.

Depuis Paul Levi en 1921 jusqu'à Hermann Weber aujourd'hui, on s'est plu à souligner l'état de dépendance matérielle du K.P.D. à l'égard de l'Internationale et, à travers elle, du parti russe. Friesland, un an après les polémiques de Halle, inscrit sur le drapeau de son opposition le mot d'ordre de l' « indépendance matérielle ». Nous manquons de documents pour chiffrer la contribution de l'exécutif au budget du parti allemand, pour évaluer les conséquences, la portée de cette aide, les rapports créés par cette « dépendance ». On ne saurait en tout cas nier la permanence de cette aide. Dès 1919, Eberlein y fait une claire allusion dans son rapport au congrès d'Heidelberg[44]. Elle est, dit-il, réduite, mais constitue une preuve de solidarité internationale. Le K.P.D. a le droit de recevoir une aide du P.C. russe, comme il a toujours reconnu le devoir des révolutionnaires — y compris au temps du parti social-démocrate — d'aider matériellement militants et partis étrangers. Il n'en est plus question aux congrès suivants, alors que, selon toute vraisemblance, la contribution de l'exécutif n'a fait qu'augmenter. Dans l'Allemagne paupérisée de cette époque, les cotisations, pourtant élevées, prélevées sur les militants aux salaires de famine ou aux maigres allocations de chômage, ne permettaient pas le développement d'une activité de parti rentable : en 1923, les caisses de la social-démocratie elle-même sont vides, Die Neue Zeit disparaît et le puissant syndicat des métallos renonce, faute de ressources suffisantes, à tenir son congrès annuel. Dans ces conditions, livré à ses seules ressources, le K.P.D. n'aurait pas pu intervenir comme force organisée avec les moyens de propagande et d'action nécessaires. Brandler indiquera plus tard qu'en 1923 l'aide matérielle de l'exécutif permettait au parti de faire vivre vingt-sept quotidiens et de salarier deux cents permanents : sur ses propres ressources, le K.P.D. aurait pu faire vivre seulement quatre journaux et entretenir à peine une douzaine de personnes[45].

Mais, si l'activité légale est coûteuse, l'activité illégale l'est plus encore. Aucun Allemand ne conteste la nécessité de l'appareil clandestin illégal dont l'existence est imposée par les vingt et une conditions. Le parti est réduit à l'illégalité pendant de longs mois en 1919, dans les semaines qui suivent la revanche de la Reichswehr, après le putsch de Kapp, au lendemain de l'action de mars, et enfin, à partir de novembre 1923. Il ne cesse pas pour autant de vivre et d'agir : il faut, pour cela, des locaux, une organisation sûre de « courriers » clandestins, des imprimeries clandestines. Un parti qui prépare la prise du pouvoir a besoin d'un appareil militaire plus clandestin encore, mieux dissimulé, et par conséquent plus coûteux : services de renseignements sur les organisations extrémistes de droite, la Reichswehr, la « Reichswehr noire », organisation d'achat d'armes, formation de spécialistes, formation militaire élémentaire pour les membres de groupes armés, mise sur pied de passages clandestins des frontières, création de filières secrètes, fabrication de faux papiers, etc., ne pouvaient, dans les conditions de l'Allemagne de cette époque, être réalisées qu'au moyen de ressources qu'un parti ouvrier, même de plusieurs centaines de milliers de membres, était sans doute incapable de se procurer seul, même avec un « homme d'affaires» de génie comme Münzenberg, lequel bâtira en réalité son « trust » dans une conjoncture économique tout autre.

En fait, la véritable question n'est pas de savoir quel était le montant de l'aide de l'exécutif, ni si elle était absolument nécessaire. Elle est de savoir si cette aide condamnait le K.P.D. à n'avoir pas en Allemagne la ligne politique qu'il estimait juste. Or, de ce point de vue, l'« indépendance » absolue n'est revendiquée par aucun communiste, même pas par Levi et Friesland avant qu'ils se soient décidés définitivement pour la rupture. Pour tous, les leçons de la faillite de la social-démocratie sont claires : la victoire de la révolution ne saurait être assurée que par un parti mondial de la révolution socialiste, et c'est ce parti qu'ils ont voulu bâtir avec l'Internationale communiste. Levi est approuvé quand il pose la question du rôle et de l'influence du parti russe au sein de l'Internationale dans des termes très mesurés : ce n'est pas contre les militants russes que les dirigeants se dressent, mais contre les « Turkestaner », les émigrés inexpérimentés et incapables. Ceux qui protestent contre les initiatives de Béla Kun ou de Rakosi ne posent pas la question de l'existence de l'Internationale, mais seulement celle de son fonctionnement.

De ce fonctionnement, le 2° congrès de l'Internationale a essayé de tracer les grandes lignes. L'Internationale doit être un parti mondial, dont les partis nationaux ne constituent que les sections nationales et dont le fonctionnement doit être régi par les règles du centralisme démocratique. Cela signifie que l'organe souverain doit en être le congrès, formé de délégués élus dans les différentes sections, fréquemment réuni, convenablement préparé, et dont les décisions l'emportent sur toutes celles des congrès ou des comités centraux de sections nationales. Dans l'intervalle entre ses réunions, les pouvoirs des congrès sont confiés à son comité exécutif — l'équivalent des comités centraux des sections de la centrale allemande —, formé de membres élus par le congrès ès-qualités, qui cessent d'être des représentants de leur parti pour devenir ceux de l'Internationale tout entière.

Parti mondial, celle-ci a besoin d'une direction mondiale, qui ne peut se former que dans une activité de direction mondiale, à l'échelle de l'Internationale. Or ce programme ambitieux n'a pas été rempli. Certes, les congrès se sont réunis fréquemment, tous les ans de 1919 à 1922. Si le congrès de fondation n'a duré que quatre jours — il n'était guère qu'une réunion symbolique —, le second a duré vingt-cinq jours, le troisième vingt, le quatrième trente et un, et chacun, en fait, beaucoup plus longtemps, car les débats officiels ont chaque fois été précédés de contacts, de discussions préparatoires, de séances de commission. Il s'y livre des batailles politiques qui ne sont pas gagnées d'avance ; c'est là qu'ont été pris, après des discussions parfois très âpres, les grandes décisions, les plus importants tournants.

Mais il n'en est pas de même pour l'exécutif. Même si l'on ne tient pas compte de l'exécutif improvisé à la fin du 1° congrès, il est évident qu'on n'est jamais arrivé à mettre sur pied une direction qui ressemble, même de loin, à la direction internationale souhaitée. Au 2° congrès, on élit un exécutif : le choix du Français Rosmer, qui n'est même pas membre du parti socialiste dont l'adhésion à l'Internationale à Tours va apporter à l'Internationale le gros de ses troupes françaises, est significatif de la volonté de créer une direction internationale qui ne soit pas fédérale, qui ne soit en rien l'émanation des partis nationaux. Cet exécutif comprend un membre allemand : Ernst Meyer. Ce choix aussi est significatif : Ernst Meyer, membre du vieux noyau spartakiste, est sans aucun doute une personnalité représentative du K.P.D., mais il n'est sûrement pas l'un de ses dirigeants les plus importants. Rien ne permet de penser qu'il soit susceptible de devenir un responsable à part entière dans la direction de l'Internationale. Le seul Allemand susceptible d'assurer une telle responsabilité serait Paul Levi. Personne — et lui pas plus que les autres — ne songe un instant à en faire un membre permanent de l'exécutif international : tout le monde le juge indispensable sur place pour la construction du parti allemand ; c'est symboliquement qu'il est élu suppléant de Meyer.

Au 2° congrès, c'est du parti allemand, et, plus exactement, de Paul Levi, que viennent les plus grandes réticences à la mise sur pied d'un véritable exécutif. Levi ne souhaite pas que des membres étrangers résident à Moscou pour travailler de façon permanente à l'exécutif, qu'il suggère de réunir une fois par trimestre, proposition combattue par Zinoviev en commission, et finalement écartée[46]. Au lendemain de Livourne, ce ne sont pas seulement Paul Levi et Clara Zetkin qui posent les problèmes du fonctionnement de l'exécutif et de ses rapports avec les partis ; c'est Radek lui-même qui adjure la centrale de prendre ses responsabilités :

« Insistons pour que l'exécutif ait des représentants, des camarades expérimentés en Europe, et nous aurons alors un exécutif dix fois plus efficace. (...) Il n'y a pas le choix. Ou bien nous disons que nous apaiserons nos consciences de temps en temps, et nous les sortirons de nos poches au congrès pour les étaler en public, ou bien nous abandonnons toute espèce de scepticisme et nous envoyons des camarades responsables — étant entendu qu'ils ne doivent pas rester trop longtemps et qu'il doit y avoir une rotation rapide afin d'éviter qu'ils ne se coupent trop longtemps du parti. Vous devez trouver des gens à envoyer à Moscou »[47].

La réponse de Levi montre à quel point il envisage les relations entre parti allemand et exécutif sous un angle purement diplomatique : il propose de donner comme instructions aux représentants allemands à l'exécutif de ne pas s'engager dans des « discussions dures »[48]. L'exécutif, dès février, répond au vœu de la centrale allemande qui n'a pas suivi Paul Levi dans sa méfiante réserve. Il décide d'élargir son « petit bureau » — qui deviendra bientôt présidium. Les représentants du K.P.D. se succèderont à Moscou, dans l'exécutif et dans le présidium, pour des périodes tournant autour de trois mois : Curt Geyer, Wilhelm Koenen, Fritz Heckert, Paul Frölich, Pieck, en 1921, Walcher, Eberlein, Clara Zetkin, Hoernle, Böttcher participeront ainsi à part entière mais pour peu de temps aux travaux de la direction de l'Internationale ; Brandler, lui, siégera à l'exécutif et à son présidium de novembre 1921 à août 1922[49].

Pourtant, ces séjours à Moscou posent des problèmes nouveaux. Lénine ne réclame-t-il pas l'envoi de Maslow dans l'intention avouée de le « rééduquer » politiquement, ce qui provoque un tollé général dans la gauche allemande ? Ce sont les mêmes intentions qui inspirent en décembre 1921 la proposition faite à la centrale d'envoyer Friesland à Moscou comme délégué. Ce type de proposition est lourd d'une déviation nouvelle : dans une telle optique, l'exécutif cesse d'être considéré comme la direction, le cadre dans lequel se forment les dirigeants de l'Internationale, pour devenir une école de rééducation à l'usage de ceux que leurs erreurs politiques rendent momentanément indésirables. Au lendemain des révélations du Vorwärts sur l'action de mars, Eberlein, qui pour échapper aux poursuites consécutives à ses erreurs, s'est réfugié à Moscou, est coopté à l'exécutif ! Dans la même période, la désignation de Clara Zetkin n'a de valeur que symbolique : déjà âgée, sérieusement malade, forcée de se tenir à l'écart de l'activité quotidienne, elle ne représente pas au sein de l'exécutif l'avenir du communisme allemand et international, mais seulement son passé. Brandler, au présidium, n'est plus là en 1923 que nominalement. Rentré en Allemagne après un bref séjour en Russie au lendemain de sa libération, il assure les fonctions de président du V.K.P.D., qui nécessitent ses soins de tous les instants. Il en sera de même après le 4° congrès : Stoecker, désigné pour travailler au secrétariat de l'exécutif, ne fera que passer à Moscou avant d'aller occuper les plus hautes responsabilités dans la Ruhr occupée.

Dans ces conditions, il n'y a pas de véritable direction internationale. Les exécutifs élus dans les congrès, leurs présidiums, « petit bureau » et secrétariat, sont perpétuellement remaniés : les responsables étrangers de partis légaux ne sont à Moscou que des hôtes de passage, étrangers au travail quotidien. L'institution des « exécutifs élargis » vise à supprimer dans une certaine mesure ce genre d'inconvénients : ce sont effectivement les principaux responsables des sections nationales qui se réunissent deux à trois fois l'an autour du noyau de l'exécutif. Mais, là encore, ils en arrivent à n'y être que les représentants de leurs sections nationales, non les élus de l'Internationale tout entière. Il est normal alors que le travail quotidien de l'exécutif international échappe dans une large mesure à ses membres élus dans les P.C. étrangers — ou à ses membres cooptés — pour revenir à un petit groupe de spécialistes.

Le noyau russe y est très réduit. L'exécutif comprend certes les grands noms du parti bolchevique mais, dans les conditions de la Russie soviétique de l'époque, ils n'ont que peu de temps à consacrer aux affaires de l'Internationale et aux problèmes pourtant cruciaux de la révolution mondiale. Président de l'I.C., Zinoviev est également membre du bureau politique du parti russe et président du soviet de Petrograd. Trotsky consacre plus de temps à l'armée rouge et aux problèmes généraux qu'aux P.C. nationaux, à l'exception du parti français, qu'il supervise. Seul, sans doute, Radek — qui ne manque pourtant pas de responsabilités au sein du parti russe, ni de tâches d'enseignement ou de publiciste — consacre à l'Internationale et au parti allemand en particulier une importante partie de son activité. Encore cumule-t-il cette responsabilité avec celle d'être le représentant officieux du gouvernement russe auprès du gouvernement allemand dans les circonstances décisives : fonction de diplomate assez peu compatible, en définitive, avec celle de dirigeant révolutionnaire. Lénine qui, déjà avant sa maladie, avait beaucoup de peine à se tenir informé des événements d'Allemagne et ne dissimulait pas les lacunes de son information, ne joue après 1922 plus aucun rôle dans l'Internationale. Au moment décisif, à la veille de la manifestation antifasciste interdite par le gouvernement prussien, les réactions des principaux dirigeants russes sont significatives : Trotsky n'a pas d'opinion, parce qu'il manque, dit-il, d'éléments d'information, et, si Staline en a une, il montre à son corps défendant qu'il est aussi mal informé sur la situation particulière que sur la société allemande en général. Les dirigeants bolcheviques reviennent de vacances à la fin août pour la discussion historique du 23, mais, en septembre, Brandler et ses camarades doivent les attendre près de trois semaines avant de pouvoir commencer les préparatifs concrets en vue de l'insurrection.

En réalité, le travail quotidien de l'exécutif repose sur les épaules d'un nombre réduit de permanents appartenant au parti bolchevique — dont les meilleurs éléments sont, jusqu'en 1921, aspirés par la guerre civile — et sur celles des émigrés, les Hongrois Béla Kun, Pogany, Rudnianski — qui disparaîtra, dit-on, avec un « trésor de guerre » —, les Bulgares Dimitrov, Kabaktchiev, Minev, puis Kolarov, les Polonais, le Finlandais Kuusinen. Or l'expérience de ces hommes est mince, pour ne pas dire rudimentaire, et les tendances gauchistes font des ravages parmi eux. Ils connaissent mal le mouvement ouvrier en Europe occidentale et sont en revanche pénétrés de la supériorité de l'expérience russe, dont ils se sentent l'émanation.

Entre les congrès, objet de tous les soins des dirigeants de l'Internationale et concentré de leur expérience et de leur recherche, c'est donc un petit noyau d'hommes peu expérimentés, que rien ne destinait à jouer un rôle de dirigeants internationaux, qui assume les tâches courantes de l'exécutif, autour d'un Radek, homme-orchestre, journaliste de grand talent, militant sincère mais versatile. Le témoignage de Curt Geyer, membre du « petit bureau » dans la période qui précède l'action de mars, permet de conclure qu'une question aussi importante que celle du contenu de la mission de Béla Kun à Berlin ne fut pas même discutée au sein de cet organisme suprême — ce qui laisse à penser que l'Internationale, entre ses congrès, ne fonctionna jamais comme un véritable organisme international avec son existence propre, mais fut toujours à son sommet un appendice du parti bolchevique.

En 1920, déjà, à son retour de Moscou, Levi avait soulevé le problème de l'hégémonie du parti russe au sein de l'Internationale, rendu d'autant plus délicat par le fait que les dirigeants du parti et de l'Internationale sont également ceux de l'Etat soviétique, et que la Russie est, aux yeux des communistes, le bastion révolutionnaire dont la défense est le plus sacré des devoirs. Pour tous, cette hégémonie est à la fois normale et transitoire. C'est Lénine lui-même qui le dit :

« Il va de soi qu'il en est ainsi seulement pour un court temps : l'hégémonie dans l'Internationale prolétarienne révolutionnaire est passée aux Russes, comme elle avait été dans différentes périodes du XIX° siècle chez les Anglais, puis chez les Français, ensuite chez les Allemands »[50].

Pour tous les communistes, les Russes restent ceux qui ont su, chez eux, faire la révolution et vaincre. Leur autorité se renforce à mesure que passent les années et que les autres partis échouent dans la lutte pour le pouvoir dans leur pays. Après la disparition de Liebknecht et Rosa Luxemburg, puis, d'une certaine façon, celle de Paul Levi, il n'y a dans le mouvement communiste international, et en particulier en Allemagne, aucune personnalité comparable à celles des dirigeants bolcheviques.

Cela n'implique cependant aucun véritable « suivisme » chez les dirigeants allemands. Les néo-gauchistes de 1921 défendent crânement leurs thèses et Ernst Meyer ou Brandler ne se gênent pas pour rejeter les arguments d'autorité d'un Zinoviev. Lorsque, en avril 1923, quatre militants allemands, Gerhard Eisler, Heinz Neumann, Hans Pfeiffer et Ewert, réclament un alignement plus complet du parti allemand sur le parti russe, c'est très vraisemblablement en vue de la recherche d'une plus grande efficacité, dont le bolchevisme semble proposer un modèle. Mais c'est à travers ce genre de réactions que se prépare, à plus long terme, une véritable emprise d'appareil.

Il reste que les rapports entre parti allemand et parti russe entre 1919 et 1922 ont presque constamment suivi la même courbe : conflit aigu au niveau des propositions faites ou des initiatives prises par les Allemands, vigoureuse critique des dirigeants de l'exécutif, puis intervention de Lénine qui, moyennant quelques critiques formelles, juge acceptable l'initiative allemande et demande l'ouverture de la discussion. Parmi les dirigeants de l'Internationale et du parti russe, Lénine semble être le seul —toujours suivi ou d'accord avec Trotsky — à se soucier de comprendre les initiatives et les problèmes allemands, à rechercher, non le compromis, mais la synthèse, à combattre avec acharnement la scission. Placé devant le fait accompli par Levi en 1919, il travaille avec acharnement — sans succès — au rapprochement avec le K.A.P.D. Il soutient en 1920 la déclaration d'opposition loyale et la position de la centrale sur le gouvernement ouvrier, apporte sa caution sans réserves à la polémique contre les gauchistes et à l'entreprise de conquête des indépendants de gauche. Il prend victorieusement la défense de la lettre ouverte du 7 janvier 1921, toujours contre Boukharine et Zinoviev, se bat pour maintenir Levi dans les rangs du parti, impose, à force d'autorité morale, le compromis de Moscou, donne le coup d'arrêt aux gauchistes dans leur « chasse aux centristes », empêche Ernst Meyer de les exclure pour leur activité fractionniste. II n'est plus là à partir de 1923 et les luttes de fraction allemande s'intègrent alors aux querelles internes du parti russe, dont elles sont à la fois le reflet, le prétexte et l'alibi. Personne, en Allemagne, et personne non plus dans l'Internationale, n'est capable de jouer le rôle qu'avait joué par intermittences Lénine : travailler sans répit à adapter la politique du parti à la réalité économique, sociale, politique, homogénéiser ses rangs, former ses cadres dirigeants, construire sans étouffer les divergences, bref, aider la greffe à prendre.

Dans l'histoire du parti communiste allemand entre 1918 et 1923, deux hommes seulement semblent à certains moments capables de jouer le rôle du nécessaire théoricien et guide, du rassembleur, du maître et de l'arbitre que Lénine est pour l'Internationale. Le premier est Levi, franc-tireur des spartakistes, et le second Radek, franc-tireur des bolcheviks. Le transfert de l'autorité morale du premier au second est déjà en soi significatif des difficultés rencontrées pour la construction d'une direction du parti allemand, et de l'étroite dépendance politique de ce dernier à l'égard de Moscou, où Radek réside la plupart du temps, alors que Levi n'y fit qu'un bref séjour en trois ans.

XLV. Paul Levi ou l'occasion manquée ?[modifier le wikicode]

Levi était-il communiste ? La question s'impose à partir du moment où il refuse de saisir la main que lui tend Lénine à travers les lettres de Clara Zetkin.

Pour Radek[51], Levi n'était pas communiste, mais un bourgeois dilettante jouant à la révolution. Pour Trotsky, qui le compare à Frossard et à Serrati, il n'était qu'un des nombreux social-démocrates de gauche entraînés par la révolution russe et le mouvement de masses au-delà de leurs propres limites, mais que le reflux devait ramener au bercail[52]. Pour l'historien Richard Lowenthal enfin[53], l'adhésion de Paul Levi au communisme fut un malentendu résultant de la méconnaissance qu'il avait de la réalité russe : disciple de Rosa Luxemburg, il ne pouvait se croire camarade de combat des bolcheviks que parce qu'il n'avait pas réellement compris ce qu'était le bolchevisme. Telle est aussi, en définitive, dépouillée des injures et qualificatifs traditionnels de « traître» et de « renégat », l'opinion des historiens de la R.D.A. pour qui Levi, même lorsqu'il était dirigeant du K.P.D., ne pouvait être qu'un « ennemi de classe » et un traître en puissance[54].

Contre cette opinion, deux témoignages. Celui de Clara Zetkin, d'accord avec Levi, partageant ses réserves et ses critiques, se faisant son avocat infatigable jusqu'à ce qu'il rejette avec hauteur le compromis auquel elle s'était employée avec son ardeur habituelle[55]. Demeurée jusqu'à sa mort membre du parti et de l'Internationale, Clara Zetkin, au moment où perçaient déjà les premiers signes du stalinisme triomphant, continuait à penser et à écrire que les opinions défendues par Levi et elle-même entre 1919 et 1921 étaient dans le cadre de divergences normales au sein du mouvement communiste. L'autre opinion est celle de Lénine lui-même, écrivant en août 1921, cinq mois après l'exclusion de Levi, au sujet de son attitude en 1916 : « A ce moment déjà, Levi était bolchevik »[56]. Les années passant, on peut même noter sous la plume de Trotsky un début de révision de son jugement de 1923, lorsqu'il rappelle l'opinion de Lénine : « Cet homme a décidément perdu la tête ... Mais il avait au moins quelque chose à perdre ; on ne peut pas en dire autant des autres »[57].

L'idée sous-jacente à la thèse de M. Lowenthal comme à celle de la majorité des historiens occidentaux qui ont abordé le sujet, est d'abord que le communisme bolchevique était une pratique et une idéologie proprement russes — pour ne pas dire « asiatique » — du courant socialiste et qu'en conséquence un homme de l'instruction et de la culture marxiste de Levi n'avait pu se croire communiste que par suite d'un malentendu. Mais, à travers la personne de Paul Levi, c'est Rosa Luxemburg qui constitue le véritable enjeu du débat, et, avec elle, l'ensemble de l'aile révolutionnaire de la social-démocratie allemande, qu'on tente ainsi d'arracher à la famille bolchevique.

Certains autres, en revanche, envisagent le développement du socialisme dans son mouvement dialectique et considèrent que l'avance de la social-démocratie allemande dans le cadre économique et social qui était le sien avant guerre explique tant le développement de la bureaucratisation, de la confiscation par l'appareil des droits du parti, que l'accent mis par Rosa Luxemburg sur le rôle des masses et leur spontanéité. Ils estiment aussi que le développement inégal de la société russe et la situation particulière du mouvement ouvrier dans le cadre de l'autocratie expliquent que les bolcheviks, en mettant l'accent sur le rôle d'une avant-garde soudée et disciplinée dirigeant le mouvement des masses, aient trouvé la formule qui permettait au prolétariat de réaliser, dans les conditions russes, une révolution qui était a fortiori possible dans les pays avancés. Les divergences entre Lénine et Rosa Luxemburg apparaissent alors non comme l'expression de courants d'idées irréductibles, mais comme les deux branches du même courant socialiste et révolutionnaire. Dans cette hypothèse, l'échec de Paul Levi n'apparaît pas comme la marque de l'incapacité congénitale des bolcheviks et de leurs camarades non russes à bâtir un « parti mondial de la révolution socialiste », mais seulement comme une tentative ratée qui comporte néanmoins des leçons utiles.

On ne saurait omettre de mentionner, pour mémoire, la troisième position de principe souvent sous-jacente à ce débat, selon laquelle il n'est point de salut pour le mouvement ouvrier en dehors d'une soumission mécanique aux instructions des directions des P.C., elles-mêmes réductibles en dernière analyse à celles de la direction du P.C. russe ...

Quoi qu'il en soit, pour répondre à la question posée, au sujet de Levi, il convient de rappeler les conflits politiques qui l'ont opposé à tel ou tel organisme ou groupe de dirigeants de l'Internationale ou du parti bolchevique.

Il s'est d'abord affirmé par son hostilité déterminée au courant « gauchiste » partisan du boycottage des élections et de la sortie des révolutionnaires des syndicats, qui se manifesta d'abord au congrès de fondation du K.P.D. (S), puis au sein de l'opposition et à partir de 1920 dans les rangs du KA.P.D. La façon dont il conduisit le combat contre les gauchistes fut vivement critiquée, notamment par Radek, que soutint Lénine : l'un et l'autre regrettèrent la façon dont il avait provoqué, par l'exclusion de l'opposition, la scission du parti. L'analyse du rythme de la révolution allemande qu'il présenta au congrès de Heidelberg l'opposa nettement au point de vue de dirigeants russes comme Boukharine.

C'est aux mêmes hommes qu'il se heurta au lendemain du putsch de Kapp lorsqu'il approuva la déclaration d'opposition loyale faite par le K.P.D. (S) en réponse aux projets de gouvernement ouvrier élaborés par les dirigeants syndicalistes. La même année, il fut, parmi les Allemands unanimes, le plus ferme dans la protestation contre l'admission dans l'Internationale du K.A.P.D. comme « parti sympathisant », décidée sous la pression des dirigeants du parti bolchevique.

Toute une série d'autres désaccords tournent autour du problème de la discipline. Discipline internationale d'abord : Levi dénonce le rôle joué auprès des directions des sections nationales par les émissaires de l'exécutif, les « éminences grises ». A Livourne, lors du congrès du P.S.I., convaincu du caractère nocif du rôle joué par Rakosi et Kabaktchiev, il se tait et respecte la discipline. Mais il porte ensuite le débat devant les militants berlinois, puis dans les colonnes de Die Rote Fahne. Il se rebelle contre les pressions de Rakosi et son intervention ouverte dans les affaires du parti allemand, qu'il dénonce comme une ingérence que ne justifie aucune décision d'un quelconque organisme régulier de l'Internationale. Mis en minorité à la centrale, il démissionne de ses responsabilités. Quelques jours plus tard, il pense qu'il est de son devoir de militant de formuler publiquement ses critiques contre l'action de mars dans son pamphlet Unser Weg : wider den Putschismus, qui lui vaudra l'exclusion, approuvée par l'exécutif de l'Internationale.

La troisième divergence porte sur les relations entre le parti et les masses ouvrières extérieures. Il conteste toute interprétation mécaniste de leurs relations ; le parti ne saurait, selon lui, donner des ordres aux masses comme le font des états-majors à leurs troupes. Le parti doit guider, éclairer, expliquer, montrer le chemin, suggérer des mots d'ordre. Il ne commande pas, et en particulier n'a ni le droit ni la possibilité d'appeler les masses à l'insurrection armée si, dans la conscience de la majorité des travailleurs, la situation ne l'exige pas.

La quatrième divergence est la plus conjoncturelle, quoique peut-être la plus décisive dans l'enchaînement des faits qui conduit à sa rupture avec l'Internationale. Dès l'été 1920, alors que les bolcheviks sont persuadés qu'ils se trouvent en présence de la montée d'une situation prérévolutionnaire, Levi pense au contraire que la vague révolutionnaire en Europe est d'ores et déjà épuisée, que le capitalisme commence sa reconstruction et que, par conséquent, la révolution prolétarienne n'est plus à l'ordre du jour immédiat. Il dit brutalement à Lénine que les travailleurs allemands ne prendraient probablement pas les armes pour la « lutte finale » si l'armée rouge approchait des frontières allemandes dans sa marche victorieuse à travers la Pologne. Il ne croit pas que les ouvriers polonais vont se soulever contre leur propre gouvernement. Et c'est à partir de cette analyse qu'il propose la stratégie de front unique, reposant sur les nécessités d'une lutte défensive et sur les aspirations élémentaires des travailleurs durement atteints par la scission, et justifie la lettre ouverte du 8 janvier 1921 qui sera vivement critiquée à l'exécutif et dans différents partis communistes.

Ce sont là divergences parfaitement normales et admissibles à cette époque à l'intérieur de partis et de l'Internationale communiste. Il est vrai que, sur presque tous ces points, Levi se heurte à l'exécutif de l'Internationale, ou au moins à son noyau permanent, le petit groupe de dirigeants russes groupés autour de Zinoviev et Boukharine, comme aux gauchistes d'Allemagne et du parti hongrois. Mais il est intéressant, et plus significatif, de comparer ses positions avec celles d'autres dirigeants comme Lénine et Trotsky, par exemple, ou encore avec celles de Zinoviev et Boukharine dans d'autres circonstances : du coup, son opposition cesse de revêtir un caractère systématique, et il n'est plus possible d'y voir une opposition de principe au « bolchevisme ».

Aucun bolchevik, par exemple, et Lénine moins que tout autre, ne partage l'orientation politique fondamentale des gauchistes allemands : La Maladie infantile du communisme est l'illustration et le développement polémique des arguments mis en avant à Heidelberg et dans les semaines qui suivent le 2° congrès du K.P.D. (S) par Levi lui-même. En fait, le différend porte sur un point précis : l'opportunité d'une scission pour régler ce problème politique. Dans les circonstances données, Lénine s'oppose à la scission, et Levi la consomme. Mais personne ne reviendra directement sur cette question dans l'Internationale. Lénine, d'ailleurs, connaît moins bien que Levi les conditions concrètes en Allemagne, et, du point de vue bolchevique, le succès que constitue à Halle l'adhésion à l'I.C. de la majorité du parti indépendant, adhésion dont le mérite revient en grande partie à Levi, justifie a posteriori son comportement « scissionniste » de 1919. Quant à la déclaration d'opposition loyale à un gouvernement ouvrier violemment critiquée tant par Zinoviev et Boukharine que par Béla Kun, Maslow et autres, Lénine, tout en déplorant une formulation incorrecte, précise qu'elle est « parfaitement juste dans ses prémisses fondamentales et dans sa conclusion pratique »[58], ce qui est exactement la position exprimée par Paul Levi.

En matière de discipline, le comportement de Paul Levi jusqu'en mars 1921 est tout à fait conforme à l'esprit et à la lettre des statuts de l'Internationale et des partis, comme à la pratique des bolcheviks et des communistes du monde. Zinoviev en 1917, Boukharine en 1918, n'ont-ils pas polémiqué, non seulement dans le parti, mais publiquement, dans la presse communiste et même à l'extérieur, contre les décisions du comité central prises en leur présence et contre eux ? Les « communistes de gauche » n'ont-ils pas en 1918 proclamé, sans encourir de sanction disciplinaire, leur intention de ne plus reconnaître l'autorité du comité central jusqu'à ce que soit réuni un congrès extraordinaire sur la question du traité de Brest-Litovsk ? On a reproché à Levi son opposition aux émissaires de l'Internationale communiste; mais ne verra-t-on pas, dans les mêmes années, le parti communiste français demander et obtenir le rappel de délégués de l'exécutif qu'il déclare personae non gratae ?

Même la publication de Notre voie ne peut être considérée dans l'univers communiste de l'époque comme une initiative extraordinaire et criminelle. Le pamphlet — qui ne dénonce le rôle particulier d'aucune personnalité — met certes en cause la politique du parti, mais il le fait après l'action. En 1917, c'était à l'avance que Zinoviev et Kamenev avaient dénoncé l'insurrection d'Octobre dans le journal menchevique Novaja Jizn : cette « faute » ne les a jamais mis en dehors du parti et c'est seulement pour peu de temps qu'elle les a écartés des postes responsables. Levi dispose même, sur ce point, d'un argument de poids : en 1920, ce sont les dirigeants de l'L.C. eux-mêmes, particulièrement Zinoviev, qui ont désiré, contre lui, la publication intégrale de la lettre-réquisitoire qu'il avait écrite, de sa prison, contre la direction du K.P.D. (S). En fait. en matière de discipline, Lénine formule à l'égard de Levi un seul reproche sérieux : celui d'avoir en février démissionné de la présidence du parti et de la centrale, d'avoir abandonné sa responsabilité à la tête du parti, d'avoir, au nom d'une conception parlementaire des rapports internes à la direction, renoncé à se battre pour ses idées au poste confié par le congrès ...

Les débats du 3° congrès mondial ont permis d'éclairer les relations entre le parti et les masses. Il est clair que Levi a une conception qui n'est pas celle des gauchistes, de ceux qui se taisent au congrès, comme Zinoviev et Boukharine, déjà battus politiquement au sein du parti russe, comme de ceux qui parlent, Terracini ou Thalheimer. Lénine les fustige en termes qui ne laissent place à aucune hésitation, aussi nettement que dans ses entretiens avec Clara Zetkin : non, les communistes ne sont pas « Xerxès qui fouettait la mer avec des chaînes »[59], non, les bolcheviks n'auraient jamais pu prendre le pouvoir s'ils avaient pensé, comme Terracini, qui parle, ou comme Ràkosi, qui se tait, qu'un parti-secte était capable d'entraîner au pouvoir des masses qu'il n'avait pas su auparavant conquérir par son exemple et par ses explications. Ces divergences de Levi — non avec l'ensemble de l'Internationale, non avec la doctrine bolchevique de l'époque, non pas même avec sa direction du moment, mais avec une conception qui avait inspiré la politique de l'exécutif pendant plusieurs mois et n'était pourtant que celle d'une tendance allant de Zinoviev à Béla Kun —, il les partageait avec Lénine et Trotsky eux-mêmes.

La divergence sur l'appréciation du rapport des forces en 1920 est, sans doute, la plus importante. A l'été 1920, Paul Levi est peut-être en effet le seul dirigeant communiste au monde à juger que la vague révolutionnaire d'après guerre est terminée. Mais bientôt les dirigeants de l'Internationale en viendront les uns après les autres à la même constatation : Radek d'abord, qui refuse de partager les illusions de Lénine sur les perspectives révolutionnaires en Pologne[60], Lénine lui-même dès novembre, Trotsky et Kamenev. Le dernier carré à comprendre que la situation a changé est précisément constitué par les hommes qui dirigent l'Internationale, Zinoviev et ses collaborateurs immédiats — « la tendance du Sud-Est », comme les appelle Radek —, qui ne s'inclinent finalement qu'après la bataille menée au bureau politique entre mars et août 1921.

Il faut en prendre son parti, Levi ne fut pas exclu parce qu'il était « déviationniste », comme l'écrit Annie Kriegel[61]. Il fut exclu pour avoir brisé la discipline en publiant Unser Weg. Et cette mesure d'exclusion n'était pas la condamnation déguisée d'une déviation quelconque — une conception « luxembourgiste » du parti ou des relations entre parti et masses —, car Levi ne défendait pas une autre conception sur ce plan que celle que Lénine fit prévaloir au cours du 3° congrès de l'L.C. Lénine disait la vérité en assurant à Clara Zetkin que les « lévites » repartaient de Moscou avec une grande victoire politique. Levi avait eu raison sur l'essentiel, y compris contre Lénine, qui l'admettait volontiers. Celui-ci lui reprochait seulement, d'abord de ne pas s'être battu jusqu'au bout pour ses idées et d'avoir, en démissionnant, abandonné son poste, ensuite et surtout d'avoir enfreint la discipline, c'est-à-dire brisé la solidarité de parti en publiant son pamphlet. Telle est la raison de l'exclusion de Levi : « Disziplinbruch. »

On avance quelquefois une autre explication : les divergences politiques exprimées par Levi ne pouvaient justifier son exclusion, certes, mais celle-ci était pourtant nécessaire précisément parce qu'il avait eu raison contre les dirigeants russes de l'Internationale. La rupture de la discipline au lendemain de l'action de mars aurait donc simplement fourni le prétexte permettant d'éliminer un homme dangereux pour son intelligence et son indépendance d'esprit.

Il est en effet un point sur lequel tous les témoignages concordent : la personnalité de Levi n'avait jamais été complètement acceptée ni par les communistes allemands, ni par les communistes russes, ni par les communistes étrangers qui l'avaient approché. Grand bourgeois par ses origines, Levi l'était resté par ses façons d'être. Son goût pour les collections d'art n'était pas moins déroutant pour des révolutionnaires professionnels que ses succès féminins dans les milieux les plus huppés. Ainsi s'explique l'accusation de dilettantisme portée par Radek à l'égard d'un homme qui ne renonça jamais à exercer son métier d'avocat et qui se ménagea jusqu'au bout une sphère de vie personnelle.

Levi est un intellectuel d'une grande culture et d'une vive intelligence, et il en a conscience. Radek lui reproche sa morgue, son comportement hautain, les distances qu'il marque avec les militants ouvriers. Un homme peu suspect de vouloir à tout prix justifier les décisions de Moscou, Alfred Rosmer, témoigne dans le même sens. A l'arrogance de l'intellectuel allemand, Levi ajoute celle du social-démocrate, conscient d'avoir été formé dans la meilleure des écoles, et il parle avec un certain dédain des rustres qu'il doit côtoyer au 2° congrès de l'I.C., ces anarchistes espagnols ou ces anarcho-syndicalistes qui ont un demi siècle de retard. Ce n'est pas par hasard que la hargne des Heckert et des Thaelmann s'exprime au 3° congrès par le classique « Herr Doktor » pour désigner celui qui était hier encore pour eux « Genosse Levi ». Lénine et Trotsky vont dans le même sens, le premier quand il lui reproche « l'absence de sentiment de solidarité avec les ouvriers »[62], le second quand il parle de son « égocentrisme »[63].

Notons enfin une remarque de Radek dans son réquisitoire contre Levi : c'est malgré lui que Levi est devenu un dirigeant communiste. Il s'est fait prier pour assurer la direction du K.P.D. (S) après l'assassinat de Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, et, ensuite, toutes les occasions lui ont été bonnes pour tenter de se dérober. En avril 1920, au lendemain du putsch de Kapp, il n'accepte de rester en fonctions que parce qu'il ne peut nier l'intérêt de sa présence après les bourdes commises, mais fixe lui-même une limite, celle de la conquête de l'aile gauche de l'U.S.P.D. pour laquelle il veut bien admettre qu'il est mieux placé que d'autres. Après le congrès de Halle, au congrès de fusion, il annonce de nouveau son intention de s'en aller, et n'y renonce que parce que les indépendants de la veille exigent sa présence, y voyant une garantie de la loyauté de la fusion. Coquetterie d'un homme aimant à se faire prier ? Radek ne le croit pas. Pour lui, Levi est un homme qui ne s'est pas donné tout entier au prolétariat et à la révolution, et qui a conscience qu'il ne pourra pas, au bout du compte, leur être fidèle.

Cet aspect de sa personnalité, Levi le confirme en d'autres circonstances que Radek ne pouvait évoquer, notamment au cours des luttes au sein de l'Internationale elle-même. Pendant le 2° congrès mondial, en cet été 1920 où les délégués pensent qu'ils sont pour la dernière fois à Moscou, car le centre de la révolution va se déplacer à l'ouest, Levi se tait, et ne répond que parce que Lénine l'interroge. Il ne pousse pas jusqu'au bout ses critiques contre l'amendement présenté par Lénine aux thèses du parti russe, affectant de n'y voir qu'une question de rédaction et accepte sans broncher les vingt et une conditions, dont il est pourtant l'un des rares à pouvoir pressentir les dangers, à comprendre qu'elles sont destinées à « bolcheviser » par des moyens sommaires et énergiques des partis encore très social-démocratisés, dans la perspective d'une révolution à court terme à laquelle il ne croit plus. Il se contente de formuler quelques réserves en commission puis en séance plénière : il ne se bat pas, il prend acte, comme il n'empêchera pas, plus tard, Ràkosi d'exécuter le P.S.I. par l'application des vingt et une conditions.

Comment ici ne pas être tenté de suivre Lénine l'accusant d'« abandon de poste », lui reprochant d'avoir en février 1921 laissé le champ libre à des dirigeants dont les conceptions sont à ses yeux dangereuses pour le parti allemand comme pour toute l'Internationale ? Comment comprendre qu'il puisse laisser les commandes du parti allemand à des hommes qui viennent de démontrer leur faiblesse politique en pliant sans même discuter devant les exigences d'un Ràkosi ? L'aventure de mars aurait-elle été possible si Levi était demeuré à la tête du K.P.D.? Si c'était lui, avec Däumig, et non Brandler avec Stoecker, qui avaient eu à recevoir quelques jours plus tard Béla Kun et ses lieutenants ? Levi connaissait la présence à Berlin de Béla Kun, il connaissait de l'homme les dangereuses impulsions et l'incapacité politique : pourquoi, dans ces conditions, ce voyage vers l'Italie, interrompu en cours de route au reçu des nouvelles de Berlin, mais qui le plaçait bien loin des centres de décision dans une période capitale ? On est tenté de penser que Levi, en février et mars 1921, avant l'action, avait déjà refusé de prendre ses responsabilités de dirigeant de l'Internationale, lui préférant le rôle de commentateur intelligent et sarcastique que l'histoire ne lui laissa finalement pas. Lénine, lui aussi, s'était à plusieurs reprises déclaré prêt à démissionner de ses responsabilités, mais c'était pour se battre à la base, non pour voyager...

Telle est sans doute la vraie raison de l'attitude de Lénine à l'égard de Levi. Lénine est avant tout préoccupé à cette époque de la construction de l'Internationale et de partis dignes de ce nom. L'indiscipline de Zinoviev en 1917, celle de Boukharine en 1918 avaient certes un instant mis en péril l'unité du parti, mais le succès de la ligne qui leur avait été opposée avait préservé cette unité. Leurs divergences, pour profondes et récentes qu'elles fussent, étaient du domaine du passé, ne posaient plus de problèmes aux militants russes. Mais Lénine juge différemment de la situation dans le parti allemand en 1921 : pour lui, Levi est coupable d'atteinte au « patriotisme du parti » : il « s'est jeté sur le parti et l'a déchiré ! »[64].

L'action de mars en elle-même — autant que son échec — avait en effet constitué pour les communistes allemands une rude épreuve. Du jour au lendemain le parti leur avait demandé, au nom de la discipline communiste, de se lancer dans une action dont ils pressentaient qu'elle n'avait pas été préparée et qu'elle risquait de signifier pour tous la répression, licenciement pour la plupart, prison et années de forteresse pour les autres. Beaucoup d'entre eux — peut-être deux sur trois — avaient flanché. Ceux qui avaient tenu avaient en même temps conscience de l'étendue du désastre et besoin de penser qu'ils avaient malgré tout bien agi, qu'ils avaient fait leur devoir de communistes : d'où cette nouvelle explosion de gauchisme parmi la majorité des dirigeants et militants dans les semaines qui suivent l'action, d'où l'insistance de tous sur la discipline, seule justification possible de leur obéissance à des initiatives qui s'étaient révélées désastreuses. Levi, en dénonçant « putschisme », « aventurisme », « gauchisme », au moment même où les social-démocrates majoritaires et autres anticommunistes entamaient ce refrain et où frappait durement la répression, incarnait, aux yeux des combattants malheureux de mars, le « jaune », briseur d'action et briseur de discipline. Venant d'un dirigeant qui avait de lui-même, quelques semaines auparavant, abandonné ses fonctions, cette attitude devait apparaître plus impardonnable encore : dans la mesure où il ne s'était pas battu de toutes ses forces pour empêcher l'action de mars, la dénonciation qu'il en faisait ensuite semblait émaner d'un renégat satisfait de voir les événements confirmer ses sinistres prévisions.

Mais la sévérité de Lénine avait sans doute des raisons plus profondes encore. En cette année 1921, il ne s'agissait pas seulement de l'existence et de l'unité du V.K.P.D. récemment constitué, mais de celles du mouvement communiste tout entier. Le tournant de 1921 était le premier tournant radical de l'Internationale depuis sa proclamation. Elle avait été proclamée dans la foulée de la vague révolutionnaire d'après guerre, et avait recruté ses soldats parmi les militants convaincus que la révolution était l'œuvre de leur temps et de leur génération. C'était plus vrai encore pour les membres de l'appareil de l'Internationale : pour borné qu'il fût, Béla Kun avait l'excuse de n'avoir été aucunement préparé à la stabilisation du capitalisme, qui se laissait à peine deviner en 1920. Prisonnier de guerre en 1917, président du conseil des commissaires du peuple de la République des conseils de Hongrie deux ans après, il avait connu la défaite après la victoire, l'exil, puis la guerre civile comme commissaire politique et ses lendemains immédiats dans le Turkestan affamé. Comment aurait-il pu concevoir, en débarquant à Berlin comme envoyé de l'exécutif de l'I.C., que cette période héroïque était terminée ? En fait, depuis un an, tous les militants communistes sont à contre-courant, se débattant, les résolutions du 2° congrès en main, contre la réalité des nouveaux rapports de force. Faire admettre aux délégués du 3° congrès mondial qu'ils avaient eu tort — et avec eux leur parti et l'Internationale — de poursuivre en 1920-1921 la tâche révolutionnaire de conquête du pouvoir à court terme, et que Paul Levi — qui s'était désolidarisé de leur combat et de leurs souffrances — avait eu, lui, raison, tout seul, contre le parti et contre l'Internationale, fut jugé impossible et par Lénine et par Trotsky. Lénine l'expliqua clairement à Clara Zetkin : il était nécessaire de condamner l'attitude de Levi afin de ne pas plonger dans le désespoir ceux qui, contre lui, avaient tenu pour essentiel de demeurer dans les pires moments fidèles à leur parti.

Le problème se posait pour le parti russe en des termes à peine différents. La Nep soulevait bien des oppositions et, même acceptée, bien des inquiétudes. Ne parlait-on pas d'un « retour au capitalisme » ? Les concessions aux paysans, venant après la condamnation de l'opposition ouvrière, ne rassuraient pas les militants, eux aussi pénétrés de la conviction que la révolution russe serait mondiale ou ne serait plus. Sans doute est-il faux de dire que l'insurrection de mars aurait pu, comme l'a laissé entendre Heckert[65], s'expliquer comme une tentative pour « compenser » Cronstadt, mais l'hypothèse suivant laquelle elle aurait résulté de tentatives désespérées de Zinoviev pour faire « percer » la révolution mondiale et réaliser l'économie de la Nep est loin d'être invraisemblable. Le « compromis » sur la question internationale dans le parti russe n'a été obtenu, si l'on en croit Trotsky, qu'après bien des ruses et des batailles de couloir : cooptation au bureau politique de Kamenev, secrètement acquis au point de vue de Lénine, bloc entre Lénine, Trotsky et lui qui permet de renverser le rapport de forces favorable à Zinoviev, concessions arrachées l'une après l'autre à Radek que Zinoviev accusera de l'avoir « trahi » ... Mais, dans la mesure où les Russes avaient décidé qu'un compromis était nécessaire, il ne pouvait se faire aux dépens des principes, ni de la condamnation de la théorie de l'offensive. C'est pourtant ce qui aurait été le cas si l'on avait blanchi Levi ; personne, dans le parti russe, ne pouvait sans doute y songer, pas plus Boukharine et Zinoviev qui eussent été les vaincus, que Lénine et Trotsky qui prétendaient au rôle d'arbitre.

Il semble que Levi n'ait pas saisi les racines de l'attitude de Lénine, dont il avait initialement sollicité l'appui. Il serait certes injuste d'accepter sans réserves le portrait tracé de lui par Radek et d'autres contemporains. D'abord parce que Levi, après son exclusion, n'a pas cessé d'être un militant socialiste et de mériter la haine de l'adversaire de classe, ce qui prouve que, s'il n'a pas sacrifié ses goûts personnels à l'action militante, il n'a pas non plus sacrifié l'action militante — pourtant plus ingrate à partir de sa rupture avec le communisme — à ses goûts personnels. Ensuite, il est incontestable qu'il a su entraîner avec lui, et pour des années, des militants ouvriers de grande valeur, ces Malzahn, Neumann, Franken, que Lénine admirait et dont il disait que « ce sont des gens comme eux qui forment les larges colonnes aux rangs solides du prolétariat révolutionnaire »[66] : un amateur n'obtient pas de tels résultats ! Ce qui reste, c'est qu'en refusant les propositions de Lénine transmises par Clara Zetkin, en refusant de faire taire son amour-propre pour prix de la reconnaissance d'une victoire politique, infiniment plus importante aux yeux d'un militant, Levi a paru effectivement démontrer qu'il ne croyait plus lui-même aux idées qu'il défendait contre Zinoviev et les autres depuis 1920, ni au redressement de l'Internationale. S'est-il brutalement ressenti comme un corps étranger dans le mouvement communiste sous la poussée des clameurs et des dénonciations ? Quoi qu'il en soit, si Levi était bien un communiste, un bolchevik, comme disait Lénine, il a cessé de l'être ou — ce qui revient sans doute au même — de se croire tel au cours de l'année 1921.

Ayant en ce sens « perdu la tête », cet homme si lucide accumulera désormais les erreurs de jugements et les pronostics erronés, annonçant successivement que les « gauchistes » allaient éliminer Lénine et Trotsky, ou que les « bakounistes » allaient prendre la tête du parti allemand, incapable de jamais appliquer une ligne de front unique prolétarien ...

Il reste que, de 1918 à 1921, il avait été le seul dirigeant communiste étranger à la Russie dont le caractère intransigeant et la pénétration politique avaient fait en puissance un interlocuteur capable de discuter d'égal à égal avec les dirigeants russes, et que personne ne comblera le vide creusé par son exclusion. Il aura été le seul à poser en termes politiques le problème qui était celui du communisme au lendemain de la révolution russe victorieuse : comment greffer sur le vieil arbre aux racines profondes et solides du mouvement ouvrier occidental le greffon vivace de l'élan de 1917 et du pouvoir des conseils. Il n'y aura plus après lui, en face des Russes, sinon que des plagiaires ou de perroquets, comme il le dit, du moins que des hommes qui hésitent et se taisent, d'avance résignés à avoir tort.

L'aventure personnelle de Paul Levi symbolise ainsi en 1921 le premier échec dont elle est partie intégrante : l'impuissance de l'Internationale communiste à devenir le « parti mondial de la révolution socialiste » qu'elle prétendait être, l'impuissance des bolcheviks à susciter dans ce bref laps de temps en Occident la création de partis communistes poursuivant de façon consciente et systématiquement organisée l'objectif de la prise du pouvoir par le prolétariat, des organismes révolutionnaires qui ne soient pas seulement des pâles transpositions du modèle russe, mais des partis plongeant dans la réalité sociale et les traditions de lutte et de pensée de leurs pays respectifs des racines aussi profondes que celles du parti bolchevique dans le sol de la Russie.

Organisme vivant, le communisme de 1918-1921 revêtait bien des nuances, et Levi en incarnait une coloration allemande. Vouloir opposer Levi au communisme pendant cette période, c'est oublier que cohabitèrent, dans l'histoire, social-démocratie de Bebel et social-démocratie d'Ebert, pensée de Lénine et « léninisme », léninisme et stalinisme, Rosa Luxemburg et « luxembourgisme ». C'est enlever à Paul Levi sa véritable dimension historique : celle d'une occasion manquée.

XLV. Karl Radek ou la confusion des genres[modifier le wikicode]

Radek est un personnage hors série de l'histoire du mouvement communiste, un des hommes-clés pour l'étude des premières années de l'Internationale. Auteur prolixe, aujourd'hui à peu près inconnu, Radek fut non seulement, pendant les années qui suivirent la révolution russe, un des plus importants dirigeants de l'Internationale — et son secrétaire effectif pendant quelques mois entre sa libération d'Allemagne et le 2° congrès mondial — mais encore le mentor du P.C. allemand jusqu'en 1923, chargé de l'exécutif des « questions allemandes» comme Trotsky l'était des « questions françaises ». Deux études récentes de H. Schurer et de W. Lerner ont peut-être ouvert la voie des travaux consacrés à Radek, et il faut maintenant souhaiter, en particulier, que s'ouvrent, en Allemagne de l'Est et en Union soviétique, les nombreux dossiers « Radek » dont nous nous sommes vu refuser l'accès.

Le meilleur portrait de lui est sans doute celui qu'a brossé en 1920 le journaliste allemand Wilhelm Herzog :

« Karl Radek (...) a été élu secrétaire de la III° Internationale communiste. Son esprit vif, toujours en mouvement, travaille fiévreusement. Sa tête de romantique allemand (avec un grain de judaïsme polonais) est chargée d'humour et d'énergie. Il écrit par jour deux éditoriaux, un pour la Pravda et un pour les Izvestija, et souvent encore un texte qui est transmis par radio à Christiana. Il reçoit quotidiennement la visite de plus d'une douzaine de délégués des autres pays du monde. Il conseille et renseigne. Il préside les séances de la III° Internationale et prend part aux conférences du comité exécutif, du comité central du parti, et à une multitude d'autres organismes. Il fait des conférences à l'Université ouvrière et aux officiers de l'armée rouge. Il parle dans des réunions, dans les congrès des soviets centraux et locaux. Et tout cela sans être jamais superficiel ni inconsidéré, mais après une solide préparation, en homme très compétent, avec beaucoup de sérieux (mais jamais sans esprit). Maîtrisant le problème, il l'empoigne, l'expose, l'analyse. C'est un régal de l'écouter. Il déborde d'idées, et a une connaissance peu commune des hommes et des choses. Du mouvement ouvrier de tous les pays, il connaît chaque date, chaque dirigeant, et même chaque individu d'une certaine importance. D'où une immense culture historique et une très claire connaissance des relations politiques mondiales.

C'est un styliste étincelant. Et quoique, bien sûr, il ne maîtrise pas le russe comme si c'était sa langue maternelle, on admire ses articles pour leur clarté et pour l'éclat de ses images. Son esprit vif-argent réagit à toutes les sollicitations de la vie humaine, politique, intellectuelle. Bref : un individu supérieurement doué, le propagandiste né, l'agitateur que rien ne peut retenir ni arrêter. Il ne connaît pas de compromis tant qu'il s'agit d'infecter le monde ennemi ou encore indifférent, de l'empoisonner, de l'imprégner de l'idée de la révolution mondiale. Il appartient, avec Boukharine, Ossinsky et autres, à la jeune génération des bolcheviks (c'est-à-dire des marxistes révolutionnaires). Cet extraordinaire stratège de la lutte des classes, ce terroriste redouté, aime la littérature allemande, connaît Gœthe, Heine, Kleist, Friedrich von Gentz et les romantiques, Büchner, Grabbe, aime Conrad Ferdinand Meyer et cite des vers de Stephan George et Hugo von Hoffmanstahl »[67].

Portrait flatteur, mais sans doute véridique, qu'il faut peut-être seulement nuancer par une allusion à sa laideur physique et à son négligé vestimentaire : « quelque chose entre Puck et Wolf, un peu d'Arabe de la rue ... , Méphisto », écrit le comte Kessler, « un croisement de professeur et de bandit », dit le diplomate-espion Bruce Lockhardt. L'homme était attachant par son esprit, la vivacité de ses réparties, son sens aigu d'un humour qu'il n'oubliait jamais d'exercer à ses dépens, l'étendue de sa culture et de sa curiosité intellectuelle, et, en définitive, malgré l'agressivité du comportement verbal, sa gentillesse, sa sensibilité et une incontestable vulnérabilité.

Radek est d'abord un franc-tireur. Dès son apparition dans le mouvement social-démocrate allemand, il possède une physionomie propre : il a en effet un passé et une expérience révolutionnaire à une époque où les dirigeants du parti allemand n'ont en ce domaine que les lectures qu'ils ont pu consacrer à la Commune de Paris ou à la révolution de 1848. Lui, à peine émigré, est retourné en Pologne dès le début de l'agitation en 1905, et n'a pas vingt ans lorsqu'il succède à Leo Jogiches, arrêté, comme rédacteur en chef du journal des social-démocrates polonais : il connaît ensuite la prison. Fixé plus tard en Allemagne, il se fait, à vingt-six ans, une réputation de polémiste et de théoricien en s'en prenant à Kautsky tant au congrès international de Copenhague que dans Die Neue Zeit. Spécialiste des études sur l'impérialisme, il s'attache à démontrer l'inéluctabilité de la guerre mondiale, conséquence des antagonistes interimpérialistes, et fonde sur cette perspective celle de la révolution mondiale — thème cher aux bolcheviks, mais peu familier aux militants du parti allemand. Son talent lui vaut la notoriété comme journaliste, mais il demeure isolé en Allemagne et accroît encore son isolement en soutenant, contre Rosa Luxemburg et Jogiches, la dissidence du comité de Varsovie du parti polonais.

Ce sont à la fois sa célébrité et son isolement qu'il paie dans « l'affaire Radek ». Il a commis l'imprudence de s'en prendre à la fois aux révisionnistes du sud et à l'appareil du parti : dès 1912, Bebel lance contre lui une terrible attaque au congrès de Chemnitz, et le renfort apporté par les Polonais permet de l'exclure l'année d'après du parti allemand comme du parti polonais, sous le coup d'accusations infamantes. Il fait face courageusement, n'hésite pas à se fixer à Berlin pour mieux se défendre, publie à ses frais un plaidoyer pro domo, aidé par une poignée d'amis. La commission d'enquête internationale, appelée « commission de Paris », le blanchit et il gagne dans l'affaire le soutien de Lénine et de Liebknecht comme de Trotsky. Mais la guerre empêche une véritable révision de son procès et, comme le fait remarquer Schurer, il demeure, « pour la majorité des socialistes allemands, un homme marqué »[68].

Il n'y a pas place pour lui dans l'Allemagne de 1914, où le noyau internationaliste est constitué par ses pires adversaires. Il émigre en Suisse, profondément abattu, et déçoit Trotsky qui fondait sur lui de grands espoirs :

« J'espérais trouver en lui un partisan de mes idées. Je constatai avec étonnement, en causant avec lui, qu'il ne croyait pas à la possibilité d'une révolution prolétarienne à l'occasion de la guerre, ni, en général, dans un avenir prochain. Non, répondait-il, les forces productives de l'humanité prise dans son ensemble ne sont pas suffisamment développées »[69].

Il se ressaisit cependant assez vite dans le milieu des émigrés internationalistes et devient l'objet des attentions de Lénine qui, voyant en lui le moyen de toucher les internationalistes allemands, le presse de travailler à la revue internationale dont il veut faire le centre et le foyer d'un regroupement international. A Zimmerwald, il se range du côté de la minorité ; mais les Allemands refusent d'apposer leur signature à côté de la sienne. A Berne, Clara Zetkin entre dans une violente colère en constatant sa présence[70] : incontestablement, il est toujours en quarantaine.

Proche des bolcheviks, il s'éloigne cependant de Lénine, qui lui reproche en termes violents son « esprit d'intrigue » et même sa « bassesse ». Il polémique avec lui sur la question du droit des nationalités à disposer d'elles-mêmes, condamne le soulèvement irlandais de Pâques 1916. En même temps, il défend, dans les questions allemandes, la nécessité de la scission, de l'organisation indépendante des révolutionnaires. Par son intermédiaire, à travers ses articles dans Arbeiterpolitik, les thèmes de Lénine sur la trahison de l'aristocratie ouvrière, la nécessité de la scission, la transformation en guerre civile de la guerre impérialiste, font leur chemin dans l'extrême-gauche allemande. Un délégué spartakiste le cite au congrès de fondation du parti social-démocrate indépendant et provoque de vives réactions de la salle. Radek est toujours, d'une certaine façon, un hors-la-loi dans le mouvement allemand, mais son isolement commence à se briser.

La révolution de 1917 modifie brusquement sa stature. Parti dans le même train que Lénine, il se voit refuser l'accès en Russie. Installé à Stockholm, il y assure les liaisons internationales des bolcheviks et dirige la propagande en direction de l'Allemagne. Il arrive à Petrograd au lendemain de l'insurrection et y est aussitôt considéré comme un bolchevik à part entière. Vice-commissaire aux affaires étrangères, il est à Brest-Litovsk en face des diplomates et généraux allemands, organise la propagande parmi les prisonniers de guerre, la « fraternisation » sur le front. C'est toujours vers l'Allemagne qu'il est tourné : refoulé comme représentant officiel de l'exécutif des soviets, il franchit la frontière clandestinement et débarque à Berlin, comme représentant du parti bolchevique, dans les premiers jours de décembre 1918.

On a vu ses réactions, très marquées par l'expérience russe, noté ses prises de position dans cette première phase de la révolution allemande, au cours de laquelle il est surtout un témoin impuissant : tout le convainc de la supériorité de l'école bolchevique. Arrêté, il peut pendant quelques semaines craindre pour sa vie, mais tient tête à tous les interrogatoires. Puis sa situation change, il devient un prisonnier de marque et, dans sa cellule devenue un véritable « salon politique », reçoit hommes politiques, généraux, chefs d'entreprise, tous ceux qui voient en lui un représentant officieux du gouvernement russe, et cherchent à s'informer ou à séduire. Le hors-la-loi bohème se révèle habile diplomate, charme ou impressionne ses interlocuteurs, commence à penser en termes de grande politique extérieure, envisage des alliances, s'impose comme une « éminence grise ». Il ne perd pas pour autant de vue les problèmes du parti allemand qu'il a vu naître et disparaître en quelques jours en tant que direction. C'est surtout Paul Levi qu'il s'attache à convaincre de la nécessité de conquérir les masses, de renoncer à l'infantilisme gauchiste, de travailler dans les syndicats, de ne pas négliger les tribunes électorales et parlementaires. Ses écrits de 1919 groupent les arguments d'une polémique contre la « maladie infantile », le gauchisme, et Lénine n'y ajoutera rien d'essentiel. D'accord avec Levi sur les perspectives générales, sur la ligne des thèses de Heidelberg, auxquelles il a peut-être collaboré, il n'en est pas moins méfiant à son égard et lui reprochera vivement d'avoir organisé une scission qu'il n'approuve pas, ou encore de critiquer communistes de Hongrie et de Bavière à partir d'une position qu'il juge opportuniste.

De retour en Russie, il devient secrétaire de l'Internationale et responsable principal des questions allemandes. Il manifeste son indépendance au 2° congrès mondial en soutenant le K.P.D. (S) contre l'exécutif et le parti russe dans l'affaire de l'invitation du K.A.P.D. Cette manifestation d'indépendance — il s'estime responsable devant l'Internationale, non devant son parti — lui vaut d'être écarté par les Russes du poste de secrétaire. A la même époque, l'été 1920, il est l'un des rares dirigeants communistes, avec Levi, à ne pas partager l'optimisme de Lénine sur les perspectives révolutionnaires en Pologne et en Allemagne. Lénine dira plus tard :

« Radek nous avait prédit ce qui allait se passer. Il nous avait prévenus. Je me suis fâché sérieusement contre lui. Je l'ai traité de « défaitiste ». Mais, pour l'essentiel, c'est lui qui a eu raison »[71].

Pour ce qui est de l'Allemagne, il reste très réticent à l'égard des dirigeants. Il est l'un des plus sévères dans la critique de l'attitude de la centrale après le putsch de Kapp, condamne violemment la déclaration d'opposition loyale, polémique, directement ou par Frölich interposé, contre Levi pendant toute l'année. D'abord hostile au rapprochement avec les indépendants de gauche, il s'y rallie nettement et soutient Levi sur ce plan. En même temps, il semble qu'il intrigue pour trouver parmi les dirigeants des indépendants de gauche, sinon dans la centrale elle-même, des appuis ou des contrepoids à l'influence à ses yeux néfaste de Levi. Il s'oppose à lui lors du congrès d'unification, rédige pourtant avec lui la lettre ouverte qui lui vaut de dures attaques de la part de Zinoviev, Boukharine, Béla Kun, poursuit sa réflexion sur le gauchisme en élaborant la théorie du front unique prolétarien.

A partir de février 1921, il devient difficile de comprendre son jeu politique. Il est nettement hostile aux initiatives gauchistes et scissionnistes prises par les délégués de l'exécutif à Livourne, mais bouleversé par le comportement de Levi, qu'il laisse s'écarter de la direction du parti et livrer passage à ses pires adversaires gauchistes. De Moscou, à la veille de l'action de mars, il s'emploie à « activer » le parti, mais critique avec précaution, dès qu'il en est informé, la forme d'« activation » qu'est l'action de mars inspirée par Kun. Dans la confusion qui prévaut pendant quelques mois au sein de la direction du parti russe et de l'Internationale, il semble être plutôt du côté des gauchistes russes — Lénine le lui reprochera —, mais un peu à la droite de Zinoviev, qui lui reprochera de l'avoir « trahi » dans le compromis conclu à la veille du congrès de Moscou avec Lénine et Trotsky — cependant que Lénine lui reproche alors d'avoir penché « trop à gauche ». Ses hésitations sont sensibles entre la conférence du parti russe et le congrès mondial lui-même où, finalement, c'est son comportement qui facilite la contre-offensive gauchiste des amendements présentés par Thalheimer et Terracini.

Après le 3° congrès mondial, il semble être un des éléments qui, à Moscou, veulent déterrer la hache de la guerre contre les centristes, et Lénine lui reproche une attaque publique contre Clara Zetkin. Il s'acharne contre Levi, puis contre Friesland, en des termes comparables à ceux de la gauche berlinoise. En fait, depuis février 1921, son attitude semble en contradiction avec tout ce que l'on sait de son tempérament politique, de son appréciation de la situation mondiale, de son pessimisme quant au rythme de la révolution mondiale : adversaire résolu des gauchistes, il semble brusquement les rallier pour ne les soutenir ensuite qu'à moitié. Peut-on expliquer ce tournant par des inquiétudes nées d'une situation internationale explosive, le danger d'une guerre qu'il voit menacer, comme le suggèrent ses lettres à la centrale ? N'a-t-il fait que chercher à éviter un conflit avec Zinoviev, manifestement muni d'un mandat en blanc de Lénine ? A-t-il simplement jugé possible et commode de profiter de la circonstance pour éliminer Levi, qu'il tenait pour peu sûr, sans pour autant renoncer à sa ligne ? Il faut, pour le moment, renoncer à éclairer l'énigme de cette période qui permet à bon droit de l'accuser de versatilité sinon d'opportunisme. Il est en tout cas difficile de suivre Schurer quand il voit, à la fin de 1921, surgir un « nouveau Radek » : c'est seulement l'ancien Radek qui resurgit après six mois de confusion, fidèle à ses analyses antérieures sur la lenteur du rythme révolutionnaire en Occident, la nécessité de la construction patiente d'un parti par la conquête des masses, celle d'une lutte permanente pour la construction du front unique ouvrier par la bataille autour de revendications économiques et de mots d'ordre « de transition ».

L'année 1922 le voit jouer un rôle particulièrement important sur la scène diplomatique, pour le compte du gouvernement soviétique, dans les conversations avec le général von Seeckt et le diplomate von Malzan, qui mènent à la conclusion du traité de Rapallo. Véritable représentant officieux du Kremlin en Allemagne, il s'identifie à certains égards avec une politique extérieure à laquelle l'Internationale, pour sa part, ne s'identifie pas. Au sein de cette Internationale, il est l'un de ceux qui s'attachent, dans le cadre de la stratégie du front unique ouvrier, à découvrir de « nouvelles voies » révolutionnaires, des mots d'ordre de transition, comme le « gouvernement ouvrier » dont il devient, sinon le père, du moins le parrain. A la différence de Zinoviev, il attache beaucoup d'importance à la victoire du fascisme en Italie, en tire des conclusions, qui apparaîtront au grand jour en 1923, sur les modalités nécessaires de l'action du prolétariat désormais placé concrètement, pour toute une période historique, devant l'alternative « socialisme ou fascisme », traduction moderne de l'ancien « socialisme ou barbarie » de Marx. Contrairement à ce que pense Schurer, les perspectives qu'il développe en 1923 ne constituent en rien l'abandon de ses analyses du rôle de l'aristocratie ouvrière comme agent de la bourgeoisie dans le mouvement ouvrier : pour lui, précisément en cette année et en Allemagne, la crise économique, détruisant les bases même de l'aristocratie ouvrière et unifiant par le bas les conditions de vie des travailleurs, rend possible la réunification politique de la classe sous le drapeau du communisme.

Nous avons également indiqué combien nous paraissait erronée l'interprétation traditionnelle de la « ligne Schlageter », défendue par Radek, comme une tentative de ressusciter le « national-bolchevisme », ou même, comme l'écrit Schurer, comme la preuve d'un « intérêt nouveau pour le nationalisme en tant que facteur révolutionnaire potentiel »[72]. Le souci de Radek, qui tient la conquête de la majorité de la classe ouvrière pour virtuellement achevée, est en effet de priver le nationalisme contre-révolutionnaire, le nazisme, de sa base de masse, la petite bourgeoisie exaspérée par la crise économique et sociale et l'humiliation nationale. Schlageter, combattant de la contre-révolution, mérite l'admiration des révolutionnaires pour son courage et son esprit de sacrifice, mais il n'est, comme le dit Radek, que le « pèlerin du néant », tandis que les communistes sont ceux de l'avenir.

Une nouvelle contradiction apparaît cependant au cours de l'année 1923 dans le comportement politique de Radek. Alors que, pendant toute la première partie de 1923, très exactement jusqu'à la grève sauvage qui balaie en août le gouvernement Cuno, il combat fermement toutes les impatiences et impulsions gauchistes dans le K.P.D., prenant pratiquement seul la responsabilité de renoncer à braver l'interdiction de la manifestation de rues du 29 juillet, il se rallie apparemment sans discuter à la thèse de Trotsky selon laquelle il faut préparer l'insurrection, et en fait lui-même la proposition au bureau politique du 23 août. Là aussi, il faut renoncer à donner aujourd'hui, dans l'état de la documentation, une réponse précise. L'influence personnelle de Trotsky sur lui a-t-elle joué suffisamment pour le convaincre de la nécessité de prendre un virage en raison d'une situation nouvelle ? A-t-il accepté, eu égard à ses expériences antérieures, de réviser une opinion qu'il ne s'était pas formée sur place ? A-t-il, comme peut-être en 1921, tu ses convictions réelles, refoulé ses propres impulsions, par manque de certitude ou de confiance en son propre jugement, ou au contraire, par opportunisme, pour suivre le courant dominant dans les sommets ? A-t-il réellement, comme le suggère Schurer, agi et parlé contrairement à son propre jugement qu'il savait sûr ? Le problème est posé.

Il ne peut être abordé en tout cas sans tenir compte du fait que les dirigeants allemands — Brandler, en particulier — ont eu la même attitude, taisant leurs réticences ou leurs hésitations, alimentant même parfois avec complaisance les illusions de leurs camarades. C'est en tout cas ce que Radek suggère quand il dit à l'exécutif que le fond du problème est que, « excellent parti ouvrier », le parti allemand n'est pas encore un parti communiste, et que le tournant d'août a été pris trop tard, quand il souligne également que les communistes allemands n'ont pas mesuré à quelle profondeur de passivité l'effondrement de la social-démocratie avait entraîné la masse des travailleurs.

Radek n'était pas à Chemnitz quand a été prise la décision de renoncer à l'insurrection. Mais il l'a approuvée après coup, prenant, comme le lui demandait Brandler, toutes ses responsabilités. Et cette fois, non seulement il ne cherche pas à esquiver le heurt avec ses camarades de l'exécutif et les dirigeants du P.C. russe, mais, au contraire, le provoque délibérément. Il se défend pied à pied, avec beaucoup de fermeté, devant l'exécutif élargi où il fait figure d'accusé.

C'est seulement au tout dernier moment, et pour respecter, dit-il, la tradition, qu'il cède, se rallie à la résolution qui fait de Brandler et de lui-même les boucs émissaires de la défaite de 1923.

Les qualités intellectuelles de Radek sont indiscutables, son courage devant l'ennemi de classe, en prison ou dans l'illégalité, ne peut être mise en cause. Mais son courage politique au sein de son parti est plus discutable. Brillant, efficace, persévérant lorsque la ligne politique est claire, lorsqu'il sent ses arrières assurés, soit par l'accord général, soit par la solidité de la position de ceux dont il est l'interprète, il manifeste en effet les plus grandes hésitations, sous la forme de virages impressionnants, dès que le terrain cesse d'être sûr, dès que les conflits font rage au sommet de l'Internationale ou du parti russe, dès qu'il s'agit de créer du neuf à travers une dure bataille politique. Interprète, vulgarisateur si l'on veut, commentateur étincelant d'une pensée politique dont il n'est pas le créateur, il manifeste de l'incertitude dès que la responsabilité de l'orientation — et surtout de la réorientation — repose sur ses propres initiatives. Capable d'assurer l'application intelligente d'une ligne politique fixée par l'Internationale, il est apte à diriger le parti allemand « par délégation » dans les périodes sans problèmes politiques aigus, mais pas en période de crise, où un dirigeant politique à part entière doit assumer toutes les responsabilités, dont celle de se battre dans son parti pour ce qu'il pense être la ligne juste.

Quinze ans plus tard, au lendemain d'un grand procès public à Moscou où l'accusé Karl Radek avait exécuté face au procureur Vychinsky un extraordinaire numéro d'accusateur et de compère, Trotsky devait porter sur lui un jugement sévère, mais qui donne sans doute le nécessaire correctif du panégyrique de Wilhelm Herzog :

« Radek (...) n'est qu'un journaliste. Il a toutes les brillantes qualités de cette sorte d'hommes, et aussi tous ses défauts, Son instruction est plutôt celle d'un grand liseur, La connaissance du mouvement ouvrier polonais, la participation, pendant de longues années, au mouvement social-démocrate allemand, la lecture attentive de la presse, principalement anglaise et américaine, ont élargi ses horizons, conféré une grande mobilité à sa pensée, armée d'un nombre infini d'exemples, de comparaisons et, en fin de compte, d'anecdotes. Mais ce que Lassalle appelait « la force physique de l'intellect » lui fait défaut. Dans les divers groupements politiques, Radek fut plutôt un hôte qu'un véritable militant. Sa pensée est trop mobile et trop impulsive pour une action systématique. Ses articles apprennent beaucoup, ses paradoxes peuvent présenter une question sous un jour imprévu, mais il ne fut jamais une personnalité politique »[73].

En définitive, l'homme que l'Internationale communiste put offrir de 1919 à 1923, comme mentor politique au parti allemand celui sur qui reposait la mission historique de forger en Allemagne une direction révolutionnaire formée d'hommes capable de s'orienter dans les problèmes de stratégie et de tactique révolutionnaire, manquait des qualités nécessaires. Il ne pouvait donner aux cadres du K.P.D. ce qui lui manquait : la sûreté politique profonde et reposant sur une analyse perpétuellement remise en cause en fonction des développements de la situation, la continuité dans l'action et la fermeté dans la défense de ses opinions, l'attachement aux principes et le refus du dogmatisme. Sous l'égide de cet homme, et malgré ses efforts conscients, les dirigeants allemands étaient restés mineurs.

XLVII. Bilan d'un échec[modifier le wikicode]

Le fiasco du parti communiste allemand en 1923 allait marquer dans l'histoire de l'après-guerre un tournant décisif. A cette plaque tournante de l'Europe, l'initiative repassait en effet entre les mains de la bourgeoisie, qui n'allait plus s'en dessaisir. Au sein de l'Internationale communiste, à commencer par le parti bolchevique lui-même, la défaite de 1923 représentait, sinon le point de départ, du moins l'accélération décisive dans un processus de dégénérescence dont les aspects les plus négatifs peuvent souvent être directement reliés aux plus grandes espérances de l'année inhumaine.

Sans doute n'est-ce point par hasard qu'aujourd'hui encore le mouvement communiste international n'a pas consacré à cette défaite sans précédent le minimum de l'attention qu'il a su accorder à ses victoires ou même à des défaites de moindre portée. Révolution escamotée, la tentative d'insurrection de 1923 n'a pas fait l'objet après coup d'une discussion véritable; à peine aujourd'hui se souvient-on que cette discussion fut entamée, mais qu'elle ne fut jamais menée à son terme. De tous les marxistes contemporains, seuls Trotsky, dans l'opposition communiste, et Paul Levi, alors dans l'opposition de gauche de la social-démocratie, en ont tenté, sommairement, l'explication.

Trotsky revient sur l'affaire allemande[modifier le wikicode]

En 1924, Trotsky est revenu sur la situation allemande en 1923, dans la célèbre préface « Leçons d'Octobre » au recueil de ses écrits et discours intitulé 1917. Comme à la fin de 1923, dans Cours nouveau, il estime que l'Allemagne a présenté en cette « année terrible » une situation exceptionnellement favorable pour la victoire de la révolution prolétarienne et recherche dans le parti lui-même les causes de cet échec. Il écrit :

« La révolution bulgare devait être une introduction à la révolution allemande. Par malheur, cette déplorable introduction a eu un développement pire en Allemagne même. Au cours du deuxième semestre de l'année dernière, nous avons observé dans ce pays une démonstration classique de la façon dont on peut laisser passer une situation révolutionnaire exceptionnelle d'une importance historique mondiale »[74].

La première erreur des dirigeants allemands a été, selon lui, une fausse estimation de la force armée de l'ennemi de classe, sous-estimation dans la période prérévolutionnaire, surestimation dans la période révolutionnaire d'avant l'insurrection :

« Tant que le mot d'ordre de l'insurrection était principalement sinon exclusivement un moyen d'agitation pour les dirigeants du K.P.D., ces derniers ne songeaient pas aux forces armées de l'ennemi (Reichswehr, détachements fascistes, police). Il leur semblait que le flux révolutionnaire sans cesse montant résoudrait de lui-même la question militaire. Mais, quand ils se trouvèrent directement placés devant ce problème, ces mêmes camarades (...) tombèrent dans l'autre extrémité : ils se mirent à accepter de confiance tous les chiffres qu'on leur fournissait sur les forces armées de la bourgeoisie, les additionnèrent soigneusement aux forces de la Reichswehr et de la police, puis arrondirent la somme et eurent ainsi devant eux une masse compacte, armée jusqu'aux dents, suffisante pour paralyser leurs efforts. Il est incontestable que les forces de la contre-révolution allemande étaient plus considérables, en tout cas mieux organisées et mieux préparées que celles de nos korniloviens et demi-korniloviens, mais les forces actives de la révolution allemande sont également différentes des nôtres. Le prolétariat représente la majorité écrasante de la population de l'Allemagne. (...) En Allemagne, l'insurrection aurait eu du coup une dizaine de puissants foyers prolétariens »[75].

Comparant le cours de la révolution allemande de 1923 avec celui de la révolution russe de 1917, il souligne la croissance, dans les deux partis révolutionnaires, des appréhensions et des hésitations à l'approche du moment décisif, rappelle l'opposition de Zinoviev et Kamenev à l'insurrection d'Octobre et constate que ce qui s'est passé en Allemagne, c'est le développement d'hésitations de ce genre dans la direction du parti qui ont fini par se communiquer aux masses. Refusant le schéma de la gauche allemande qui opposait aux dirigeants timorés des masses ouvrières piaffant d'impatience, il écrit :

« La force d'un parti révolutionnaire ne s'accroît que jusqu'à un certain moment, après quoi elle peut décliner : devant la passivité du parti, les espoirs des masses font place à la désillusion, et l'ennemi, pendant ce temps, se remet de sa panique et tire parti de cette désillusion. C'est à un revirement de ce genre que nous avons assisté en Allemagne en octobre 1923 »[76].

Il va reprendre la question plus en détail, quelques années plus tard, dans sa Critique du programme de l'I.C., mettant l'accent sur les responsabilités de la direction du K.P.D. :

« Nous avons déjà vu qu'à notre époque de brusques revirements, ce qui est le plus difficile pour une direction révolutionnaire, c'est de savoir, au moment propice, prendre le pouls de la situation politique, percevoir son changement brusque et donner en temps voulu un ferme coup de barre. Une direction révolutionnaire n'acquiert pas de telles qualités simplement en prêtant serment à la dernière circulaire de l'Internationale communiste : leur conquête exige, outre des bases théoriques indispensables, l'expérience personnelle et la pratique d'une véritable autocritique »[77].

Or, pour lui, l'année 1923, dès l'occupation de la Ruhr par les Franco-Belges, a vu se produire un tel retournement, annonciateur de « complications révolutionnaires aiguës ». Mais

« la direction de l'Internationale communiste n'en tint pas compte en temps voulu. Le parti communiste allemand suivait encore le mot d'ordre du 3° congrès, mot d'ordre qui l'avait certes éloigné de la voie du putschisme menaçant, mais qui fut assimilé de façon unilatérale. (...) Ce n'est pas sans peine que fut effectué le revirement brutal qui conduisait de la tactique des journées de mars 1921 à l'activité révolutionnaire systématique dans la presse, dans les réunions, dans les syndicats, au Parlement. Quand la crise due au revirement fut surmontée, grandit le danger de voir se développer une nouvelle déviation unilatérale de caractère nettement opposé. La lutte quotidienne pour la conquête des masses retient toute l'attention ; elle crée sa propre routine dans la tactique et empêche de voir les problèmes stratégiques qui découlent des changements survenus dans la situation objective »[78].

La clef de la situation allemande. en 1923 se trouvait entre les mains des communistes :

« Il devenait parfaitement clair que la bourgeoisie allemande ne réussirait à sortir de cette situation « sans issue » que si le parti communiste allemand ne comprenait pas clairement ce fait, et n'en tirait pas pour son action toutes les conclusions révolutionnaires nécessaires. Mais le parti communiste, qui avait justement la clef entre ses mains, ouvrit les portes à la bourgeoisie »[79].

Il est exact que les ouvriers allemands, en octobre 1923, n'ont pas marché au combat. Ce n'est ni hasard, ni phénomène indépendant contredisant l'analyse suivant laquelle la situation allemande était révolutionnaire :

« Le prolétariat allemand aurait marché au combat s'il avait pu se convaincre que, cette fois, le problème de la révolution était nettement posé, que le parti communiste était prêt à aller à la bataille, qu'il était capable d'assurer la victoire. Non seulement les droitiers, mais les gauchistes, en dépit de la lutte acharnée qu'ils se livraient, envisagèrent jusqu'en septembre-octobre, avec un grand fatalisme, le processus du développement de la révolution »[80].

Ce sont, finalement, ces deux faiblesses de la direction allemande, son fatalisme — la croyance que la révolution va en quelque sorte se développer d'elle-même, indépendamment de leur propre politique — et son hésitation au moment décisif qui expliquent le fiasco :

« C'est la direction dans son ensemble qui hésita, et cette hésitation se transmit au parti et à travers lui à la classe »[81].

Et Trotsky tire de l'expérience allemande de 1923 des leçons qu'il juge aussi capitales pour le mouvement révolutionnaire mondial que celles d'octobre 1917 et qui, comme elles, touchent au problème de la direction révolutionnaire :

« II y a des périodes où Marx et Engels ne pourraient faire avancer d'un seul pouce le développement historique même en le cravachant; il en est d'autres où des hommes de faible stature, s'ils sont à la barre, peuvent retarder le développement de la révolution internationale pour toute une série d'années »[82].

C'est ce qui s'est passé en Allemagne, à ses yeux, application concrète d'une loi générale

« II se peut que la direction du parti, la politique du parti dans son ensemble, ne correspondent pas à la conduite de la classe et aux exigences de la situation. Quand la vie politique se déroule avec une relative lenteur, de pareilles discordances finissent par se résorber; elles provoquent des dommages, mais ne causent pas de catastrophes. En revanche, en période de crise révolutionnaire aiguë, on manque précisément de temps pour surmonter le déséquilibre et, en quelque sorte, rectifier le front sous le feu ; les périodes pendant lesquelles la crise révolutionnaire atteint sa plus grande acuité connaissent, par leur nature même, une évolution rapide. La discordance entre la direction révolutionnaire (hésitations, oscillations, attente, tandis que la bourgeoisie attaque furieusement) et les tâches objectives peut, en quelques semaines et même en quelques jours, provoquer une catastrophe qui ruine le bénéfice de nombreuses années de travail. (...) Quand la direction réussit à s'aligner sur la situation, celle-ci change : les masses se retirent et le rapport des forces devient brusquement défavorable »[83].

Ce qu'il appelle « la crise de la direction révolutionnaire à la veille du passage à l'insurrection » est, pour Trotsky, un « danger général ». Il résulte de la pression, de la « terreur matérielle et intellectuelle exercée par la bourgeoisie au moment décisif » sur « certains éléments des couches supérieures et moyennes du parti ». En 1917, Lénine, grâce à sa « sévère énergie », était venu à bout de l'hésitation des couches supérieures du parti née de cette pression. En 1923, et malgré l'existence d'une Internationale, il n'y eut rien de tel : l'hésitation conduisit à la défaite.

L'opinion de Paul Levi[modifier le wikicode]

Levi qui, à cette date, est revenu depuis plusieurs années à la social-démocratie où il anime une aile gauche, rédige la préface de la première édition allemande de Leçons d'Octobre. Comme Trotsky, il juge que les événements d'Allemagne en 1923 constituent la plus grande catastrophe économique et sociale jamais provoquée par le système capitaliste :

« Peut-être n'a-t-on jamais vu se produire en un espace de quelques mois un bouleversement aussi total des rapports sociaux qu'en Allemagne à cette date. De cet océan d'afflictions que signifiait la guerre de la Ruhr s'élevait, avec une volonté accrue de puissance, une mince couche de capitalistes. Dans leurs rangs mêmes on commençait à passer une atroce revue : les fleurs précoces de l'inflation se fanaient, les « honnêtes gens » qui n'avaient pas compris à temps les possibilités ouvertes par la razzia de la Ruhr étaient profondément secoués. La classe moyenne, les artisans et intellectuels perdaient leur base économique. Les travailleurs, en outre, voyaient leur salaire-or se réduire, et, du coup, en même temps que leur base économique, était ébranlé l'ensemble des organisations, des syndicats, des coopératives »[84].

Comme Trotsky, il juge que jamais peut-être la nécessité de la révolution et de la prise du pouvoir par le prolétariat ne fut une nécessité aussi évidente qu'en cette année 1923. On se trouvait bien en présence d'une de ces situations historiques où, en toute logique, le pouvoir aurait dû changer de mains et passer en Allemagne de celles de la bourgeoisie à celle du prolétariat, comme en octobre 1917. Il pense cependant que Trotsky se trompe lorsqu'il suppose, même un instant, que le K.P.D. aurait été capable de jouer en Allemagne le rôle de direction révolutionnaire que les bolcheviks avaient su assumer en Russie. Féroce dans sa rancune, il affirme cette hypothèse comme invraisemblable,

« même si la situation allemande avait été en tous points semblable à la situation russe, même si l'Internationale communiste avait été l'organisation la plus exempte d'erreurs que l'histoire ait jamais connue, même si Grigori Zinoviev avait été un homme politique de grande envergure et non un âne de réputation européenne »[85].

En Russie, les bolcheviks avaient en effet conquis leur audience et leur autorité dans les masses sur la base d'une politique qu'elles avaient comprise et approuvée depuis février 1917, et qui avait constitué en octobre leur véritable légitimation. Des révolutionnaires auraient pu et dû mener une telle politique et se retrouver dans une position semblable :

« Il n'était pas difficile en Allemagne, dans ces circonstances tragiques, de mener une politique semblable. On avait déjà derrière soi les expériences de la guerre mondiale : il s'agissait seulement de montrer en quoi cette guerre de la Ruhr constituait une entreprise éhontée de brigandage des capitalistes allemands contre les non-capitalistes et que le résultat inévitable d'une telle politique devait être de retourner contre ses auteurs toutes les couches sociales qu'elle entraînait à l'abîme »[86].

Au lieu de cette politique simple et claire, les maîtres à penser du K.P.D. ont préféré se lancer à corps perdu dans leurs théories prétendument « nouvelles » sur l'oppression nationale : Radek a prononcé son célèbre discours sur Schlageter, « pèlerin du néant », et Zinoviev a mis les communistes en garde contre le nihilisme national. Tous les fonctionnaires zélés du parti ont répété en les caricaturant ces thèmes qui jetaient en réalité la confusion dans l'esprit des travailleurs allemands et favorisaient les entreprises démagogiques de l'extrême-droite nationaliste. Le prolétariat n'a pas compris — et son incompréhension explique sa passivité :

« A la fin de la guerre de la Ruhr, au lieu d'une solide force prolétarienne, il y avait une infection national-communiste qui empestait l'Allemagne entière. Au moment où les communistes exhibaient leurs droits à la succession de l'Allemagne en faillite, les nationaux-socialistes émettaient la même prétention avec autant de raison »[87].

Cependant, au cours de l'année 1923, Levi avait pris position en faveur du mot d'ordre de gouvernement ouvrier et soutenu le gouvernement ouvrier de Saxe parce qu'il lui paraissait la seule solution à opposer à la grande coalition et la voie pour aider les travailleurs à surmonter dans un combat commun les inhibitions et les craintes nées de la division ouvrière. Au cours du mois d'août 1923, alors qu'il est le rassembleur de la gauche social-démocrate, il considère comme une tâche concrète de la social-démocratie la recherche d'une nouvelle forme de la dictature du prolétariat :

« N'allons pas croire que la forme qu'elle a revêtue en Russie constitue sa forme achevée; nous ne pensons pas que sa forme russe soit un modèle qui vaille pour tous les pays. (...) C'est de là que découle la tâche de la social-démocratie. Elle doit mener à la victoire l'idée de dictature du prolétariat dans des conditions très différentes des conditions russes, beaucoup plus caractéristiques de la révolution prolétarienne dans les pays capitalistes que ne l'étaient les conditions en Russie. Il lui faudra lier beaucoup plus la dictature du prolétariat à des structures étatiques données : il se pourrait qu'elle revête sa première forme dans un gouvernement de minorité parlementaire qui ferait d'un « moins » sur le plan de la force au Parlement un « plus » sur celui de la puissance sociale »[88].

Cela tendrait donc à prouver malgré tout qu'en dépit de ses préventions et de ses critiques concernant la politique « nationale » du K.P.D., Levi a pu considérer la situation allemande comme révolutionnaire et finalement estimer correcte la recherche par le K.P.D. de mots d'ordre de transition sur le plan gouvernemental[89].

Les faiblesses congénitales du KPD[modifier le wikicode]

En fait, malgré son désir de démontrer que le K.P.D. avait de toute façon fait faillite avant de subir l'épreuve du feu, Paul Levi ne dément pas le fond de l'analyse de Trotsky. Ecrire que la politique « nationale-communiste » de l'été 1923 a jeté la confusion dans les rangs des travailleurs, affirmer, comme il le fera plus tard, que les dirigeants communistes allemands n'ont jamais été capables de se comporter autrement qu'en « stupides plagiaires » des bolcheviks[90] souligne seulement les manifestations de la faiblesse d'un parti qui n'a pas su se hisser, dans des circonstances exceptionnelles, à la hauteur de ses tâches historiques. De ce point de vue, significative est l'intervention de Radek au comité central du 1° février 1921 quand il s'écrie : « L'affaire de la lettre ouverte est typique. Si j'avais été à Moscou, l'idée ne m'en serait jamais venue. » Les hommes qui dirigent la politique du K.P.D. ne sont pas à Berlin, mais à Moscou ; ce sont les Allemands eux-mêmes, ceux qui sont en Allemagne, qui leur demandent, comme dans l'affaire de la journée antifasciste, de prendre à leur place des décisions qu'ils ne se sentent pas capables d'assumer seuls et à laquelle ils ne donneront pas les suites nécessaires. Le 1° février 1921, Radek fait remarquer aux dirigeants allemands que leur comité central n'a pas encore trouvé le temps de discuter sérieusement de la lettre ouverte, de sa signification politique et des perspectives qu'elle ouvre. L'unique initiative importante venue d'Allemagne en 1923 est celle de Brandler rédigeant l'appel au parti du 12 juin. Non seulement cette initiative provoque de vives réactions parmi les cadres qui traitent Brandler de « fou », mais encore celui-ci est-il incapable, après ce geste, de tracer des perspectives qui s'appuient sur la situation dans le pays. Il est non moins significatif que ce soit le bureau politique du parti russe qui ait pris l'initiative du tournant de la politique du K.P.D. en août et que cette analyse ait pu être faite par Trotsky sur la base des informations rassemblées par Walcher et Enderle, lesquels attendent son verdict pour tirer les conclusions politiques des éléments qu'ils lui ont eux-mêmes fournis. Brandler admet sans trop d'hésitation, en septembre 1923, à Moscou, qu'on puisse percevoir de Moscou ce que lui-même n'a pas vu dans le pays où il dirige un parti dit révolutionnaire qui compte des centaines de milliers de membres ...

La faiblesse du K.P.D., ce sont les « démagogues » de sa gauche, échantillons de bohème intellectuelle experts dans le maniement de la phrase révolutionnaire mais incapables de peser une situation, de saisir le maillon qui permettrait d'attirer toute la chaîne, et qui entraînent derrière eux de bons militants ouvriers, mais aussi — comme l'a souligné Clara Zetkin dans sa lettre au congrès de Francfort[91] — des petits bourgeois, des aventuriers et même de vulgaires antisémites, de toute façon pas mal de dilettantes, étrangers au mouvement ouvrier.

Sa faiblesse, ce sont les dirigeants de son aile droite ballottés entre leur appréciation instinctive, leurs réflexes de prudence et les principes volontaristes d'un faux bolchevisme réduit à sa caricature, l'insurrection armée, c'est un Brandler se laissant entraîner en mars 1921 par un Béla Kun, et le même se taisant à Moscou en septembre 1923 comme Radek en août, au lieu de se battre jusqu'au bout.

Sa faiblesse, d'une façon générale, ce sont ses cadres, dévoués, désintéressés, courageux face à l'ennemi de classe, mais à peu près incapables de penser par eux-mêmes et marchant toujours l'oreille tendue dans la direction de Moscou d'où viennent des avis qu'ils tiennent pour la loi et les prophètes.

Encore faut-il se souvenir que ces dirigeants n'ont disposé que de quelques années pour faire leur expérience dans des conditions difficiles. Levi, avocat en 1914, intellectuel de gauche typique n'est pas, en tant que tel, intégré au mouvement ouvrier : c'est en définitive cet homme sur les épaules de qui repose, au début de l'année 1919, l'écrasante responsabilité de diriger le parti communiste au moment crucial de la révolution mondiale. Connaissant ses limites, redoutant son dilettantisme et son individualisme, les dirigeants bolcheviques usent pourtant de tout leur poids pour le conserver aux leviers de commande : il n'existe en Allemagne personne qui puisse faire mieux que lui. Et ce n'est pas non plus par hasard si les services allemands de l'intérieur, en 1923, demandent à leur ambassade à Moscou de ne pas accorder à Radek un visa qui lui permettrait de revenir dans l'Allemagne en ébullition : cet homme dépasse de cent coudées les dirigeants du K.P.D. Le parti a des dirigeants ouvriers, des organisateurs éprouvés comme Brandler, Walcher, des théoriciens comme Thalheimer, des hommes capables de coordonner des grèves, d'encadrer des manifestations, de diriger des services d'ordre capables aussi de se battre et de mourir à leur poste. Il dispose de bons orateurs pour les meetings de masse et pour les débats parlementaires, de clandestins qui sont d'habiles conspirateurs, de journalistes de talent, d'hommes capables d'écrire des livres et de pointer des mitrailleuses. Il n'a personne qui, l'oreille collée au sol, entende l'herbe pousser, comme aimait à le dire Lénine, personne qui ne sache s'orienter dans une situation concrète. Il n'a pas de Lénine, et rien, dans son histoire, dans celle du prolétariat allemand, ne rendait plausible, à partir des personnalités de second plan de l'opposition de gauche avant guerre, la formation en quelques années d'hommes capables de diriger victorieusement une révolution contre la bourgeoisie la plus consciente et la plus résolue de l'Europe et peut-être du monde. Paul Levi disait en 1920 que la principale erreur des révolutionnaires allemands avait consisté dans leur refus, dès avant la guerre mondiale, de s'organiser sur le plan politique de façon indépendante, même si l'organisation ainsi créée avait dû des années durant vivoter sous la forme d'une secte[92]. En 1926, dans la lettre déjà citée à Clara Zetkin, Radek exprime le même jugement :

« Pour l'anniversaire de la mort de Karl et Rosa, j'ai pris la parole à un meeting de la Ligue des jeunesses communistes de Moscou auquel vous deviez également parler. J'ai préparé mon discours, feuilleté de vieux articles de Rosa, et c'est avec la conviction profonde que nous, les radicaux de gauche en Allemagne, nous avons ouvert les yeux non pas trop tôt, mais trop tard, que nous avons combattu les périls, non pas trop vigoureusement, mais trop faiblement »[93].

Les faiblesses du K.P.D. étaient en définitive le reflet de celles de la social-démocratie telle qu'elle s'était développée avant la guerre de 1914-1918. Société dans la société, elle était parfaitement intégrée à travers une opposition de principe et une adaptation dans la pratique qui offrait expérience, responsabilités et tâches, non à ceux qui étaient capables de faire l'histoire avec les travailleurs, mais seulement à ceux qui voulaient faire de la politique en les utilisant. Le caractère conservateur de la bureaucratie syndicale et de l'appareil du parti social-démocrate avaient détourné de la centralisation et de l'organisation les élément ouvriers les plus combatifs. Les dirigeants communistes issus des rangs de la social-démocratie d'avant guerre portaient tous son empreinte dans leur tendance à la passivité et leur propension au suivisme. Il faut, dans une large mesure, retourner le procès fait à la direction de l'Internationale communiste, sur ce plan, par la majorité des historiens. Car c'est en partie la médiocrité des hommes du K.P.D. qui a nourri en Allemagne le succès, le prestige, puis l'autorité et enfin le despotisme de Moscou à l'égard du parti allemand. Tant que la perspective de la révolution mondiale demeurait au centre des préoccupations des dirigeants bolcheviques, ce hiatus pouvait être tenu pour temporaire et l'espoir de le surmonter pour réaliste. Mais la dégénérescence de la révolution russe allait devenir facteur décisif dans un climat aussi propice : la domestication du K.P.D. par la fraction de Staline au pouvoir dans le parti russe n'a rencontré de la part de ce parti de centaines de milliers de membres qu'une résistance médiocre, même lorsqu'elle aboutit à lui faire mener, face au danger mortel de la montée nazie la plus aberrante des politiques.

Dans la brève période de l'histoire du K.P.D. étudiée ici, l'un des faits les plus frappants est certes l'impasse du gauchisme et de toutes les théories révolutionnaires fondées sur la conception prétendument « luxembourgiste » de la spontanéité des masses. L'impatience des révolutionnaires, la tragique illusion que de petits groupes de militants décidés, des minorités agissantes, peuvent se substituer à l'action des grandes masses, la croyance en la vertu des « actions exemplaires » émergent à tout instant de l'histoire du K.P.D. Elles sont, elles aussi, la rançon des années de domination exclusive de la pratique social-démocrate dans le mouvement ouvrier et de la faiblesse même du K.P.D., insuffisamment armé pour répondre rapidement aux aspirations révolutionnaires de la minorité active du prolétariat. Mais ce sont les initiatives de ces minorités, à l'intérieur et parfois en dehors du K.P.D., qui, à plusieurs reprises, ont permis aux minorités agissantes et organisées de la bourgeoisie allemande de retourner des situations compromises et d'exploiter à son profit une division de la classe ouvrière qui constituait un de ses atouts essentiels.

L'échec du K.P.D. en 1923 n'est finalement ni celui du « bolchevisme », ni celui du « spartakisme », et encore moins celui du « communisme ». C'est celui du mouvement socialiste allemand dans son ensemble, dont le K.P.D. a voulu — trop tard par rapport au développement de la crise mondiale — être simultanément l'aile révolutionnaire et le moteur de la réunification.

Le reste de l'histoire du K.P.D. appartient à un autre chapitre, dont les lignes principales partent, cette fois, toutes de Moscou. Il n'y aura plus désormais dans l'histoire allemande de tentative conséquente en vue de construire un parti révolutionnaire, communiste, de masse, d'utiliser la force du mouvement ouvrier allemand, sa concentration, son niveau culturel, son organisation, dans la lutte pour le pouvoir et la construction de la dictature du prolétariat.

Lorsque, après quelques années de stabilisation, sous l'injection de crédits américains, l'économie allemande aura repris vigueur et brillamment développé son appareil de production, la crise mondiale de 1929 la frappera à nouveau sous la forme d'une crise économique et sociale aux contours différents de celle de 1923, mais tout aussi profonde et tout aussi révolutionnaire en puissance. Cette fois, ce seront les « bandes armées » des S.A. et des S.S. qui remporteront la victoire et enverront côte à côte sur les échafauds et dans les camps d'extermination militants communistes et social-démocrates, indépendants et réformistes, staliniens et gauchistes, brandlériens et trotskystes. A cette époque, le parti qui a hérité du nom du K.P.D. n'est plus celui de Levi, de Brandler, de Radek, de Maslow, et ne ressemble en rien à l'instrument révolutionnaire du prolétariat qu'ils avaient tous voulu construire.

« Parti de type nouveau », soumis à l'autorité de son chef charismatique, Ernst Thaelmann, apparemment réplique prolétarienne du « Führer », infaillible et tout-puissant. en réalité copie, à usage allemand, du « chef génial » de l'Union soviétique, il n'est plus qu'un appareil destiné à accomplir les tâches qu'on lui assigne en fonction des besoins de la politique extérieure de la bureaucratie de l'Union soviétique, laquelle ne se soucie plus de révolution allemande, ou plutôt redoute un événement qui bouleverserait le statu quo précaire qui lui a permis de survivre. Dans la tradition des apparatchiki de la social-démocratie et conformément au modèle russe des années 1927-1928, la hiérarchie toute-puissante des secrétaires — les Polleiter des districts par qui passent contrôle, correspondance et directives — dépend entièrement d'un secrétariat de quelques membres qui dirigent directement les différents départements centraux et concentrent entre leurs mains les rapports avec l'ensemble de l'organisation à tous les échelons. Un appareil de huit mille permanents suffit à tenir un parti dont les membres se renouvellent, où les vétérans des années des combats révolutionnaires ne sont plus que poignée, et où passent les jeunes et les chômeurs — avant d'aller parfois rejoindre un parti nazi qui leur permet, lui, de vivre et leur promet de se battre. Assez puissant pour paralyser, tant dans ses propres rangs que dans la classe tout entière, l'aspiration à l'unité de front contre le nazisme, il sera brisé comme fétu de paille dès que les bandes de Hitler auront réussi à mettre la main sur les rouages essentiels de l'appareil d'Etat et sombrera, en quelques jours, avec toutes les organisations ouvrières et les « conquêtes » d'un demi-siècle de mouvement social-démocrate et syndical. Tandis que les Stoecker, Schneller, Neubauer, Becker et Ernst Thaelmann mouraient sur la potence ou sous la hache du bourreau, dans les prisons ou les camps de concentration hitlériens, d'autres compagnons de leur combat, les Werner Hirsch, Leo Flieg, Remmele, Eberlein, Süsskind, Kippenberger, Leow, Heinz Neumann, tombaient dans les caves ou les prisons de la Guépéou stalinienne ...

Cette défaite finale était la conclusion de deux batailles distinctes, mais étroitement reliées par leurs origines et dans leurs conséquences. La première s'était déroulée dans les usines et dans les rues des cités industrielles allemandes entre 1918 et 1923. L'autre, livrée au sein du parti bolchevique entre 1923 et 1927, s'était terminée par la victoire de Staline et de son appareil bureaucratique. Défaites du prolétariat mondial dans des arènes capitales du point de vue stratégiques, ces deux batailles perdues traduisaient sa tragique faiblesse sur le terrain de l'organisation et de la théorie, et, du même coup, indiquaient l'unique voie pour la surmonter, la construction d'une véritable Internationale.

Qu'on nous permette, au terme de ce travail, d'appliquer à la révolution mondiale la remarque formulée par Trotsky au terme de son Histoire de la révolution russe :

« Le capitalisme a eu besoin de siècles entiers pour parvenir, en élevant la science et la technique, à jeter l'humanité dans l'enfer de la guerre et des crises. Ses adversaires n'accordent au socialisme qu'une quinzaine d'années pour édifier et installer le paradis sur terre. Nous n'avons pas pris sur nous de tels engagements. Nous n'avons jamais assigné de pareils délais. Les processus de grandes transformations doivent être évalués selon des mesures adéquates »[94].

Dans cette perspective, l'histoire du parti communiste allemand au cours des premières années de l'Internationale communiste cesse d'être l'histoire des illusions perdues pour devenir la préhistoire d'un combat qui se poursuit.

Notices biographiques sur les principaux militants cités[modifier le wikicode]

ALEXANDER, Eduard (1881-1945) dit E, Ludwig.

Avocat, membre de Spartakus et du K.P.D. à sa fondation ; chef du service de presse de la centrale en 1922 et rédacteur de la page économique de Die Rote Fahne.

(Ecarté des responsabilités à partir de 1929 comme « conciliateur » : arrêté en août 1944, mort au cours d'un « transport ».)

ANDRÉ, Edgar (1894-1936).

Né en Rhénanie, élevé en Belgique, maçon, membre des Jeunes gardes socialistes, Mobilisé ; prisonnier de guerre en France en 1918 ; docker à Hambourg, adhère au S.P.D. ; chômeur ensuite, organisateur du comité de chômeurs de Hambourg, adhère au K.P.D. fin 1922. Un des militants ouvriers les plus en vue de Hambourg en 1923.

(Organisateur de la Ligue des combattants rouges qu'il dirige à Hambourg, surnommé le « général rouge », bête noire des nazis, arrêté en mars 1933, torturé, condamné à mort et exécuté à la hache le 4 novembre 1936.)

ARENDSEE, Marta (1885-1953).

Employée de librairie, S.P.D. en 1906, organisatrice du mouvement féminin à partir de 1907; dans l'opposition en 1914, membre du groupe de Niederbarnim, déléguée à Berne en 1915. A l'U.S.P.D. en 1917, au V.K.P.D. en 1920. Responsable de la rédaction de Die Kommunistin, à partir de 1922, élue à Leipzig à la commission syndicale,

(Proche de la « droite », travaille au secours ouvrier ; arrêtée en 1933, libérée en 1934, émigre en U.R.S.S. avec son mari Paul Schwenk, qui y sera arrêté ; travaille à la radio de Moscou ; de retour en Allemagne en 1945, membre de la direction du S.E.D. jusqu'en 1947.)

ARTELT, Karl (né en 1890).

Serrurier, S.P.D. en 1908. Dirige en novembre 1918 la mutinerie de Kiel et le conseil des marins de la Baltique, Membre de l'U.S.P.D. Dirigeant des conseils de Brunswick en 1919. Membre de la gauche U.S.P.D., au V.K.P.D, en 1920.

(Occupe diverses responsabilités secondaires dans le parti ; vétéran du S.E.D. vit en R.D.A.)

BACHMAN, Otto (1887-?).

Maçon, secrétaire du syndicat à Breslau en 1908, président à Chemnitz de 1919 à 1921, alors qu'il est membre du K.P.D. depuis sa fondation. Exclu du syndicat, devient secrétaire du « syndicat rouge », chargé du bâtiment au département syndical de la centrale. Président du syndicat des maçons exclus de l'A.D.G.B. à partir de septembre 1923.

(A partir de 1926, un des dirigeants des syndicats rouges : en 1927, premier maire communiste en Allemagne, à Älsnitz ; exclu comme droitier en 1929. Milite, toujours avec Brandler, au K.P.O., organisation des communistes de droite ; émigre en 1933 et meurt vraisemblablement en émigration,)

BARTH, Emil (1879-1941).

Métallo social-démocrate, réformé en 1917, membre de l'U.S.P.D. Remplace Richard Müller à la tête du cercle des délégués révolutionnaires après la grève de janvier 1918, Membre de l'exécutif des conseils, commissaire du peuple de novembre à décembre 1918 : désavoué par ses camarades. Président des conseils d'usine en 1921. Demeure à l'U.S.P.D. en 1920. revient au S.P.D. en 1922,

(Retourne à l'anonymat ensuite.)

BARTZ, Wilhelm (1881·1929).

Imprimeur, syndiqué et au S.P.D. en 1900 ; suit l'école du parti en 1910-11; permanent et journaliste ; rejoint l'U.S.P.D. en 1919. Au V.K.P.D. en 1920 ; proteste contre l'action de mars, mais ne suit ni Levi, ni Friesland. Collaborateur d'Inprekorr en 1921, coprésident de la fraction parlementaire au Reichstag en 1922. Membre de la gauche en 1923.

(Rallie le centre en 1925.)

BECKER, Karl (1894-1942).

Typographe, fils de militant, membre des Jeunesses en 1909, du S.P.D. en 1912. Pendant la guerre, à Dresde, puis Brême, un des dirigeants des radicaux de gauche. Arrêté en 1917, libéré par la révolution, dirige un conseil ouvrier. Délégué I.K.D. au congrès de fondation du K.P.D., se range dans la majorité gauchiste. Un des dirigeants de l'opposition en 1919, un des fondateurs de l'A.A.U., il est exclu à Heidelberg, mais ne rejoint pas le K.A.P.D. et, sous l'influence de Radek et Frölich, revient au K.P.D.(S) en mars 1920. Séjourne à Moscou à plusieurs reprises, A partir de 1921, rédacteur en chef du Hamburger Volkszeitung, puis, en 1923, responsable de l'Oberbezirk Wasserkante et Nord-Ouest, membre de la droite.

(Passe vraisemblablement dans la clandestinité à la fin de 1923 ; se réfugie à Moscou ; de retour en 1925, membre du groupe « conciliateur », député au Landrag de Prusse en 1928, fait son autocritique. Clandestin en 1933, puis émigré en France : livré par Vichy, condamné à mort et exécuté à Plötzensee.)

BLENKLE, Konrad (1901-1943).

Fils d'ouvrier boulanger ; membre des Jeunesses en 1919, du K.P.D.(S) en 1920 ; employé à l'ambassade soviétique de Berlin ; secrétaire des Jeunesses communistes en 1923, partisan de la gauche.

(Président des Jeunesses et membre du C.C. en 1924 ; député en 1928 ; en disgrâce ensuite, Travail illégal en 1933-34 ; émigration et, de Copenhague, responsabilité d'un travail clandestin en Allemagne ; arrêté, condamné à mort et exécuté à Plötzensee.)

BöTTCHER, Paul (né en 1891).

Typographe, membre des Jeunesses en 1907, président du groupe de Leipzig en 1908 et membre du S.P.D. Permanent pour les jeunes sur le plan syndical. Adversaire de la guerre. à l'U.S.P.D. en 1917. rédacteur en chef du Sozialdemokrat de Stuttgart en 1920. Indépendant de gauche, chef de file de l'opposition syndicale de gauche. Au V.K.P.D. en 1920. Enlevé par les kappistes lors du putsch. Février 1921 : rédacteur en chef de Die Rote Fahne, membre de la centrale en août 1921 ; 1923, président de la fraction parlementaire en Saxe, secrétaire du district de Saxe occidentale, partisan du soutien et de la participation à un gouvernement ouvrier. Ministre de l'économie dans le gouvernement Zeigner en octobre 1923, chassé de son ministère par la Reichswehr.

(Membre de l'opposition de droite, exclu en 1929, fonde le K.P.O. avec Brandler ; émigre en Suisse de 1933 à 1946 ; arrêté à son retour, conduit en U.R.S.S. après une condamnation par contumace à deux ans de prison, et demeure dans divers camps et prisons jusqu'en 1955. Libéré en 1955, revenu en Allemagne et admis au S.E.D. en 1956, rédacteur en chef du Leipziger Volkszeitung jusqu'à sa retraite en 1968. Selon M. Hermann Weber, Paul Böttcher aurait été membre depuis 1927 des services de renseignements Soviétiques : c'est à ce titre en tout cas qu'il fut arrêté en Suisse pendant son séjour.)

BRANDLER, Heinrich ( 1881-1967).

Maçon, né en pays sudète, de nationalité autrichienne, infirme très jeune à la suite d'un accident de travail, militant syndicaliste dès 1897, condamné pour violences en 1900. Adhère au S.P.D. en 1901, travaille à Hambourg jusqu'en 1904, où il dirige le syndicat du bâtiment, puis à Brême de 1904 à 1908 où il milite au syndicat et dans les Jeunesses ; en Suisse de 1908 à 1914. En juin 1914, à Chemnitz où il est secrétaire du syndicat du bâtiment ; exclu avec Heckert du S.P.D. en 1915, animateur du groupe Spartakus, adhère, malgré ses réserves, à l'U.S.P.D. en 1917. Expulsé comme étranger en octobre 1918, acquiert la nationalité allemande grâce au gouvernement bavarois d'Eisner. De retour à Chemnitz, y fonde Der Kämpfer et la plus puissante organisation locale du K.P.D.(S). Soutient Levi contre les gauchistes, organise en mars 1920 l'élection de conseils ouvriers de Chemnitz, développant des thèmes qui annoncent ceux du front unique ouvrier. Elu à la centrale en avril 1920, rapporte sur les questions d'organisation au congrès d'unification. Président du parti en remplacement de Levi en février 1921, assume la direction du parti pendant l'action de mars ; condamné en juin à cinq ans de forteresse. Libéré en novembre, il séjourne à Moscou comme membre du présidium de l'Internationale ; de retour à l'automne 1922, exerce les fonctions de secrétaire général. En 1923, il est le dirigeant du K.P.D., cible des attaques de la gauche dont il réclame à plusieurs reprises vainement l'exclusion. Chef de la chancellerie d'Etat dans le gouvernement Zeigner après avoir participé à Moscou aux préparatifs de l'insurrection. Porte-parole communiste à la conférence de Chemnitz, il décommande l'insurrection prévue après la dérobade des social-démocrates de gauche.

(Rendu responsable de la défaite allemande, se désolidarise en vain de l'opposition de gauche russe. A Moscou jusqu'en octobre 1925 ; revient en Allemagne, contre la décision du parti : exclu en janvier 1929. Fonde le K.P.O., mais se tient à l'écart du S.A.P. (Sozialistischen Arbeiterpartei, né d'une scission de gauche de la social-démocratie et rallié par des éléments du K.P.O.). Emigré en France, interné en 39-40, réfugié à Cuba de 1941 à 1947, puis en Grande-Bretagne, revient en Allemagne en 1949, se fixe à Hambourg où il dirige le groupe Arbeiterpolitik.)

BRASS, Otto (1875-1960).

Tailleur de limes, au S.P.D. en 1897. Caissier dans une société d'assurance ouvrière, puis gérant de journal. Leader de l'aile radicale dans la Ruhr, un des fondateurs de l'U.S.P.D. Président en 1919 du conseil d'ouvriers et soldats de Remscheid, délégué à Berlin en décembre. Député U.S.P.D. à Weimar. Un des organisateurs de la grève dans la Ruhr en 1919, de la lutte contre Kapp en 1920, qui lui vaudra une accusation de haute trahison. Indépendant de gauche, coprésident du congrès de Halle. Elu à la centrale du V.K.P.D., démissionne en même temps que Levi et Däumig en février 1921. Délégué de la minorité à Moscou au lendemain de l'action de mars, il apporte publiquement son soutien à Levi des mois après son exclusion et organise avec Friesland et Malzahn une nouvelle opposition de droite. Exclu en janvier 1922, il revient, la même année, avec Levi, à l'U.S.P.D. puis au S.P.D.

(Rôle mineur de cette date à 1933, où il est placé sous surveillance par les nazis. Arrêté pour son action clandestine en 1945, libéré par l'avance de l'armée rouge. Membre de la direction du S.P.D. en zone russe, signataire de l'appel à la reconstitution de syndicats libres, puis de l'appel à la fusion des partis social-démocrate et communiste, et à ce titre cofondateur du S.E.D.)

BRAUN, M. J. (Mechislav Bronski, dit) (1882-1937).

Polonais, social-démocrate en 1902, participe à la révolution de 1905 et fait un an de prison. Emigré en Suisse en 1907, milite dans le P.S.D. suisse et se lie, contre Luxemburg et Jogiches, au comité du parti de Varsovie, que soutient également Radek. Proche de Lénine, participe aux conférences de Zimmerwald et Kienthal et est l'un des dirigeants de la gauche zimmerwaldienne. Compagnon de Lénine dans son voyage de retour en avril 1917. participe à la révolution russe. Nommé en 1918 représentant consulaire à Berlin, assure des contacts avec les révolutionnaires allemands. Expulsé en novembre. De retour en 1919, il fait partie du secrétariat d'Europe occidentale et de la direction du K.P.D.(S) sous un pseudonyme. Il sera vivement critiqué pour la position prise par la centrale au début du putsch de Kapp, et rappelé peu après.

(A Moscou, chargé d'enseigner à l'université de Moscou, il milite au sein du parti communiste polonais, devient membre de son bureau politique. Il est arrêté et exécuté pendant les grandes purges staliniennes.)

BUDICH, Willi (1890-1941).

Fils de paysan, études d'ingénieur technicien, membre du S.P.D. en 1910, rejoint Spartakus pendant la guerre et, sous le nom de « Brandt », est l'un des principaux collaborateurs de Jogiches dans le travail d'organisation clandestin. Membre de l'U.S.P.D. depuis 1917 ; arrêté en mars 1918, libéré par la révolution. Organisateur de la Ligue des soldats rouges en novembre 1918, grièvement blessé, amputé d'un bras à la suite de la fusillade du 6 décembre. En mars 1919, participe à la république des conseils de Munich, est membre de son exécutif sous le nom de « Dietrich ». Partage avec Friesland et les autres dirigeants berlinois la responsabilité de l'appel du 13 mars 1920. En Union soviétique la même année, reçoit une formation militaire. Arrêté en 1921, s'évade et regagne l'Union soviétique. On ignore le rôle qu'il a pu jouer en 1923.

(A Moscou, dirigeant du secours ouvrier international, puis, sous le nom de Gerbilski, représentant commercial soviétique à Vienne. Revient en Allemagne en 1929. Arrêté en 1933, relâché, émigre à nouveau. Arrêté en 1937 pendant les purges staliniennes, meurt en prison en 1941 ou 1942.)

CHARPENTIER, Fritz (1869-1928),

Etudes commerciales ; commerçant et représentant, membre du S.P.D. avant guerre. A l'U.S.P.D. en 1917, rejoint le K.P.D. au début de 1920 ; désavoué par le parti pour avoir approuvé sans mandat les accords de Bielefeld au lendemain du putsch de Kapp. Avec Levi en 1921 au K.A.G., mais rompt et demeure dans le parti secrétaire à Elberfeld. Rôle important en 1923 dans les préparatifs d'insurrection dans la Ruhr. (Poursuivi par la police, se réfugie en Union soviétique, et, à Léningrad, soutient l'opposition de gauche. La presse social-démocrate annoncera son exécution, que le K.P.D. démentira.)

COHN, Oskar 11869-1937 ?).

Fils de commerçants juifs ; avocat, membre du S.P.D. Député en 1912. Majoritaire en 1914, sert au front comme sous-officier ; réformé en 1917, adhère à l'U.S.P.D., défend marins et grévistes devant les tribunaux. En 1918, conseiller juridique de l'ambassadeur russe Joffé. Rôle de conciliateur pendant les journées de janvier 1919. Plus tard, membre de l'aile droite de l'U.S.P.D., revient au S.P.D. en 1922.

(réfugié en U.R.S.S. en 1933, arrêté lors des grandes purges staliniennes, disparaît. )

CREUTZBURG, August ( 1892-1940 ?).

Peintre et laqueur, au S.P.D. en 1908. Mobilisé de 1912 à 1918. A l'U.S.P.D. en 1917, au V.K.P.D. en 1920, secrétaire à Iéna. En 1923, responsable de l'organisation dans le district de Magdebourg.

(Véritable « commissaire » de la direction, joue un rôle important dans l'expulsion de toutes les oppositions successives ; responsable de l'organisation à partir de 1929. Emigré en 1933, gagne l'Union soviétique en 1935 ; arrêté en 1937 ; aurait fait partie des détenus livrés par Staline à Hitler. )

CRISPIEN, Artur (1875-1946).

Peintre-décorateur, social-démocrate, devient journaliste. Membre du groupe Die Internationale dès sa fondation, arrêté en 1915, puis mobilisé, rejoint l'opposition centriste en formation ; un des dirigeants de l'U.S.P.D. à sa fondation. Commissaire du peuple de novembre à décembre 1918. Leader de la droite U.S.P.D., maintient le parti indépendant malgré le vote de Halle et revient avec lui en 1922 à la social-démocratie.

(Emigre en Suisse en 1933 et y meurt sans être revenu en Allemagne.)

DAHLEM, Franz (né en 1892).

Fils de cheminot, garçon de courses. Au S.P.D. en 1913. En 1914, président des Jeunesses socialistes de Cologne. Mobilisé de 1914 à 1918. adhère à l'U.S.P.D. en 1917, membre d'un conseil de soldats en 1918. Journaliste à Cologne, membre de l'aile gauche de l'U.S.P.D., au V.K.P.D. en 1920, représente la Rhénanie centrale du comité central. Partisan de Levi, soutient ouvertement ses positions dans la presse du parti, mais n'est pas sanctionné. Il rompt ensuite avec Levi. En France de juillet à octobre 1922. Au début de 1923, secrétaire (Oberseckretär) pour toute la Rhénanie, expulsé par les autorités françaises d'occupation, travaille alors à Berlin dans la presse et le département de l'organisation.

(Membre du Polbüro en 1929 et député de 1928 à 1933. Compromis avec les oppositions au sommet contre Ulbricht et Pieck. Emigré en 1933, dans les Brigades internationales d'Espagne à partir de 36, interné en France en 39, livré au gouvernement allemand en septembre 1941, demeure huit mois en cellule à la direction de la Gestapo puis à Mauthausen jusqu'en 1945. Gagne Moscou, puis l'Allemagne, avec Pieck. Un des dirigeants du parti et de l'Etat. Révoqué de toutes ses fonctions en mai 1953, réhabilité en 1956.)

DÄUMIG, Ernst ( 1868-1922)

D'origine bourgeoise, engagé dans la Légion étrangère française. Au S.P.D. bien avant guerre, journaliste, au Vorwärts en 1911. Dans l'opposition dès 1914. Cofondateur de l'U.S.P.D. et rédacteur en chef de Freiheit de 1917 à 1918. Coopté en 1918 dans le noyau des délégués révolutionnaires, chargé des préparatifs militaires de l'insurrection de novembre. Membre de l'exécutif des conseils en novembre, adversaire de la fondation du K.P.D.(S) et de l'adhésion des délégués révolutionnaires, s'oppose vainement aux éléments putschistes en janvier 1919. Leader de l'aile gauche des indépendants, théoricien du « système des conseils ». Fait repousser les propositions de gouvernement ouvrier émises par Legien au lendemain du putsch de Kapp. Délégué au 3° congrès de l'I.C., se prononce, pour l'acceptation des vingt et une conditions. Elu coprésident du V.K.P.D. avec Levi en décembre 1920, démissionne de cette fonction avec lui en février 1921. Rejoint le K.A.G. et refuse de rendre au V.K.P.D. son mandat de député. Meurt peut après le ralliement de Levi et du K.A.G. à l'U.S.P.D.

DISSMANN, Robert (1878-1926).

Tourneur ; responsable, à vingt-deux ans, du syndicat des métaux à Barmen-Elberfeld. Secrétaire du syndicat des métaux à Francfort-sur-le-Main en 1905, du S.P.D. à Hanau en 1908. Candidat de l'opposition de gauche à l'exécutif du parti en 1911. Lié à l'opposition dès 1914, membre de l'U.S.P.D. à sa fondation. Président du syndicat des métaux en octobre 1919, leader de l'opposition syndicale de gauche, il rompt sur la question de l'indépendance des syndicats avec les indépendants de gauche et combat l'adhésion à l'I.C. avant et au congrès de Halle. Il demeure dans l'U.S.P.D. « maintenue ». En 1922, allié à Levi, combat, vainement. le retour au S.P.D. En 1923, organise avec lui une opposition de gauche au sein du V.S.P.D.

(Un des leaders de la gauche social-démocrate en même temps que dirigeant syndical, il meurt d'une crise cardiaque.)

DITTMANN, Wilhelm (1874-1954).

Ebéniste ; au S.P.D. en 1898, journaliste en 1899, député en 1912. Opposant pendant la guerre, s'attaque particulièrement à la censure. Un des fondateurs de l'U.S.P.D., prend contact avec le marin Reichpietsch. Condamné à cinq ans de forteresse après la grève de janvier 1918. Amnistié en octobre, devient commissaire du peuple, de novembre à décembre. Dirigeant de la droite U.S.P.D., revient au S.P.D. en 1922.

(Emigre en Suisse en 1933 ; y reste jusqu'en 1951.)

DORRENBACH, Heinrich (1888-1919).

Employé, social-démocrate, secrétaire de l'association des employés de Rhénanie en 1910. Engagé volontaire en 1914, sous-lieutenant. Cassé et réformé en 1917, actif pendant les grèves de janvier 1918. Tente en novembre d'organiser une garde rouge, puis prend le commandement de la division de marine populaire. Lié à Liebknecht, il pousse au soulèvement en janvier 1919 et sera désavoué par les marins. Il se réfugie à Brunswick où il échappe de peu aux corps francs ; arrêté à Eisenach et abattu pour « tentative de fuite ».

DUNCKER, Hermann (1874-1960).

Fils de commerçants, études supérieures, doctorat de philosophie. Membre du parti en 1893, journaliste en 1903, instructeur itinérant, puis, en 1911, à l'école centrale du parti avec Rosa Luxemburg. Membre du noyau internationaliste en août 1914, du groupe Internationale,puis de Spartakus. Membre de la centrale à sa fondation, réélu à la centrale du K.P.D.(S) en janvier 1919. Non réélu en 1920, secrétaire du gouvernement indépendant du Land de Gotha. Asthmatique, il se consacre ensuite à des taches intellectuelles et de formation des militants.

(Arrêté en 1933, passe une année en camp de concentration. Réussit à s'enfuir au Danemark en 1936. Parvient aux Etats-Unis en 1941: prend position contre le pacte germano-soviétique. De retour en R.D.A. en 1947, membre du S.E.D., professeur et doyen.)

DUNCKER, Käte (née Doell) (1871-1953).

Institutrice, social-démocrate en 1900, liée à Clara Zetkin et organisatrice des Femmes socialistes. Epouse Hermann Duncker. qu'elle gagne au socialisme. Elle est avec lui dans le noyau internationaliste, et, en 1918, dans la centrale, où elle dirige le travail féminin. Elue à la centrale en 1919, non réélue en 1920. Plus de fonctions responsables,

( Emigre aux Etats-Unis en 1938 et en revient avec son mari en 1947, se fixe en R.D.A.)

DÜWELL, Bernhard (né en 1891).

Etudes supérieures de commerce. Mobilisé de 1914 à 1918 ; adhère à l'U.S.P.D. en 1917, journaliste à Zeitz en 1918. Commissaire des conseils à Merseburg. L'un des organisateurs de la grève de 1919 en Allemagne centrale, député à l'Assemblée nationale. Indépendant de gauche, rédacteur au service central de presse de l'U.S.P.D., rejoint le V.K.P.D. en 1920. Solidaire de Levi, exclu en août 1921. Rejoint le K.A.G., puis l'U.S.P.D. et enfin le S.P.D. en 1922.

(Sort ultérieur inconnu.)

EBERLEN, Hugo (1887-1944).

Dessinateur industriel, syndiqué en 1905, au parti en 1906. Membre du noyau d'août 1914, un des organisateurs du groupe, et responsable d'un important cercle berlinois du parti. A l'U.S.P.D. en 1917. Membre de la centrale en novembre 1918, chargé des questions financières, actif au sein du conseil ouvrier de Neukölln. Elu à la centrale de K.P.D.(S) à sa fondation, délégué sous le nom de Max Albrecht au congrès de fondation de l'I.C., y défend vainement la thèse de son parti s'opposant à une fondation qu'il juge prématurée et s'abstient lors du vote. Homme de confiance de l'exécutif qui lui confie les fonds, un des responsables du M.-Apparat, il joue un rôle important dans les entreprises de « provocation » à l'époque de l'action de mars. Mis en cause par les révélations du Vorwärts, se réfugie à Moscou, d'où il revient à une date indéterminée, toujours dans l'appareil clandestin ; soutient Brandler dans le parti.

(Se rallie au « centre » à la fin de 1923 ; lié aux conciliateurs en 1928, éliminé du Polburo puis du comité central, conserve son mandat de député au Landtag prussien (1921-1933) et travaille vraisemblablement pour l'appareil international. Emigre en 1933 en France, arrêté et expulsé, rejoint l'U.R.S.S. Arrêté en 1937, déporté, inscrit en 1940 sur une liste de prisonniers à livrer à l'Allemagne, serait mort peu après d'asthme pulmonaire sans avoir été transporté ; mort en 1944 selon d'autres sources.)

ECKERT, Paul ( né en 1883).

Ouvrier métallurgiste, membre du parti avant guerre. Dirigeant et organisateur pendant la guerre du cercle des délégués révolutionnaires, membre de l'U.S.P.D. en 1917. Membre du comité d'action des grévistes de janvier 1918, de l'exécutif des conseils en novembre, délégué au congrès des conseils de décembre. Participe comme « invité » au congrès de fondation du K.P.D.(S), mais demeure à l'U.S.P.D. où il est l'un des dirigeants de l'aile gauche. Au V.K.P.D. en 1920, membre du département syndical. Solidaire de Levi, rejoint après son exclusion le K.A.G. puis l'U.S.P.D. et le S.P.D. en 1922.

(Rôle secondaire à partir de 1922. En R.D.A. après la guerre membre du S.E.D. et « véréran ».)

EGELHOFER, Rudolf (1897-1919).

Fils d'ouvrier, mobilisé dans la marine. Organisateur de l'action clandestine avec Reichpietsch en 1917, condamné aux travaux forcés. Libéré par la révolution de novembre, organise un détachement de marins révolutionnaires. Chef de l'armée rouge des conseils de Bavière, fusillé par les corps francs, sans jugement.

EICHHORN, Emil (1863-1925).

Fils d'artisan, ouvrier verrier, membre du S.P.D. en 1881, permanent du parti en 1893, chef de son bureau de presse de 1908 à 1917. A l'U.S.P.D. en 1917, organise son bureau de presse, et dirige la section « informations » de l'agence soviétique Rosta. Le 9 novembre 1918, il occupe la préfecture de police et s'y entoure de militants ouvriers. Sa révocation, le 5 janvier 1919, est à l'origine du soulèvement et de la répression de janvier. Réfugié à Brunswick, s'enfuit en avion. Député U.S.P.D. à la Constituante. Indépendant de gauche, au V.K.P.D. en 1920. Partisan de Levi en 1921, rejoint le K.A.G., mais revient au parti.

(Demeure jusqu'à sa mort député communiste au Reichstag.)

EILDERMANN, Willi ( né en 1897).

Fils de permanent du S.P.D. Organisateur des Jeunesses, internationaliste, dès 1914. Mobilisé de 1916 à 1918. Au K.P.D.(S) en 1919 ; journaliste communiste, notamment en 1923 au Klassenkampf de Halle.

(Clandestin en Allemagne en 1933 ; en Espagne dans les Brigades de 1937 à 1938, interné jusqu'en 1942, sert de 1942 à 1944 dons l'armée anglaise, puis rejoint l'U.R.S.S. Professeur d'histoire en R.D.A. et membre du S.E.D., soutient sur les origines du K.P.D. des thèses condamnées par Ulbricht.)

EISLER, Gerhart (1897-1968).

Fils d'un professeur de Vienne, frère de Ruth Fischer. Officier dans l'armée hongroise en 1918, adhère au P.C. en 1919, collabore à Kommunismus. Milite en Allemagne à partir de 1921 sous le nom de Gerhardt, collaborant à Die Rote Fahne, et à l'organisation dans le district de Berlin. Se sépare de la gauche en avril 1923 avec Ewert, Pfeiffer et Heinz Neumann ; pilier du centre après octobre.

(Membre de l'appareil lié aux conciliateurs, puis passe dans l'appareil international, qu'il sert notamment en Chine et aux Etats-Unis. Emprisonné en 1948, rejoint la R.D.A. en 1949. Semble avoir été destiné à un procès pendant ces années de guerre froide, mais sauvé par la mort de Staline. Remplit des fonctions importantes jusqu'à sa mort.)

EISNER, Kurt (1887-1919).

Juif galicien, né à Berlin, interrompt ses études pour collaborer à la presse social-démocrate. Rédacteur au Vorwärts en 1898, critique littéraire. Révisionniste, licencié en 1903, vit de sa plume. Opposant en 1914 par pacifisme, membre de l'U.S.P.D. en 1917, organise un réseau de délégués dans les usines de Munich. Condamné à huit mois de prison après janvier 1918, leader de la révolution bavaroise de novembre, ministre-président de Bavière. Assassiné le 21 février 1919.

ENDERLE, August ( 1887-1959).

Mécanicien, syndiqué et membre du parti en 1905. Permanent en 1910. Opposant pendant la guerre, membre de l'U.S.P.D. en 191, rejoint individuellement le K.P.D.(S). Un des organisateurs de la fraction communiste dans le syndicat des métaux, délégué au 2° congrès de l'I.S.R., à Moscou de 1922 à 1923 : informe Trotsky sur la situation allemande.

(Collaborateur de la commission syndicale, exclu comme « droitier » en 1928, fonde, avec Brandler, le K.P.O., rejoint le S.A.P. en 1932. Emigré en Suède en 1933. revient en Allemagne en 1945. rejoint le S.P.D. et collabore jusqu'à sa mort à la presse syndicale.)

EPPSTEIN, Eugen (1878-1943).

Fils de commerçants juifs. Etudes commerciales, employé de commerce. Au parti en 1897, dans l'opposition en 1914, organisateur de Spartakus dans la Ruhr. Secrétaire du district de Rhénanie moyenne depuis 1920. Pilier de la gauche de Ruth Fischer et Maslow, il est remplacé par Dahlem, réélu en février 1923, et révoqué par la centrale.

(Réinstallé après octobre; député et secrétaire du district Nord-Ouest en 1924. Dans l'opposition de gauche ensuite, quitte le parti en 1928, cofondateur du Leninbund (ligue Lénine, organisation fondée par les opposants de gauche). Emigre en France en 1933. arrêté par la Gestapo, déporté de Drancy à Lublin-Majdanek, où il a été assassiné.)

EWERT, Arthur ( 1890-1959)

Fils de petit paysan. Ouvrier sellier : au syndicat et au parti en 1908. Au Canada avant guerre, y fait un an de prison pour délit politique. Revient en Allemagne en 1920 et adhère au K.P.D., à Berlin, puis devient secrétaire du district de Hesse à Francfort. Plutôt lié à la gauche, il passe pour un tiède : élu à la centrale à Leipzig en janvier 1923. Condamne la gauche en avril avec Pfeiffer et Heinz Neumann. Dirigeant militaire de l'Oberbezirk ouest en 1923.

(Membre du « centre », en 1925, au C.C., à la centrale et au Polburo. Dans l'illégalité de 1926 à 1928. Suppléant en 1928 du présidium de l'I.C., réside à Moscou en 1928-1929. Ecarté avec les conciliateurs, passe dans l'appareil international représentant de l'exécutif en Chine de 1929 à 1934, envoyé au Brésil avec la même qualité, arrêté en 1935, torturé, perd la raison, condamné cependant à treize ans de prison. Rapatrié en R.D.A. en 1947, jugé incurable. Qualifié d' « agent » encore en 1956. mais finalement honoré à sa mort, dans un hôpital psychiatrique.)

FISCHER, Ruth (Elfriede Eisler. successivement épouse Friedländer, Golke, Pleuchot. Dite) ( 1895-1961).

Fille du professeur viennois Eisler, étudiante en philosophie et économie politique, adhère en 1914 à la social-démocratie et regroupe des éléments révolutionnaires en milieu étudiant. En 1918, contact avec les représentants russes à Vienne, reçoit des fonds qui lui permettent de fonder l'hebdomadaire Der Weckruf. Premier membre du P.C. autrichien fondé le 3 novembre 1918, emprisonnée plusieurs semaines après les journées de novembre. Ecartée, en mai 1919, du directoire révolutionnaire, elle est vivement critiquée comme droitière après l'échec de Bettelheim et quitte l'Autriche en août pour Berlin. Se lie aux dirigeants du K.P.D.(S), particulièrement Levi, puis, sous l'influence de Maslow — qui sera le compagnon de sa vie —, prend la tète de l'opposition gauchiste. Sous le pseudonyme de Ruth Fischer, elle est l'une des responsables du district de Berlin-Brandebourg à partir de 1921. Elle acquiert la nationalité allemande au début 1923 par un mariage avec Golke. Belle femme, oratrice exceptionnelle, elle se fait en 1921 le champion de la « théorie de l'offensive», l'adversaire du « compromis de Moscou ». Déléguée pour la gauche au 4° congrès de l'I.C. Provoque la crise au sein du K.P.D. au début de 1923 par ses interventions passionnées, mais accepte en mai le compromis dicté par l'exécutif et entre à la centrale. Elle reprend son opposition active à partir de juillet, participe à Moscou à la préparation de l'insurrection, se prononce pour le maintien du mot d'ordre de soulèvement armé, mais contre la grève générale après la conférence de Chemnitz.

( Appuyée par Zinoviev et le courant dans le parti contre Brandler, elle parvient en 1924 à la tête du K.P.D. et se fait le chantre de la bolchevisation des P.C. Cependant, en 1925, elle se prononce pour le retrait du candidat communiste au deuxième tour des présidentielles, et est désavouée par l'exécutif. Retenue à Moscou en 1925-1926, elle est remplacée à Berlin par Thaelmann, exclue en août 1926. Fonde le Leninbund et d'autres groupements oppositionnels. Réfugiée en France en 1933, elle acquiert, par un nouveau mariage, arrangé par Doriot, la nationalité française. En Espagne en juin 1940, puis à Cuba, aux Etats-Unis en 1941 enfin, où elle participe à diverses activités anticommunistes. Naturalisée américaine, revient en France en 1956 et meurt à Paris.)

FLIEG, Leo (1893-1939).

Fils de famille juive. employé de commerce. Milite dans les Jeunesses à partir de 1908, devient employé de banque. Mobilisé en 1914 comme secrétaire à l'état-major, en même temps membre de Spartakus et du groupe des Jeunesses, Secrétaire de Jogiches, arrêté en mars 1918, libéré par la révolution. Organisateur de l'Internationale des Jeunesses communistes et membre de son exécutif jusqu'en 1922. Ensuite, secrétaire du Polburo : assure en 1923 les contacts avec l'O.M.S. à Berlin.

(Eminence grise du K.P.D. jusqu'en 1933 ; émigre ensuite à Moscou, puis à Paris ; rappelé à Moscou en 1937, songe à désobéir, puis s'y rend ; arrêté à son arrivée, vraisemblablement abattu en 1939.)

FRANK, Karl (né en 1893).

Fils d'un petit industriel viennois, élève-officier de 1909 à 1913. Puis l'université, doctorat de philosophie et adhésion aux étudiants socialistes. Mobilisé comme lieutenant, réformé en 1916. Cofondateur du P.C. autrichien, se fixe à Berlin en 1920, et collabore à Die Internationale. En 1923, chargé de préparer l'insurrection en Bavière, arrêté, s'évade.

(Emprisonné en 1924-1925, puis 1929, journaliste. Exclu en 1929, rejoint K.P.O., puis S.A.P. et S.P.D. en 1933. Travail illégal de 1933 à 1938, puis se fixe aux Etats-Unis, où il enseigne la psychologie.

FRANKE, Otto (1877- 1953).

Mécanicien-constructeur de Berlin, au parti en 1899. Délégué révolutionnaire et organisateur de Spartakus pendant la guerre. Homme de confiance de Liebknecht en octobre 1918. Membre du conseil ouvrier et soldat de Berlin. Rôle subalterne dans l'appareil.

(Collaborateur de Pieck. Arrêté en 1933, libéré, émigre en Angleterre. Revient en R.D.A. en 1946, adhère au S.E.D.).

FRIESLAND, Ernst (Reuter, dit) (1889-1953).

Fils d'officier de marine marchande, social-démocrate. Enseignant révoqué pour son activité politique. Animateur d'une ligue pacifiste en 1914. Mobilisé en 1915, prisonnier de guerre en Russie en 1916, forme en 1917 un comité de prisonniers, devient communiste dans la section allemande du parti bolchevique et fait la connaissance de Lénine. Commissaire des Allemands de la Volga en 1918, revient clandestinement en Allemagne avec Radek et Félix Wolf en décembre et adopte le pseudonyme de Friesland. Secrétaire en Haute-Silésie, puis à Berlin-Brandbourg après la scission de Heidelberg. L'un des chefs de file de la gauche du K.P.D.(S) en 1920-1921. Rallié par Lénine au compromis de Moscou, le défend à Iéna, et devient secrétaire général. Evolue vers les positions de son ancien adversaire Levi, anime une opposition de droite, est exclu en janvier 1922. Rejoint directement le S.P.D. la même année. (Emigre en Turquie, puis en Scandinavie. Revenu en Allemagne après guerre, membre du S.P.D., de 1948 à sa mort, bourgmestre de Berlin-Ouest pendant la « guerre froide ».)

FRÄLICH, Paul (alias Paul Werner) (1894-1953).

Second des onze d'une famille ouvrière. Etudes techniques commerciales, employé de commerce. Autodidacte et élève des écoles du parti, où il entre en 1902. Journaliste à partir de 1908, à Altona, de 1910 à Hambourg, se lie aux militants de Brême, Knief, Radek, Pannekoek. Journaliste en 1914 au Bremer Bürgerzeitung. Mobilisé comme sous-officier, réformé en 1916, cofondateur d'Arbeiterpolitik, délégué à Kienthal, membre de la gauche zimmerwaldienne, proche de Lénine, mobilisé à nouveau fin 1916. A l'été 1918, arrêté pour action antimilitariste et interné dans un hôpital psychiatrique, libéré par la révolution. Dirigeant des I.K.D., un des porte-parole des gauchistes au congrès de fondation du K.P.D.(S), où il est élu à la centrale. Participe à la révolution bavaroise et passe quelque temps dans la clandestinité. Réélu à la centrale, critique en 1920 la passivité de Levi et, en 1921, se fait l'un des défenseurs de la théorie de l'offensive. Secrétaire de la centrale en 1921-1922. Rallié à Brandler en 1923, député depuis 1921.

(Professeur à l'école du parti jusqu'en 1928, où il est exclu comme droitier. Confondateur du K.P.O., la quitte pour le S.A.P. Arrêté en 1933, libéré après neuf mois en camp de concentration, réussit à émigrer, en Tchécoslovaquie, puis en Belgique et en France. Interné en 1939, autorisé à gagner les Etats-Unis, y vit jusqu'en 1950, où il retourne en Allemagne de l'Ouest et réintègre le S.P.D.)

GÄBEL, Otto (1885-1953).

Relieur, au parti en 1905. En 1914, publie avec ses camarades du cercle de Niederbarnim les premiers textes de l'opposition. Membre du groupe Spartakus, ne rejoint pas le K.P.D.(S) à sa fondation, demeure dans l'U.S.P.D., où il est membre de la direction de gauche, rejoint le V.K.P.D. en 1920, est élu à la centrale. En décembre 1921, avec Brass contre la centrale, mais ne rejoint pas le K.A.G. Depuis cette date, responsable de la Kommunistische Parteikorrespondenz et secrétaire de la fraction au Reichstag.

(Conseiller municipal de Berlin, compromis dans un scandale financier et exclu du parti en 1929. condamné ensuite à la prison. Aucun rôle politique ultérieur; est mort à Berlin-Ouest.)

GESCHKE, Ottomar (alias Eisbär) (1882-1957)

Serrurier dans les chemins de fer, au S.P.D. en 1910. Après 1914, dans l'opposition ; dirige un foyer de jeunes. Membre de Spartakus, de l'U.S.P.D. à sa fondation, membre du cercle des délégués révolutionnaires. Au C.C. en 1921. Président des cheminots berlinois trois fois réélu après annulation de l'élection, finalement exclu du syndicat. Second secrétaire à l'organisation du district Berlin-Brandebourg en 1921, partisan de la gauche. Coopté à la centrale en mai 1923, rôle important dans le M-Apparat.

(Second puis premier secrétaire du parti à l'organisation, dirige la bolchevisation, puis rompt avec la gauche et rallie Thaelmann. Arrêté en 1933, séjourne dans divers camps, préside en 1945 le comité international de Buchenwald. Rôle secondaire après guerre à l'Est dans le K.P.D., puis le S.E.D.)

GEYER, Curt (1891-1967).

Fils d'un pionnier social-démocrate saxon. Etudes supérieures d'économie et histoire. Rédacteur au Vorwärts en 1914 puis au journal du parti du Würzburg. Membre de l'U.S.P.D. en 1917, du conseil de Leipzig en 1918, le préside en 1919. Député à l'Assemblée nationale. Leader des indépendants de gauche, partisan de l'adhésion à l'I.C. A la centrale du V.K.P.D. en 1920, représentant du parti à l'exécutif et au petit bureau. Solidaire de Levi, exclu en août 1921, le suit au K.A.G., à l'U.S.PD., au S.P.D.

(Contrairement à Leyi et aux autres « lévites». Geyer ne se joint pas à l'opposition social-démocrate de gauche. Il émigre en 1933 et se fixe en Grande-Bretagne, où il est membre de l'exécutif S.P.D. en exil. Longtemps correspondant de journaux allemands, se retire en République fédérale.)

GLOBIG, Fritz (né en 1892).

Fils d'ouvrier (onze enfants), mutilé par un tram à quatre ans. Chimigraphe, syndiqué et membre des Jeunesses en 1908, rejoint Spartakus pendant la guerre, tout en continuant de militer dans les Jeunesses. Membre du K.P.D.(S) à sa fondation, et un des premiers dirigeants de la K.J.D. Employé de l'ambassade russe en 1922. Journaliste à Brême en 1923.

(Journaliste en Allemagne jusqu'en 1930. Fixé ensuite à Moscou. Arrêté en 1937, passe de nombreuses années en camp de concentration. Revient en Allemagne en 1955, admis au S.E.D.)

GORTER, Hermann (1864-1927).

Hollandais, fils de pasteur. Etudes littéraires classiques ; professeur de lycée, thèse sur Eschyle. Au parti en 1896, adversaire du révisionnisme, défenseur de la « grève de masses », collaborateur de Tribune en 1907. Exclu en 1909, cofondateur du S.P.D. gauchiste. Opposant à la guerre en 1914, dans la gauche zimmerwaldienne, cofondateur du P.C. néerlandais en 1918. A la fin de l'année, en Allemagne, où il est le mentor de l'aile gauchiste du K.P.D.(S). 1919-20 : membre du bureau de l'I.C. à Amsterdam, en conflit avec le secrétariat, puis l'exécutif. Un des fondateur du K.A.P.D. en avril 1920, auteur d'une réponse à La Maladie infantile du communisme. Négocie à Moscou en novembre le statut de « parti sympathisant » pour le K.A.P.D. Critique en avril 1921 l'action de mars duV.KP.D. En 1922, dirige, lors de la scission du K.A.P.D., le « groupe d'Essen ».

(Meurt en voyage en Belgique ; l'essentiel de ses œuvres littéraires et poétiques à été publié après sa mort.)

GROTHE, Hermann (né en 1888).

Serrurier. Au parti en 1907. Mobilisé en 1914, hospitalisé, de 1916 à 1917, réformé. Membre des délégués révolutionnaires à Marienfelde, chargé entre autres des préparatifs de l'insurrection de novembre. Milite parmi les chômeurs en 1919. Depuis 1922, président du comité national des conseils d'usine.

(Permanent du K.P.D. de 1924 à 1933 ; deux ans et demi de prison sous Hitler ; vit à Bedin-Est.)

GRYLEWICZ, Anton (né en 1885).

Fils d'ouvrier, mécanicien. Au parti en 1912. Deux ans sur le front de l'est, blessé et réformé : outilleur dans une usine de Berlin, membre de l'U.S.P.D. et des délégués révolutionnaires. Adjoint d'Eichhorn à la préfecture de police, rôle important en janvier 1919. Second, puis premier président de l'U.S.P.D. du Grand Berlin en 1920, un des chefs de file de la gauche. Secrétaire à l'organisation du district Berlin-Brandebourg en 1921. Participe en 1923 à Moscou à la mise au point des plans de l'insurrection.

(Leader de la gauche, à la centrale en 1924, plusieurs fois condamné. Exclu du parti en 1927. devient le dirigeant des trotskystes allemands, éditeur des ouvrages de Trotsky en Allemagne. En 1933, arrêté à Prague, dans le cadre d'une provocation visant à l'impliquer dans un procès d'espionnage. Blanchi, gagne la France en 1937 et Cuba en 1941, où il travaille comme menuisier jusqu'en 1955. Retraité à Berlin-Ouest.)

HAASE, Hugo (1863,1919).

Juif de Prusse orientale, « avocat des pauvres » à Koenigsberg, social-démocrate. Député en 1897, président du parti en 1911, de la fraction au Reichstag en 1912. Hostile au vote des crédits en 1914. s'incline par discipline. A partir de 1916, porte-parole de la minorité centriste. Leader de l'U.S.P.D. à sa fondation, commissaire du peuple en novembre-décembre 1918. Chef de file de la droite indépendante, assassiné sur les marches du Reichstag par un nationaliste.)

HAUSEN, Erich (né en 1900).

Fils d'ouvrier, monteur électricien, mobilisé en 1918, il est à l'U.S.P.D. en 1919, au V.K.P.D. en 1920. Secrétaire du district de Lausitz en 1922, membre du C.C. en 1923. Joue un rôle important dans la préparation de l'insurrection.

(Vingt mois de prison, puis secrétaire en Silésie. Accusateur de Thaelmann dans l'affaire Wittorf, exclu en décembre 1928. Organisateur et dirigeant du K.P.O., arrêté et condamné en 1934, émigre en France à sa libération. Interné, passe en 1941 aux Etats-Unis, où il s'est fixé.)

HECKERT, Fritz (1884-1936).

Fils d'ouvrier, maçon. Au parti en 1902, travailleur itinérant, se fixe à Berlin, Brême, puis de 1908 à 1911 en Suisse où, par sa femme, il entre en contact avec les bolcheviks. En 1912, à Chemnitz, où il dirige le syndicat du bâtiment et fait venir Brandler. Il y crée un groupe spartakiste puissant et rallie l'U.S.P.D., qu'il dirige localement. Arrêté en octobre 1918, président du C.O.S. de Chemnitz en novembre. Membre du K.P.D.(S) à sa fondation, il y entraîne l'organisation de Chemnitz de l'U.S.P.D. Suppléant de la centrale en 1919, titulaire en 1921, adjoint au département syndical de la centrale. Rôle important dans les préparatifs clandestins en 1923. En octobre 1923, ministre de l'économie dans le gouvernement saxon du Dr Zeigner.

(Membre de la droite rallié au centre, élu au Polburo en 1928. Membre du présidium de l'I.C. à partir de 1928, représentant auprès de l'I.S.R., puis de l'I.C. Grièvement blessé par les S.A. en 1931. Mort à Moscou : son urne funéraire a été placée dans le mur du Kremlin.)

HESSE, Max (1895-1964).

Fils de métallurgiste, un des fondateurs du D.M.V., mécanicien, aux Jeunesses en 1910, travaille en Scandinavie, puis chez Siemens. Mobilisé en 1914, trois fois blessé, démobilisé en 1916, membre du cercle des délégués révolutionnaires : de nouveau mobilisé, déserte, condamné à six ans de prison, libéré par la révolution. Membre du conseil ouvrier de Spandau. Au K.P.D.(S) dès sa fondation ; en prison de mars à septembre 1919 ; dirigeant du V.K.P.D. à Charlottenburg, et, de 1920 à 1923 président du conseil d'usine de Lorenz. Membre de la gauche, participe à Moscou aux discussions de septembre 1923, puis est envoyé en Saxe.

(Membre de l'exécutif de l'I.C. de 1924 à 1926 ; opposant de gauche, écarté en 1927, puis exclu. Cofondateur du Leninbund. Revient au S.P.D. en 1929, le préside à Charlottenburg, ainsi qu'un conseil d'usine. Arrêté en 1933, s'évade d'Oranienburg, émigre en Hollande, arrêté, non identifié, s'évade en 1944. Revient en Allemagne en 1947.)

HIRSCH, Werner (1899-1937 ?).

Fils de banquier juif. A l'U.S.P.D. en 1917, puis au groupe spartakiste, où il seconde Jogiches. Arrêté début 1918, libéré puis mobilisé dans la marine. Participe aux mutineries de Kiel, un des organisateurs de la Volksmarine Division. Délégué au congrès de fondation du K.P.D.(S). S'éloigne du parti après l'exclusion de Levi, devient correspondant de la presse à Vienne.

(Revient au K.P.D. en 1924, en Allemagne, comme journaliste en 1926. Rédacteur en chef de Die Rote Fahne en 1930, secrétaire de Thaelmann en 1932. Arrêté en 1933, libéré en 1934, rédige une brochure sur les camps. Rejoint l'U.R.S.S. en 1937, arrêté comme « espion » et fusillé.)

HOELZ, Max (1889-1933).

Fils d'ouvrier, scieur de bois ; émigre en Angleterre en 1905, devient mécanicien. Engagé en 1914, grièvement blessé adhère à l'U.S.P.D. et travaille dans les chemins de fer. Organise en 1919 les chômeurs du Vogtland, pratique l'« action directe ». Au K.P.D. en 1919, commence des opérations de guérilla urbaine, qu'il développe sur une grande échelle lors du putsch de Kapp. Poursuivi, se rapproche du K.A.P.D. dans la clandestinité. En mars 1921, organise la lutte armée dans la région de Mansfeld, Arrêté, évadé, repris et condamné à la prison à vie.

(Libéré en 1928, effectue une tournée de conférences ; se rend à Moscou en 1929. Se noie accidentellement : l'hypothèse d'un assassinat a été souvent avancée.)

HOERNLE, Edwin (1883,1952).

Fils de pasteur ; études de théologie. Pasteur pendant trois mois en 1919, au parti en 1910, lié à Mehring et Rosa Luxemburg, puis journaliste à Stuttgart avec Westmeyer. Pendant la guerre, membre du noyau spartakiste, plusieurs fois arrêté, envoyé au front et blessé. Membre de l'U.S.P.D. en 1917, du K.P.D.(S) à sa fondation. Emprisonné de janvier à juin 1919. Spécialiste du travail parmi les enfants et adolescents. A la centrale en 1923 ; membre de l'exécutif et suppléant du présidium de l'I.C.

(Rallié au centre en 1924 ; proteste cependant contre l'exclusion des gauchistes; travaille de 1928 à 1933 dans le département des campagnes de la centrale. Emigre en U.R.S.S. en 1933, membre du comité Freies Deutschland pendant la guerre, revient en 1945 et exerce des fonctions importantes jusqu'a sa mort.)

HOFMANN, Adolf (1858,1930).

Fils d'ouvrier, doreur, puis métallo. Au S.P.D. au temps des lois d'exception. Journaliste, puis éditeur pour le parti en 1893. Député au Landtag prussien en 1900 : très populaire. Au Reichstag en 1904. En 1914, pacifiste, combat les majoritaires et les révolutionnaires. Al'U.S.P.D. en 1917, joue un rôle important pendant les grèves de janvier 1918. Quelque temps ministre de l'éducation en novembre 1918. Indépendant de gauche, au V.K.P.D. et à sa centrale en 1920. Solidaire de Levi, qu'il suit au K.A.G., puis à l'U.S.P.D., mais non au S.P.D.

( Demeure jusqu'à sa mort dans l'U.S.P.D. « maintenu ». )

HÄLLEIN, Emil (1880-1929).

Fils d'ouvrier, émigre en Belgique, outilleur. Au parti en 1905. Au front de 1915 à 1918. A l'U.S.P.D. en 1917, rédacteur en chef de son quotidien d'Iéna. Indépendant de gauche, au V.K.P.D. en 1920, élu à la centrale après la démission de Levi. Assure en 1923 la liaison entre K.P.D. et P.C.F.

(Arrêté, libéré peu après, gravement malade, ne joue plus qu'un rôle secondaire.)

JANNACK, Karl ( né en 1891).

Enfant naturel valet de ferme puis cordonnier. Au parti en 1909. Soldat de 1913 à 1916. Gazé, réformé, se lie à cette date à Brême au groupe Arbeiterpolitik ; arrêté, s'engage, soldat jusqu'à la révolution. Un des fondateurs de l'I.K.D., membre du K.P.D.(S) à sa fondation. Dirigeant de la république des conseils de Brême, puis secrétaire du district Nord-Ouest, exclu au lendemain de Heidelberg avec les gauchistes. Ne rejoint pas le K.A.P.D. et revient au K.P.D.(S), où il reprend ses responsabilités. Depuis 1920, membre du C.C. En 1922, secrétaire des syndicats A.D.G.B. de Remscheid. En 1923, secrétaire pour les syndicats dans le district K.P.D. Rhénanie-Westphalie-Sud, soutien ferme de Brandler contre la gauche.

(Exclu pour activité fractionnelle en 1924, réintégré en 1925, travaille pour le Secours ouvrier. Après 1933, illégal, puis accusé de s'être rallié aux nazis. Arrêté en 1940, offre de se « racheter ». A Buchenwald jusqu'à la fin de la guerre. Après la guerre, en R.D.A., membre du S.E.D.)

JOGICHES, Leo (dit Tvszka, Grosovskv, Johannes Kraft, Otto Engelmann, Krumbügel, etc.) (1867-1919).

Fils d'une riche famille juive de Lituanie, très tôt dans le mouvement révolutionnaire clandestin, arrêté pour lapremière fois en 1888. En Suisse en 1890, rencontre à Zurich Rosa Luxemburg qui sera sa compagne jusqu'en 1906 et sa camarade de combat jusqu'à sa mort. Fonde avec elle le parti social-démocrate polonais, qu'il dirige en émigration, d'Allemagne, à partir de 1897. Revient en Pologne en 1905, joue un rôle important pendant la révolution ; arrêté, condamné à six ans de travaux forcés, s'évade et regagne l'Allemagne. Rupture politique avec Lénine à propos des questions du parti russe dans l'immédiat avant-guerre et conflit aigu avec Radek au sujet du parti polonais. Membre du noyau internationaliste en 1914, corédacteur des lettres de Spartakus, dont il est l'organisateur, se prononce pour l'adhésion du groupe à l'U.S.P.D. Arrêté en mars 1918, libéré par la révolution, devient l'un des dirigeants de la centrale. Hostile à la fondation du K.P.D.(S) et à la rupture immédiate avec l'U.S.P.D., élu à la centrale au congrès de fondation. Hostile à la politique de Liebknecht en janvier 1919, réclame vainement son désaveu public. Arrêté et abattu en mars sous prétexte de tentative de fuite.

JUNG, Franz (1888-1963)

Etudes supérieures ; activités littéraires, dans le courant expressionniste. Déserte en 1914 et fait partie du groupe autour d'Aktion. Rallie le K.P.D.(S) à sa fondation, dans son aile gauchiste. Au K.A.P.D. en 1920. délégué au 2° congrès de l'I.C. Organisateur des groupes de combat du K.A.P.D. (K.O.), joue un rôle important pendant l'action de mars 1921 ; poursuivi, se réfugie en U.R.S.S.

(Revient en Allemagne après 1923 ; correspondant de divers journaux ; émigre aux U.S.A., en revient en 1945, n'ayant plus qu'une activité littéraire.)

KATZ, Iwan (1889-1956).

Fils de commerçant, études supérieures techniques. Aux Jeunesses en 1906, travaille un an comme métallo en 1909, puis assistant dans un séminaire juridico-économique. Membre du S.P.D. avant guerre, y demeure jusqu'à la fin de 1919 où il rallie l'U.S.PD. Au V.K.P.D. en 1920. dirigeant du département « communes » auprès de la centrale en 1922, partisan de la gauche.

(Au Polburo en 1924, puis délégué à Moscou ; en 1925. organisateur de l'opposition ultra-gauche, exclu en janvier 1926. Arrêté en 1934, libéré, arrêté à nouveau en 1940, s'évade et reste illégal jusqu'en 1944, où il est arrêté et déporté à Auschwitz. Après guerre, quelque temps au K.P.D. puis au S.E.D., fonde en 1950 un « parti titiste ».)

KILIAN, Otto (1879-1945).

Typographe, au parti en 1902, permanent en 1906, puis journaliste. Mobilisé de 1915 à 1918, adhère à l'U.S.P.D. en 1917. Président du conseil ouvrier de Halle en 1918, condamné en mars 1919 à trois ans de prison ; amnistié. Indépendant de gauche, au V.K.P.D. en 1920. Adversaire de l'action de mars, demeure dans le parti, puis se rapproche de l'aile gauche.

(Militant actif de la gauche, exclu en 1927, fait son autocritique, réintégré, démissionne et organise le Leninbund. Arrêté en 1933, interné en camp de concentration, meurt du typhus à Bergen-Belsen peu avant la fin de la guerre, )

KIPPENBERGER. Hans (dit Leo, Alfred Langer) (l898-1937),

Etudes secondaires, employé de banque. Lieutenant pendant la première guerre mondiale. Reprend ses études après la guerre, correspondant de presse. A l'U.S.P.D. en 1918, au V.K.P.D. en 1920, Entre en 1922 dans l'appareil clandestin, joue en 1923 un rôle important dans les préparatifs militaires, et un rôle dirigeant dans l'insurrection de Hambourg,

(Se réfugie à Moscou et suit les cours d'une école militaire. Dans l'illégalité en Allemagne de 1924 à 1928, organise l'appareil militaire. Député au Reichstag en 1928 jusqu'en 1933. Rôle important dans la clandestinité en 1933-1935, rappelé à Moscou, fusillé après un procès à huis clos le 3 octobre 1937. Officiellement réhabilité en Union soviétique en mai 1957, mais pas en R.D.A.)

KLEINE, August (Samuel Haifiz, dit Guralski, dit) (1885-1960).

Fils de famille juive pauvre né à Lodz. Etudes supérieures pendant lesquelles il adhère au mouvement juif Poale Zion. Emigré à Vienne, gagne la Russie en février et milite dans les rangs mencheviques, Adhère au parti bolchevique à la fin de 1918 et entre dans l'appareil de l'I.C. En Allemagne en 1921 avec Béla Kun à la veille de l'action de mars. Représentant de l'exécutif en 1922 auprès du K.P.D., élu à la centrale en 1923. Responsable politico-militaire des préparatifs insurrectionnels en Allemagne en 1923, dirigeant du Kopf.

(Animateur du centre après la retraite d'octobre ; rappelé en 1924 après la défaite de son groupe par la gauche. Membre de l'opposition unifiée, derrière Zinoviev, envoyé en mission en Amérique du Sud. Arrêté pendant les grandes purges, libéré après la mort de Staline, serait mort en 1960, selon les sources de R.D.A.)

KNIEF, Johann (1880-1919).

Famille de petite bourgeoisie ; instituteur. Au S.P.D., journaliste à Brème en 1905, élève de Pannekoek. Animateur de l'opposition en 1914, fonde en 1916 Arbeiterpolitik, puis l'I.S.D. qui devient I.K.D, en 1918, se prononce pour la scission et se réclame du bolchevisme, restant en contact avec Radek. Emigre en Hollande en 1917 ou 1918, collabore avec Gorter et Pannekoek, polémique contre les spartakistes, à qui il reproche leur adhésion à l'U.S.P.D. Hostile à la fusion avec Spartakus, refuse d'être délégué au congrès de fondation du K.P.D.(S). Gravement malade, meurt en avril 1919 des suites d'une opération.

KÄBIS, Alwin (1892-1917).

Fils d'ouvrier, chauffeur dans la marine de guerre. Organisateur des marins révolutionnaires en 1917 avec Reichpietsch. Condamné à mort, fusillé en septembre 1917.

KOENEN, Bernhard (1889-1964).

Fils de menuisier socialiste. Syndiqué en 1906, au parti en 1907. Travailleur itinérant (Europe, Afrique du Nord). Mobilisé de 1914 à 1916, entre aux Leuna-Werke, vice-président de leur conseil ouvrier en 1918. Indépendant de gauche, rôle dans l'action de mars, où il s'oppose aux initiatives du K.A.P.D. Au V.K.P.D. en 1920. Délégué au 2° congrès de l'I.C. Représentant de l'exécutif en France et Belgique en 1921-22. Suppléant du C.C. en 1923.

(Membre du centre, puis conciliateur, capitule en 1929, fonctions subalternes. Attaqué par les S.A. en 1933, laissé pour mort, éborgné, parvient à émigrer et se réfugie en l'U.R.S.S. Arrêté en 1937, libéré en 1939, à nouveau arrêté pour avoir révélé les tortures qu'il a subies. Réintégré dans le K.P.D. en 1940, coopté au C.C. en 1942, revient en Allemagne en 1945, occupe des fonctions importantes dans le parti et l'Etat, ambassadeur à Prague.)

KOENEN, Wilhelm (1886-1963).

Frère du précédent. Etudes de commerce, employé dans une librairie du parti, y adhère en 1904. Permanent à partir de 1907. Elève de l'école du parti en 1911. A l'U.S.P.D. en 1917, commissaire du C.O.S. de Halle-Merseburg en 1918, dirigeant de la grève d'Allemagne centrale en 1919. Indépendant de gauche, au V.K.P.D. en 1920, délégué à Moscou à deux reprises en 1921 et 1922, où il présente au 4° congrès le projet de statuts de l'I.C. Défenseur de l'action de mars, puis du compromis de Moscou.

(Rallié au centre, puis conciliateur, capitule en 1929 ; en 1933, émigre en Tchécoslovaquie, France, Grande-Bretagne. Revenu en Allemagne en 1945, fonctions importantes. Critiqué en 1953, réduit à des fonctions subalternes jusqu'à sa mort.)

KÄHLER, Max (né en 1897).

Fils d'ouvrier, ouvrier peintre. Membre des Jeunesses en 1911, du S.P.D. en 1915, rejoint Spartakus et dirige en 1916 son organisation de jeunesse berlinoise. Condamné en 1917 à six ans de prison. Un des fondateurs des Jeunesses communistes, membre du K.P.D. dès sa fondation, occupe des responsabilités nationales et internationales. Nommé chef du département syndical de la centrale en 1923.

(Exclu comme droitier en 1928, membre de la K.P.O. puis du S.A.P. Arrêté, puis libéré, dirige le S.A.P. clandestin arrêté et condamné en 1933 à trois ans de prison ; émigre en 1937. Illégal au Danemark pendant la guerre, revient en Allemagne, au S.P.D. après guerre.)

KOLAROV, Vassili (1877-1950).

Membre du P.S.D. bulgare en 1897, un des dirigeants de la fraction « étroite », probolchevique. Député en 1913. Un des fondateurs du P.C. bulgare en 1919. Représentant de l'exécutif à Iéna en 1921. Membre de l'exécutif à partir de décembre 1922, puis du présidium et de l'Orgburo. Se réfugie à Moscou définitivement après l'insurrection bulgare de septembre 1923.

(Réside en U.R.S.S. de 1923 à 1945, dans l'appareil de l'I.C. puis du P.C.R. Vice-président puis président du conseil en Bulgarie après guerre.)

KÄNIG, Artur (1884- ?).

Ouvrier, autodidacte, devient libraire. Au S.P.D. en 1904, se fixe dans la Ruhr. Mobilisé de 1916 à 1918, adhère à Spartakus. Membre du K.P.D.(S) dont il est le dirigeant à Essen, dès sa fondation, joue un rôle important à la tête de l'armée rouge de la Ruhr en 1920. Membre du comité central, Orgleiter de l'Oberbezirk ouest en 1923, coopté à la centrale en mai comme dirigeant de la gauche.

(Trésorier de la centrale en 1924 ; écarté avec la gauche à partir de 1925 ; destin ultérieur inconnu.)

KORSCH, Karl (1886-1961).

Fils de directeur de banque. Etudes supérieures en Allemagne et en Angleterre : membre de la société fabienne à Londres entre 1912 et 1914. Officier en 1914-1918, adhère à l'U.S.P.D. en 1917. Au V.K.P.D. en 1920. Professeur de droit à Iéna. Octobre 1923 ministre de la justice en Thuringe. Publie, la même année, Marxismus und Philosophe.

(Député au Reichstag de 1924 à 1928, délégué au 5° congrès de l'I.C., dirige l'opposition ultra-gauchiste, exclu en 1926. Emigre et se fixe aux Etats-Unis.)

KUN, Béla (1886-1939).

Employé, social-démocrate en 1902, journaliste, puis permanent. Prisonnier de guerre en Russie, adhère au parti bolchevique en 1917 et fonde fin 1918 le P.C. hongrois, quelques mois avant de diriger l'éphémère République des conseils de Hongrie de 1919. Réfugié à Moscou, commissaire politique de l'armée rouge. Inspirateur du courant gauchiste et de Kommunismus en 1920-1921. Entre au petit bureau en 1921 et arrive en Allemagne à la veille de l'action de mars, dont on lui attribue généralement la responsabilité.

(Fonctionnaire de l'appareil international, arrêté en 1937 et exécuté sans procès. Réhabilité en 1956)

KUUSINEN, Otto (1881-1964).

Etudiant social-démocrate, professeur de philosophie en 1905, prend part à la révolution. Député et dirigeant du centre dans le parti social-démocrate finlandais. Membre du gouvernement provisoire en 1918, adhère au communisme après la défaite de la révolution et fonde le P.C. finlandais. A partir de 1921, secrétaire de l'exécutif de l'I.C.

(Fonctionnaire de l'I.C. jusqu'en 1939, puis du parti russe. Prendra part à la déstalinisation.)

LANGE, Paul (1880-1951)

Employé. Au parti en 1900, dirigeant du syndicat des employés. Membre de Spartakus pendant la guerre, de la centrale en 1918. Il quitte le K.P.D. avec qui il est en désaccord sur la politique syndicale en 1920, à la veille de l'unification avec les indépendants de gauche. Rejoint l'U.S.P.D., et, en 1922, le S.P.D.

(Membre de l'opposition de gauche social-démocrate avec Levi, joue un rôle très effacé ; au S. E. D. en 1946.)

LAUFENBERG, Heinrich (1872-1932).

Fils d'une famille catholique de Rhénanie ; docteur en philosophie, passe du Centre catholique au S.P.D. ; journaliste à Düsseldorf de 1904 à 1908, chargé d'écrire l'histoire du mouvement ouvrier de Hambourg, s'y fixe. Organise l'opposition de gauche dans cette ville en 1914. Président du C.O.S. de Hambourg en 1918-1919, animateur des « communistes unifiés » au 1° congrès des conseils en décembre 1918. Partisan des unions, exclu à Heidelberg du K.P.D.(S), membre du K.A.P.D., dont il est exclu la même année, après avoir, avec Wolffheim, développé les thèses national-bolchevistes. Accusé de contacts avec les généraux kappistes en 1920.

(Destin ultérieur inconnu.)

LEDEBOUR, Georg (1850-1947).

Instituteur, acteur, puis journaliste. Député de Pankow, célèbre par ses interruptions, radical avant guerre, centriste pendant la guerre, hostile aux bolcheviks et aux spartakistes. Membre de l'U.S.P.D. en 1917 et de son organisation berlinoise en 1918, inspirateur du cercle des délégués révolutionnaires. Coprésident du comité révolutionnaire en janvier 1919, inculpé pour haute trahison, accusé de putschisme par les communistes. Rompt avec les indépendants de gauche sur la question de l'adhésion à l'I.C., demeure à l'U.S.P.D. en 1920 et revient au S.P.D. en 1922.

(Emigre en Suisse en 1933 : y meurt après la guerre.)

LEOW, Willi (1887-1937).

Fils d'ouvrier, menuisier. Au parti en 1904, adhère à Spartakus pendant la guerre, alors qu'il est déjà l'un des organisateurs des Jeunesses. Arrêté en mars 1918 ; libéré par la révolution. Occupe différentes fonctions dans l'appareil clandestin avant 1923.

(Vice-président et véritable organisateur de la Ligue des combattants du front rouge en 1924, député en 1928, membre du C.C. en 1929. Emigre en 1933, en U.R.S.S. en 1934, arrêté en 1937 et vraisemblablement exécuté sans procès la même année.)

LEVI, Paul (dit Paul Hartstein, Paul Hartlaub) (1883-1930).

Fils de banquier juif. Etudes juridiques à Berlin. Grenoble, Heidelberg. Avocat à Francfort et membre du S.P.D. en 1906. Défenseur de Rosa Luxemburg en 1913, fait partie du noyau autour d'elle dès 1914. Mobilisé, réformé en 1916, s'établit en Suisse, se lie à Radek, puis Lénine, fait partie du bureau de la gauche zimmerwaldienne. Se prononce pour la scission d'avec les social-chauvins et les centristes en 1917. Apporte sa caution au voyage de Lénine à travers l'Allemagne. Mobilisé à nouveau, puis réformé, dirigeant spartakiste en 1918. Membre de la centrale, proche collaborateur de Rosa Luxemburg, il s'oppose en janvier 1919 aux initiatives de Liebknecht et est porté à la tête de la centrale en mars. Entame la lutte contre les gauchistes et organise la scission à Heidelberg. Président du V.K.P.D. en 1920. démissionne en février 1921 et condamne publiquement l'action de mars. Exclu en avril ; il fonde le K.A.G. et rallie en 1922 l'U.S.P.D., puis le S.P.D. Organise en août 1923 une conférence de l'opposition social-démocrate de gauche.

(Député jusqu'à sa mort, animateur de la « nouvelle gauche » et de Sozialistische Politik und Wirtschaft, puis Der Klassenkampf. Se suicide en se jetant d'une fenêtre au cours d'une crise de fièvre.)

LEVIEN, Max (1885-1937).

Fils de commerçant juif né à Moscou. Etudes en Russie dans une école allemande, puis à l'université en Allemagne. En Russie en 1905, militant du parti s.r. Emigre, poursuit ses études en Suisse, où il se lie avec les bolcheviks mais abandonne l'action politique. Achève ses études en Allemagne où il se fait naturaliser. Mobilisé de 1914 à 1918. Dirigeant spartakiste à Munich en 1918-1919, président du conseil des soldats de Munich. Un des dirigeants de la république des conseils. S'enfuit à Vienne, puis en U.R.S.S. en 1921, où il travaille dans l'appareil de l'I.C.

(A partir de 1924, il est le « protecteur » de la gauche allemande à Moscou, et lié à Maslow. Exécuté pendant les grandes purges)

LÉVINÉ, Eugen (1883-1919).

Fils de commerçant juif, né à Pétersbourg. Etudes secondaires et supérieures en Allemagne après 1897. Participe comme s.r. à la révolution de 1905. Arrêté en 1906, puis 1908, sévèrement traité. Poursuit ses études en Allemagne et adhère au S.P.D. Mobilisé de 1914 à 1916, adhère à l'U.S.P.D. et travaille à l'agence russe Rosta. Membre de Spartakus, organisateur en Rhénanie, délégué au congrès des conseils. Envoyé au congrès de l'I.C., ne parvient pas à rallier la Russie, est désigné pour réorganiser le K.P.D.(S) en Bavière et l'épure de ses gauchistes anarchisants. Dirigeant de la II° république des conseils de Munich, condamné à mort et fusillé.

LIEBERASCH, Arthur (1881-1966).

Fils d'ouvrier, serrurier. Syndiqué en 1899, au parti en 1906, à l'U.S.P.D. en 1918, dirigeant de la grève de Leipzig la même année, du conseil ouvrier en novembre. Indépendant de gauche, au V.K.P.D. en 1920. Partisan de Brandler en 1923.

(Pilier de la droite, exclu en 1929, cofondateur de la K.P.O. émigre en Suisse en 1933. Revenu à Leipzig, admis au S.E.D. en 1947, exclu en 1951, réadmis et réhabilité après la mort de Staline.)

LIEBKNECHT, Karl (1871-1919).

Fils de Wilhelm Liebknecht, fondateur du parti, Avocat à Berlin en 1906. Membre du parti depuis 1900. Dirigeant des Jeunesses socialistes, condamné pour son activité antimilitariste. Député au Reichstag en 1912, vote par discipline les crédits de guerre en août 1914. Est ensuite le porte-drapeau de l'opposition révolutionnaire à la guerre. Mobilisé, organise la manifestation contre la guerre du 1° mai 1916, condamné à quatre ans de forteresse. Amnistié en octobre, participe aux préparatifs insurrectionnels. Dirigeant de Spartakus, puis du K.P.D.(S) à sa fondation, l'un des inspirateurs du soulèvement de janvier. Arrêté et abattu par ses geôliers.

LINDAU, Rudolf (né en 1888).

Fils de sellier, ouvrier des transports. Au parti en 1907. Dirigeant des radicaux de gauche de Hambourg pendant la guerre, demeure au K.P.D.(S) lors de la scission du K.A.P.D. En 1921, secrétaire du district de Wasserkante. Membre de la gauche, modéré, élu à la centrale en 1923, travaille au département d'organisation.

(Rallie le groupe du centre en 1924 ; journaliste et historien ; à Moscou de 1933 à 1945 ; directeur de l'école du parti à Berlin en 1946, limogé en 1950 ; auteur de travaux historiques.)

LUXEMBURG, Rosa (1871-1919).

Née en Pologne d'une famille juive appauvrie. Emigre en 1888 à Zurich, rencontre Jogiches et fonde avec lui le parti social-démocrate polonais. Se fixe en Allemagne en 1893, naturalisée grâce à un mariage blanc. Polémique contre les révisionnistes. Revient en Pologne lors de la révolution de 1905, arrêtée puis libérée sous caution. Professeur à l'école centrale du parti à Berlin à partir de 1907. Rompt avec Kautsky et le centre du parti allemand en 1912. Organise dès août 1914 la résistance au social-chauvinisme, fonde le groupe Internationale. Deux fois emprisonnée, libérée par la révolution, elle cherche à maintenir le groupe Spartakus, dont elle est le cerveau, dans les rangs de l'U.S.P.D. Dirige Die Rote Fahne. Membre de la centrale, hostile au soulèvement de janvier, arrêtée et assassinée dans les mêmes conditions que Liebknecht.

MALZAHN, Heinrich (1884-1957).

Fils d'ouvrier, mécanicien. Au parti en 1906, dans l'opposition de gauche du syndicat des métallos. Membre du cercle des délégués révolutionnaIres. A l'U.S.P.D. en 1917, membre du comité d'action des grévistes eu janvier 1918, de l'exécutif des conseils en novembre 1918, du comité révolutionnaire en janvier 1919, puis président du comité des conseils d'usine de Berlin. Député indépendant en 1920, un des chefs de file de la gauche. Au V.K.P.D. et dans la commission syndicale en 1920. Hostile à l'action de mars, organise cependant la grève dans la Ruhr. Prend la défense de Paul Levi au 3° congrès de l'I.C. Organise l'opposition de droite avec Brass et Friesland, exclu en janvier 1922. revient à l'U.S.P.D. puis au S.P.D.

(Rôle politique ultérieur mineur ; arrêté par les nazis de 1940 à 1945.)

MARCHLEWSKI, Julian (dit Karski, dit Johannes Kampfer) (1866-1925).

Né en Pologne, études secondaires, puis ouvrier teinturier. Militant clandestin dès 1888, émigre, reprend des études, participe à la fondation du parti social-démocrate polonais avec Rosa Luxemburg et continue à être lié avec elle en Allemagne, où il se fixe en 1893. Membre du noyau spartakiste, emprisonné de 1916 à 1918, libéré comme ressortissant russe à la demande du gouvernement soviétique, revient en février 1919 et conseille la commission des neuf dans la Ruhr. S'échappe, retourne en Russie, puis en Pologne. où il est l'un des dirigeants du P.C. Décline l'offre de reprendre en 1921 un poste dirigeant dans le K.P.D. Fixé à Moscou, dirigeant du secours ouvrier international.

MASLOW, Arkadi f Isaac Tchéréminski dit ) (1893-1941).

Né à Elisabetgrad d'une riche famille juive russe qui s'installe en Allemagne en 1899. Brillantes études très éclectiques : sciences naturelles, musique, physique sous la direction d'Einstein. N'a aucun lien avec le mouvement ouvrier en 1914. Interné comme ressortissant étranger, volontaire pour le travail auprès des prisonniers russes, puis sert comme interprète dans l'armée allemande. Reprend ses études à Berlin en 1919, fait la connaissance de Levi et de Rurh Fischer, qui le gagnent au communisme, milite au K.P.D. sous le pseudonyme de Maslow ; élu en novembre 1920 au comité central comme représentant de la « section russe », déjà l'un des chefs de file de la gauche. A la pointe des attaques contre Levi, partisan de l'action de mars et de la théorie de l'offensive, adversaire du compromis de Moscou, ce pour quoi Lénine suggère en vain son envoi en Russie. Arrêté en 1922, se proclame agent russe, ce qui lui vaut des difficultés avec le parti et ne l'empêche pas d'être condamné à huit mois de prison. Porte-parole de la gauche au congrès de Leipzig, élu au comité central. Convoqué à Moscou en septembre pour les préparatifs de l'insurrection, y est retenu par une commission d'enquête.

(Blanchi par la commission que préside Staline, revient en Allemagne en janvier 1924 ; en avril, membre du Polburo et dirigeant du K.P.D. avec Ruth Fischer. Arrêté en mai 1925, ne sera libéré qu'en juillet 1926. Entre-temps, il a pris position contre la formation de syndicats rouges et pour le retrait du candidat communiste au second tour des présidentielles. Attaqué par l'exécutif dès septembre 1925, exclu en août 1926. Cofondateur et dirigeant du Leninbund. Emigre à Paris avec Ruth Fischer de 1933 à 1940 ; non autorisé à entrer aux Etats-Unis, se fixe à Cuba où il meurt, tué par une voiture. Ruth Fischer attribuera sa mort à l'action de tueurs de Staline.)

MASLOWSKI, Peter (né en 1893).

Ouvrier tailleur, à l'U.S.P.D. en 1917, membre de la Ligue des soldats rouges en 1918, au V.KP.D. en 1920. En 1923, secrétaire du district de Rhénanie moyenne à Cologne, dirigeant de la gauche modérée.

(Rallie le centre en 1924, journaliste actif, député à deux reprises, plusieurs fois condamné ; émigre en 1933, rompt avec le K.P.D. après l'exclusion de son ami Münzenberg. Illégal en France (Grenoble) pendant la guerre, en contact avec les trotskystes. Revient en Allemagne en 1945 et rejoint le S.P.D.)

MEHRING, Franz (1846-1919).

Fils de famille bourgeoise. Ecrivain et journaliste libéral, adhère au parti au temps des persécutions antisocialistes. Auteur d'ouvrages d'histoire et critique littéraire. Longtemps rédacteur en chef de Leipziger Volkszeitung, et éditorialiste de Die Neue Zeit. Lié à Rosa Luxemburg, l'accompagne dans sa rupture avec Kautsky. Membre du noyau internationaliste en 1914, spartakiste, manifeste dès 1917 sa sympathie pour les bolcheviks. Malade, ne prend pas part à la fondation du K.P.D.(S), dont il est membre. Très atteint par le meurtre de Liebknecht et Rosa Luxemburg, meurt quelques semaines après.

MELCHER, Erich (1892-1944).

Fils d'ouvrier, outilleur. Au parti en 1910, mobilisé de 1912 à 1917, travaille ensuite aux usines Daimler à Stuttgart et rejoint Spartakus et l'U.S.P.D. Cofondateur du K.P.D.(S) au Wurtemberg, premier président du syndicat des métaux de Stuttgart en 1919, inspirateur de la lettre ouverte de janvier 1921, exclu du syndicat en mai. Bref séjour à Moscou, puis chef du bureau des métaux au département syndical de la centrale. Au printemps 1923, secrétaire chargé des questions syndicales dans le district de Berlin-Brandebourg. Dirige le département « sécurité » dans le cadre de la préparation de l'insurrection.

(Ecarté comme droitier, emprisonné de juillet 1924 à août 1926. Polleiter à Dresde, exclu comme droitier en 1928. A la K.P.O., puis au S.A.P. Travail illégal sous Hitler. Emprisonné de 1934 à fin 1936, puis arrêté en août 1937 et déporté à Buchenwald, où la direction clandestine du parti le traite en « ennemi du parti » : meurt en « transport ».)

MERGES, August (1870-1933).

Fils d'ouvrier, tailleur. Au parti vers 1890, occupe différentes responsabilités. Lié à Thalheimer, membre du groupe Spartakus à Brunswick, où il préside en novembre 1918 le conseil ouvrier puis la république socialiste ou Brunswick ; après l'écrasement du mouvement révolutionnaire, rejoint le K.A.P.D. qu'il représente à Moscou au 2° congrès de l'I.C. ; dans la minorité du K.A.P.D., jusqu'en 1921, rallie ensuite le K.P.D.

(Assassiné par les S.S. en 1933.)

MEYER, Ernst (1887-1930).

Fils de mécanicien de locomotive. Etudes supérieures. De formation religieuse étroite, polémique contre les socialistes et finit par adhérer au parti en 1908. Soutien sa thèse en 1910, travaille comme statisticien, Début 1913, journaliste au Vorwärts, où il est chargé des rubriques d'art et littérature. Ami de Rosa Luxemburg, opposant dès août 1914. Tuberculeux, non mobilisé, sera un des piliers de Spartakus pendant la guerre, malgré plusieurs arrestations. A la centrale en 1918, élu à celle du K.P.D.(S) à sa fondation. Un des principaux dirigeants du parti avec Levi, rédacteur en chef de Die Rote Fahne, puis secrétaire du Polburo en 1921, et président du parti. Très hostile à la gauche, mais critiqué à l'exécutif pour ses positions opportunistes, cède la place à Brandler à son retour en août 1922. Non réélu à la centrale en 1923. Secrétaire de l'Oberbezirk Sud pendant la préparation de l'insurrection.

(Dirigeant du centre en 1924, puis des « conciliateurs », Se prononce ouvertement contre la ligne ultra-gauche de l'I.C en 1929, meurt au début de 1930.)

MÄLLER, Werner (dit Nauffacher) (1888-1919).

Fils d'ouvrier, ferblantier, tout jeune au parti, devient écrivain. En 1914, dans le groupe berlinois de Borchardt, un des dirigeants des I.S.D, Neuf mois de prison en 1915, dirigeant des I.S.D. à Berlin, collaborateur d'Arbeiterpolitik. Dirigeant des I.K.D. et l'un des dirigeants des gauchistes de Berlin. Dirige l'occupation et assure la défense de l'immeuble du Vorwärts en janvier 1919 ; abattu par les soldats des corps francs.

MÜLLER, Richard (1890- ?).

Fils d'ouvrier, tourneur. Responsable de la branche des tourneurs dans le syndicat des métaux de Berlin, en 1914, dirigeant de l'opposition à la guerre, organisateur du réseau des délégués révolutionnaires, dirige les grèves de juin 1916, avril 1917 et janvier 1918. Mobilisé. Président de l'exécutif des conseils en novembre 1918, lutte contre la convocation de l'Assemblée nationale, Adversaire de l'entrée des délégués dans le K.P.D.(S), proteste contre les initiatives qui conduisent au soulèvement de janvier. Dirige la grève de mars 1919 à Berlin. Leader de l'opposition de gauche dans les syndicats et à l'U.S.P.D. Au V.K.P.D. en 1920, soutient Levi en 1921, démissionne et abandonne toute activité politique,

(Sort ultérieur inconnu.)

MÜNZENBERG, Willi (1887-1940).

Fils d'aubergiste, travailleur itinérant à douze ans. Aux Jeunesses en 1906. A partir de 1910 en Suisse où il dirige les Jeunesses socialistes, puis se lie aux bolcheviks et réorganise la direction de l'Internationale des jeunes socialistes. Emprisonné à plusieurs reprises, expulsé de Suisse en 1918. A partir de novembre, membre de l'U.S.P.D. et de Spartakus à Stuttgart, organise la conférence nationale des Jeunesses socialistes (de gauche) à Berlin en décembre. Délégué au premier congrès des conseils. Adhérent au K.P.D.(S) dès sa fondation, arrêté cinq mois en 1919, dirige le groupe tampon, entre Levi et les gauchistes, au congrès de Heidelberg. Secrétaire de l'Internationale des Jeunesses communistes jusqu'en 1921, en conflit avec l'exécutif à plusieurs reprises. Chargé en 1921 d'organiser le Secours ouvrier international.

(Fondateur d'un réseau d'affaires, le « trust Münzenberg », pour le compte de l'Internationale, député de 1924 à 1933, émigre en France et refuse de se rendre en U.R.S.S. où il est convoqué : exclu du K.P.D. en 1938. Interné en 1940, libéré pendant la débâcle de l'armée française, assassiné près de Saint-Marcellin,)

NEUBAUER, Theodor (dit Lorenz), (1890-1945),

Fils d'un fonctionnaire nationaliste. Etudes supérieures : doctorat en 1913 et activité dans le parti national-libéral. Engagé volontaire en 1914, lieutenant en 1915, gazé en 1917. Membre du « parti de la patrie allemande », rejoint le parti démocrate en 1918, alors qu'il est enseignant. Evolue rapidement à gauche, à l'U.S.P.D. à la fin de l'été 1919 et au K.P.D. l'année suivante. Toujours enseignant, Ministre communiste dans le gouvernement Frölich en octobre 1923.

(Passe dans la clandestinité, milite dans la gauche, jusqu'en 1927; journaliste, puis député après 1928, spécialiste de politique étrangère, fait de fréquents séjours à Moscou. Arrêté en 1933, libéré en 1939, organise un groupe clandestin. Arrêté en 1944, condamné à mort et exécuté en 1945.)

NEUMANN, Heinz (1902-1937 ?).

Fils de famille bourgeoise, révolté, placé à quinze ans dans une institution spécialisée. Etudes secondaires, puis supérieures de philosophie. Adhère aux Jeunesses en 1918, au K.P.D. en 1920 : recruté par Friesland, formé par Thalheimer. Travaille au bureau de presse du parti, à Inprekorr, Die Rote Fahne à partir de 1922. Condamné à six mois de prison, apprend le russe, ce qui lui permettra, la même année, d'être le premier dirigeant allemand à avoir des relations personnelles avec Staline. Membre de l'opposition de gauche en 1923, rompt avec elle en avril, joue un rôle important dans le M- et le Z- Apparat au cours de la préparation de l'insurrection.

(Secrétaire du district de Mecklemburg ; arrêté, s'évade. Représentant du K.P.D. à Moscou en 1925, contribue à l'élimination de la direction allemande des protégés de Zinoviev. Envoyé en mission en Chine en 1927, organise avec Lominadzé la commune de Canton. Un des rares dirigeants à soutenir Thaelmann dans l'affaire Wittorf en 1928, devient rédacteur en chef de Die Rote Fahne et l'un des principaux dirigeants du parti, Jusque-là porte parole de Staline dans le K.P.D. s'oppose à sa politique en 1932, perd toutes ses responsabilités et est envoyé en Espagne. Reconnaît en 1934 ses activités fractionnelles dans une autocritique ; arrêté en Suisse, expulsé en U.R.S.S., arrêté en avril 1937 et exécuté sans procès),

NEUMANN, Paul (né en 1888),

Fils d'ouvrier, métallo. Membre du parti très jeune, du cercle des délégués révolutionnaires en 1916, de l'U.S.P.D. en 1917, membre du comité révolutionnaire en janvier 1919. Animateur de l'opposition de gauche dans le syndicat des métallos, indépendant de gauche, au V.K.P.D. en 1920. S'oppose aux décisions prises par le comité central en mars 1921 et soutient Levi. Délégué de la « droite » au 3° congrès de l'I.C. Animateur de l'opposition de droite avec Brass, son collègue au département syndical de la centrale, soutient Friesland, est exclu en janvier 1922. Revient à l'U.S.P.D. en 1922, puis au S.P.D.

(Activité et destin ultérieur inconnus,)

NIEDERKIRCHNER, Michaël (1882-1949).

Fils de tailleur de pierres, né en Hongrie. Plombier, au parti hongrois en 1903, allemand, à Berlin, en 1905. A l'U.S.P.D. en 1917, au V.K.P.D. en 1920. Secrétaire du syndicat des plombiers de Berlin depuis 1921. Soutient Levi et proteste en 1921 contre la condamnation du K.A.G. Pilier de la droite dans le parti en 1923.

(Demeure un dirigeant syndical très populaire, membre du comité central en 1927, puis 1929. Arrêté en 1933, expulsé comme étranger. En U.R.S.S., d'où il revient en 1945 et remplit plusieurs fonctions importantes.)

OSTERLOH, Hermann (1886-1961).

Fils d'ouvrier, serrurier, au parti en 1908. Mobilisé en 1914, prisonnier en Russie, adhère en 1917 au parti bolchevique. Arrêté et refoulé à la frontière allemande en décembre 1918, ne revient qu'en 1919, milite à Brême comme secrétaire chargé des questions paysannes.

(Permanent à des postes divers, exclu comme droitier en 1928, rejoint le S.P.D. en 1930 et travail1e en usine ; condamné à huit ans de camp en 1934. Dirigeant du S.P.D. à Brême après guerre.)

PANNEKOEK, Anton (dit Harper, dit Homer) (1873·1960)

Hollandais, études supérieures d'astronomie, au parti en 1902, constitue l'aile gauche à partir de 1905 et dirige le groupe Tribune ; exclu en 1909, fonde le parti de gauche S.D.P. Fixé en Allemagne depuis 1905, demeure de longues années à Brême où il forme de nombreux militants. Polémique avant guerre contre Kautsky. Revient en Hollande en 1914, membre de la gauche zimmerwaldienne, cofondateur du P.C. hollandais en 1918, soutient les I.K.D. en Allemagne, puis devient le théoricien du gauchisme allemand. Inspirateur du programme du K.A.P.D. en 1920, et théoricien de ce parti.

(Après les crises du K.A.P.D., reprend ses activités scientifiques et publie des travaux qui font autorité : continue à inspirer l'activité, en Hollande et dans quelques autres pays, du groupe des communistes des conseils.)

PETER, Bruno (né en 1884).

Fils d'ouvrier, outilleur. Au parti avant guerre, secrétaire du cercle de Charlottenburg en 1916 et membre du groupe Spartakus, membre du cercle des délégués révolutionnaires. A l'U.S.P.D. en 1917, dirige la grève d'avril à l'usine D.M.W. de Berlin. Arrêté en janvier 1918, libéré par la révolution. Président du conseil ouvrier de Francfort-sur-Oder. Membre du K.P.D.(S) à sa fondation, de la commission de contrôle dans les années suivantes.

(En 1946 au S.E.D. : rôle secondaire depuis longtemps).

PFEIFFER, Hans (1895-1968).

Fils d'ouvrier, outilleur. Au parti en 1913, converti à l'anarchisme en Suisse, revient avant 1914 à la social-démocratie. Réformé pendant la guerre, milite à Berlin en liaison avec les groupes de jeunesse autour de Münzenberg, rejoint les spartakistes. A l'U.S.P.D. en 1917, au K.P.D. dès sa fondation. Spécialiste de l'organisation : secrétaire du district de Berlin-Brandebourg à partir de 1919 chargé de l'organisation. Elu à la centrale en janvier 1923, se sépare de la gauche en avril.

(Un an de prison en 1924-1925 ; combat la gauche et occupe des responsabilités d'organisation à Berlin, puis Moscou, et Prague. Arrêté en 1933, condamné à trois ans de prison en 1934. Retourne en usine. Membre obscur du K.P.D. puis du S.E.D. après guerre.)

PFEMFERT, Franz (1879-1954).

Ecrivain, éditeur de Aktion, critique de gauche du S.P.D. avant 1914, chef de file de la littérature expressionniste pendant la guerre, fonde en 1915 un « parti socialiste antinational ». Rejoint le K.P.D.(S) à sa fondation, met Aktion au service du courant gauchiste, rejoint le K.A.P.D. en avril 1920 et défend les « unions ». Exclu du K.A.P.D. au début de 1921, poursuit une critique de gauche des partis ouvriers.

(Après 1923, s'attache à créer une « Ligue Spartakus n° 2 » ; personnellement lié à Trotsky, se rapproche des thèses défendues par l'opposition de gauche internationale. Emigre en 1933 vers Prague, puis Paris, en 1940 à New York et se fixe en 1941 à Mexico, où il est photographe, et y meurt.)

PIECK, Wilhelm (1876-1960).

Fils de manœuvre, menuisier. Syndiqué en 1894, au parti en 1895, travaille à Brême jusqu'en 1906 comme menuisier, de 1906 à 1910 dans l'appareil du parti local. En 1910, à Berlin comme responsable de la formation, travaille avec Ebert, mais se situe à la gauche du parti. Membre du groupe Internationale en 1914, arrêté en mai 1915, mobilisé en octobre, condamné pour refus d'obéissance à un an et demi de prison en août 1919 ; déserte et passe en Hollande en janvier 1918. Revient en novembre, est coopté avec Liebknecht au cercle des délégués révolutionnaires. Elu à la centrale de Spartakus, puis du K.P.D.(S). Lieutenant de Liebknecht en janvier, arrêté en même temps que lui, libéré peu après, arrêté encore de juillet à novembre 1919 : la première arrestation lui vaudra des accusations assez invraisemblables. Un des auteurs en 1921 de la déclaration d'opposition loyale, s'efforce d'obtenir un compromis dans la Ruhr sur mandat de la centrale. Droitier, soutien de Brandler, homme de confiance de l'exécutif, auprès duquel il est délégué notamment en 1921.

(Rallié au centre en 1924, dirige le Secours ouvrier, puis, en 1926, le district de Berlin ; fait son autocritique et s'incline devant Staline en 1929, membre de l'exécutif de l'I.C. depuis 1928, du secrétariat et du présidium depuis 1931, longtemps secrétaire de l'I.C. pour les Balkans. De 1933 à 1938, à Paris. A Moscou en 1938, travaillera au comité pour l'Allemagne libre pendant la guerre. Revient en 1945 comme président du K.P.D., président du S.E.D. en 1946, président de la R.D.A. de sa fondation en 1949 à sa Mort.)

PLATTNER, Karl (1893-1933).

Fils d'ouvrier, typographe. Aux Jeunesses avant guerre, au parti en 1914. Organisateur des Jeunesses pendant la guerre, condamné à un an et demi de prison pour un tract solidaire de l'action de Liebknecht. Fondateur des I.K.D. à Dresde en 1918, membre du conseil des ouvriers et soldats de Dresde, en démissionne. Membre du K.P.D.(S) à sa fondation et activiste de son aile gauchiste. Rôle important dans la république des conseils de Brême en 1919, dans la lutte contre les kappistes dans la Ruhr en 1920 ; membre du K.A.P.D. à sa fondation, chef de son organisation de combat, organise des « expropriations » pour financer son parti ; rôle important dans les combats de mars 1921 ; organisateur de guérillas urbaines, arrêté en 1921 et condamné en 1923 seulement à dix ans de forteresse.

(Amnistié en 1928, réintègre le K.P.D. Selon H. Weber, mort à Buchenwald ; selon M. Bock, abattu en tentant de franchir la frontière tchécoslovaque, )

POGANY, Josef (dit Pepper) (1886-1937).

Journaliste social-démocrate ; rejoint le P.C. hongrois et préside le conseil des soldats de Budapest en 1919. Réfugié à Moscou après la défaite, collaborateur de l'exécutif, accompagne Béla Kun à Berlin en 1921 et mène la lutte contre le courant « droitier » au sein des Jeunesses.

(Ne joue plus aucun rôle en Allemagne ; organise sous le nom de Pepper le P.C. américain. Arrêté et liquidé pendant les grandes purges staliniennes.)

POHL, Käthe (Katarina ou Lydia Rabinovitch, dite) (née en 1892).

Née en 1892 à Pétersbourg. Compagne de Guralski-Kleine, milite en Allemagne sous un pseudonyme. Secrétaire du Polburo en 1921, collabore à Inprekorr. Rôle dans la Ruhr en 1923.

(Käthe Pohl, ralliée au centre en 1924, semble avoir cessé toute activité politique ; sa trace se perd.)

RADEK, Karl (Karl Bernardovitch Sobelsohn, dit Parabellum, dit Arnold Struthahn, dit Paul Bremer, dit Max, dit) (1885-1940 ?)

Fils de famille juive de Galicie autrichienne. Etudes en Pologne, puis à Vienne et en Suisse. Milite à dix-huit ans dans le mouvement clandestin, rencontre Jogiches en 1904, joue un rôle important dans la révolution de 1905. Arrêté en 1906, s'évade, gagne l'Allemagne en 1908, écrit dans la presse du parti à Leipzig puis Brême et se fait connaître par sa polémique contre Kautsky. Exclu du parti polonais en 1912 à l'instigation de Jogiches et Rosa Luxemburg, il l'est du S.P.D. en 1913 à la suite d'une bruyante « affaire ». Emigre en Suisse en 1914, participe aux conférences de Zimmerwald et Kienthal, collabore à Arbeiterpolitik et joue un rôle important dans la formation de la gauche zimmerwaldienne : proche de Lénine, en conflit avec lui sur la question nationale. Parti de Suisse avec lui, Organise à Stockholm un bureau du C.C. chargé de la propagande révolutionnaire en Allemagne. En octobre 1918 à Petrograd, vice-commissaire aux affaires étrangères, participe aux discussions de Brest-Litovsk et organise la propagande bolchevique en direction des prisonniers de guerre et des troupes allemandes. En mission clandestine à Berlin en décembre 1919, prend part au congrès de fondation du K.P.D.(S), dont il contribue à hâter la décision. S'oppose vainement aux initiatives de Liebknecht en janvier 1919. Arrêté en février, bénéficie au bout de quelques mois d'un traitement de faveur. Libéré à la fin de l'année, devient secrétaire de l'exécutif de l'I.C., fonction dont il est écarté pour avoir soutenu Levi et le K.P.D. contre son propre parti dans l'affaire du K.A.P.D. Co-auteur de la lettre ouverte de janvier 1921 avec Levi, engage le combat contre ce dernier, et, jusqu'au 3° congrès, apporte son soutien à la gauche allemande, dont il était jusque-là l'adversaire. A partir du 3° congrès de l'I.C., il est le mentor du K.P.D. et son principal dirigeant politique, en même temps que diplomate soviétique officieux introduit dans les milieux dirigeants allemands. Solidaire de la décision de retraite de Brandler en octobre 1923.

(Désigné comme bouc émissaire pour la défaite de 1923 après sa prise de position en faveur de l'opposition de gauche en Russie. Recteur de l'université des peuples d'Orient à Moscou, membre important de l'opposition unifiée en 1926-1927, exclu et déporté, capitule en 1929. Journaliste, accusé accusateur au second procès de Moscou en 1937, il n'est condamné qu'à une peine de prison et meurt en camp de concentration.)

RAKOSI, Maryas (1892-1971).

Fils de famille juive aisée. Etudes à Budapest, puis en Allemagne et Angleterre. Aux Jeunesses socialistes en 1911. Mobilisé en 1914, prisonnier en Russie, membre du groupe qui, avec Béla Kun, se rallie au communisme. Revient en Hongrie au début 1918, commissaire du peuple de la république des conseils en 1919. Réfugié à Moscou, où il travaille dans l'appareil de l'exécutif, qu'il représente notamment au congrès de Livourne. Son intervention au sein de la centrale du K.P.D. provoque la crise dans ce parti et la démission de Levi. A partir de 1922, membre du secrétariat de l'I.C.

(En mission clandestine en Hongrie en 1925, arrêté et condamné, échangé en 1940 contre des drapeaux hongrois de 1848. Citoyen russe, réside en U.R.S.S. de 1940 à 1944, revient avec l'armée russe comme secrétaire général du parti hongrois. Contraint de démissionner en juillet 1956 après une longue résistance. Quitte la Hongrie après la révolution d'octobre 1956 pour l'Union soviétique. Exclu du parti hongrois, où il a incarné le stalinisme, en août 1962. Mort en U.R.S.S.)

RAU, Heinrich (1899-1961).

Fils de paysan. Ouvrier dans la métallurgie. Aux Jeunesses en 1913. Spartakiste en 1916. Membre de l'U.S.P.D. en 1917, du K.P.D. à sa fondation. Responsable à Stuttgart en 1919-1920. A Berlin en 1920 comme chef du département de la terre auprès de la centrale. Editeur de Der Pflug.

(Conserve ses fonctions jusqu'en 1932. Arrêté en 1933, deux ans de prison, émigre en Tchécoslovaquie, puis en U.R.S.S. Commissaire, puis commandant de la XI° B.I. en Espagne. Interné en France en 1939, livré à la Gestapo en 1942, déporté à Mauthausen. Ministre et membre du Politburo du S.E.D. après guerre, spécialiste des questions économiques.)

REICHENBACH, Bernhard (né en 1888).

Fils de famille aisée ; études supérieures ; dirigeant des étudiants socialistes. Mobilisé de 1915 à 1917, adhère à l'U.S.P.D. en 1917, travaille dans son bureau de presse jusqu'en 1919 ; en 1920, lié à Schröder, passe au K.A.P.D. ; délégué au 3° congrès de l'L.C. Membre du groupe d'Essen après la scission de 1922 du K.A.P.D.

(Au S.P.D. en 1924, au S.A.P. en 1931; émigre en 1935 en Angleterre, où il réside depuis.)

REICHPIETSCH, Max (1894-1917).

Mécanicien, mobilisé dans la marine en 1914. Organise en 1917 les marins révolutionnaires et prend contact à Berlin avec les dirigeants de l'U.S.P.D. Fusillé en septembre 1917.

REMMELE, Hermann (1880-1939).

Fils d'un petit meunier, métallurgiste. Au parti en 1897, organise les Jeunesses et un travail anti-militariste illégal à Ludwigshafen. Elève de l'école du parti en 1907-1908, permanent à Mannheim ensuite, membre de la gauche. Mobilisé de 1914 à 1918, organise l'opposition pendant une permission à Mannheim, est délégué au congrès de fondation de l'U.S.P.D. Président du conseil de Mannheim en 1918, dirigeant de la république des conseils en 1919. A Stuttgart ensuite, dirigeant des indépendants de gauche. Au V.K.PD. en 1920, élu à la centrale. Rôle important dans la préparation de l'insurrection de 1923 : courrier de la centrale, indirectement au moins il l'origine de l'insurrection de Hambourg.

(Rallié au centre, puis à la fraction Thaelmann, membre du présidium de l'I.C., un des principaux dirigeants du K.P.D. jusqu'en 1932, se dresse contre Thaelmann à cette date. Emigre à Moscou en 1933, confesse son activité « fractionnelle » en 1934, arrêté en 1937. Selon certains, abattu immédiatement ; selon d'autres, devenu fou)

ROGG, Ulrich (1888-1938 ?).

Ouvrier boulanger. Au parti avant guerre, puis au groupe Spartakus, dont il est l'un des organisateurs dans la Ruhr. Rôle important dans les événements de Duisburg en 1919. En 1923, un des cadres du K.P.D. dans la région de Halle.

(En Russie en 1925, arrêté et condamné à son retour, abandonne toute activité politique.)

ROSENBERG, Arthur (1889-1945).

Fils de commerçants juifs de Berlin. Brillantes études supérieures d'histoire ancienne : assistant à l'université de Berlin en 1914. Adhère à l'U.S.P.D. à sa démobilisation en 1918 ; au V.K.P.D. en 1920. collabore à Inprekorr. Membre de la gauche berlinoise et de la direction du district de Berlin-Brandebourg, un des théoriciens de l'offensive à partir de 1921.

(Membre de la centrale et du Polburo en 1924-1925, puis leader de l'opposition ultra-gauche, se rallie à Thaelmann en 1926. Démissionne du K.P.D. en 1927, reprend une chaire à l'université de Berlin et dirige la ligue des droits de l'homme. Révoqué en 1933, émigre en Grande-Bretagne et enseigne à Liverpool. Se fixe en 1937 à Brooklyn, aux Etats-Unis où il poursuit enseignement et travaux historiques.)

RÜCK, Fritz (1895-1959).

Fils de menuisier, typographe. Actif dans les Jeunesses, au parti en 1913, dans l'aile gauche. Mobilisé de 1915 à 1916, réformé, adhère à l'U.S.P.D. en tant que spartakiste, collabore au Sozialdemokrat de Stuttgart. Un des dirigeants de la révolution de novembre à Stuttgart. Membre de la rédaction de Die Rote Fahne en 1921, partisan de Brandler en 1923.

(Exclu comme droitier en 1929. Au S.A.P. en 1932. Emigre en Suisse en 1933, puis en Suède en 1937, où il réintègre la social-démocratie. Auteur d'ouvrages pour les enfants. Président du syndicat du livre en République fédérale après la guerre.)

RÜHLE, Otto (1874-1943).

Professeur, psychologue et pédagogue. Au S.P.D. en 1900, journaliste en 1902. Député au Reichstag en 1912. Rejoint Liebknecht dans l'opposition ouverte en 1915 et se prononce pour la scission du parti. Spartakiste, puis dirigeant des I.K.D. en 1917. Démissionne en novembre 1919 du conseil des ouvriers et des soldats de Dresde. Porte-parole de la majorité gauchiste au congrès de fondation du K.P.D.(S) ; défenseur des « unions » et membre du K.A.P.D. à sa fondation ; délégué pour le 2° congrès de l'I.C. en 1920, se prononce contre les vingt et une conditions et refuse de participer ; désavoué et exclu par le K.A.P.D. en novembre. Animateur du courant unioniste et antiautoritaire.

(Retourne au S.P.D. après 1923, se consacre à des travaux scientifiques de valeur; émigre en 1933, au Mexique en 1936 ; un des organisateurs de la commission Dewey d'enquête sur les procès de Moscou, discussions avec Trotsky ; se consacre à la peinture dans ses dernières années.)

RUSCH, Oskar (né en 1884).

Métallurgiste, délégué et homme de confiance du parti dans une usine de Berlin en 1914. Membre social-démocrate de l'exécutif des conseils en novembre 1918, adhère à l'U.S.P.D. après le congrès des conseils de décembre. Ultérieurement dirigeant du syndicat des métaux et responsable des syndicats à Berlin, notamment au moment du putsch de Kapp. Indépendant de gauche, éliminé de ses responsabilités. Au V.K.P.D. en 1920. S'en détache en 1921 et revient au S.P.D. en 1922.

(Dates et faits ultérieurs inconnus.)

SACHSE, Willy (1896-1944).

Famille de petite bourgeoisie ; études techniques. Mobilisé dans la marine en 1914. Organisateur des marins révolutionnaires en 1917, condamné à mort, mais peine commuée en travaux forcés. Libéré par la révolution, rejoint l'U.S.P.D. puis le V.K.P.D. en 1920. En 1923, il est secrétaire du district de Halle-Merseburg.

(Fonctions importantes dans l'appareil jusqu'en 1928, où il démissionne. Organisateur à partir de 1933 d'un groupe de résistance au régime hitlérien. Arrêté en janvier 1942, exécuté en août 1944.)

SCHLIESTEDT, Heinrich (1883-1938).

Serrurier, militant des métaux, de la tendance gauche d'avant guerre. A l'U.S.P.D. en 1917, organisateur des combats de la Ruhr en 1919 et 1920. A gauche dans l'U.S.P.D., se prononce contre l'adhésion à l'I.C. Revient au S.P.D. en 1922.

(Organisateur clandestin sous Hitler, se tue accidentellement au retour d'une conférence à l'étranger.)

SCHLOER, Jakob (1888-1956).

Garçon de café, au parti en 1911. Lié à Levi. Spartakiste à Francfort pendant la guerre, cofondateur du K.P.D.(S) à Manheim du K.A.G. en 1921, demeure au parti. Dans l'appareil en 1923 dans l'Allemagne du sud.

(Secrétaire général du Secours rouge en 1926, exclu comme droitier en 1929 ; émigre en 1933 ; admis au K.P.D. puis en S.E.D. après guerre, exclu en 1951, réintégré en 1955.)

SCHMIDT, Félix (1885-1932).

Imprimeur, au parti en 1904, dirigeant de l'opposition de gauche à Brème pendant la guerre, des I.KD. en 1918, leader de l'aile gauche. Demeure dans le parti lors de la scission gauchiste. A partir de 1921, trésorier de la centrale. En 1923, prend la direction de l'Oberbezirk Sud-Ouest.

(Au Secours rouge à Moscou de 1924 à 1926, exclu en 1929, passe à la K.P.O. puis au S.A.P. Meurt des suites d'une opération.)

SCHNELLER, Ernst (1890-1940).

Fils de cheminot, orphelin à cinq ans. Instituteur. Engagé en 1914, devient officier. Au S.P.D. en 1920, rejoint leK.P.D. après le putsch de Kapp. Appartient en 1921 à la tendance Levi. Un des dirigeants des préparatifs insurrectionnels en 1923, et commandant des centuries prolétariennes en Saxe.

(Passe au centre, puis à la gauche. A la centrale en 1924, chargé de questions militaires, puis théoriques et se fait le champion de la lutte « contre le trotskysme et le luxembourgisme ». Rallié à la direction Thaelmann, mais écarté de la direction après l'affaire Wittorf, arrêté en 1933, condamné a six ans, exécuté a Sachsenhausen.)

SCHOLEM, Werner (1895-1940).

Fils d'artisan imprimeur, études supérieures d'histoire et de droit. Aux Jeunesses en 1912, au parti en 1913. Mobilisé en 1914, condamné en 1917 pour activité antimilitariste. A l'U.S.P.D. en 1917, journaliste à Halle. Au V.K.P.D. en 1920, collaborateur de Die Rote Fahne. Arrêté après mars 1921, rôle important comme organisateur dans le district de Berlin, partisan de la gauche en 1923.

(Membre de la centrale et du Polburo, responsable de l'Orgburo en 1923, véritable dirigeant du parti avec Ruth Fischer jusqu'en 1925, où il est l'un des animateurs des ultra-gauches. Exclu du K.P.D. en 1926, coorganisateur du Leninbund et collaborateur de l'organe de l'opposition trotskyste allemande. Arrêté en 1933, exécuté en 1940.)

SCHREINER, Albert (né en 1892),

Fils d'ouvrier devenu permanent, mécanicien. Au parti en 1910. Membre du groupe Spartakus pendant la guerre. Ministre de la guerre du gouvernement wurtembergeois pendant quelques jours. Un des dirigeants de l'appareil militaire en 1923, M. Leiter pour le Wasserkante.

(Ecole militaire à Moscou en 1924, puis dirigeant de la Ligue des combattants du front rouge. Exclu en 1929 comme droitier. Membre du K.P.O. Revient au K.P.D. en octobre 1932 pour en repartir aussitôt. Emigre en France en 1933, combat en Espagne comme chef d'état-major de la XII° B.I. De 1939 à 1941, en France, puis au Maroc, au Mexique, puis aux Etats-Unis. Revenu en 1946 en R.D.A., souvent en conflit avec la direction sur des questions historiques.)

SCHRÄDER, Karl (1885-1950).

Fils d'enseignant, études supérieures de philosophie. Au parti en 1913. A Spartakus pendant la guerre. Un des responsables de Die Rote Fahne en 1918. Gauchiste, théoricien des organisations révolutionnaires d'entreprise. Dirigeant du district de Berlin exclu du K.P.D.(S), est l'un des principaux initiateurs de la fondation du K.A.P.D. Etroite collaboration avec Gorter en 1920, voyage à Moscou avec lui à l'issue duquel il obtient l'admission du K.A.P.D. comme parti sympathisant dans l'I.C. A la fin de 1921, organisateur des bureaux d'information et d'organisation de l'Internationale des communistes de gauche. Animateur du K.A.P.D. (Essen) après la scission de 1922.

(Revient au S.P.D. en 1924, critique littéraire au Vorwärts, organise les anciens du K.A.P.D. dans le S.P.D. et fonde en 1936 l'organisation illégale Combattants rouges : condamné aux travaux forcés ; organisateur de l'enseignement à Berlin-Ouest après 1945 ; passe à l'Est et entre au S.E.D.)

SCHUBERT, Hermann (1886-1938).

Fils d'ouvrier, mineur, puis travailleur itinérant. Au parti en 1907, responsabilités syndicales. A l'U.S.P.D. en 1917, au V.K.P.D. en 1920. Suit en 1923 les cours de l'école Lénine à Moscou. Un des dirigeants de l'insurrection prévue en Thuringe.

(Arrêté, évadé, illégal dans la Ruhr ; membre de l'aile gauche, rallie Thaelmann contre R. Fischer ; à partir de 1933, dans l'illégalité, défend la ligne sectaire antérieure contre Pieck et Ulbricht. Ecarté en 1935, arrêté en 1937 à Moscou et exécuté.)

SCHULTE, Fritz (1890-1943).

Fils d'ouvrier, ouvrier dans l'industrie chimique. A l'U.S.P.D. en 1918. Au V.K.P.D. en 1920, dirigeant d'un syndicat rouge. Membre de la droite, traite Thaelmann d' « idiot ».

(Passe à la gauche en 1924, organise ensuite les syndicats rouges et participe au Polburo ; à Moscou en 1935, écarté du C.C., arrêté et exécuté.)

SCHULZ, Karl (188-1-1933).

Fils d'ouvrier, forgeron. Au parti en 1905. A l'école du parti en 1912-1913. Rejoint Spartakus pendant la guerre, est l'un des fondateurs et dirigeants de la Ligue des soldats rouges. Délégué au congrès de fondation du K.P.D.(S), fondateur du parti en Poméranie et au Mecklembourg. En 1923, secrétaire de l'Oberbezirk du Nord.

(Poursuivi, se réfugie à Moscou de 1924 à 1928 ; conciliateur, accepte les sanctions contre le groupe. Arrêté lors de l'incendie du Reichstag, meurt à Spandau des suites des traitements subis.)

SCHUMANN, Georg (1886-1945).

Fils de tailleur de pierres, outilleur. Au parti en 1905, animateur des Jeunesses. Ecole du parti en 1912-1913, journaliste ensuite. Rallie pendant la guerre le groupe Internationale, arrêté en 1915, puis mobilisé. Condamné à douze ans de travaux forcés par un tribunal militaire. Libéré par la révolution, dirige la Ligue Spartakus puis le K.P.D.(S) à Leipzig. Le dirigeant allemand le plus populaire d'Allemagne centrale, membre de la droite.

(Rallie le centre en 1924, travaille de 1925 à 1926 à l'I.S.R. à Moscou, puis en prison en Allemagne de 1926 à 1927. Conciliateur, fait son autocritique en 1929. Arrêté en 1933, déporté à Sachsenhausen jusqu'en 1939 ; reprend le travail en usine, dirige bientôt un important groupe de résistance communiste affirmant, contrairement au comité de l'Allemagne libre en U.R.S.S., son attachement au socialisme. Arrêté en 1944, longuement torturé, exécuté en janvier 1945.)

SCHWAB, Alexander (1887-1943).

Fils de patron menuisier. Imprimeur. Au parti en 1907, spartakiste pendant la guerre. Lié à Schröder à Berlin ; cofondateur du K.A.P.D. Sympathise avec le national-bolchevisme, quitte le K.A.P.D. en septembre 1920 et revient au S.P.D.

SERRATI, Giacinto Menotti (1874-1926).

Militant socialiste, très jeune et l'un des pionniers du socialisme italien. Leader de l'aile maximaliste pendant la guerre, rédacteur en chef d'Avanti en 1915, délégué à Zimmerwald et Kienthal. Arrêté en 1917, partisan de la rupture avec la II° Internationale et de l'adhésion à la III° à partir de 1919. Elu à l'exécutif de l'I.C. au 2° congrès, résiste à l'application des vingt et une conditions de son parti. Demeure au P.S.!. après Livourne.

(Avec une partie de ses camarades de tendance, est réadmis dans l'Internationale et au P.C.I. en 1924 ; membre du C.C. jusqu'à sa mort.)

SIEWERT, Robert (né en 1887).

Fils d'ouvrier charpentier, maçon. Au parti en 1906. Travaille en Suisse de 1915, connaît Lénine. Brandler et Heckert. Mobilisé 1914-1918, travail illégal pour Spartakus. Organise et dirige un conseil de soldats. Au K.P.D.(S) à son retour, organisateur dans l'Erzgebirge. Partisan de Brandler, membre du comité central, secrétaire politique pour l'Erzgebirge-Vogtland en 1923.

(Opposant de droite, exclu en 1929 ; passe à la K.P.O. et collabore à Arbeiterpolitik. Arrêté en 1933, rejoint à nouveau le K.P.D. à Buchenwald. Fonctions en R.D.A. après guerre ; limogé en 1950 à cause de son passé, doit faire son autocritique en 1951.)

SOMMER, Josef (Josepf Winternitz, alias Lenz, alias) (1396-1952).

Fils de professeur, études en Grande-Bretagne, puis à Prague. Mobilisé en 1917, socialiste en 1913, au P.C. tchécoslovaque en 1920. Docteur en philosophie, milite activement dans le K.P.D. à partir de 1923, attaquant notamment la droite et taisant figure de théoricien de la gauche.

(Responsable de la propagande en 1924 et suppléant du C.C., fonctions subalternes dans l'appareil de 1925 à 1928 ; reprend la direction de la propagande en 1931, mais doit faire son autocritique pour avoir attaqué Thaelmann et Staline. Emigré en 1934, en Tchécoslovaquie, 1939 en Angleterre, travaille pour le P.C. britannique. Revenu en 1948, dirige l'institut Marx-Engels. Critiqué sévèrement en 1951, retourne en Angleterre, où il meurt.)

SORGE, Richard (dit Sonter, dit Ika) (1895-1944).

Fils d'ingénieur, né en Russie. Etudes supérieures ; volontaire en 1914, trois fois blessé. A l'U.S.P.D. en 1918, au V.K.P.D. en 1920. Enseigne à Aix-la-Chapelle, révoqué en 1922. Chargé de cours à Francfort en 1923 et membre de l'appareil militaire clandestin.

(Chargé de la sécurité du congrès de 1924, affecté à Moscou, travaille pour l'I.C. puis au 4° bureau de l'armée rouge. Mission en Chine en 1931-1932. Revenu en 1933, adhère au parti nazi, se fait accréditer comme correspondant de guerre au Japon et organise pour le compte de l'U.R.S.S. un réseau de renseignements qui annoncera notamment à Staline l'agression allemande de juin 1941. Arrêté en octobre, exécuté en novembre 1944. Sa mission a été reconnue et son rôle célébré à partir d'un article dans la Pravda du 4 septembre 1964.)

STERN, Manfred (dit Stein, dit Kléber) (1896-1954).

Né en Bukovine, militant avant guerre, mobilisé dans l'armée austro-hongroise en 1916, prisonnier de guerre, gagné au communisme, se bat dans les rangs de l'armée rouge, notamment en Sibérie. En Allemagne comme technicien militaire en 1921 et 1923, sous le nom de Stein.

(De 1927 à 1936, conseiller militaire en Chine. Est nommé en Espagne à la tête des Brigades internationales et dans la défense de Madrid sous le nom de général Kléber. Arrêté au lendemain de son rappel en 1937, passe longtemps pour avoir été exécuté. Mort en 1954 selon les sources russes, qui ne semblent pas démentir un longue période d'emprisonnement.)

STOECKER, Walter (1891-1939).

Fils d'ingénieur, commence des études supérieures. Au parti en 1908, milite dans le mouvement de jeunesse et dirige notamment à partir de 1912 les étudiants socialistes de Cologne. En contact avec Münzenberg en 1914. Mobilisé de 1915 à 1918. A l'U.S.P.D. en 1917. Dirigeant des conseils de Cologne en 1918-1919. Député, secrétaire de l'U.S.P.D. en juin 1919, un des dirigeants de l'aile gauche, délégué au 3° congrès de l'I.C. Elu à la centrale du V.K.P.D. en 1920, président du parti après la démission de Levi, en retrait de 1921 à 1923. Elu à la centrale en 1923, secrétaire de l'Oberbezirk Ouest.

(Rallie le centre, préside la fraction parlementaire au Reichstag de 1924 à 1932. Arrêté lors de l'incendie du Reichstag, déporté dans divers camps, meurt du typhus à Buchenwald.)

STURM, Fritz (Samuel Markovitch Zaks-Gladniev) (1890-1937 ?).

Né en Russie, militant bolchevique. Vient à Hambourg en 1919. Membre des I.K.D., puis du K.P.D.(S) où il appartient à la gauche. Mais ne rallie pas le K.A.P.D. Arrêté en 1920 et expulsé.

(Se fixe à Leningrad ; partisan de Boukharine en 1928, arrêté et vraisemblablement exécuté comme terroriste en 1937.)

SÜSSKIND, Heinrich (dit Heinrich, dit Kurt) (1895-1937).

Fils de rabbin né en Pologne, études à Vienne, en Allemagne en 1917, études d'histoire. 1919, travaille dans les Jeunesses et adhère au K.P.D.(S) ; expulsé, devient clandestin, collaborateur de Die Rote Fahne, dont il devient rédacteur en chef à vingt-six ans en décembre 1921 : siège à la centrale. Arrêté et expulsé, en Russie de 1922 à 1923. Reprend son poste au début de 1923, remplacé par Thalheimer en juin, envoyé à Leipzig.

(Membre de la gauche, puis du groupe Thaelmann, conciliateur en 1928, fait son autocritique. Emigre à Prague en 1933, puis en U.R.S.S., où il est arrêté et exécuté.)

TENNER, Albin (1885-1967).

Fils de peintre en porcelaine, travaille à quatorze ans et devient instituteur. Mobilisé en 1914-1918. A l'U.S.P.D. en 1918, membre du gouvernement du Land à Gotha. Au V.K.P.D. en 1920, un des dirigeants communistes de Thuringe, membre du C.C. en 1923, ministre de l'économie dans le gouvernement Frölich en octobre 1923.

(Exclu en 1925, puis réintégré, de nouveau exclu en 1929 ; au K.P.O. puis au S.A.P. Emigre en Hollande, où il meurt.)

TEUBER, Heinrich (1872-1928).

Mineur, président du syndicat en 1910, leader de l'opposition syndicale de gauche. A l'U.S.P.D. en 1917, au V.K.P.D. en 1920, exclu avec Malzahn et Brass, retourne à l'U.S.P.D. puis au S.P.D. en 1922.

THAELMANN, Ernst (1886-1944).

Fils d'un marchand de légumes, s'enfuit très tôt du domicile paternel : chauffeur dans un cargo. Travaille à New York puis revient en Allemagne et exerce différents métiers, dont celui de docker. Au S.P.D. en 1903, membre de l'aile gauche, adversaire des « bonzes » syndicaux. Mobilisé de 1915 à 1918, à l'U.S.P.D. en 1918. Leader de la gauche indépendante à Hambourg, au V.K.P.D. en 1920, mobilise les chômeurs pour imposer la grève en mars 1921. Défend contre Lénine et Trotsky la théorie de l'offensive au 3° congrès de l'I.C. Membre du comité central, un des porte-drapeau de la gauche. Coopté à la centrale en mai 1923. Rôle important dans le soulèvement de Hambourg d'octobre 1923.

(Membre de la centrale et du Polburo en 1924, président du parti après l'élimination de R. Fischer et Maslow, mis en danger par l'affaire Wittorf, soutenu par Staline. Arrêté en mars 1933, exécuté en août 1944 à Buchenwald.)

THALHEIMER, August (1884-1948).

Fils de commerçant juif. Etudes supérieures de philosophie, notamment à Oxford et Strasbourg. Au parti en 1904, rédacteur en chef à Göppingen en 1909, lié à Radek, Rosa Luxemburg, Mehring et Westmeyer. Membre du groupe l'Intenationale, animateur de Spartakus pendant la guerre, mobilisé de 1916 à 1918, joue un rôle important dans la révolution de novembre à Stuttgart et devient quelques jours ministre dans un gouvernement du Land. Combat le gauchisme en 1919-1920, mais défend en 1921 la théorie de l'offensive. Membre de la centrale depuis 1918. Théoricien du K.P.D. en 1923, sceptique sur les chances de la révolution.

(Rendu responsable de la défaite, avec Brandler, retenu à Moscou de 1924 à 1928, où il enseigne à l'université Sun Yat-sen. Exclu en 1929, cofondateur du K.P.O. Emigre en France en 1933 ; interné en 1939, se réfugie à Cuba en 1941. Meurt en exil, faute d'autorisation de séjour en Allemagne ou en France.)

THOMAS, Wendelin (l884-?).

Fils de paysan, mousse, puis matelot. Au parti en 1910. Mobilisé de 1914 à 1918, membre du comité des marins révolutionnaires en 1918, adhère à l'U.S.P.D. Au V.K.P.D. en 1920. Condamné en 1921, rôle important dans les préparatifs de l'insurrection en 1923.

(Travaille dans l'appareil de l'I.C. de 1925 à 1928, emprisonné en Allemagne de 1928 à 1930. quitte le K.P.D. en 1933 ; émigre aux Etats-Unis, où il fait partie de la commission Dewey d'enquête sur les procès de Moscou. Ne pas le confondre avec le « camarade Thomas », envoyé de l'I.C. à Berlin, dont on ne sait presque rien.)

TITTEL, Hans (né en 1894).

Fils d'ouvrier, lithographe. Aux Jeunesses en 1909, au parti en 1912, un des dirigeants des radicaux du Wurtemberg en 1914, de Spartakus ce qui lui vaut huit mois de prison et la mobilisation. Dirigeant du K.P.D.(S) à Stuttgart et l'un des inspirateurs de la droite. Secrétaire politique en Thuringe en 1923.

(Emprisonné de 1923 à 1924, dirige à partir de 1926 le bureau de presse de la centrale ; exclu comme droitier à la fin de 1928. A la K.P.O. ensuite. Emigre en 1933, exclu du K.P.O. en 1939, émigre aux Etats-Unis, d'où il regagne la République fédérale en 1962.)

TOLLER, Ernst (1893-1939).

Fils de commerçant juif, né en Russie, études supérieures notamment à Grenoble. Engagé en 1914, blessé, réformé. Pacifiste, lié à Eisner, président de l'U.S.P.D. à Munich en 1917. Commandant de l'armée rouge bavaroise en 1919, condamné à cinq ans de prison.

(A sa libération, adhère au K.P.D., mais se consacre à la littérature et au théâtre. Se suicide à New York.)

TOST, Otto.

Ouvrier métallurgiste de Berlin, mobilisé dans la marine, puis réformé. A l'U.S.P.D. en 1917, membre du cercle des délégués révolutionnaires, du comité d'action des grévistes en avril 1917 et janvier 1918. Mobilisé à nouveau, organise à Cuxhaven la Division de marine du peuple, dont il est le dirigeant pendant quelque temps. Président du syndicat des métaux et secrétaire des syndicats de Berlin en octobre 1919, indépendant de gauche, il rallie Dissmann et combat l'adhésion à l'I.C. Reste à l'U.S.P.D. à Halle et rejoint le S.P.D. en 1922.

ULBRICHT, Walter (né en 1893).

Fils d'un tailleur social-démocrate ; menuisier. Au parti en 1912. En 1914, à Leipzig, membre du groupe Liebknecht, dirigé par Schumann ; mobilisé de 1915 à 1918, deux mois de prison pour désertion. Rejoint le K.P.D.(S) après sa fondation, journaliste, chargé de procurer des armes aux ouvriers en mars 1921. Secrétaire politique du district de Thuringe en juin 1921, partisan de Brandler, élu à la centrale en 1923, et l'un des organisateurs du Revkom.

(Rallié au centre, chargé de la généralisation des cellules d'entreprise et de la bolchevisation. A Moscou en 1924, missions diverses pour l'I.C. à Vienne, puis Prague. Au premier plan après l'affaire Wittorf : représentant du parti à Moscou en 1928-1929, membre du CC et du Polburo à partir de 1929. Successeur de Thaelmann après son arrestation en 1933, bloc avec Pieck contre ses partisans pour une politique de front populaire. En U.R.S.S. en 1937, fonde pendant la guerre le comité Allemagne libre. Revenu en 1945, dirigeant du K.P.D. puis du S.E.D., l'homme fort du régime de Pankow.) Se retire en mai 1971.

UNGER, Otto (1893-1937 ?).

Employé de librairie ; au parti en 1912, actif dans les Jeunesses ; dirigeant des J.C. en 1921 et partisan de la gauche ; critique Brandler au début de 1924.

(Dirigeant à Hambourg de 1926 à 1928 ; conciliateur, sanctionné en 1928, envoyé en U.R.S.S. ; arrêté et exécuté en 1937.)

URBAHNS, Hugo (1890-1947.)

Fils de paysans, instituteur. Sympathisant socialiste avant guerre. Engagé en 1914. Rejoint en 1918 Spartakus, puis le K.P.D. Dirigeant dans le Wasserkante, l'un des militants les plus en vue de la gauche à partir de 1921, secrétaire du district de Wasserkante en 1923.

(Arrêté en janvier 1924, jugé en janvier 1925, libéré en octobre. Partisan de la gauche, exclu en novembre 1926. Dirigeant du Leninbund, se prononce pour le front unique ouvrier contre le nazisme. Emigre en 1933, expulsé de Suède lors des procès de Moscou, se voit refuser tout visa, et y meurt).

UTZELMANN, Peter (dit Kempin) (né en 1894).

Fils d'ouvrier, menuisier. En 1908 aux Jeunesses, en 1912 au parti. Mobilisé dans la marine en 1915, membre de la division de marine du peuple en 1918, membre du K.P.D.(S) à sa fondation, et de son aile gauchiste. Un des fondateurs du K.A.P.D., est l'un des dirigeants de l'action de mars 1921 aux usines de la Leuna. Condamné aux travaux forcés à perpétuité en 1921; amnistié en 1923, quitte le K.A.P.D.

(Au S.P.D. en 28, organisateur des Combattants rouges, exclu en 1932, arrêté de 1936 à 1938 ; fonctions importantes à l'Est jusqu'en 1950, où il passe à l'Ouest.)

WALCHER, Jakob (né en 1887).

Fils d'ouvrier, tourneur. Au parti en 1906. Elève de l'école du parti en 1910-11. Journaliste à Stuttgart ensuite. Organisateur de la gauche, puis du groupe spartakiste à Stuttgart en 1914, arrêté en 1915, puis mobilisé. Président du congrès de fondation du K.P.D.(S), gagne une bonne moitié des indépendants de Stuttgart, Membre de la centrale en 1920, partisan de la grève générale contre Kapp, membre de la direction de la grève, partisan du gouvernement ouvrier. Secrétaire de la centrale en 1921 et responsable du travail syndical, représentant allemand à l'I.S.R. en 1923, renseigne Trotsky sur la situation allemande.

(Mis à l'écart comme droitier ; à Moscou de 1924 à 1926, exclu en 1928. A la K.P.O., puis au S.A.P. Emigre en 1933, un instant proche de Trotsky, s'en éloigne et fait partie du bureau de Londres. Interné en France en 1939, parvient aux Etats-Unis en 1934 et participe au Conseil pour une Allemagne démocratique. Revenu à l'Est en 1946, admis au S.E.D., écarté de toutes fonctions en 1949, puis exclu du S.E.D. Réhabilité et réintégré en 1956.)

WEGMANN, Paul (1889-1945).

Métallurgiste à Berlin, au parti avant guerre. Organisateur avec R. Müller du cercle des délégués révolutionnaires, et l'U.S.P.D. en 1917 Membre du comité d'action en novembre 1918, puis du comité exécutif, porte-parole de la gauche au congrès des conseils de décembre. Leader de la gauche des syndicats et du parti indépendant. Au V.K.P.D. en 1920. Entre à la centrale après la démission de Levi ; dans l'opposition avec Friesland et Malzahn, exclu en janvier 1922, revient la même année à l'U.S.P.D. puis au S.P.D.

(Spécialisé dans les problèmes de jeunes pour le compte de la municipalité de Berlin, abandonne toute activité politique ; arrêté en 1933, il meurt du typhus à Bergen-Belsen.)

WENDEL, Friedrich (1886-1960).

Fils d'un patron menuisier. Imprimeur, au parti en 1907. Rejoint Spartakus pendant la guerre à Berlin, anime en 1919 la gauche du K.P.D.(S). Cofondateur du K.A.P.D., sympathise avec le national-bolchevisme, revient au S.P.D. en 1920.

(Journaliste social-démocrate; se terre pendant le nazisme ; employé de la ville de Kiel et membre du S.P.D. jusqu'à sa mort.)

WESTMEYER, Friedrich (1873-1916),

Ouvrier, secrétaire du parti à Stuttgart et chef de file des radicaux du Wurtemberg, ami personnel de Clara Zetkin et Rosa Luxemburg. Organise la résistance en 1914, arrêté, mobilisé, meurt dans un hôpital militaire.

WEYER, Paul (1887-1943).

Fils d'ouvrier, serrurier. Au parti en 1910, à l'U.S.P.D. en 1917, alors qu'il est l'un des dirigeants des délégués révolutionnaires. Proche des spartakistes, demeure U.S.P.D. en 1919, rallie le V.K.P.D. en 1920. Gauchiste, un des dirigeants du district de Berlin-Brandebourg.

(Prend en 1924 la tête du mouvement pour la sortie des syndicats. Exclu en septembre 1924. Rejoint ultérieurement le S.P.D.)

WINIGUTH, Fritz (1892-1948).

Fils d'ouvrier, mécanicien. Aux Jeunesses en 1908, au parti en 1912. Organisateur des Jeunesses et de Spartakus pendant la guerre. Vice-président de l'U.S.P.D. à Neukölln en 1917, membre des délégués révolutionnaires. Permanent du syndicat des métaux en 1919. Au comité central en 1920. Exclu comme partisan de Levi en 1921, le suit à l'U.S.P.D, puis au S.P.D. (Secrétaire du syndicat des métaux en 1933, Organisateur d'un groupe de résistance avec Brass en 1933, travaille à l'Est en 1945, mais n'est pas admis au S.E.D.)

WOLF, Félix (Nicolas Krebs, dit Rakov, dit Inkov) (1890-1937 ?).

Fils d'ouvrier allemand fixé en Russie. Cheminot, bolchevik en 1917 : organisateur communiste des prisonniers de guerre. En Allemagne avec Radek en décembre 1919. Fonctionnaire de l'I.C., revient avec Béla Kun en février 1921. Expulsé d'Allemagne en 1922.

(Représentant diplomatique à Vienne sous lenom de Inkov. Lié à l'opposition, exclu en 1933, arrêté et exécuté en 1937.)

WOLFFHEIM, Fritz (?-1936 ?).

Journaliste. Collaborateur de l'organe des I.W.W. à San Francisco en 1912-13. En 1913, en Allemagne, collabore avec Laufenberg et dirige avec lui les gauches de Hambourg pendant la guerre. Théoricien des « unions » industrielles, adhère au K.P.D.(S) et y défend les théories gauchistes mettant en question le rôle du parti communiste. Porte Parole de l'opposition exclue au congrès de Heidelberg. Se fait peu après le propagateur des idées national-bolchevistes avec Laufenberg. Accusé par les communistes d'avoir été en liaison avec des officiers kappistes qui songent à une « alliance russe » contre l'Occident. Au K.A.P.D. dès sa fondation, exclu en août 1920. Cofondateur de la Ligue communiste, puis de l'Union pour l'étude du communisme allemand avec des éléments nationalistes. Lié aux nazis en 1923.

(Anime divers groupuscules et est vraisemblablement en contact avec l'aile du parti nazi que dirige Strasser sous le nazisme, meurt en camp de concentration.)

WOLFSTEIN, Rosi (née en 1888).

Fille de commerçant, études commerciales. Aux Jeunesses en 1907, au parti en 1908. Elève de Rosa Luxemburg à l'école du parti en 1912-13. Milite dans les Jeunesses et au groupe Spartakus pendant la guerre. A l'U.S.P.D. en 1917. Membre du conseil de Düsseldorf en 1918, secrétaire du congrès de fondation du K.P.D.(S). Suppléante de la centrale à partir de 1921.

(A partir de 1924, se consacre avec son mari, Paul Frölich, à l'édition des œuvres de Rosa Luxemburg. Exclue en 1929. A la K.P.O., puis au S.A.P. Emigre en 1933, aux Etats-Unis de 1941 à 1950. Au S.P.D, à son retour à Francfort.)

WOLLENBERG, Erich (né en 1892).

Fils de médecin, étudiant en médecine. Engagé en 1914 : lieutenant, cinq fois blessé. A l'U.S.P.D. en 1918. Commande un détachement de marins révolutionnaires à Koenigsberg. Un des commandants de l'armée rouge de Bavière en 1919. Plusieurs fois arrêté et évadé. Transféré de Koenigsberg dans la Ruhr en 1923, responsable politico-militaire du Sud-Ouest à l'été.

(Etudes militaires à Moscou et divers commandements dans l'armée rouge jusqu'en 1927. De nouveau en U.R.S.S. où il enseigne à partir de 1928. Chef clandestin des combattants du front rouge en Allemagne en 1931, de nouveau arrêté. Critique la direction : exclu en 1933 avec Félix Wolf. Emigre en France en 1934, collabore à divers groupements anti-nazis, arrêté en 1940, s'évade, participe à la Résistance au Maroc, arrêté, délivré par le débarquement allié. Officier de presse des Etats-Unis en Bavière en 1946, Journaliste indépendant.)

WOLLWEBER, Ernst (1898-1967).

Fils de mineur, docker, aux Jeunesses en 1915. Mobilisé en 1916, chauffeur, un des leaders de la mutinerie de Kiel en 1918. Au K.P.D. en 1919. Secrétaire du district de Hesse-Cassel à partir de 1921 et membre du C.C. Organisateur du syndicat des marins de commerce.

(Chargé de l'appareil clandestin à partir de 1932, contrôle toutes les liaisons entre l'émigration et l'Allemagne de Copenhague, puis de Suède, où il est arrêté et expulsé vers l'U.R.S.S. en 1943. En Allemagne de l'Est en 1945, membre du K.P.D., chef de la sécurité d'Etat et membre du C.C. jusqu'en 1958.)

ZAISSER, Wilhelm (1893-1958).

Instituteur dans la Ruhr. Mobilisé, lieutenant, rallie les partisans ukrainiens en 1918 avec ses hommes. Rôle dans l'appareil militaire, notamment dans la Ruhr en 1920, 1921 et 1923.

(Elève de l'Académie militaire de Moscou en 1924. Conseiller militaire de Tchang Kaï-chek en Chine jusqu'en 1930. Commande une brigade internationale en Espagne sous le nom de général Gomez. En U.R.S.S., en 1940, dirige la rééducation politique des officiers allemands dans une « école antifasciste ». Membre du K.P.D. puis du S.E.D., ministre de la Sécurité d'Etat en R.D.A. de 1950 à 1953. Limogé après l'insurrection de juin 1953.)

ZEIGNER, Erich (1886-1961).

Fils de famille bourgeoise, études de droit. Juge suppléant en 1908, mobilisé de 1917 à 1919. Président de tribunal, adhère au S.P.D. en 1919. Leader de la gauche en Saxe, où il est ministre de la justice en 1921, partisan de l'alliance avec les communistes. Ministre-président de Saxe en avril 1923, fait entrer les communistes en octobre dans un gouvernement de défense républicaine et prolétarienne. Dénonce les menées de la Reichswehr. Déposé par elle et emprisonné.

(Reprend après son procès ses fonctions de magistrat. Révoqué en 1933. devient comptable. Bourgmestre de Leipzig en 1946, honoré comme un précurseur par le S.E.D., dont il est membre.)

ZETKIN, Clara (Clara Eisner, épouse Gundel, épouse) (1857-1933).

Fille d'instituteur, institutrice, gagnée au marxisme par le Russe Ossip Zetkin, qu'elle épousera et qui mourra en 1889. Emigrée de 1880 à 1890, collabore au Sozildemokrat et présente le rapport sur le travail parmi les femmes au congrès de fondation de la II° Internationale en 1889. Secrétaire du secrétariat féminin de l'Internationale, fondatrice et rédactrice en chef de Gleichbeit, elle est l'une des figures les plus connues du mouvement international et de la gauche allemande. Membre du noyau internationaliste dès août 1914, arrêtée au lendemain de la conférence de Berne, écartée de Gleichbeit en 1916. A l'U.S.P.D., comme spartakiste en 1917, se déclare solidaire des bolcheviks. A l'écart du congrès de fondation du K.P.D.(S), qu'elle ne rejoint que quelques mois après. Député, membre de la centrale, soutient Levi en 1921 et Brandler en 1924.

(Conservée dans le parti pour son prestige et malgré ses désaccords évidents, vit ses dernières années à Moscou où elle sympathise avec la droite boukharinienne. Prononce le discours d'ouverture du Reichstag en août 1932 sous forme d'une violente attaque contre le nazisme. Meurt à Moscou.)

Ces notices ont été établies à partir des ouvrages suivants :

Osterroth, Franz, Biographisches Lexikon des Sozialismus, vol. I. Verstor bene Persönlichkeiten.
Bock, Hans Manfred. Syndikalismus und Linkskommunismus, annexe biographique, pp. 427-444.
Drechsler, Hanno, Die Sozialistische Arbeiterpartei Deutschlands, annexe biographique, pp. 362-371.
Tjaden, Struktur und Funktion der « K.P.D.-Opposition » (K.P.O.), annexe biographique, pp. 2-13, II° partie ; notes, pp. 78-84, 88-92, 93, 96, 105, 106, 114-117, 121-122, 124, 126, 130, 132, 141-143, 150, 157.
Weber, Hermann, Der Gründingsparteitag der K.P.D., annexe biographique pp. 313-345.
Weber, Hermann, Die Wandlung des deutschen Kommunismus, vol. II « Biographien von 504 Funktionaren des K.P.D.-Fühkrungskorps » pp. 57-353.

Nous avons eu également recours, pour les parlementaires, aux notices fournies par :

Die Nationalversammlung in Wort und Bild, Stuttgart, 1919.
Reichstag Handbuch, 1920, 1924 et 1928.
Schwarz, Max, MdR. Biographisches Handbuch des Reichstages, Hanovre, 1965.

Nous avons utilisé, de l'Est, la SBZ-Biographie 1958, et la chronique « Erinnerungen » de BzG.

  1. Bericht über die Verhandlungen des IX. Parteitages der K.P.D. 2-7 mars 1927, p. 416.
  2. Thaelmann, Der revolutionärere Ausweg und die KP.D. (discours du 29 février 1932), p. 95.
  3. Ossip. K. Flechtheim, Die K.P.D. in der Weimar Republik, Offenbach a. M., 1948.
  4. Ruth Fischer, Stalin and German Communism. A Study on the Origins of the State Party, Cambridge, 1948.
  5. Publié d'abord sous forme de projet introduit par Ulbricht dans deux numéros spéciaux de Einheit en août et septembre 1962.
  6. Ernst Meyer, « Kommunismus », dans le tome II de Volk und Reich der deutschen (Berlin, 1929).
  7. Weber, op. cit., l, p. 357 ; II, différentes biographies.
  8. Dans une lettre à Proletarskaja Revoljutsija, Staline avait pris à partie l'historien Sloutski, coupable d'avoir écrit que Lénine ne s'était pas orientéavant 1914 vers une rupture avec les opportunistes de la II° Internationale, et qu'il tenait Kautsky pour un « marxiste orthodoxe », puis d'avoir constaté que Lénine ne s'était pas solidarisé de la gauche allemande contre le centre. L'argument de Sloutski selon lequel on n'avait pas « trouvé de document » dans le sens de la thèse défendue par Staline provoquait la colère de ce dernier : « Qui, sinon des bureaucrates incurables, peut se fier aux seuls documents-papier ? Qui donc, sinon des rats d'archives, ne comprend qu'il faut vérifier les partis et les leaders avant tout d'après leurs actes, et pas seulement d'après leurs déclarations? » (Staline, Les Questions du léninisme, t. II, p. 67).
  9. Dans sa lettre contre Sloutski, Staline se livre à une « critique » des social-démocrates de gauche Parvus et Rosa Luxemburg et de « leur salade semi-menchevique » (ibidem, pp. 63-65). Il reproche à Sloutski de les défendre parce qu'il est lui-même « trotskyste », alors que « le trotskysme est un détachement d'avant-garde de la bourgeoisie contre-révolutionnaire » et conclut : « Voilà pourquoi le libéralisme à l'égard du trotskysme, même brisé et camouflé, est de l'imbécillité confinant au crime et à la trahison » (p. 69). Dans un discours « pour une étude bolchevique de l'histoire » du parti, le 1° décembre 1931, Kaganovitch dit que, « sur nombre de questions fondamentales, (...) Rosa Luxemburg n'était pas d'accord avec les bolcheviks et se rapprochait du centre » et qu' « elle était plus près de Trotsky et des trotskystes » (Corr. int., n° 114, 23 décembre 1931, p. 1257).
  10. Au cours du discours mentionné à la note précédente, Kaganovitch déclarait : « Radek a parlé, lui aussi, à la fraction des historiens marxistes. Il ressort de son discours que l'I.C. a accueilli dans ses rangs tout ce qu'il y avait de meilleur dans le mouvement ouvrier et qu'on n'a pas le droit d'oublier dans l'I.C. les courants et les ruisseaux qui se sont déversés dans le parti bolchevique. Radek devait comprendre ce que représente cette théorie des ruisseaux. (...) Il faut que Radek comprenne que la théorie des ruisselets crée la base pour la liberté des groupes et des fractions. Si on tolère un ruisselet, il faut aussi lui donner la possibilité d'avoir son courant. Non, camarades, notre parti n'est pas un réservoir de ruisseaux troubles, c'est un fleuve si puissant qu'il ne peut conserver aucun ruisselet, car il a toute possibilité de faire disparaître tous les obstacles sur notre chemin » (ibidem, p. 1260). Rappelons ce que Radek écrivait en 1919, au nom de l'Internationale : « L'I.C. n'est pas un produit ingénieux du gouvernement soviétique, comme le supposent les Lloyd George, Clemenceau, Scheidemann et Hilferding. (...) L'I.C. est le rassemblement de toutes les tendances révolutionnaires de la vieille Internationale, telles qu'elles se sont déclarées et renforcées pendant la guerre. Ses semences, ce ne sont pas seulement les bolcheviks qui les ont semées, (...) mais également (...) Debs, De Leon, les héroïques combattants des I.W.W., (...) Jules Guesde comme Loriot et Monatte, (...) Rosa Luxemburg, Warski, Tyszka, (...) ces tribunistes hollandais dont on se moquait à l'époque, (...) le travail que nous, radicaux de gauche allemands, avons accompli pendant dix ans » (Die Entwicklung... , p. 62).
  11. Leibbrand était en 1923 le jeune secrétaire des Jeunesses communistes de Halle, membre du comité de grève en août, contre Cuno (Ersil, op. cit., pp. 80 et 322).
  12. Geschichte der Kommunistischen Partei der Sowjetunion (Bolschewiki). Kurzer Lehrgang, Moscou, éd. all., 1939.
  13. Ibidem, p. 279.
  14. R. Leibbrand, « Zur Diskussion über den Charakter der Novemberrevolution », Einheit, n° 1, janvier 1957, pp. 107-108.
  15. A. Schreinet, « Auswirkungen der Grossen Sozialistischen Oktoberrevolution auf Deutschland vor und während der Novemberrevolution », Zeitschrift für Geschichtswissenschaft, n° 1, 1958, p. 32.
  16. Roland Bauer, « Uber den Charakter der Novemœrrevolution », ibidem, p. 142.
  17. Ibidem, p. 168.
  18. Neues Deutschland, 18 juin 1958.
  19. Bericht III (8) ... , pp. 356-357.
  20. Einheit, n° 6, juin 1963, p. 5.
  21. Einheit, août 1962 (numéro spécial), p. 5.
  22. Die Oktoberrevolution in Deutschland (Réunion d'historiens, 25-30 novembre 1957 à Leipzig), p. 223.
  23. Einheit, août 1962 (numéro spécial), pp. 28-30.
  24. H. Weber, Ulbricht fälscht Geschichte (Ein Kommentar mit Dokumenten zum « Grundriss der Geschichte der deutschen Argeiterbewegung »), 1964.
  25. Ibidem, p. 110.
  26. Einheit, août 1962 (numéro spécial), p. 33.
  27. Heinz Habedank, Zur Geschichte des Hamburger Aufstandes 1923, Berlin, 1958.
  28. Notamment Lenin und die Aktionseinheit in Deutschland, ainsi que la série d'articles dans BzG sur le sujet.
  29. Werner T. Angress, Stillborn Revolution. The Communist Bid for Power in Germany 1921-1923, Princeton, 1963.
  30. Ibidem, p. 475.
  31. R. Lowenrhal, « The Bolshevisation of the Spartakus League », St Antony's Papers, n° 9, Londres, 1960, pp. 23-71.
  32. Ibidem, p. 68.
  33. Ibidem, pp. 69-70.
  34. Ibidem, p. 71.
  35. Et même si dans sa brochure déjà citée (chap. XLIII, n. 10), il se présente lui-même comme un militant allemand : Rosa Luxemburg y est bien représentée, elle, comme une militante polonaise !
  36. Radek écrivait déjà en 1919 que le parti communiste devait toujours avoir conscience que « ce n 'est pas la révolution qui a à apprendre de lui, mais lui d'elle » (Die Entwicklung, pp. 21-22).
  37. K. Liebknecht, Politische Aufzeichnungen ans seinem Nachlass. p. 17 (le passage a été supprimé dans l'édition en R.D.A. des écrits de Liebknecht, jusqu'en 1968).
  38. Die Rote Fahne, 4 février 1920.
  39. Bericht 5 ... , p. 38.
  40. Ibidem, p. 40.
  41. Ibidem, p. 107.
  42. Voir ci-dessus, chap. XXXII et la lettre de Brandler citée par H. Weber, Die Wandlung I, p. 308.
  43. Bericht III (8) ... , p. 373.
  44. Bericht 2 ... , pp. 28-29.
  45. Lettre citée par Weber, Die Wandlung, I, p. 308.
  46. Protokoll des II..., pp. 594-596.
  47. Archives Levi, P 50/a 5, reproduit dans Comintern, op. cit., p. 292.
  48. Ibidem, pp. 293-294.
  49. Voir tableau des représentants du K.P.D. à Moscou en annexe.
  50. Œuvres, t. XXIX, p. 313.
  51. Soll die V.K.P.D....
  52. « Bilan d'une période » (25 mars 1923), Le Mouvement communiste en France (1919-1939), Paris, 1967, pp. 270-272, et « Trotzkis Brief », Unser Weg (Sowjet), H. ¾ ; 15 février 1922, pp. 82-84.
  53. « The Bolshevisation of the Spartacus League », International Communism, St-Antony's Papers, n° 9, pp. 23-71.
  54. Les épithètes les plus courantes sont « opportuniste de droite » et « renégat ». Le volume consacré à l'année 1919 des Dokumente und Materialen zur Geschichte der Deutschen Arbeiterbewegung ne mentionne pas une seule fois le nom du dirigeant du K.P.D. de l'époque ! Arnold Reisberg, dont l'ouvrage Lenin und die Aktionseinheit in Deutschland ne nie pas par ailleurs le rôle de Radek dans l'histoire du K.P.D., parle de « la politique opportuniste et traîtresse » de Levi, qui allait bientôt « se révéler un renégat » (p. 87).
  55. Erinnerungen an Lenin portent la date de « fin janvier 1924 ».
  56. « Lettre aux camarades allemands» (14 août 1921), Œuvres, t. 32, p. 549.
  57. « Et maintenant ? », Ecrits, t. III, pp. 170-171.
  58. « Communistes et indépendants en Allemagne ». annexe n° 2 de « La Maladie infantile du communisme », Œuvres, t. 31, p. 107.
  59. C. Zetkin, Souvenirs ... , p. 40.
  60. Ibidem, pp. 25-26.
  61. Annie Kriegel dans L'Œil de Moscou à Paris, note p. 103 : « Il fut alors exclu pour déviation opportuniste. »
  62. C. Zetkin, Souvenirs ... , p. 42.
  63. Lettre de Trotsky, publiée par Die Rote Fahne, 13 janvier 1922, citée par P. Levi, « Trotzkis Brief », Unser Weg (Sowjet), H. 3/4, 15 février 1922, pp. 82-84.
  64. C. Zetkin, Souvenirs ... , p. 42.
  65. Selon E. H. Carr, The Bolshevik Revolution, t. III, p. 335, n. 2, Heckert avait laissé entendre cette interprétation de l'action de mars dans son intervention au congrès pan-russe des syndicats en mai 1921. M. Flechtheim a développé ultérieurement la thèse d'un lien entre l'insurrection de Cronstadt et l'action de mars (Die K.P.D. und die Weimarer Republik, 1948, p. 73), thèse qui ne résiste pas à un examen attentif de la chronologie.
  66. C. Zetkin, Souvenirs ... , p. 48.
  67. Wilhelm Herzog, « Russisches Norizbuch », Das Forum, 4° a., n° 11, août 1920, pp. 805-807.
  68. H. Schurer, « Radek and the German Revolution », Survey, n° 53, octobre 1964, p. 62.
  69. Trotsky, Ma Vie, t. II, p. 94.
  70. Schurer, op. cit., p. 63.
  71. C. Zetkin, Souvenirs ... , pp. 25-26.
  72. Schurer, op. cit., p. 65.
  73. Trotsky, Les Crimes de Staline, pp. 137-138.
  74. L Trotsky, « Leçons d'octobre », Cahiers du bolchevisme, n° 5, 19 décembre 1924, pp. 313-314.
  75. Ibidem, p, 333.
  76. Ibidem, p. 335.
  77. «Critique du programme », L'Internationale communiste après Lénine, t. I, p. 191.
  78. Ibidem, pp. 190-191.
  79. Ibidem, pp. 191-192.
  80. Ibidem, p. 192.
  81. Ibidem, p. 199.
  82. Ibidem, p. 196.
  83. Ibidem, pp. 197-198.
  84. Préface à l'édition allemande de Leçons d'octobre, pp. 3-4.
  85. Ibidem, p. 5.
  86. Ibidem.
  87. Ibidem, pp. 6-7.
  88. « Ueber die gegenwärtige Aufgaben der Partei », S.P.W., 7 septembre 1923.
  89. Il reviendra à plusieurs reprises sur cette question, notamment dans « Bei der Kommunisten », S.P.W., 17 avril 1924.
  90. « Der neue Kommunistendreh », S.P.W., 18 juin 1925 .
  91. Voir chap. XLII.
  92. Archives Levi, P 124/8.
  93. New International, op. cit., p. 156.
  94. L. Trotsky, Histoire de la révolution russe, t. IV, pp. 473-474.