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Combats d'arrière-garde
Notice du traducteur[modifier le wikicode]
Marx et Engels n'ont pas arrêté le combat pour la Commune le jour où elle fut vaincue. Sur le simple plan militaire de la lutte des classes, il importe que le parti organise les forces révolutionnaires, non seulement quand elles passent à l'attaque, mais encore lorsqu'elles battent en retraite: la défaite est plus ou moins lourde selon la manière dont le vaincu y réagit, physiquement et moralement; en outre, les conditions de la reprise de la lutte et la chance de vaincre dans la prochaine guerre de classes sont fortement déterminées par la capacité de sauver et d'organiser les forces révolutionnaires après la défaite. La Seconde Internationale n'aurait pu surgir plus forte que la Première, si elle n'avait pas été reliée par un fil ininterrompu, quoique ténu, sur le plan théorique aussi bien que politique et militant. On ne construit pas une Internationale dans l'enthousiasme et la volonté révolutionnaires, retrouvés un beau jour. Même lorsqu'elle eut cessé d'exister « formellement », le petit « parti Marx » continua de défendre ses principes avec une continuité totale et sur des positions invariables. De même Lénine, en fondant la Troisième Internationale, mena sans interruption une dure lutte, toujours contre le révisionnisme, et parfois à contre-courant des masses, par exemple après la débâcle de la Seconde Internationale, le 14 août 1914.
Du plan militaire de l'agencement de la retraite, on arrive tout de suite au plan politique, en passant par le problème organisationnel. Mais ce qui est toujours fondamental, c'est la lutte théorique qui oriente et le caractère et le but de la lutte politique.
Marx et Engels avaient déconseillé aux ouvriers parisiens d'engager la bataille décisive, parce qu'un rapport de forces défavorable et la faiblesse de leur organisation les empêchaient de vaincre. On devait retrouver, après la dure défaite, un rapport de force général au moins aussi défavorable et une organisation amoindrie. Cependant, Marx avait saisi que les ouvriers, acculés à la bataille par la bourgeoisie, avaient eu le juste instinct de se battre plutôt que de succomber sans lutter devant la bourgeoisie, car « dans le dernier cas, la démoralisation de la classe ouvrière eût été un malheur infiniment plus grand » (cf. supra p. 130).
Si l'Internationale remporta encore des victoires lors de la bataille d'arrière-garde, ce fut l'immense mérite de Marx et d'Engels, ainsi que des ouvriers courageux et combatifs. Il existe toujours un rapport, non pas direct, mais dialectique, entre la force et la valeur du prolétariat et celles de son parti, entre les conditions objectives et les conditions « subjectives ».
Les textes de la dernière partie de ce volume sur la Commune sont, grosso modo, subdivisés logiquement et chronologiquement, selon les rubriques suivantes:
1º Défense immédiate de la Commune. Marx et Engels intensifient encore la lutte après la défaite de Mai, en dénonçant avec énergie les ennemis déclarés et cachés de tout l'univers officiel: gouvernements, presse, partis réactionnaires, oppositionnels, petits-bourgeois, républicains, etc. Parallèlement, la presse libérale anglaise, par exemple, découvre son véritable visage: son hostilité croît à chaque Adresse de l'Internationale et, elle se fait la complice de Thiers dans la chasse aux Communards.
La grande peur de toutes les classes privilégiées atteint son paroxysme après la Commune et gagne tout le monde civilisé. Elle va de pair avec le terrorisme de la bourgeoisie à l'encontre des ouvriers, des Communards, et des membres de l'Internationale. La répression va des fusillades et déportations à la délation, la fabrication de faux, la provocation, la diffamation et la falsification des principes et des buts de la Commune et du socialisme. Le spectre du communisme hante toute l'Europe voire l'Amérique, et l'attitude courageuse de l'Internationale sous la direction de Marx et d'Engels atteint un résultat que l'on pouvait difficilement espérer après l'écrasement de la Commune et le déchaînement de la réaction: faire de l'Internationale une véritable puissance en Europe.
En rendant coup pour coup avec les moyens dont elle disposait, l'Internationale fit connaître et respecter partout la Commune et elle-même. Marx définit sa méthode, en accord avec les blanquistes: « Nous devons mener une action non seulement contre les gouvernements, mais encore contre l'opposition bourgeoise qui n'est pas encore arrivée au gouvernement. Comme le propose Vaillant, il faut que nous jetions un défi à tous les gouvernements, partout, même en Suisse, en réponse à leurs persécutions contre l'Internationale. La réaction existe sur tout le continent: elle est générale et permanente, même aux États-Unis et en Angleterre, quoique sous une autre forme » (p. 213).
La condition sine qua non du succès, c'était que l'Internationale reste unie. C'est pourquoi Marx s'efforça, autant qu'il le put, de concilier les multiples tendances et de dissimuler les dissensions qui déchiraient l'Internationale.
Dès 1844, Engels dit que les persécutions ne contribuèrent pas à détruire le communisme, mais tout au contraire le servirent (ce qui n'empêche que l'on combatte et dénonce la répression par tous les moyens): la même chose se produisit après la Commune, et Marx-Engels le répéteront souvent.
Ce fut surtout un fait économique - le développement pacifique du capitalisme en Europe occidentale de 1871 à 1914 - qui diminua la capacité et l'initiative révolutionnaires du prolétariat, cependant que le centre de gravité du mouvement révolutionnaire se déplaçait vers la Russie, comme Marx l'entrevit dans la Préface russe du Manifeste Communiste, et Kautsky et Lénine le remarqueront souvent.
Le reflux de la vague révolutionnaire dans les pays capitalistes occidentaux atteignit d'abord l'Angleterre, les États-Unis, puis la France et à un degré moindre I'Allemagne (qui eut une grave défaillance en 1914, mais se ressaisit magnifiquement en 1919-1921). Le « parti Marx », puis les marxistes de la Seconde Internationale tentèrent de contrecarrer cette évolution: en l'absence de grands mouvements révolutionnaires, la lutte se déplaça vers la défense du programme marxiste à l'intérieur de l'Internationale, puis de la social-démocratie et se limita à des revendications syndicales et politiques, ne dépassant pas le cadre du régime existant.
La lutte politique et organisationnelle au sein de l'Internationale éclata entre marxistes et anarchistes, à propos des méthodes et des principes révolutionnaires, proposés et utilisés par chacune de ces tendances durant et après la Commune. Elle porte sur les enseignements de l'un de ces grands événements qui ont permis de théoriser et de confirmer l'un des trois points fondamentaux du marxisme: la dictature du prolétariat. En même temps, la divergence portait sur les tâches immédiates des ouvriers au cours de la période qui s'ouvrait.
2º La phase politique et théorique tourne essentiellement autour de la nature et la fonction du parti et de l'État. Après l'échec de la tentative du prolétariat de se constituer en classe dominante pour réaliser ses buts socialistes, c'est-à-dire de se forger un État susceptible de réduire par la violence les survivances capitalistes, puis de s'éteindre progressivement, le prolétariat battu rétrogradait au niveau de la classe existant pour soi, c'est-à-dire dotée d'un parti. En prétendant que le prolétariat ne devait pas s'organiser en parti, les anarchistes faisaient tomber le prolétariat plus bas encore: au lieu d'exister comme classe consciente d'elle-même et luttant ensemblement pour ses propres intérêts, les prolétaires n'eussent plus été qu'une classe pour les capitalistes qui les exploitent. C'était retomber au niveau historique du prolétariat à l'aube du capitalisme. Tels furent le contexte et l'enjeu de la polémique sur l'abstention en matière politique et sur l'autoritarisme.
Les textes, comme les événements, ont un caractère à la fois théorique et pratique: d'une part, les anarchistes, consciemment ou inconsciemment au service de la bourgeoisie en pleine fureur répressive, s'acharnèrent à minimiser d'abord l'importance et le rôle de l'Internationale, puis à nier toute organisation militante unitaire; d'autre part, Marx et Engels affirmèrent avec une netteté et une vigueur accrues la nécessité et la fonction du parti. Parallèlement, se déroula la lutte politique concrète au sein de l'Internationale, dont le procès de dissolution s'amorça irrésistiblement deux ans après la chute de la Commune et s'acheva - pour sauver l'honneur et les principes - par son transfert à New York et sa mise en veilleuse. En apparence, Marx et Engels sont vaincus, comme le fut la Commune, par suite du «manque de centralisation et d'autorité » (p. 218).
Pourtant, ce n'est pas par un aveugle optimisme de commande qu'Engels affirme, lors des différentes commémorations de la Commune, que le prolétariat était plus fort et mieux organisé qu'au moment de la Ire Internationale: les traditions révolutionnaires restaient vivaces et conservaient leur prestige, en outre, le développement même de l'économie capitaliste concentre et discipline les ouvriers, de manière élémentaire, tandis que le gonflement de l'appareil politique de l'État, les menaces en politique extérieure et l'intensification des luttes de partis au sein du Parlement, par exemple, développèrent le sens politique des ouvriers en général. La formation de la Seconde Internationale en 1885 confirme l'optimisme de Marx et d'Engels: de grands et puissants partis ouvriers formèrent la nouvelle Internationale.
Marx dit que la Commune avait démontré la faillite du proudhonisme et de l'anarchisme en général, et confirmé le marxisme. Lénine ajoute que la victoire du marxisme fut si éclatante que désormais les ennemis du prolétariat, les pseudo-socialistes, revendiqueraient eux-mêmes le marxisme, en paroles, pour le trahir en fait.
3º La dernière phase expose les positions du marxisme sur le rapport entre parti prolétarien et État existant . Marx et Engels théorisent ici encore l'expérience de la Commune: le prolétariat et son parti doivent détruire par la violence l'État bourgeois avant d'instaurer la dictature du prolétariat. Cependant, pour se préparer à cette lutte, les prolétaires doivent revendiquer au sein du système capitaliste pour des conditions de vie meilleures au moyen des syndicats, de même qu'ils doivent faire de la politique sans s'insérer dans le système bourgeois.
Les textes théoriques s'imbriquent étroitement aux écrits traitant de problèmes immédiats et d'actualité brûlante: détermination de la politique et de l'action des organisations ouvrières. Marx et, après lui, Engels jouent le rôle de conseiller et d'arbitre dans les conflits opposant les multiples courants de la social-démocratie des divers pays. La phase idyllique de développement du capitalisme suggère avec force la possibilité et l'efficacité d'une politique de réformes et, par voie de conséquence, de révision du marxisme révolutionnaire.
Les novateurs prônent l'abandon de la violence et l'utilisation de la démocratie en politique et des revendications graduelles en économie, et scindent le mouvement unitaire du prolétariat en deux secteurs poursuivant en fait des buts différents avec des moyens et des organisations particuliers, contrairement au modèle de la Ire Internationale de Marx. Les améliorations progressives des conditions de vie du prolétariat (surtout en Amérique, en Angleterre et en Allemagne) et le gonflement des appareils syndicaux et politiques de la classe ouvrière font illusion et sont exploités par le révisionnisme qui déclare qu'une nouvelle phase sociale s'ouvrait, exigeant un changement de doctrine et de politique. La partie militaire du marxisme et ses méthodes de lutte violente, tirées de l'expérience des luttes de classes en France et confirmées par l'histoire des autres pays, sont évidemment les plus contestées par les novateurs. Or, la théorie marxiste et la stratégie à appliquer dans la guerre de classes ne sont pas le patrimoine de chefs, mais l'expérience théorisée des luttes des classes ouvrières: nul Comité directeur, ni Congrès n'ont le droit, ni le pouvoir de changer les lois historiques inexorables.
Certains dirigeants de la social-démocratie allemande mirent sous le boisseau une grande partie de l'œuvre de Marx-Engels, choisirent les écrits qui leur convenaient et en tronquaient d'autres, les accompagnant de commentaires tendancieux. Ils allèrent jusqu'à demander au vieil Engels de modifier lui-même certains passages en fonction de situations contingentes et, si cela ne suffisait pas, en supprimaient certains, dans l'espoir de démontrer qu'il s'était converti au réformisme et au révisionnisme, en devenant un démocrate. La dernière tentative porta sur le dernier texte important écrit par Engels et présenté en quelque sorte comme la conclusion de toute son oeuvre et de son expérience militante: la Préface de 1895 aux Luttes de classes en France. Or, ces luttes représentent le modèle classique de l'action politique pour les ouvriers du monde entier.
Dans cette Préface, Engels - expert militaire - dit, par exemple, que les luttes de barricades sont aujourd'hui dépassées. Mais il ne commande pas pour autant de ne jamais plus utiliser cette méthode de combat, mais constate simplement que, face aux armées modernes, ce moyen est dérisoire pour s'emparer du pouvoir. De même, affirmer qu'on ne peut renverser le régime capitaliste au moyen d'une grève générale, n'est pas renoncer aux grèves.
À ce point, Engels ne peut concéder davantage, même si les ouvriers allemands doivent être prudents à un moment très court où le gouvernement cherche un prétexte pour les surprendre et les attaquer à l'heure et dans les conditions choisies par lui:
« J'estime que vous n'avez rien à gagner si vous prêchez le renoncement absolu à l'intervention violente. Personne ne vous croira, et aucun parti d'aucun pays ne va aussi loin dans le renoncement au droit de recourir à la résistance armée.
« Qui plus est, je dois tenir compte des étrangers - Français, Anglais, Suisses, Autrichiens, Italiens, etc. - qui lisent ce que j'écris: je ne peux me compromettre aussi complètement à leurs yeux. » (p. 260).
Défense de la commune[modifier le wikicode]
« Le Conseil général est fier du rôle éminent que les sections parisiennes de l'Internationale ont assumé dans la glorieuse révolution de Paris. Non point, comme certains faibles d'esprit se le figurent, que la section de Paris, ni aucune autre branche de l'Internationale, ait reçu un mot d'ordre d'un centre. Mais, comme dans tous les pays civilisés la fleur de la classe ouvrière adhère à l'Internationale et est imprégnée de ses principes, elle prend partout, à coup sûr, la direction des actions de la classe ouvrière. » (K. Marx, Deuxième. ébauche de la Guerre civile en France.)
Madame Marx à Wilhelm Liebknecht
Dimanche, le 26 mai 1872
Mon cher Library,
... Vous ne pouvez avoir idée de ce que nous avons enduré ici à Londres, depuis la chute de la Commune. Toute cette misère indescriptible et ce malheur infini. Et en plus le travail presque insoutenable pour l'Internationale ! Toute la racaille s'est tue, tant que notre Maure a réussi à grand-peine par son travail, sa diplomatie et ses louvoiements, à tenir ensemble - aux yeux du monde et de la multitude de nos ennemis - les éléments récalcitrants, à sauver l'Association du ridicule et à inspirer crainte et terreur à la masse de ceux qui tremblaient, tout en ne participant à aucun congrès officiel et en prenant sur lui toute la peine sans en avoir l'honneur. À présent que nos ennemis l'ont tiré de l'ombre et l'ont placé à l'avant-scène en pleine lumière, la meute se rassemble, et policiers et démocrates clament le même refrain à propos de son « despotisme, de son autoritarisme et de son ambition » ! Certes, il se fût infiniment mieux porté s'il avait continué tranquillement son travail et élaboré pour les combattants la théorie de la lutte à mener. Mais il n'a eu ni trêve ni repos, jour et nuit ! Et pour nos affaires privées, ce fut ruineux: la gêne - et quelle gêne - s'est installée chez nous. Précisément au moment où nos filles avaient besoin d'aide...
Jenny MARX
Engels
L'Adresse sur la Guerre Civile en France et la presse anglaise
Londres, le 30 juin 1871
Depuis que Londres existe, aucun imprimé n'a eu un retentissement aussi profond que l'Adresse du Conseil général de l'Internationale. La grande presse a éprouvé pour commencer son moyen de prédilection: tuer une idée en faisant le silence le plus complet sur elle. Mais il suffit de quelques jours pour établir que cette méthode ne convenait pas. Le Telegraph, le Standard, le Spectator, la Pall Mall Gazette et le Times durent se résoudre les uns après les autres à parler dans leurs éditoriaux de ce « remarquable document ». Ensuite, ce furent les lettres de lecteurs aux journaux pour souligner tel ou tel point particulier. Puis de nouveau des éditoriaux, et ce weekend les hebdomadaires revinrent une fois de plus sur ce sujet. Toute la presse unanime a dû reconnaître que l'Internationale était une grande puissance européenne, avec laquelle il fallait compter et que l'on ne pouvait éliminer, en faisant le silence sur elle. Tout le monde a dû reconnaître la maîtrise de style de l'Adresse - une langue aussi puissante que celle de William Cobbett, à en croire le Spectator.
Il fallait s'attendre à ce que cette presse bourgeoise dans sa quasi-unanimité tombe à bras raccourcis sur un exposé aussi radical des positions prolétariennes et sur une justification aussi éclatante de la Commune de Paris. De même, on pouvait s'attendre à ce que la presse policière de Paris fabrique des faux sur le modèle de Stieber et que Jules Favre exhibe les écrits de l'Alliance de la démocratie socialiste de Bakounine (qui n'a rien à voir avec notre Association) pour nous les attribuer, malgré les dénégations publiques du Conseil général. Cependant, tout ce tapage finit par agacer les philistins eux-mêmes. Le Daily News commença à se modérer, et l'Examiner, la seule feuille qui se comporta vraiment comme il faut, prit nettement parti pour l'Internationale dans un article de fond.
Deux membres anglais du Conseil général, dont l'un - Odger - entretenait depuis longtemps des rapports trop étroits avec la bourgeoisie, et l'autre - Lucraft - se montrait bien plus compréhensif aux idées des gens « respectables » depuis son élection au conseil scolaire de Londres, se laissèrent aller, par suite de tout le tapage de la presse, à déclarer qu'ils quittaient le Conseil, ce dont il prit acte à l'unanimité. Ils sont déjà remplacés par deux autres ouvriers anglais - J. Roach et A. Taylor - et ils se rendront bientôt compte des conséquences de leur trahison à l'heure de la décision pour le prolétariat.
Un curé anglais - Llewellyn Davies - pleurnicha dans le Daily News sur les accusations portées par l'Adresse contre Jules Favre et Cie; il estimait qu'il serait souhaitable de faire constater ce qui est vrai ou faux, en organisant par exemple un procès du gouvernement français contre le Conseil général. Dès le lendemain, Karl Marx déclara, dans la même feuille, qu'il se tenait personnellement pour responsable de ces accusations,- mais, il semble que l'ambassade française n'ait donné aucun ordre d'engager une action en diffamation. À la fin, la Pall Mall Gazette déclara qu'elle ne s'imposait pas, la personne privée d'un homme d'État étant sacrée et ses actes publics seuls pouvant être attaqués. Bien sûr, il suffirait de mettre à la lumière du jour la vie privée des hommes d'État anglais pour que ce monde oligarchique et bourgeois vive sa dernière heure.
Un article de et sur la fripouille de Netchaeïv dans le Wanderer de Vienne a fait le tour de la presse allemande, qui magnifie ses œuvres en même temps que celles de Serebrenikof et d'Elpidine. Pour l'heure, il suffit de remarquer que cet Elpidine est notoirement un espion russe.
Extraits des protocoles des réunions du Conseil Général
Marx
Exposé sur les calomnies répandues par la presse bourgeoise sur l'Internationale et la Commune de Paris à la réunion du 6 juin 1871
Marx attire l'attention du Conseil sur les mensonges éhontés, répandus par la presse anglaise sur la Commune: ces mensonges sont fabriqués par la police française et prussienne, qui redoutent que la vérité n'arrive à la lumière du jour. On affirme que Millière a été l'un des membres les plus fanatiques de la Commune. Or, il n'a jamais fait partie de celle-ci; cependant, comme il était député de Paris, il a fallu trouver un prétexte pour le faire fusiller.
La presse anglaise accomplit pour Thiers un rôle de policier et de chien de chasse sanguinaire. Pour justifier la politique répressive de Thiers, elle invente des calomnies sur la Commune et l'Internationale. Pourtant, les buts et les principes de l'Internationale sont bien connus de la presse. Elle a beaucoup écrit sur les persécutions auxquelles l'Internationale fut soumise à Paris sous l'Empire. Des correspondants de presse ont assisté aux différents Congrès de l'Association et ont rendu compte de leurs débats. Tout cela ne l'empêche pas de faire circuler des rumeurs selon lesquelles la fraternité des Fenians, les carbonari, Marianne[1] et d'autres sociétés secrètes appartiennent à l'Association; Elle s'adresse au colonel Henderson pour lui demander s'il sait où se trouve le Conseil général, quel est son siège à Londres et quel est sa dénomination. Tout est inventé à seule fin de justifier n'importe quelle mesure prise à l'encontre de l'Internationale. Les « classes supérieures » ont peur des principes de l'Internationale.
Marx attire, en outre, l'attention sur le fait que Mazzini a publié, dans Contemporary Review, un article où il calomnie la Commune. On ne sait pas assez que Mazzini a toujours été hostile au mouvement ouvrier. Mazzini a diffamé les insurgés de juin 1848, au point que Louis Blanc - jadis plus courageux qu'aujourd'hui - l'attaqua à son tour. C'est Mazzini qui dénonça Pierre Leroux, père d'une nombreuse famille, lorsqu'il trouva du travail à Londres.
Le fait est que Mazzini, avec son républicanisme de style ancien n'a rien compris et n'a jamais obtenu le moindre résultat. Son mot d'ordre tapageur de nationalité a contribué à la formation en Italie d'un despotisme militaire. L'état forgé par son imagination est tout pour lui, tandis que la société réelle n'est rien. Plus vite le peuple se débarrassera d'un tel homme, mieux cela vaudra.
Marx-Engels
Déclaration du Conseil général relative à la circulaire de Jules Favre (au directeur du Times)
Londres, 17 juin 1871
Monsieur,
Le 6 juin 1871, monsieur Jules Favre a adressé une circulaire[2] à toutes les puissances européennes, pour les sommer de faire une chasse à mort à l'Association internationale des travailleurs. Quelques mots suffisent à caractériser ce document.
Comme l'indique déjà le Préambule de nos Statuts, l'Internationale a été fondée le 28 septembre 1864, lors d'un meeting public tenu à St. Martin's Hall, Long Acre, Londres. Pour des motifs qui lui sont tout personnels, Jules Favre reporte cette date en 1862.
Pour expliquer nos principes, il prétend mentionner la feuille (de l'Internationale) du 25 mars 1869. Et que cite-t-il ? La feuille d'une société qui n'est pas l'Internationale. Il utilisa déjà ce tour de passe-passe au commencement de sa carrière d'avocat, lorsqu'il défendit le National, journal de Paris, poursuivi par Cabet pour diffamation. Il glissa des passages de son propre cru dans les extraits de pamphlets de Cabet qu'il lut au tribunal. Toutefois, ce petit jeu fut découvert en pleine séance du tribunal et Favre aurait été radié du barreau, sans l'indulgence de Cabet. De tous les documents qu'il cite comme pièces à conviction contre l'Internationale, aucun n'appartient à l'Internationale. Il dit, par exemple:
« L'Alliance se proclame athée, comme le dit le Conseil général constitué à Londres, en juillet 1869. »
Le Conseil général n'a jamais publié de pareil document. Au contraire, il a publié un document qui s'oppose aux statuts créant l' « Alliance » - l'Alliance de la Démocratie Socialiste de Genève - citée par Jules Favre.
De bout en bout de sa circulaire, dont il prétend qu'elle est dirigée aussi contre l'Empire, Jules Favre ne fait que répéter contre l'Internationale les inventions policières des procureurs impériaux, inventions qui se sont écroulées lamentablement même devant les tribunaux de l'Empire.
Chacun sait que le Conseil général de l'Internationale a dénoncé les visées de conquête prussiennes aux dépens de la France, dans ses deux Adresses de juillet et septembre dernier. Par la suite, M. Reitlinger, secrétaire personnel de Jules Favre, s'adressa - naturellement en vain - à quelques membres du Conseil général pour organiser une manifestation de masse hostile à Bismarck et favorable au gouvernement de la Défense nationale, en les priant de ne jamais y mentionner la République. On mit en train les préparatifs d'une manifestation, à l'occasion de l'arrivée attendue de Jules Favre à Londres - certainement avec les meilleures intentions du monde, mais contre la volonté du Conseil général qui, dans son Adresse du 9 septembre, avait expressément mis en garde les ouvriers de Paris contre Jules Favre et ses collègues.
Que dirait Jules Favre, si l'Internationale adressait à son tour une circulaire sur Jules Favre à tous les cabinets européens pour attirer tout particulièrement leur attention sur les documents publiés à Paris par feu M. Millière ?
Je demeure, Monsieur, votre dévoué serviteur.
John Hales
Secrétaire du Conseil général de l'Association internationale des travailleurs
Marx
À la rédaction du « Daily News »
Londres, le 26 juin 1871
Monsieur,
Un Conseil formé de plus de 30 membres ne peut évidemment rédiger directement ses propres documents. Aussi doit-il confier ce soin à tel ou tel de ses membres, en se réservant le droit de repousser ou de compléter le projet. L'Adresse sur la Guerre Civile en France que j'ai rédigée a été adoptée à l'unanimité par le Conseil général de l'Internationale et est, en conséquence, l'expression officielle de sa pensée. Toutefois, il en va autrement des accusations personnelles portées contre Jules Favre et Cie. Sur ce point, la grande majorité du Conseil a dû faire confiance à ma parole. C'est exactement pour cette raison que je soutins un autre membre du Conseil, qui proposa que Mr John Hales indique dans sa réponse à Mr Holyoake, que je suis l'auteur de l'Adresse. Je me déclare personnellement responsable pour ces accusations, et je somme, par la présente, Jules Favre et Cie de m'intenter une action en diffamation. Mr Llewelly Davies affirme dans sa lettre: « Il est triste de lire les accusations personnelles d'infamie que les Français se lancent à la face les uns les autres. »
Cette phrase n'évoque-t-elle pas ce philistinisme propre à certains Britanniques, comme William Cobbett l'a dit avec humour ? Nous demandons à Mr Llewellyn Davies: la petite presse française de boulevard, qui est au service de la police contre les communards - qu'ils soient morts, emprisonnés ou qu'ils se cachent - et qui fabrique les plus odieuses calomnies, est-elle pire que la presse anglaise, qui, malgré son prétendu mépris pour cette presse, en reprend chaque jour les mensonges ? Est-ce une marque d'infériorité des Français, si des accusations aussi graves que celles par exemple qu'un homme comme Mr David Urquhart a soutenues pendant tout un quart de siècle contre feu lord Palmerston, ont pu être passées totalement sous silence en Angleterre, et non en France.
Karl Marx
Marx
Au rédacteur de la « Pall Mall Gazette » Frederic Greenwood
Publié dans The Eastern Post du 8 juillet 1871
Monsieur,
J'ai écrit au Daily News - et vous l'avez reproduit dans votre Pall Mall - que je me déclarai personnellement responsable pour les accusations que j'ai portées contre Jules Favre et Cie.
Dans votre édition d'hier, vous prétendez que ces « accusations » sont des « calomnies ». Or, je déclare que c'est vous le calomniateur. Ce n'est pas de ma faute, si vous êtes aussi ignorant qu'arrogant. Si nous vivions sur le continent, je vous en demanderais raison de toute autre manière.
Votre dévoué
Karl Marx
Engels
Résolution du Conseil général sur l'exclusion de Durand
Attendu que le Conseil général possède la preuve irréfutable que Gustave Durand de Paris - ouvrier orfèvre, ex-délégué des ouvriers orfèvres au comité de la chambre fédérale des Sociétés ouvrières de Paris, ex-chef de bataillon de la Garde nationale, ex-caissier-chef du ministère des Finances sous la Commune, actuellement réfugié à Londres - s'est mis au service de la police française pour moucharder le Conseil général de l'Association internationale des travailleurs, de même qu'il a servi et sert encore d'indicateur de police contre les anciens communards réfugiés à Londres, et qu'il a touché la somme de 725 frs pour les basses besognes;
Gustave Durand est stigmatisé comme traître et exclu de l'Association internationale des travailleurs.
Toutes les sections de l'Association internationale des travailleurs doivent être informées de cette décision.
Londres, le 9 octobre 1871
Au nom du Conseil général:
Karl Marx, secrétaire pour l'Allemagne
Marx
Déclaration du Conseil général relative à l'utilisation abusive par Netchaïev du nom de l'Internationale
Der Volkstaat, le 1er novembre 1871
La Conférence des délégués de l'A.I.T. tenue à Londres du 17 au 23 septembre 1871 a chargé le Conseil général de déclarer publiquement:
- que Netchaïev n'a jamais été membre ou agent de l'Association internationale des travailleurs;
- que ses déclarations (portées à la connaissance du public par le procès politique de Saint-Pétersbourg),[3] selon lesquelles il aurait fondé une section de l'Internationale à Bruxelles et aurait été chargé par une section bruxelloise d'une mission à Genève, sont mensongères;
- que le susdit Netchaïev a usurpé le nom de l'Association internationale des travailleurs et l'a exploité pour faire des dupes et des victimes en Russie.
Londres, le 25 octobre 1871
Au nom du Conseil général:
Karl Marx, Secrétaire pour l'Allemagne et la Russie
Extraits du protocole du Conseil Général
Marx
Exposé contre Odger, à la réunion du 1er août 1871
The Eastern Post, le 5 août 1871
Le citoyen Marx dit qu'il lui reste à parler d'un autre sujet. Il se trouve que, dans une réunion de la Land and Labour League, un certain Mr Shipton, - un illustre inconnu, mais qui passe pour être le bras droit de Mr Odger - a critiqué l'Adresse sur la Guerre civile en France et a déclaré qu'il [le Dr Marx] aurait répudié toute attache avec le Conseil général. Une telle remarque montre simplement l'ignorance de Mr Shipton et n'est pas signe de son intelligence, même s'il agit peut-être en tant qu'homme de paille d'Odger. En effet, comment Marx se serait-il désolidarisé du Conseil, alors qu'il a pris sur lui toute la responsabilité des accusations formulées dans l'Adresse ? Qui plus est, le Conseil général a approuvé cette initiative, afin que des individus tels que Mr Odger, qui chantent les louanges de MM. Thiers et Favre, ne puissent plus dire que les accusations formulées dans l'Adresse sont sujettes à caution. En effet, dans la lettre où Marx déclara qu'il était l'auteur de l'Adresse, il mit les personnes incriminées en demeure d'engager contre lui un procès en diffamation afin qu'un tribunal éclaircisse les faits. Mais, cela ne les intéresse pas, car elles savent fort bien quel serait le résultat.
Il est facile de comprendre pourquoi Mr Odger n'est pas content. Dans les affaires de politique extérieure, il a fait preuve d'une ignorance qu'un simple lecteur des journaux ne pourrait avoir. Odger a dit que Jules Favre est un homme irréprochable, alors que l'on sait fort bien qu'il a été, toute sa vie durant, un ennemi acharné de la classe ouvrière française et de tout ce qui est ouvrier. Il a été le principal instigateur du bain de sang de Juin 1848 et de l'expédition contre Rome en 1849. C'est lui qui réussit à faire expulser Louis Blanc de France, et c'est l'un de ceux qui ont contribué à ramener Bonaparte sur le trône. Malgré tout, Mr Odger a proclamé sans sourciller: « On ne peut rien reprocher à Jules Favre, dans tout ce qu'il a fait. »
Si Mr Odger qui prétend avoir été l'un des membres les plus actifs de l'Internationale, avait simplement fait son devoir, il saurait qu'une telle déclaration est dénuée de tout fondement. Ou bien c'est un mensonge, ou bien Odger témoigne d'une ignorance impardonnable. Au cours des cinq dernières années, Mr Odger a complètement ignoré l'Internationale et n'a jamais rempli les devoirs de sa charge. Le poste de président du Conseil général a été supprimé par le Congrès, parce qu'il était inutile et purement fictif. Mr Odger a été le premier et le seul président de l'Internationale[4]. Il n'a jamais rempli ses devoirs, et le Conseil général a très bien pu agir sans lui, c'est pourquoi le poste de président a été supprimé.[5]
Engels
Déclaration du Conseil général relative à la lettre de Holyoake à la rédaction du Daily News
Londres, le 20 juin 1871
Monsieur,
En réponse à la lettre de Mr Georges Jacob Holyoake[6] publiée dans l'édition de mardi du Daily News le Conseil général de l'Association internationale des travailleurs m'a chargé de vous faire la déclaration suivante:
- À propos de l'insinuation selon laquelle l'Adresse publiée par le Conseil « pourrait servir de prétexte à Versailles pour condamner certains prisonniers à mort ou à la déportation », le Conseil estime que ses amis parisiens sont mieux à même d'en juger que Mr Holyoake.
- Le Conseil a pour règle d'apposer le nom de tous ses membres, présents ou absents, au bas de tous les documents officiels. Toutefois dans ce cas, on s'est contenté, par exception, d'enregistrer officiellement l'approbation de tous les membres présents.
- À propos de l'affirmation selon laquelle cette Adresse « ne saurait être un produit anglais, bien qu'elle ait été manifestement revue par une plume anglo-saxonne ou celte », le Conseil fait observer qu'il va de soi que les produits d'une société internationale ne peuvent porter aucune marque nationale particulière. Quoi qu'il en soit, le Conseil n'a rien a cacher -en l'occurrence. Comme de nombreuses publications antérieures du Conseil, l'Adresse a été mise au point par le secrétaire correspondant pour l'Allemagne, le Dr Karl Marx, et, après avoir été adoptée à l'unanimité, elle ne fut « révisée » par personne.
- Au cours de l'année dernière, Mr George Jacob Holyoake a posé sa candidature au Conseil, mais elle n'a pas été acceptée.
Je demeure, Monsieur, votre dévoué serviteur, John Hales Secrétaire du Conseil général de l'Association internationale des travailleurs
Engels
Déclaration du Conseil général relative aux lettres de Holyoake et Lucraft
The Daily News, le 29 juin 1871
Monsieur,
Le Conseil général de l'Association internationale des travailleurs m'a chargé de répondre comme il convient aux lettres de MM. G.J. Holyoake et B. Lucraft que vous avez publiées dans votre édition de lundi dernier. En relisant le protocole du Conseil général, je constate qu'on a autorisé Mr Holyoake à assister à une réunion du Conseil, le 16 novembre 1869 et qu'il y formula le vœu d'appartenir au Conseil et de participer au Congrès général de l'Internationale qui devait avoir lieu en septembre 1870 à Paris. Après son départ, Mr John Weston présenta cette candidature aux membres du Conseil qui lui firent un tel accueil que Mr Weston n'insista pas et retira sa proposition.
En ce qui concerne l'affirmation de M. Lucraft, selon laquelle il n'était pas présent lors du vote sur l'Adresse, on peut constater qu'il assista à la réunion du Conseil du 23 mai 1871, où l'on annonça officiellement que le projet d'Adresse sur la Guerre Civile en France serait lu et discuté à la prochaine session ordinaire du Conseil, le 30 mai. Mr Lucraft put donc décider en connaissance de cause s'il voulait ou non être présent à cette occasion. En outre, non seulement il savait que le Conseil avait pour règle d'apposer les noms de tous ses membres, présents ou non, au bas des documents officiels, mais encore il avait été l'un des défenseurs les plus zélés de cette règle, et il s'opposa, à plusieurs occasions - par exemple le 23 mai - aux tentatives pour l'abolir. À cette occasion, il informa de son propre chef le Conseil que « toutes ses sympathies allaient à la Commune de Paris ». Lors d'une réunion du Conseil, mardi soir le 20 juin, Mr Lucraft fut obligé d'admettre qu'il n'avait même encore lu l'Adresse, et qu'il tenait toutes ses opinions des nouvelles de la presse.
En ce qui concerne le démenti de M. Odger, tout ce qu'on peut dire, c'est qu'on lui a rendu visite pour l'informer personnellement de l'intention du Conseil de publier une Adresse et pour lui demander également s'il était opposé à ce que son nom y figure.
Il répondit que non. Le public en jugera. Je voudrais ajouter que l'exclusion de MM. Lucraft et Odger a été approuvé à l'unanimité.
Je demeure, Monsieur, votre dévoué serviteur
John Hales
Secrétaire du Conseil général de l'Association internationale des travailleurs.
Extraits du protocole du Conseil Général
Marx et Engels
Exposés sur les rapports de Mazzini et de l'Internationale, à la réunion du 25 juillet 1871
Le citoyen Marx dit qu'un personnage tel que le Pape lui-même [Pie IX] s'est préoccupé de l'Internationale. En réponse à une délégation de la Suisse qui lui adressait ses vœux lors d'une audience, il répondit: « Votre pays jouit de grandes libertés, mais il donne refuge à beaucoup d'hommes mauvais. Je pense aux membres de l'Internationale, qui veulent subvertir tout l'ordre et toutes les lois, et s'efforcent d'instaurer dans toute l'Europe cela même que l'on s'est efforcé de réaliser à Paris. Oui, ces messieurs de l'Internationale - qui ne sont pas des messieurs - sont l'incarnation du Mal, et la seule chose que nous puissions faire pour eux, c'est de prier pour eux. »
Le citoyen Engels dit qu'après le pape, c'est le tour de l'anti-pape. Il tient à informer le Conseil que Giuseppe Mazzini a attaqué l'Internationale dans les colonnes de son journal. Mazzini y a décrété que le peuple italien l'aimait, et qu'à son tour il aimait le peuple. Ensuite, il a poursuivi:
« Il s'est formé une Association qui menace de détruire l'ordre tout entier » (le Pape a tenu le même langage). « Elle a été fondée il y a quelques années, et j'ai refusé dès le début d'y participer. Elle est dirigée par un Conseil, dont le siège se trouve à Londres et dont l'âme est Karl Marx, esprit doué, mais destructeur comme Proudhon, nature dominatrice, jalouse de son influence sur autrui. Le Conseil lui-même, formé d'hommes de différentes nationalités, est incapable, dans le traitement des maux dont souffre la société, de poursuivre un but collectif et d'avoir une conscience commune des moyens pour éliminer ces maux. C'est pourquoi, j'ai quitté l'Internationale, comme l'a fait ensuite la section italienne de l'Alliance démocratique (Londres). Les trois principes essentiels de l'Internationale sont: 1° la négation de Dieu, c'est-à-dire de toute morale; 2° la négation de la patrie, qu'elle veut dissoudre en un conglomérat de communes, dont le destin fatal serait d'entrer en conflit les unes avec les autres; 3° la négation de la propriété, c'est-à-dire le dépouillement de chaque travailleur des fruits de son travail, car le droit à la propriété personnelle n'est rien d'autre que le droit de chacun sur ce qu'il a produit. »
Après qu'il se soit étendu en long et en large sur ces points, Mazzini a décidé de conseiller à la classe ouvrière italienne de se grouper sous sa bannière pour former une ligue contre l'Internationale, en faisant confiance aux lendemains de l'Italie, en oeuvrant pour l'avenir et la gloire de la patrie et en créant ses propres magasins de consommation (pas même des coopératives de production), afin que tout le monde puisse obtenir le plus grand profit possible.
Voyons maintenant comment Mazzini se contredit lui-même sur un point important: d'abord, il dit qu'il a « refusé dès le début de participer à l'Internationale »; puis qu'il s'en est retiré par la suite. Or, comment peut-il quitter une organisation à laquelle il n'a jamais appartenu ? Le public des lecteurs de Mazzini peut toujours se casser la tête pour imaginer comment il a pu réaliser ce tour de force. Le fait est que Mazzini n'a jamais fait partie de l'Internationale, mais qu'il a tenté d'en faire son instrument. Il a rédigé un projet de programme qui a été soumis au Comité provisoire, mais rejeté. Il y eut ensuite l'échec de plusieurs tentatives dans le même sens du major Wolff, qui, dans l'intervalle, a été démasqué comme mouchard de police. Depuis lors et jusqu'à l'incident le plus récent, Mazzini s'est abstenu de toute immixtion dans l'Internationale.
Quant à ses accusations contre l'Internationale, elles sont, ou bien fausses ou bien absurdes. La première, à savoir que l'Internationale voudrait rendre l'athéisme obligatoire, est un mensonge, qui a déjà été réfuté dans la réponse du secrétaire du Conseil général à la circulaire de Jules Favre. La seconde accusation est absurde: en ne reconnaissant aucune patrie, l'Internationale tend à l'unité de l'humanité, et non à sa dissolution. Elle est contre le mot d'ordre de la nationalité, parce que cette formule tend à diviser les peuples et est exploitée par les tyrans pour créer des préjugés et semer la haine; la rivalité entre les races latine et germanique a conduit à la récente guerre catastrophique et a été invoquée aussi bien par Napoléon que par Bismarck.
La troisième accusation révèle que Mazzini ignore jusqu'aux questions les plus élémentaires d'économie politique. L'Internationale n'a nullement l'intention d'abolir la propriété personnelle qui garantit à chacun les fruits de son travail, mais elle veut au contraire l'instaurer. Actuellement, les fruits du travail des masses vont dans la poche de quelques individus, et ce système de la production capitaliste, Mazzini entend le laisser inchangé, alors que l'Internationale s'efforce de le détruire. L'Internationale veut que les ouvriers reçoivent le produit de leur travail. Les lettres d'Italie démontrent que les ouvriers Italiens marchent dans le sillage de l'Internationale et ne se laissent pas fourvoyer par les sophismes creux de Mazzini.
Engels
La prise de position de Mazzini contre l'Internationale
Il Libero Pensiero, le 31 août 1871
Dans son manifeste aux ouvriers italiens, Mazzini affirme:
« Cette Association fondée à Londres voilà des années et à laquelle j'ai refusé dès le début ma collaboration... Un petit noyau d'individus qui a la prétention de gouverner directement une multitude considérable d'hommes divers par la patrie, les tendances, les conditions politiques, les intérêts économiques, les moyens d'action, en viendra finalement à devenir tout à fait impuissant ou à devoir opérer de manière tyrannique. C'est pourquoi je me suis retiré et la section ouvrière italienne m'a suivi peu après, etc. »
Venons-en maintenant aux faits. Après l'assemblée inaugurale de l'Association internationale des travailleurs le 28 septembre 1864, le Conseil provisoirement élu tint une réunion, où le major L. Wolff proposa un Manifeste et un projet de Statuts, rédigés tous deux par Mazzini. Dans son Projet, non seulement il ne craignait pas de « gouverner directement une multitude considérable », mais il n'envisageait, même pas que « ce petit noyau d'individus en viendrait finalement à devenir tout à fait impuissant ou à devoir opérer de manière tyrannique ». Au contraire, ses statuts étaient établis dans l'esprit d'une conspiration centralisée qui attribuait des pouvoirs tyranniques à l'organe central. Le manifeste était dans le style habituel de Mazzini: démocratie bourgeoise qui offre des droits politiques aux ouvriers dans le but de maintenir les privilèges sociaux des classes moyennes et supérieures.
Ce manifeste et ce projet de statuts furent évidemment rejetés. Les Italiens restèrent membres jusqu'à ce que certains bourgeois français qui voulaient utiliser l'Internationale à leurs fins, eurent soulevés une nouvelle fois certaines questions. Après qu'on leur eût infligé une défaite, Wolff d'abord puis les autres se retirèrent. C'est ainsi que l'Internationale en finit avec Mazzini. Quelque temps après, le Conseil central provisoire, répondant à un article de Vésinier dans le Journal de Liège, déclara que Mazzini n'avait jamais été membre de l'Association internationale des travailleurs et que son projet de manifeste et de statuts avait été rejeté.
Mazzini a furieusement attaqué la Commune de Paris, jusque dans la presse anglaise. Il a toujours agi ainsi, lorsque les prolétaires se sont soulevés. Après l'insurrection de juin 1848, il s'est mis aussitôt à dénoncer les ouvriers révoltés, et de manière si infâme que Louis Blanc, qui pourtant avait déclaré à diverses reprises que l'insurrection de juin avait été fomentée par des agents bonapartistes, lui répondit par un pamphlet.
Mazzini appelle Marx « un esprit doué... dissolvant, un tempérament dominateur », etc. C'est sans doute parce que Marx s'est entendu fort bien à déjouer la cabale ourdie par Mazzini aux dépens de l'Internationale, en surclassant, par son tempérament dominateur, la soif de pouvoir mal refrénée du vieux conspirateur, en sorte qu'il le rendit inoffensif. L'Internationale ne peut donc que se féliciter de posséder dans ses rangs un homme assez « doué », « dissolvant » et « dominateur » pour la tenir sur pied pendant sept ans et pour oeuvrer sans relâche - plus que quiconque - pour la hausser à sa fière position actuelle.
À propos du démembrement de l'Association qui, selon Mazzini, aurait déjà commencé en Angleterre, il s'agit tout simplement de ce que deux des membres anglais du Conseil qui étaient devenus trop intimes avec la bourgeoisie, ont trouvé que notre Adresse sur la Guerre civile était trop radicale et nous ont quittés pour ces raisons. Nous les avons remplacés par quatre nouveaux membres anglais et un irlandais, et le Conseil général s'estime renforcé en conséquence.
Au lieu de se désagréger, l'Internationale est pour la première fois reconnue publiquement par toute la presse anglaise comme une grande puissance européenne, et jamais à Londres un petit opuscule n'a fait aussi grosse impression que l'Adresse du Conseil général sur la Guerre civile en France, qui en est déjà à sa troisième édition.
Il importe que les ouvriers italiens prennent conscience de ce que le grand conspirateur et agitateur Mazzini ne leur adresse jamais qu'un seul conseil: Éduquez-vous, instruisez-vous aussi bien que vous le pouvez (comme si c'était réalisable sans moyens)..., employez-vous à créer des coopératives de consommation (pas même de production) - et faites confiance à l'avenir !
Marx
Lettre du Conseil général à la rédaction du « Standard »
Londres, le 20 juin 1871
Au Directeur du Standard,
Vous affirmez dans votre éditorial (du 19 juin) sur l'Internationale: « Des deux programmes (l'un de Londres, l'autre de Paris) qui viennent d'être publiés, celui de la section parisienne de l'Association a le mérite d'être plus honnête et plus sincère. »
Malheureusement pour vous, le manifeste « parisien » n'a pas été publié par notre section de Paris, mais par la « police versaillaise ».
Vous affirmez: « Les Internationalistes de Londres expriment pour le moins aussi fermement que leurs frères de Paris « la volonté et la nécessité de détruire la vieille société ». Ils parlent d'incendier les édifices publics et de fusiller les otages en tant que « gigantesque effort pour abattre la société » - et, même après un échec, ils entendent poursuivre cela jusqu'à ce que le but soit atteint. »
Le Conseil général de cette Association vous met au défi de nous indiquer dans notre Adresse la page et les lignes exactes où l'on trouve les mots que vous nous attribuez.
K. M.
Engels
Lettre du Conseil général à la direction du « Spectator » et de l' « Examiner »
Londres, le 21 juin 1871
Monsieur,
Le Conseil général de l'Association internationale des travailleurs vous serait très obligé de bien vouloir informer le public que tous les prétendus manifestes et autres publications de l' « Internationale » de Paris, dont la presse anglaise fourmille en ce moment (et qui tous ont d'abord été publiés par le fameux Paris-Journal) sont, sans exception aucune, l'œuvre de la police versaillaise.
Votre dévoué
F. E.
Marx
À la direction du « Morning Advertiser »
Londres, le 13 juillet 1871
Monsieur,
Dans votre éditorial d'aujourd'hui, vous citez une série de phrases telles que: « Londres, Liverpool et Manchester en effervescence contre le Capital honni », etc. et vous m'en attribuez généreusement la paternité.
Permettez-moi de vous déclarer que toutes les citations sur lesquelles repose votre article, sont de bout en bout des faux. Vous avez sans doute été induit en erreur par les inventions de la police parisienne que l'on fait passer quotidiennement sous mon nom dans les journaux, afin d'obtenir des pièces à conviction contre les Internationaux emprisonnés à Versailles.
Je demeure votre...
Karl Marx
Marx
À la rédaction du « Times »
Londres, le 7 août 1871
Monsieur,
La lettre ci-jointe ne manquera pas d'intéresser vos lecteurs puisque le Journal Officiel français s'inscrit en faux contre l'article du Times sur les procédés dilatoires employés par les Versaillais pour juger les Communards, article largement commenté par la presse du continent. La lettre en question provient d'un avocat chargé de la défense de certains emprisonnés.
Je demeure, Monsieur, votre respectueux
Karl Marx
A la rédaction du « Times »
Les observations du Times sur les continuels reports du procès des prisonniers communistes à Versailles ont indubitablement porté juste et exprimé les sentiments de l'opinion française. La note rageuse du Journal Officiel en réponse à ces observations ne fait que confirmer encore cette évidence. L'article du Times a suscité de nombreuses protestations de lecteurs aux journaux parisiens. Or, elles n'eussent eu aucune chance d'être portées devant le public dans d'autres conditions. J'ai devant les yeux la lettre d'un Français, dont la charge fait qu'il connaît bien les actes qu'il relate et dont le témoignage devrait vous éclairer sur les motifs de l'invraisemblable atermoiement du procès. En voici quelques extraits:
« Personne ne sait, à ce jour, quand la troisième cour martiale commencera à siéger. Il semble que la raison en soit le remplacement du capitaine Grimal, le commissaire de la République (accusateur public), par quelqu'un de plus docile; à la dernière minute, en relisant attentivement l'acte d'accusation qu'il devait lire à la cour, on s'aperçut qu'il avait l'air d'être un peu celui d'un républicain qui avait servi sous Faidherbe, etc. dans l'armée du Nord, etc. Quoi qu'il en soit un autre officier se présenta subitement; le pauvre capitaine en fut si surpris qu'il en fut tout retourné...
Monsieur Thiers a la prétention de tout faire lui-même; il pousse cette manie jusqu'à heurter toutes les règles de la convenance, en convoquant les juges d'instruction dans son cabinet; qui plus est, il va jusqu'à exiger de fixer lui-même la composition du public admis à assister aux séances de la cour. Il fait distribuer les cartes d'admission par monsieur de Saint-Hilaire...
Entre-temps, les prisonniers meurent comme des mouches à Satory - l'implacable mort travaille plus vite que la justice du mesquin homme d'État... Dans la prison cellulaire de Versailles, on a enfermé un gros homme qui ne parle pas un mot de français, on suppose que c'est un aliéné. Comment il est tombé dans cette misère reste un mystère. Parmi les emprisonnés il y a un monsieur très honorable, nommé... Il se trouve depuis deux mois déjà en cellule, et n'a toujours pas été interrogé. C'est infâme. »
Je demeure, Monsieur, votre respectueux serviteur,
Justitia
Londres, le 7 août 1871.
Marx
Déclaration du Conseil général de l'A.I.T. sur l'intervention de Cochrane aux Communes
Les exploits de la Chambre versaillaise des ruraux et des Cortès espagnols qui cherchent à détruire l'Internationale, n'ont pas manqué de susciter une noble émulation dans les cœurs des représentants des dix mille privilégiés aux Communes britanniques. Le 12 avril 1872, dans cet esprit, l'un des personnages les plus représentatifs pour ce qui est de l'intellect des classes supérieures, Mr Cochrane attira l'attention de l'Assemblée sur les paroles et les actions de notre terrible Association. Comme notre homme fait peu de cas de la lecture, il se mit en devoir l'automne dernier d'effectuer une tournée d'inspection dans les quartiers généraux de l'Internationale sur le continent, et à son retour il se ménagea aussitôt, grâce à une lettre au Times, une sorte de réservation temporaire de priorité pour traiter de ce thème. Son discours au Parlement témoigne de ce qu'on appellerait chez tout autre une ignorance consciente et préméditée du sujet qu'il traite. Toutes les publications officielles de l'Internationale, à l'exception d'une seule, lui sont inconnues. À la place de celles-ci, il cite un mélange d'extraits de publications insignifiantes d'individus privés de Suisse, pour lequel l'Internationale, en tant qu'organisation, est aussi peu responsable que le Cabinet britannique pour le discours de Mr Cochrane.
Celui-ci déclare: « L'immense majorité de ceux qui appartenaient à cette Association en Angleterre - il s'agit de 180 000 personnes - se trouvait dans l'ignorance complète des principes que cette organisation s'efforçait de réaliser et qu'elle leur tenait soigneusement cachés au moment de l'adhésion. »
En fait, les principes que l'Internationale entend réaliser se trouvent énoncés dans le préambule aux Statuts généraux, et Mr Cochrane ignore béatement que nul ne peut adhérer à l'Association s'il ne reconnaît pas expressément ses principes.
Puis, il prétend : « Cette Association reposait à l'origine sur les principes des trade-unions et n'avait alors aucun caractère politique. »
Non seulement le préambule aux Statuts provisoires ont un caractère nettement politique, mais les tendances politiques de l'Association sont formulées expressément dans l'Adresse inaugurale qui a été publiée en 1864 en même temps que ces Statuts.
Une autre découverte étonnante est que Bakounine fut « chargé » de répondre, au nom de l'Internationale, aux attaques de Mazzini, ce qui est purement et simplement faux. Citant la brochure de Bakounine, Cochrane poursuit: « Ces absurdités tonitruantes prêteraient à rire; cependant, lorsque ces écrits partirent de Londres (d'où ne sont-ils pas partis !), faut-il s'étonner de ce que les gouvernements étrangers se mirent à être inquiets ? »
Faut-il s'étonner de ce que Mr Cochrane s'en fasse le porte-parole en Angleterre ? Une autre accusation tout aussi fausse est que l'Internationale a commencé, à Londres précisément, de publier un « journal ». Mais que Mr Cochrane se console: l'Internationale possède un grand nombre d'organes en Europe et en Amérique, dans les langues de la plupart des pays civilisés.
Néanmoins, c'est dans le passage suivant que l'on trouve le noyau de tout son discours: Il est en mesure de montrer que la Commune et l'Association internationale sont en réalité une et que l'Association internationale de la Commune qui se trouve à Londres (!), a donné à la Commune l'ordre de brûler tout Paris et d'assassiner l'archevêque de cette ville.
En voici les preuves: Eugène Dupont, président du Congrès de Bruxelles en septembre 1868, a affirmé de manière authentique que l'Internationale se proposait la révolution sociale. Et quel est le maillon secret entre cette constatation d'Eugène Dupont en 1868 et les actes de la Commune ? « Eugène Dupont a été arrêté la semaine dernière seulement à Paris, où il s'était rendu par des voies secrètes. Or, ce monsieur Eugène Dupont a été membre de la Commune aussi bien que de l'Association Internationale. »
Il est regrettable pour cette façon si convaincante d'établir une preuve que Anthime Dupont, membre de la Commune, qui vient d'être arrêté à Paris, n'a jamais fait partie de l'Internationale, et qu'Eugène Dupont, membre de l'Internationale, n'a jamais fait partie de la Commune.
La seconde preuve, c'est que Bakounine a affirmé que « le Congrès a proclamé son athéisme, lorsqu'il s'est réuni sous sa présidence à Genève, en juillet 1869 ».
Or, il n'y a jamais eu de Congrès international à Genève en juillet 1869. Bakounine n'a jamais présidé un quelconque Congrès international et n'a jamais été chargé de faire des déclarations en son nom.
La troisième preuve est extraite de Volksstimme, l'organe de l'Internationale à Vienne: « Bien que le drapeau rouge soit le symbole de l'amour universel, que nos ennemis prennent garde à ce que ce symbole ne se transforme en terreur universelle. » Qui plus est, le même journal affirma à plusieurs reprises que le Conseil général de Londres est effectivement le Conseil général de l'Internationale, c'est-à-dire son organe d'administration central et mandaté.
Quatrième preuve: Lors des débats d'un tribunal français contre l'Internationale, Tolain s'est moqué de l'affirmation du procureur selon laquelle « il suffirait au président de l'Internationale » (fonction qui n'existe pas) « de lever le petit doigt pour s'assujettir le monde entier ». L'esprit confus de Mr Cochrane fait d'une négation de Tolain une affirmation.
Cinquième preuve: De l'Adresse du Conseil général sur la Guerre civile en France, Mr Cochrane cite le passage justifiant les représailles contre des otages et l'utilisation du feu comme mesure de guerre nécessaire dans les circonstances données. Comme Mr Cochrane approuve les massacres commis par les Versaillais, devons-nous en conclure qu'il a donné l'ordre de les entreprendre, bien qu'il soit établi qu'il n'a jamais trempé dans une affaire quelconque d'assassinat, si ce n'est de gibier ?
Sixième preuve: « Avant l'incendie de Paris, il y eut une réunion entre les chefs de l'Internationale et de la Commune. » Cela est tout aussi vrai que la nouvelle qui a circulé récemment dans la presse italienne, à savoir que le Conseil général de l'Internationale a envoyé son très cher et honnête ami Alexandre Baillie Cochrane en tournée d'inspection sur le continent et que celui-ci lui a envoyé des rapports tout à fait satisfaisants sur le développement de l'organisation, ayant constaté qu'elle comptait 17 millions de membres.
Preuve finale: « Dans le décret de la Commune ordonnant la destruction de la colonne de la place Vendôme, il est fait état de l'approbation de l'Internationale. » Le décret ne fait mention de rien de semblable, bien que la Commune ait su indubitablement que, dans le monde entier, toute l'Internationale approuverait cette mesure.
Telles sont donc, pour le Times, les preuves irréfutables de l'affirmation de Cochrane selon laquelle l'archevêque de Paris a été tué et Paris incendié sur ordre direct du Conseil général de l'Internationale à Londres. Si l'on compare ce flux de paroles incohérentes avec le rapport de monsieur Sacaze à Versailles sur la loi contre l'Internationale, on s'apercevra de la distance qui continue de séparer un authentique rural français et un dogberry britannique.
Du fidèle compagnon de Mr Cochrane, Mr Eastwick, il suffit de dire, comme Dante: « Suis ton chemin et laisse-le dire. » Il reste l'affirmation absurde selon laquelle l'Internationale est responsable pour le Père Duchêne de M. Vermersch, que le très cultivé Mr Cochrane appelle Vermouth.
Si c'est un vrai plaisir d'avoir un adversaire comme Mr Cochrane, il est affligeant de jouir de la bienveillance de Mr Fawcett, pour autant qu'on puisse parler de bienveillance. En effet, s'il pousse l'audace jusqu'à défendre l'Internationale contre des mesures de répression que le gouvernement britannique ne prendra pas, soit parce qu'il n'ose pas aller si loin, soit par ce qu'il n'est pas de son intérêt de le faire, il possède néanmoins un sens du devoir et un courage moral si élevés qu'il se sent obligé de prononcer contre l'Internationale un jugement professoral de condamnation sans appel. Hélas, les prétendus enseignements de l'Internationale qu'il prend pour cible ne sont que des inventions de son pauvre esprit.
Ainsi, il affirme: « l'État devrait s'efforcer par tous les moyens de rassembler de l'argent pour exécuter tous les projets de l'Internationale. Le premier point de ce programme demande à l'État de racheter toutes les terres ainsi que tous les instruments de production pour les affermer ensuite au peuple contre un prix raisonnable et honnête. »
Pour ce qui est de l'achat des terres par l'État dans certaines conditions et leur affermage au peuple à un prix juste et raisonnable, que Mr Fawcett se mette d'accord avec son maître théorique Mr John Stuart Mill et son chef politique Mr John Bright.
Le second point « propose que l'État doit réglementer le temps de travail ». L'étude historique de notre professeur brille de tous ses feux, lorsqu'il attribue à l'Internationale la paternité de la législation de fabrique et l'atelier, et ses capacités scientifiques sautent aux yeux lorsqu'il se déclare favorable à l'établissement de telles lois.
Troisième point: « l'État devrait permettre l'éducation gratuite. » Que sont des faits aussi généralement connus que l'existence d'un enseignement gratuit aux États-Unis et en Suisse par rapport aux sombres prophéties du professeur Fawcett ?
Quatrième point: « l'État devrait avancer du capital aux coopératives. » Il y a ici une petite erreur: Mr Fawcett confond les principes de l'Internationale avec les revendications de Lassalle, qui est mort avant la fondation de l'Internationale. C'est lui l'initiateur des prêts de l'État que les grands propriétaires fonciers se sont si généreusement octroyés au Parlement anglais sous prétexte d'améliorations agricoles de leurs terres.
Cinquième point: « Pour couronner le tout, on propose que tous les revenus du pays proviennent d'un impôt hiérarchisé sur la propriété. » il est trop affreux de faire des propositions de Robert Gladstone et de ses réformateurs financiers tous bourgeois de Liverpool la « couronne » de l'Internationale !
Tout le mérite et la gloire du grand représentant de l'économie politique qu'est Mr Fawcett est de vulgariser pour les enfants des écoles le manuel d'économie politique de Mr John Stuart Mill, et il confesse que « les prédictions faites il y a 25 ans par les libre-échangistes ont été contredites par les faits ».
En même temps, il s'estime en état d'endiguer le gigantesque mouvement prolétarien actuel, en répétant sous une forme de plus en plus affadie les lieux communs sur lesquels reposent les prédictions faites il y a vingt-cinq ans et démenties aujourd'hui. Il faut espérer que son hypocrite défense de l'Internationale - il veut en réalité se faire pardonner ses prétendues sympathies d'antan pour les classes laborieuses - ouvrira les yeux des ouvriers anglais, s'ils se laissent encore toucher par le sentimentalisme sous lequel Mr Fawcett s'efforce de cacher sa médiocrité scientifique.
Si aux Communes Mr B. Cochrane représente l'intelligence politique et Mr Fawcett la science économique, que faut-il dès lors penser de ce « club londonien le plus agréable de tous », si on le compare avec la Chambre des représentants américaine, qui a adopté le 13 décembre 1871 une loi instituant un Bureau statistique du travail[7] et a déclaré que cette loi a été promulguée conformément au souhait exprès de l'Association internationale des travailleurs, ce que l'Assemblée considérait comme l'un des faits les plus importants de notre époque ?
Londres, le 17 avril 1872
Signature de tous les membres du Conseil général
Marx
Au directeur de « Public Opinion »
Monsieur,
Dans votre édition d'aujourd'hui, vous traduisez un article publié par la National-Zeitung de Berlin, l'organe bien connu de Bismarck. Il contient des calomnies d'une bassesse insigne sur l'Association internationale des travailleurs, et notamment le passage suivant:
« Le Capital - aux dires de Karl Marx - fait commerce de la force et de la vie des travailleurs. Mais, ce nouveau Messie a été incapable de faire mieux: il tire de la poche de l'ouvrier l'argent que le capitaliste lui a payé pour son travail et lui donne en échange une traite sur un État qui sans doute n'existera même pas encore d'ici mille ans. Chacun a été édifié par les Congrès et les journaux de ce parti: affaires scandaleuses sur la basse corruption des agitateurs socialistes; détournements éhontés des fonds qu'on leur confie, et accusations réciproques des pires malversations. De tout cet immense volcan d'ordures il ne pouvait rien sortir d'autre qu'une Commune de Paris. »
En réponse à l'auteur stipendié de la National Zeitung, il suffit de déclarer que je n'ai jamais demandé ni reçu le moindre centime de la classe ouvrière de quelque pays que ce soit.
À l'exception du secrétaire général qui touche un salaire de 10 shillings par semaine, tous les membres du Conseil général de l'Internationale accomplissent leur travail gratuitement. Le rapport financier du Conseil général, présenté chaque année devant le Congrès général de l'Association, a toujours été approuvé à l'unanimité, sans jamais susciter la moindre discussion.
Je demeure, monsieur, votre respectueux
Karl Marx
Haverstock Hill, 19 août 1871.
Marx
À la direction de l' « Evening Standard »
Monsieur,
Dans l'Evening Standard du 2 septembre, votre correspondant berlinois publie la «traduction d'un article intéressant de la Gazette de Cologne sur l'Internationale », où l'on m'accuse de vivre aux frais de la classe ouvrière. Or, jusqu'au 30 août, date de la lettre de votre correspondant, la Gazette de Cologne n'avait pas publié un tel article. En conséquence, votre correspondant était bien empêché de le traduire. En revanche, l'article en question fut publié il y a déjà plus de quinze jours dans la National-Zeitung de Berlin, et une traduction anglaise - qui correspond mot pour mot à celle de votre correspondant - en a été publiée dès le 19 août dans l'hebdomadaire anglais Public Opinion. Le numéro suivant de Public Opinion contenait ma réponse à ces crachements, et je vous mets en demeure par la présente de la publier dans le prochain numéro de votre journal. Vous en trouverez une copie ci-inclus. Le gouvernement prussien a des raisons évidentes pour obtenir par tous les moyens dont il dispose que la presse anglaise diffuse de telles calomnies. Ces articles ne sont que l'annonce des persécutions que les gouvernements ont l'intention de faire subir bientôt à l'Internationale. Je demeure, Monsieur, votre dévoué
Karl Marx
HaverstockHill,
4 septembre 1871.
Aide à la commune[modifier le wikicode]
Marx à Wilhelm Liebknecht
Londres (vers le 10 avril) 1871
Cher Wilhelm
En toute hâte: deux nouvelles seulement, que tu pourras sans doute utiliser pour le Volksstaat:
- Dans les « Papiers et Correspondance de la famille impériale » qui sont maintenant officiellement publiés, on trouve à la lettre V (ceux qui touchaient de l'argent sont, en effet, classés par ordre alphabétique) littéralement: « Vogt, il lui est remis en août 1859 40 000 frs. »[8]
- Tandis qu'en Allemagne le gouvernement de Bismarck fait de ma correspondance un cas d'urgence tout à fait dramatique (voir le procès de Brunsvick, tout comme autrefois au procès des communistes de Cologne), elle cherche, en France, à faire peser sur moi un soupçon (et, par moi, sur l' « Internationale » à Paris, car tel est le but de toute la manœuvre), à savoir que je suis un agent de monsieur Bismarck. La tentative est entreprise par les éléments de l'ancienne police bonapartiste, qui continuent - plus que jamais sous le régime Thiers - d'avoir une liaison internationale avec la police de Stieber.
Ainsi, j'ai été obligé de démentir dans le Times divers mensonges de Paris-Journal, du Gaulois, etc., car ces imbécillités étaient transmises par télégraphe aux feuilles anglaises. Le tout dernier vient du Soir (journal d'About, partisan bien connu de Plon-PIon) que la Commune vient tout récemment d'interdire. Du Soir, elle est passée dans toutes les feuilles réactionnaires de province. De Laura (à propos, Lafargue est en ce moment à Paris comme délégué de Bordeaux) je reçois aujourd'hui, par exemple, l'extrait suivant du journal la Province (hier, j'ai eu le même, d'un journal clérical belge):
« Paris. 2 avril. Une découverte en provenance d'Allemagne a fait sensation ici. On a constaté de manière authentique maintenant que Karl Marx, l'un des chefs les plus influents de l'Internationale a été le secrétaire privé du comte de Bismarck en 1857 et n'a cessé depuis lors de rester en relations avec son ancien patron. » [9]
Ce Stieber devient vraiment « terrible ».
Salut.
Ton K. M.
Engels à Élisabeth Engels
Londres, le 16 juin 1871
Chère mère,
En ce qui concerne ma visite, c'est une chose délicate. Comme tu le sais, depuis l'affaire de Paris, on nous fait, à nous les « Internationaux », une chasse systématique. N'avons-nous pas fomenté toute cette révolution depuis Londres, ce qui est aussi vrai que si l'on disait que j'ai semé la zizanie entre mes frères, et Adolphe. Quoi qu'il en soit, les choses en sont là et nous savons de source sûre que Marx, qui devait aller à Hanovre, devait y être arrêté. Certes, on ne, pourrait rien me faire de bien grave, mais il pourrait toujours y avoir de petits heurts. Or, pour rien au monde, je ne voudrais que cela se passe sous ton toit. De plus, ces misérables Belges réclament toujours des visas. Je crois donc qu'il vaut mieux attendre que les choses se tassent un peu, jusqu'à ce que la police et les philistins se soient de nouveau calmés...
Salue tout le monde bien cordialement,
ton fils fidèlement attaché
Frédéric
Engels à Élisabeth Engels
Londres, le 21 octobre 1871
Chère mère,
Si je ne t'ai pas écrit depuis si longtemps, c'est que je désire répondre à tes dernières observations sur mon activité politique d'une façon qui ne te choque point. En effet, quand je lisais encore et encore les mensonges infâmes de la Gazette de Cologne, en particulier les bassesses de ce voyou de Wachenhusen, quand je voyais comment ceux-là mêmes qui, pendant toute la guerre, ne voyaient que mensonge dans toute presse française, claironnent en Allemagne, comme parole d'Évangile, chaque invention de la police, chaque calomnie de la feuille de chou la plus vénale de Paris contre la Commune, tout cela ne me mettait pas dans des dispositions qui me préparaient à t'écrire. On a fait grand bruit autour de quelques otages qui ont été fusillés selon le modèle prussien, autour de quelques palais qui ont été brûlés, toujours selon le modèle prussien: tout le reste est mensonge. Mais, personne ne souffle mot des 40 000 hommes, femmes et enfants que les Versaillais ont massacrés et passés par les armes, après qu'ils eurent été désarmés. Bien sûr, vous ne pouvez pas le savoir, puisque vous en êtes réduits à la lecture de la Gazette de Cologne et du Journal d'Elberfeld, qui vous bourrent la tête de leurs mensonges. Pourtant, au cours de ta vie, tu as déjà entendu traiter certaines gens de véritables mangeurs d'hommes les gens du Tugendbund sous le vieux Napoléon, les Démagogues de 1817 à 1831, les gens de 1848, alors qu'il s'est toujours trouvé par la suite qu'ils n'étaient pas si terribles, une rage intéressée de persécution leur ayant attribué depuis le début toutes ces horreurs qui, par la suite, se sont envolées en fumée. J'espère, chère mère, que tu y penseras et que tu en feras bénéficier aussi les gens de 1871, lorsqu'il sera question à leur sujet de semblables forfaits imaginaires.
Tu sais fort bien que je n'ai pas changé d'opinions, d'autant qu'elles sont miennes depuis quelque trente ans. Il faut donc t'attendre à ce que non seulement je les défende, mais encore que je les exécute dûment, sitôt que les circonstances m'y poussent. Tu aurais, bien plutôt, à avoir honte de moi, si je n'agissais pas ainsi. Si Marx n'était pas ici, voire s'il n'existait pas du tout, cela n'aurait rien changé à l'affaire. Il est donc parfaitement injuste de l'en charger. Au reste, je me souviens de ce qu'autrefois la famille de Marx prétendait que c'était moi qui l'avais perverti...
De tout mon cœur, ton Frédéric
Aide aux réfugiés[modifier le wikicode]
Marx à Adolphe Hubert
(Brouillon)
Londres, le 10 août 1871
Cher citoyen,
Je pense qu'il y a un malentendu.
D'abord, ce n'est pas un éditeur, mais mon ami E. Glaser de Willebrord qui a bien voulu se charger lui-même des frais de publication du rapport à Bruxelles.
Avant-hier, j'ai reçu une lettre de lui, me disant ceci : « Dimanche, j'ai reçu la lettre ci-incluse (de M. Bigot), à laquelle j'ai répondu qu'étant donné le montant élevé des frais de publication, je ne peux assumer par-dessus le marché une dépense quotidienne de 100 frs. Cependant, je ne poursuis aucun but de profit et je propose de payer le sténographe et le correspondant avec les recettes escomptées. N'ayant pas obtenu de réponse, je pense que ma proposition n'a pas été acceptée. Je m'en réjouis beaucoup, parce que le Figaro et la Gazette des Tribunaux se sont mis d'accord pour publier in extenso le compte rendu du procès qui a commencé hier à Versailles. Au reste, en raison de mon séjour prolongé à Londres, je n'aurais pas trouvé le temps de préparer les mesures qui s'imposent. »
M. Willebrord ajoute qu'à l'avenir toute lettre est à envoyer directement à son adresse: « E. Glaser de Willebrord, 24, rue de la Pépinière, Bruxelles. »
À Versailles, le procureur a exhibé un acte d'accusation grotesque contre l'Internationale.[10] Peut-être conviendrait-il, dans l'intérêt de la défense, d'informer M. Bigot des faits suivants:
- Ci-inclus (sous nº 1) les deux Adresses du Conseil général sur la guerre franco-prussienne. Dans sa première Adresse du 23 juillet 1870, le Conseil général déclarait que la guerre n'était pas faite par le peuple français, mais par l'Empire, et qu'au fond Bismarck en était tout aussi responsable que Bonaparte. En même temps, le Conseil général appelait les ouvriers allemands à ne pas permettre au gouvernement prussien de transformer la guerre de défense en guerre de conquête.
- La seconde Adresse du 9 septembre 1870 (5 jours après la proclamation de la République) condamne très fermement les visées de conquête du gouvernement prussien. Cet appel invite les ouvriers allemands et anglais à prendre parti pour la République française. De fait, les ouvriers appartenant à l'Association Internationale s'opposèrent en Allemagne avec une telle énergie à la politique de Bismarck qu'il fit arrêter illégalement les principaux représentants allemands de l'Internationale sous la mensongère accusation de « conspiration » avec l'ennemi, et les fit jeter dans des forteresses prussiennes.[11] À l'appel du Conseil, les ouvriers anglais tinrent à Londres de grands meetings pour forcer leur gouvernement à reconnaître la République française et pour s'opposer, par tous les moyens, à un morcellement de la France.
- Le gouvernement français ignore-t-il aujourd'hui que l'Internationale a fourni son soutien à la France au cours de la guerre ? Absolument pas. Le consul de M. Jules Favre à Vienne - M. Lefaivre - commit l'indiscrétion - au nom du gouvernement français - de publier une lettre de remerciement à MM. Liebknecht et Bebel, les deux représentants de l'Internationale au Reichstag allemand. Dans cette lettre, il dit entre autres (je retraduis le texte à partir d'une traduction allemande de la lettre de Lefaivre): « C'est vous, Messieurs et Votre Parti (c'est-à-dire l'Internationale) qui maintenez la grande tradition allemande (c'est-à-dire l'esprit humanitaire) », etc.[12]Or, cette lettre figure dans les pièces du procès pour haute trahison, que le gouvernement saxon, sous la pression de Bismarck, a intenté contre Liebknecht et Bebel, procès qui est encore actuellement en cours. Il servit à Bismarck de prétexte pour faire arrêter Bebel après l'ajournement du Reichstag allemand. Au moment même où d'infâmes journaux me dénonçaient à Thiers comme agent de Bismarck, ce même Bismarck emprisonnait mes amis pour haute trahison vis-à-vis de l'Allemagne,[13] et donnait l'ordre de me faire arrêter sitôt que je mettrai les pieds en Allemagne.
- Peu de temps avant l'armistice, le brave Jules Favre nous demanda - comme le Conseil Général le déclare dans sa lettre du 12 juin[14] au Times (dont vous trouverez copie ci-inclus sous nº II) - par l'intermédiaire de son secrétaire privé, le Dr. Reitlinger, d'organiser à Londres des manifestations publiques en faveur du « gouvernement de la Défense nationale ». Comme le Conseil général l'écrit dans sa lettre au Times, Reitlinger ajoutait qu'il ne fallait pas, à cette occasion, parler de « la République », mais « de la France ». Le Conseil Général refusa de contribuer à des manifestations de ce genre. Mais, tout cela prouve que le gouvernement français lui-même considérait « l'Internationale » comme l'alliée de la République française contre les conquérants prussiens: et, de fait, c'était la seule alliée de la France pendant la guerre.
Salutations fraternelles
K.M.
Marx à Adolphe Hubert
(Brouillon)
Londres, après le 14 août 1871]
Cher citoyen,
D'abord, je n'ai pas l'adresse de M. Bigot, et ne puis donc lui écrire directement; ensuite, je tiens pour plus sûr de lui faire parvenir mes lettres par VOUS.
Je n'ai pas sous la main les journaux allemands qui relatent l'incident Lefaivre, mais, dans le numéro du Volksstaat (paraissant à Leipzig sous la direction de Liebknecht), M. Bigot trouvera la lettre de Lefaivre, précédée d'un commentaire de la rédaction. Au reste, les poursuites dont Liebknecht et Bebel ont fait l'objet sont bien connues du public.
Dans le nº 63 du Volksstaat (5 août 1871), M. Bigot verra à l'endroit marqué par moi, que le procès contre Liebknecht, Bebel, etc. porte sur la préparation d'un acte de haute trahison et que la lettre de Lefaivre joue un rôle parmi les pièces à conviction.
Veuillez trouver ci-inclus la déclaration d'un Anglais, Mr. Wm Trate, sur l'incendie du ministère des finances[15] : elle peut servir à la défense de Jourde.
Je vais écrire à Willebrord afin qu'il nous garde les papiers provenant de M. Bigot.
Salut fraternel
K.M.
Marx à Adolphe Hubert
Londres, 15 septembre 1871
Cher citoyen
Allez demain (avant dix heures) chez monsieur Fuisse, 35, Richmond Terrace, Clapham Road.
Monsieur Fuisse est français, c'est un marchand, réfugié, à Londres depuis longtemps. Je l'ai entretenu hier de votre affaire, et je lui ai dit qu'il me ferait grand plaisir en vous aidant. Il m'a répondu qu'il pouvait peut-être arranger la vente de certaines de vos toiles. Présentez la carte ci-jointe, en arrivant chez M. Fuisse.
Salut fraternel
Karl Marx
Marx à Engels
Brighton, le 21 août 1871
Cher Fred,
Tu as le temps jusqu'à mercredi. Jung est ici depuis samedi; il revient aujourd'hui. Je vais recevoir un peu d'argent pour les réfugiés par l'intermédiaire d'un curé (français) nommé Pascal.[16]
Salut
Ton K.M.
La plume est trop mauvaise pour écrire.
Marx à Eugène Oswald
Londres, le 21 juillet 1871
Cher Oswald,
Je dois encore vous ennuyer pour une histoire de passeport[17], qui a été visé par le consulat français.
(Le dernier est déjà à Paris.) Grâce à votre aide, nous avons pu sauver jusqu'ici 6 personnes, et une oeuvre aussi noble est la meilleure récompense de vos efforts.
Votre tout dévoué
Karl Marx
Marx à Eugène Oswald
Londres, le 24 juillet 1971
Cher Oswald,
Je vous recommande vivement mon ami Joseph Rozwadowski. Il a été chef d'état-major sous le général Wroblewski. C'est un jeune homme remarquable, mais sans le sou. Ce qu'il cherche tout d'abord c'est à donner des leçons de français. Sitôt qu'il aura appris l'anglais, il lui sera possible de chercher un emploi d'ingénieur.
Il habite au 9 Packington Street, Essex Road, Islington.
Votre tout dévoué
K.M.
Engels à Marx
Londres, le 23 août 1871
Cher Maure,
... Toute la séance [du Conseil général] a de nouveau été consacrée au débat de la question suivante: Weston, Hales, Applegarth et encore un autre Anglais de G. Potter à inviter à une séance où assisterait aussi le Dr Engländer ! Potter raconta que Sir Ed. Watkin avait convenu d'un plan avec le gouvernement canadien: les prisonniers de Versailles seraient envoyés au Canada[18] et y recevraient 1 acre de terre par tête. Je suppose que Thiers est derrière cette affaire pour se débarrasser de ces gens. Weston s'enthousiasma pour ce plan: il radote de plus en plus (Fr.). La chanson trouva une fin, fort bien motivée par Longuet, Theiz et Vaillant.
Extrait du compte-rendu de la réunion du Conseil Général du 22 août
Le secrétaire dit qu'il a assisté dans l'après-midi à une réunion tenue au bureau du journal Bee-Hive où l'on discuta d'un plan ayant pour objet l'émigration de 35 000 communistes, prisonniers à Versailles, dans la partie francophone du Canada. Il avait été préparé par Sir E. Watkin, et le gouvernement canadien, après consultation, avait répondu favorablement. On avait dit que les prisonniers eux-mêmes étaient favorables à ce projet.
Le citoyen Eccarius s'oppose à ce plan tramé par le gouvernement de Versailles. Celui-ci s'était déjà mis auparavant en rapport avec le gouvernement américain pour la même question: on avait envisagé un plan de transfert des communistes dans une partie des Montagnes Rocheuses où ils auraient formé une colonie destinée à faire contrepoids à la population mormone de l'Utah. On ne peut guère attendre autre chose de la direction du Bee-Hive.
Le citoyen Vaillant se réjouit de ce que la proposition émane d'un membre du parlement anglais. S'il était accepté par le gouvernement de Versailles, celui-ci admettrait qu'il détient illégalement ces prisonniers.
Le citoyen Engels dit que le Conseil général aurait une attitude indigne s'il intervenait de quelque façon dans cette question.
Le citoyen Lessner estime que le Conseil n'a pas à accepter ce plan, alors qu'il a pris la défense de la Commune.
Le citoyen Weston dit qu'il valait mieux l'accepter plutôt que de permettre qu'on envoie ces gens à Cayenne.
Le citoyen Longuet dit que ce serait aussi mal pour les prisonniers d'être envoyés au Canada qu'à Cayenne. Il est plus probable que si l'on jugeait ces prisonniers, ils seraient bientôt amnistiés.
Le citoyen Theiz est du même avis. Il faut laisser les gens régler la question eux-mêmes.
Après une brève discussion, le citoyen Longuet propose la résolution suivante, soutenue par le citoyen Vaillant et le citoyen Hales, et adoptée à l'unanimité:
Considérant que si le Conseil général donnait la moindre approbation au projet de Sir E. Watkin, il formulerait du même coup une condamnation morale contre des hommes qui, selon les propres jugements exprimés publiquement par le Conseil général, ont mené la bataille pour la classe ouvrière européenne.
Considérant en outre que le Conseil général n'a pas à servir d'intermédiaire entre les soldats vaincus de la révolution et leurs assassins versaillais, il y a lieu de passer à la discussion de l'ordre du jour.
Marx à Engels
Londres, le 8 septembre 1871
Cher Fred,
L'adresse de Allsop est: Pegwell Bay. Je ne sais pas le numéro, mais ce n'est pas nécessaire. Tout le monde peut vous dire où se trouve Pegwell Bay. C'est une bonne chose que tu lui parles, car il arrive mardi à Londres avec de l'argent et m'a invité à venir le voir. Je lui ai écrit longuement, et je lui ai déclaré que je ne peux que continuer d'être le collecteur d'argent auprès de lui et de ses amis, à condition qu'on me laisse une libre disposition complète et que l'on ne me torture pas en exigeant que je produise des listes sur les différents niveaux de misère des réfugiés...
Marx à Monclure Daniel Conway
Londres, le 29 août 1871
Sir,
À mon retour de Brighton, j'ai trouvé votre mot du 24 août. La prochaine réunion du Conseil général a lieu aujourd'hui, mais il n'admet aucun visiteur après la résolution qu'il a adoptée mardi dernier pour la durée de la session de la Cour martiale en France[19]. Il a été nécessaire de prendre cette mesure sévère en raison de l'infiltration d'espions de la police française.
J'ai l'honneur de vous envoyer ci-joint une liste de collecte en faveur des réfugiés français dont le nombre (ils sont de 80 à 90 maintenant) augmente journellement, tandis que nos ressources financières sont entièrement taries. Leur situation est vraiment pitoyable. Le mieux ce serait de constituer, si possible, un comité spécial qui serait chargé de trouver un emploi pour ces personnes, dont la grande majorité est formée d'ouvriers spécialisés et d'artistes.
Votre tout dévoué
K.M.
Marx à Fanton
Londres, le 1er février 1873
Mon cher Fanton,
Je viens vous écrire sur les affaires de notre ami Dupont. Depuis votre départ, il a travaillé consciencieusement et régulièrement. Il avait la bonne chance de trouver un ouvrier allemand habile et honnête qui possède l'outillage nécessaire coûtant à peu près £ 500, de manière que Dupont était à même d'établir avec lui un petit atelier où ils font ensemble non seulement des instruments d'après l'invention de Dupont, mais fabriquent aussi des instruments de vieille façon perfectionnée. J'ai vu leur œuvre en train.
Malheureusement ils sont au bout de leurs ressources. J'ai procuré hier à Dupont un prêt de £ 8, mais ne peux l'aider plus efficacement comme des déboursés pour les réfugiés français (plus de £ 150) m'ont complètement mis à sec. Le moment est critique pour leur entreprise.
J'espère que vous n'abandonnerez pas notre ami. Si vous venez à son secours, je vous promets que je me chargerai de ne lui transmettre les fonds qu'au fur et à mesure des besoins de la fabrication laquelle se ferait sous mon contrôle.
Recevez les salutations cordiales de toute ma famille.
Votre tout dévoué
Karl Marx
Engels à la supérieure du couvent des Sœurs de la Providence à Hampstead
Londres, début août 1871
Madame,
À la suite d'un entretien que j'ai eu hier avec l'une des sœurs de votre institution, je me permets de vous adresser ces lignes.
Il s'agit de faire admettre chez vous trois petites fillettes: Eugénie Dupont (9 ans), Marie Dupont (7 ans) et Clarisse Dupont (3 ans). Leur père[20] travaille comme appareilleur dans une fabrique d'instruments de musique de Mr Joseph Higham à Manchester; comme leur mère est morte il y a quelque 18 mois, monsieur Dupont croit qu'il ne peut pas élever ses enfants chez lui comme il convient, et m'a prié de chercher pour eux un abri convenable.
La dame qui m'a reçu hier, m'informa que vous avez de la place pour les petits et que le prix de la pension s'élève à £ 13 par enfant pour la première année et £ 12 pour la seconde; puis, elle me demanda de vous informer par écrit de ma demande.
Je vous prie donc, madame, d'avoir l'amabilité de me faire savoir, si vous êtes disposée à accueillir chez vous les enfants. Dans ce cas, j'en avertirai le père, afin qu'il vienne directement à Londres, afin de vous les apporter. Si vous aviez besoin d'autres informations, je vous prierais de me faire savoir quand je pourrai venir vous les donner.
C'est Mr Clarkson de Maitland Park qui a bien voulu me communiquer l'adresse de votre institution.
Veuillez croire, Madame, à l'assurance de mon profond respect.
F.E.
Jenny Marx[21] à L. et G. Kugelmann
Londres, le 21 décembre 1871
Chers amis,
Je voudrais tout d'abord vous remercier pour votre aimable lettre, mon cher Docteur, et vous prier de me pardonner si je ne vous ai pas répondu plus tôt. Si vous saviez combien j'ai eu à faire ces derniers temps, vous me pardonneriez. Pendant toutes ces trois dernières semaines, j'ai couru d'une banlieue de Londres à une autre (et ce n'est pas une mince entreprise que de traverser toute cette immense cité) et j'ai ensuite écrit des lettres souvent jusqu'à une heure du matin. Le but de ces déplacements et de ces lettres, c'est trouver de l'argent pour les réfugiés. Jusqu'ici tous nos efforts n'ont guère été fructueux. Les calomnies écœurantes de la presse vénale éhontée ont insufflé aux Anglais tant de préjugés contre les Communards qu'ils sont considérés en général avec un dégoût non dissimulé. Les entrepreneurs ne veulent rien avoir affaire avec nous. Les hommes qui ont réussi à décrocher un emploi sous un nom d'emprunt, sont congédiés, sitôt que l'on s'aperçoit de leur identité. Le pauvre monsieur et la pauvre madame Serraillier, par exemple, avaient trouvé du travail comme professeur de français. Mais, il y a quelques jours, on les a informés de ce qu'on n'avait plus besoin des services d'un ex-membre de la Commune et de sa femme. Je peux parler de cela par expérience personnelle. Les Monroes, par exemple, ont rompu toute relation avec moi, parce qu'ils ont fait l'horrible découverte que j'étais la fille du « pétroleur en chef », qui défend le maudit mouvement de la Commune.
Dès lors que les réfugiés ne peuvent trouver du travail, vous pouvez vous imaginer dans quelle misère ils tombent: leurs souffrances sont indescriptibles. Ils meurent littéralement dans les rues de cette grande cité, de cette cité qui développe jusqu'à sa perfection le principe chacun pour soi (Fr). Il ne faut pas s'étonner de ce que les Anglais ne soient guère impressionnés par la misère sans nom d'étrangers pour lesquels ils n'éprouvent aucune espèce de sympathie. Ils considèrent que mourir de faim est inséparable de leur Constitution, et considèrent que la liberté de mourir de faim est quelque chose dont on doit être fier.
Voilà depuis plus de six mois, que l'Internationale soutient la grande masse des bannis, autrement dit les tient tout juste en vie. Mais, à présent, nos ressources sont épuisées. Face à cette misère extrême, nous avons fait imprimer la circulaire privée ci-jointe. Je l'ai rédigée et, comme vous le verrez, j'ai soigneusement évité tout mot ou toute expression pouvant choquer le philistin.
Mes chers amis, vous pouvez vous imaginer combien ces difficultés et ces soucis torturent notre pauvre Maure. Il ne doit pas seulement lutter contre tous les gouvernements des classes dominantes, mais il doit par-dessus le marché tenir tête à l'assaut de propriétaires du type « gros, gras et jovial », qui l'attaquent parce que l'un ou l'autre des communards n'a pas payé son loyer. À peine s'est-il plongé dans ses recherches abstraites, voilà que madame Smith ou Brown lui tombe dessus. Si le « Figaro » le savait, quel feuilleton il pourrait offrir à ses lecteurs...
Les successeurs des Alliancistes qui ont fait scission ne laissent pas un instant de tranquillité au Conseil général. Pendant plusieurs mois, ils ont réussi à porter l'intrigue dans tous les pays. Ils ont mis tant d'énergie farouche à ce travail que les choses ont mal tourné pour l'avenir de l'Internationale à ce moment donné. L'Espagne, l'Italie, la Belgique se tenaient apparemment aux côtés des abstentionnistes de Bakounine et s'opposaient à la résolution sur la nécessité de l'action politique de l'Internationale. Ici, en Angleterre, la clique des abstentionnistes intrigua avec les Bradlaugh, Odger et leurs partisans, qui n'eurent aucun scrupule à utiliser même des mouchards et des agents provocateurs de Thiers et de Badinguet. Leurs organes - le Qui vive ! de Londres et la Révolution Sociale de Genève - se surpassèrent dans les calomnies du genre: « ces autoritaires », « ces dictateurs », ces « bismarckiens » du Conseil général (Fr). Mr Bradlaugh a eu recours aux pires falsifications pour calomnier « le grand chef de ce conseil » (Fr). Depuis plusieurs semaines, il a d'abord insinué dans des rencontres privées, puis déclaré ouvertement dans une réunion publique que Karl Marx avait été et est un bonapartiste. Il fonde son assertion sur un passage de la Guerre Civile où il est dit que l'Empire « était la seule forme de gouvernement possible », et ici Bradlaugh s'arrête, sans citer la suite , « à une époque où la bourgeoisie a déjà perdu la capacité de régner sur une nation et où la classe ouvrière n'a pas encore acquise cette capacité ». Néanmoins le succès de ces intrigants ne fut qu'apparent, en réalité leur échec est complet. Toutes leurs manœuvres et conjurations ne leur ont rien rapporté du tout.
À Genève - cette serre chaude de l'intrigue -, un congrès représentant trente sections de l'Internationale s'est déclaré en faveur du Conseil général et a adopté une résolution tendant à ce que la fraction séparatiste ne puisse plus se prévaloir à l'avenir d'une appartenance à l'Internationale, étant donné que ses activités ont démontré que leur seul but est de désorganiser l'Association, que ces sections qui ne sont qu'une fraction de la vieille clique allianciste sous un autre nom, agissent contre les intérêts de la fédération en semant partout la discorde. Cette résolution fut adoptée à l'unanimité par une assemblée composée de 500 membres. Les bakounistes qui ont tous fait le chemin de Neuchatel pour y assister, auraient été sérieusement malmenés s'ils n'avaient pas été sauvés par les hommes qu'ils appellent « des Bismarckiens », « des autoritaires » - Outine, Perret, etc. - et qui ont demandé à l'assistance de leur permettre de s'exprimer. (Outine sachant naturellement fort bien que le meilleur moyen pour les tuer complètement c'était de les laisser tenir leur discours.)...
Pour la nouvelle année, je vous souhaite à tous santé et bonheur, et j'espère surtout que nous aurons l'occasion de nous voir. Comme notre famille ne peut courir le risque d'aller sur le continent, il n'y a donc aucun espoir que nous vous rendions visite en Allemagne; il faudrait donc de toute façon que vous fassiez la traversée pour nous voir. Je peux vous dire que si vous ne vous décidez pas à venir à Londres au printemps ou en été prochain, il est bien possible que vous ne nous verrez plus, car le gouvernement anglais prépare en grand secret un projet de loi sur l'expulsion des communistes et des Internationalistes. La perspective d'aller nous installer au pays du Yankee Doodle Dandy n'est pas réjouissante pour nous. Quoi qu'il en soit, à chaque jour ses soucis...
Votre Jenny Marx
- ↑ Marianne, nom d'une société secrète républicaine, fondée en 1850 pour combattre Napoléon III.
- ↑ Le 6 juin 1871, Jules Favre adressa à tous les gouvernements européens une circulaire leur demandant de participer à l'action contre l'Internationale. Le sous-comité du Conseil général évoqua ce problème dans sa séance du 11 juin. Marx et Engels furent chargés de répondre à Favre, et, après ratification du Conseil général, la déclaration fut publiée en Angleterre et dans la presse ouvrière du continent.
- ↑ Netchaïev entra en liaison avec Bakounine en 1869 et obtint de celui-ci un certificat de pleins pouvoirs pour représenter une prétendue « Alliance révolutionnaire européenne » qui cherchait à s'identifier avec l'Internationale, provoquant des malentendus et une grave confusion.
Lorsque l'organisation de Netchaïev fut détruite en Russie, ses membres passèrent en jugement à St. Pétersbourg, en été 1871. Les méthodes de l'organisation (chantage, provocation, escroquerie) y furent évoquées, mais la presse bourgeoise falsifia sciemment les documents du procès pour compromettre l'Internationale, avec laquelle Netchaïev n'avait rien de commun. - ↑ Le Congrès de Bâle de septembre 1869 ratifia la décision de supprimer le poste de président du Conseil général. En effet, Marx avait soumis cette proposition au Conseil général dès le 24 septembre 1867.
- ↑ *À la Conférence de Londres, Marx ajoute: « Le travail du Conseil est devenu immense. Il est obligé de faire face aux questions générales et aux questions nationales. Il s'est opposé jusqu'ici à l'organisation nationale, parce qu'il faut obliger les Anglais à venir s'inspirer de l'esprit socialiste international. Au Conseil général, actuellement, cette éducation est faite. Le Conseil général craint, en outre, que la bourgeoisie s'empare du mouvement; aujourd'hui, il y a un soi-disant mouvement en faveur de la République à la tête duquel il y a Odger et Bradlaugh qui sont payés par des membres du Parlement et qui veulent devenir présidents de la République. La République sera bleue. Nous sommes contents de ce mouvement, mais ne le serions pas s'il s'emparait du pouvoir ». Séance du 22 septembre 1871.
- ↑ Le Daily News du 20 juin 1871 publia une lettre de Holyoake, ex-chartiste et représentant du mouvement coopératif, qui attaquait l'Adresse sur la guerre civile en France, afin de discréditer la Commune aux yeux des ouvriers anglais. Holyoake dit le plus grand bien des chefs trade-unionistes, en faisant notamment allusion à Odger et Lucraft, qui finirent par prendre position contre l'Adresse de l'Internationale.
- ↑ Afin de gagner des voix pour assurer sa réélection, le président américain Grant promit qu'en cas de succès, il prendrait des mesures radicales pour améliorer le sort des ouvriers. Le 13 décembre 1871, il déposa un projet de loi sur la création d'une Commission statistique du travail auprès de la Chambre des représentants, en affirmant que l'Internationale avait expressément demandé cette mesure. La Chambre des représentants adopta le projet, mais le Sénat le rejeta.
- ↑ La rédaction du Volksstaat fit précéder cette nouvelle du commentaire suivant: « Les camarades qui nous ont reproché de ne pas mentionner les articles de Vogt contre l'annexion de l'Alsace-Lorraine et qui n'étaient pas convaincus par la brochure de Marx, Herr Vogt, seront maintenant satisfaits. Nous prions nos camarades parisiens de nous envoyer toute la liste, car nous sommes persuadés que nous y trouverons quelques connaissances, qui se firent les comparses de Vogt au service du bonapartisme et qui, aujourd'hui, pour les mêmes motivations et avec un même enthousiasme, jouent les patriotes aux côtés de Bismarck. »
- ↑ *Dans sa lettre du 3 août 1870, Marx avait confié à Engels que c'est d'abord dans l'Internationale qu'on avait commencé à le faire passer pour un agent prussien: « Lopatine a quitté Brighton où il mourait d'ennui pour aller s'installer à Londres. C'est l'unique Russe « solide » que j'aie connu jusqu'ici, et j'aurai tôt fait de lui enlever ce qui lui reste de préjugé national. J'ai appris de lui que Bakounine répand la rumeur selon laquelle je suis un normal'>agent de Bismarck : chose étonnante à dire ! C'est vraiment drôle, le même soir (mardi dernier), Serraillier me communiquait que Chatelain, membre de la Branche française et ami particulier de Pyat, avait informé la Branche française, réunie en assemblée générale, du montant que Bismarck m'avait payé, rien moins que 250 000 francs ! Si l'on considère, d'une part, l'idée que l'on se fait en France d'une telle somme et, d'autre part, le radinisme prussien, c'est pour le moins une estimation de qualité ! » (1) (1) Engels affirme à diverses reprises que l'organisation politique ouvrière n'est pas imperméable aux influences bourgeoises (cf. pp. 217, 220): elle peut même dégénérer tout entière et passer aux côtés de la bourgeoisie. C'est au sein même de l'Internationale, dès 1870, que Marx fut accusé d'être au service de Bismarck, et les journaux bourgeois répandirent la nouvelle en 1871. Marx mit toujours les ouvriers en garde contre les renégats et les chefs corrompus et vendus à la bourgeoisie. Dans sa lettre du 5 octobre 1872 à Serge, Engels écrivit: « Hales a entrepris ici une vaste campagne de diffamation, qui se retourne contre lui, sans que nous ayons à lever le petit doigt. Le prétexte en est que Marx a dénoncé la corruption des chefs ouvriers anglais. « Ici toute la masse des dirigeants ouvriers achetés par la bourgeoisie, notamment par Samuel Morley, veulent à toute force être choisis par les bourgeois pour se faire élire au parlement comme candidats des ouvriers. Mais, ils n'y arriveront probablement pas, encore que je souhaiterais vivement que toute la bande y entre... car ils s'y discréditeraient » (Engels à W. Liebknecht, le 27 janvier 1874).
- ↑ Des milliers de Communards furent jetés en prison ou entassés dans les pontons après la chute de la Commune. Après que le gouvernement Thiers eût retardé le plus possible le moment où ils seraient jugés, le premier procès commença le 7 août 1871 devant la 3e cour militaire de Versailles et s'acheva le 2 septembre. Il y eut en tout 26 tribunaux d'exception en France. Marx s'efforça de défendre ces Communards par tous les moyens.
L'acte d'accusation grotesque, dont parle Marx, fut rédigé par le procureur Gaveau qui fut interné dans un asile d'aliénés peu après le procès. Parmi les accusés, il y avait des dirigeants de la Commune tels que Th. Ferré, A. Assi, Fr. Cournet, Francis Jourde. Deux accusés, dont Ferré, furent condamnés à mort, treize à la déportation et au bagne à vie, deux seulement furent acquittés. - ↑ Le 9 septembre 1870, les membres du Comité exécutif de Brunswick du parti ouvrier social-démocrate allemand Wilhelm Bracke, L. von Bornhorst, S. Spier, A. Kühn et H. Gralle ainsi que l'imprimeur Sievers furent arrêtés et internés dans la forteresse de Boyen.
- ↑ Dans sa lettre du 4 décembre 1870, A. Lefaivre, au nom de la République française, remercia Bebel et Liebknecht pour leur attitude au Reichstag d'Allemagne du Nord, où ils avaient déclaré publiquement leur opposition à la guerre de Bismarck. La lettre fut publiée par la Boersenzeitung, la Norddeutsche Allgemeine Zeitung, et par le Volksstaat du 17 décembre 1870.
- ↑ Marx montre ici que l'accusation de trahison vis-à-vis de son pays est non seulement hypocrite, mais absurde (non parce que les prolétaires révolutionnaires respectent leur patrie, mais qu'ils n'en ont pas, selon la formule du Manifeste. Au reste cette accusation n'a pas de sens, car les bourgeois eux-mêmes ne peuvent plus avoir de patriotisme, celui-ci n'ayant plus de réalité, ni de contenu historiques, après que l'unité nationale soit faite, et que la nation soit déchirée par les classes sociales antagoniques. De fait, les bourgeois forment une Internationale capitaliste plus solide que la communauté nationale avec les autres classes du même pays, et les ouvriers de même.
Dans sa première ébauche de la Guerre civile en France Marx écrit: « Alors que leurs bourgeois chauvins (Fr.) ont démembré la France et agissent sous la dictature de l'envahisseur étranger, les ouvriers parisiens ont battu l'ennemi étranger en portant leurs coups contre leur propre classe dominante; ils ont aboli leurs différenciations, conquérant une position d'avant-garde parmi les travailleurs de toutes les nations.
Le patriotisme authentique de la bourgeoisie - si naturel chez les vrais propriétaires des divers biens « nationaux » - n'est qu'une pure comédie, par suite du caractère cosmopolite qui marque leurs entreprises financières, commerciales et industrielles. Dans des circonstances semblables, cette baudruche éclaterait dans tous les pays, tout comme elle a éclaté en France » (p. 226-227).
Certes, dans le Manifeste, Marx dit: « Le prolétariat doit tout d'abord s'emparer du pouvoir politique, s'ériger en classe nationale, se constituer lui-même en tant que nation. Par cet acte, il est, sans doute, encore national, mais nullement au sens de la bourgeoisie». Mais: 1º le prolétariat n'est pas patriote tant que règne la bourgeoisie ; 2º le socialisme ne connaît pas de nations, ni donc de patriotes prolétariens. Marx veut dire simplement que le prolétariat de chaque pays est français, allemand, italien, etc., de par ses conditions historiques, de par sa langue, certaines de ses mœurs et le cadre de la société où il vit; en outre, le prolétariat lutte dans l' « arène » nationale contre sa propre bourgeoisie; enfin, si le prolétariat triomphe de sa bourgeoisie, sa dictature ne dépasse pas pour autant les frontières de sa « nation». il règne d'abord dans le cadre national tracé par la bourgeoisie, mais il s'efforcera de dépasser bien vite ce stade tout formel de la nation pour appuyer la révolution dans les autres pays.
Dans la première des trois Adresses de l'Internationale, Marx montre que la naissance d'une nation est un fait progressif (après une longue lutte la bourgeoisie regroupe les petits « rings » féodaux en un « stade » unique, où elle doit désormais lutter elle-même contre le prolétariat), et dans la dernière que « les guerres nationales ne sont plus qu'une mystification des gouvernements, destinée à retarder la lutte des classes » (op. cit., p. 62). - ↑ Cf. la Déclaration du Conseil général relative à la circulaire de J. Favre, p. 155 sqq.
- ↑ Francis, Jourde, président de la commission des finances sous la Commune, fut condamné à mort (cf. note plus haut). À partir de faux fabriqués par la police, il fut accusé d'avoir donné l'ordre d'incendier le ministère des Finances, alors que le feu fut déclaré par une bombe lancée par les Versaillais.
- ↑ Marx et Engels, à titre personnel et comme membres du comité d'aide aux réfugiés de la Commune, déployèrent une activité inlassable pour venir, en aide, de mille manières, aux victimes et aux persécutés de la réaction versaillaise et bourgeoise en général.
- ↑ Cf. la lettre de Marx à Beesly du 12 juin 1871, plus haut.
- ↑ Dès 1847, Marx et Engels étaient opposés, en principe, au transfert d'éléments révolutionnaires en Amérique, soit pour y fonder des communautés imaginées par des socialistes utopiques, soit pour y être installés parce qu'indésirables pour les gouvernements européens: le mouvement révolutionnaire européen était privé ainsi de ses meilleurs éléments. Certes, ces révolutionnaires jouèrent un rôle important au cours de la guerre anti-esclavagiste (cf. Marx-Engels, la Guerre Civile aux États-Unis, pp.267-268 et note nº 58) et dans la diffusion du socialisme en Amérique, cf. par exemple Weydemeyer et Sorge (qui dirigea l'Internationale après son transfert à New York). Quoi qu'il en soit, le Conseil général ne pouvait en aucune manière donner sa caution à une mesure punitive quelle qu'elle soit, sans se discréditer
- ↑ Face à la répression, aux provocations et au système de mouchardage mis au point par les gouvernements bourgeois, le Conseil général dut renforcer sa discipline et prendre des mesures autoritaires de sauvegarde et de lutte. En ce sens aussi, les persécutions policières incitent les révolutionnaires à durcir leurs positions et à s'organiser davantage.
- ↑ Il s'agit de Dupont (Eugène) qui participa à l'insurrection de juin 1848 et émigra en Angleterre. Membre de la Première Internationale,- dont il fut le secrétaire-correspondant pour la France de 1865 à 1871, il participa à tous les Congrès et conférences où il défendit les positions de Marx et d'Engels. Il s'installa en 1870 à Manchester, y créa une section de l'A.I.T. et fut membre du Conseil fédéral britannique de 1872 à 1873; il émigra aux États-Unis en 1874.
- ↑ Fille de Marx.