Conclusion

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L’évolution de l’histoire est faite de contradictions. C’est par voie de contradictions que se développe la structure économique de la société. Existence passagère et renouvellement perpétuel des formes, dynamique vivante créant sans cesse du nouveau, telle est la loi immanente de la réalité. La dialectique de Hegel, remise sur ses pieds par Karl Marx, est excellente, parce qu’elle saisit la dialectique de la vie, analyse hardiment le présent, sans s’émouvoir du fait que toute état de choses porte en lui les germes de sa propre mort.

« Dans sa forme mystifiée, la dialectique fut à la mode en Allemagne, parce qu’elle semblait transfigurer ce qui existait. Dans sa forme rationnelle, elle est un scandale et un objet d’horreur aux yeux des bourgeois et de leurs porte- parole doctrinaires, et cela pour différentes raisons : dans l’intelligence positive des choses existantes, elle implique en même temps l’intelligence de leur négation, de leur destruction nécessaire ; elle conçoit toute forme en cours de mouvement et, par conséquent, d’après son côté périssable ; elle ne se laisse imposer par rien et est, de par son essence, critique et révolutionnaire ».

Voilà ce qu’écrivait Marx dans la préface [postface][1] du premier volume du Capital. Depuis, beaucoup de temps s’est écoulé et voici que l’on entend distinctement un autre futur frapper à la porte de l’Histoire. La société moderne, en développant dans des proportions gigantesques les forces productives, en conquérant vigoureusement et continuellement des régions nouvelles, en asservissant à un degré sans précédent la nature entière à la domination de l’homme, commence à étouffer dans l’étau capitaliste. Au début du capitalisme, les contradictions inhérentes à ce dernier n’étaient encore qu’à l’état embryonnaire, mais elles se sont développées et accrues à chaque progrès du capitalisme ; dans la période impérialiste elles atteignent des proportions formidables. Au point de développement où elles en sont, les forces productives réclament impérieusement de nouveaux rapports de production. L’enveloppe capitaliste doit fatalement éclater. L’époque du capital financier a fait le mieux ressortir tous les éléments qui empêchent l’organisme capitaliste de s’adapter comme tel. Autrefois, lorsque le capitalisme agissait comme force de progrès, il pouvait, de même que son agent de classe, la bourgeoisie, dissimuler en partie ses défauts internes par le caractère singulièrement rétrograde et l’incapacité d’adaptation des éléments précapitalistes. La grande production, armée de machines monstres, écrasait sans pitié la misérable technique du métier. Ce processus douloureux marquait la faillite des modes de production précapitalistes. D’autre part, la présence de ces modes et de « tiers » de toutes espèces dans processus de production capitaliste permettait au capitalisme d’étendre « pacifiquement » sa puissance et de ne pas découvrir les bornes mises à l’évolution économique par son enveloppe capitaliste. Ainsi, les traits les plus communs des contradictions internes inhérentes au capitalisme comme tel, et qui constituent sa « loi », ne purent apparaître dans toute leur netteté qu’au stade de développement économique où le capitalisme sortit de ses langes et devint non seulement la forme prédominante de la vie sociale économique, mais la forme universelle des rapports économiques, c’est-à-dire lorsqu’il se mit à agir comme capitalisme mondial. Ce n’est que maintenant que l’on voit apparaître avec une virulence extrême l’antagonisme interne du capitalisme. Les convulsions du monde capitaliste moderne qui, dans l’angoisse de l’agonie, s’est couvert d’un flot de sang, sont l’expression des contradictions du régime capitaliste qui, en fin de compte, le feront voler en éclats. Le capitalisme a tenté d’apprivoiser la classe ouvrière et d’atténuer les antagonismes sociaux en diminuant la pression au moyen de la soupape coloniale. Mais ayant atteint ce but un instant, il n’a fait par là que préparer l’explosion de la chaudière capitaliste.

Le capitalisme a tenté d’adapter le développement des forces productives aux cadres nationaux de leur exploitation au moyen des conquêtes impérialistes. Mais il s’est montré incapable de résoudre ce problème même par ses méthodes.

Il a porté la force du militarisme à un degré inconnu. Il a jeté dans l’arène historique des millions d’hommes armés. Mais les armes se tournent déjà contre lui. Eveillées à la vie politique, au début humbles et soumises, les masses populaires, parlent de plus en plus fort. Trempées dans les combats qui leur ont été imposés d’en haut, habituées à tout moment à regarder la mort en face, elles rompent avec le même élan le front de la guerre impérialiste en la transformant en guerre civile contre la bourgeoisie. Ainsi le capitalisme, en faisant atteindre à la concentration de la production des limites sans précédent, en créant un appareil de production centralisé, a préparé en même temps les immenses équipes de ses propres fossoyeurs. Dans le vaste conflit de classes, la dictature du prolétariat révolutionnaire se substitue à celle du capital financier. « L’heure de la propriété capitaliste a sonné. Les expropriateurs seront expropriés ».

  1. [Karl Marx, Le Capital, Postface de la deuxième édition allemande, Editions sociales, t. 1, p. 29 : « Sous son aspect mystique, la dialectique devint une mode en Allemagne, parce qu’elle semblait glorifier les choses existantes. Sous son aspect rationnel, elle est un scandale et une abomination pour les classes dirigeantes et leurs idéologues doctrinaires, parce que dans la conception positive des choses existantes, elle inclut du même coup l’intelligence de leur négation fatale, de leur destruction nécessaire ; parce que saisissant le mouvement même, dont toute forme faite n’est qu’une configuration transitoire, rien ne saurait lui imposer ; parce qu’elle est essentiellement critique et révolutionnaire. »]