Syndicalisme en Europe
Dans les différents pays d'Europe, on peut détacher trois grandes conceptions du syndicalisme : le modèle anglais, les modèle latin et le modèle germanique. Ces tendances sont le fruit des particularités historiques, sociales, politiques et économiques de chaque pays.
1 Le Royaume-Uni[modifier | modifier le wikicode]
Les premiers syndicats de l'histoire du mouvement ouvrier sont nés dans le pays qui a vu naître le capitalisme, avec la Révolution Industrielle, à partir de 1750. Le Trade Union Congress (TUC, Congrès des Syndicats ) est la seule centrale syndicale. Créé en 1868 par la fédération de plusieurs centaines de syndicats de métier ( regroupant les travailleurs selon leur emploi et leur qualification ), puis à la fin du XIXème siècle par la création de grands syndicats de branches industrielles, c'est un syndicat extrêmement centralisé et bureaucratique, bien que faiblement intégré à l'appareil d’État (le TUC gère ses propres fonds).
En 1905, le TUC a créé son propre parti, le Labour Party, afin de porter sur l’arène politique les revendications des travailleurs. Ainsi, au Royaume Unis (ainsi qu'en Australie et Nouvelle-Zélande ), le lien organique entre partis et syndicats est central : un parti politique ne peut pas se créer sans recevoir l'affiliation d'un ou plusieurs syndicats. Le Socialist Party a ainsi reçu l'affiliation des syndicats RMT (transport) et du FBU (pompiers) après qu'ils aient quitté le Labour Party pour pouvoir se présenter.
Les rapports de force entre patrons et salariés sont en général fixés par la négociation directe entre eux, et peu par la loi ni par l'intervention de l'État (même si Thatcher a battu en brèche ce consensus avec ses lois anti-syndicales et anti-ouvrières). C'est un syndicalisme de type majoritaire mais faiblement politique (peu de grèves politiques, une seule grève générale en 1926...). La violence des attaques libérales de Thatcher, à partir de 1979 (répression, casse de la grande grève des mineurs en 1984-85, destruction méthodique de tous les acquis sociaux) a fait passer en 25 ans le nombre de syndiqués de 13,5 à 7 millions. Ce reflux du nombre d'adhérents s'accompagne d'une bureaucratisation encore plus élevée, et à l’inversion de la relation entre le Labour Party et le TUC.
Le mouvement ouvrier et syndical a été détruit, et tout y est à reconstruire pour les militants. Face aux nouvelles formes de prédation capitalistes (contrat zéro heure, sous traitance, uberisation ...), et en dehors des Congrès syndicales de nouveaux syndicats voient le jour comme les Independant Worker's Union d'Irelande ou du Royaume Unis (IWGB et IWU).
2 Les pays latins[modifier | modifier le wikicode]
Dans les pays latins (Portugal , France , Espagne , Italie), on a affaire à un syndicalisme de type minoritaire : ils ne regroupent pas la majorité des salariés (2,4 millions de syndiqués sur 20 millions de salariés en France dont 650 000 à la CGT et autant à la CFDT, en Espagne : 1 million de syndiqués à l'UGT et autant aux Commissions Ouvrières, 11 millions de syndiqués en Italie dans la CGIL, la CISL et l'UIL (mais dont la moitié sont retraités), l'adhésion n'y est pas obligatoire et se fait sur bases relativement combatives et militantes.
Ainsi ces pays ont été le lieux de bien plus de grèves générales (juin 1919, 1936, 1968 en France, 1917 et 1936 en Espagne, 1904, 1920 et 1922 en Italie)
Les syndicats de ces pays ont des rapports avec les partis politiques mais pas de lien organiques. En France, le syndicalisme est marqué depuis ses débuts par une volonté d'indépendance à l'égard de l'État et des partis politiques (c'est la volonté de la Charte d'Amiens, signée en 1906), indépendance mise à mal pendant des dizaines d'années par la mainmise du PCF sur l'appareil de la CGT.
Cette volonté d'indépendance réciproque n'empêche pas que ces syndicats s'emparent souvent de questions politiques (mobilisations contre la guerre, soutien aux immigrés et sans-papiers, grèves générales remettant en cause les gouvernements...). Leur influence est ainsi bien plus forte que le nombre relativement faible de leurs adhérents et militants, et se mesure en dehors des élections professionnelles, à leur capacité de mobilisation. La cogestion et l'intégration des syndicats à l'État y est moindre qu'ailleurs, le but premier du syndicalisme étant d'imposer par la loi un rapport de force favorable à l'ensemble des salariés. On peut donc expliquer ainsi ce paradoxe : la France a le plus faible nombre de syndiqués de tous les pays occidentaux (9 % de syndiqués), mais c'est certainement celui où la classe ouvrière est la plus combative.
3 Les pays Germaniques[modifier | modifier le wikicode]
Le syndicalisme de ces pays est de type majoritaire : 70% des salariés belges (regroupés dans la CSC et la FGTB), 28 % en Allemagne (mais plus de 80 % dans la métallurgie ) dans le DGB, et jusqu'à 87 % de travailleurs membres des confédérations LO en Suède, en Norvège et au Danemark, ainsi que dans la confédération SAK en Finlande. Dans ces pays, ce sont les partis sociaux-démocrates qui encadrent historiquement la classe ouvrière (avec également des grands syndicats chrétiens, liés aux partis chrétiens-démocrates, en Belgique et aux Pays-Bas ). Ils ont créé les syndicats (situation inverse de l'Angleterre) à la fin du 19e siècle.
Les syndicats y sont organisés par branches industrielles (ex : tous les travailleurs de la métallurgie sont dans le même syndicat). Ils sont très intégrés à l'appareil d'État. La cogestion des entreprises y est institutionnalisée. Les syndicats gèrent un grand nombre de services, réservés à leurs adhérents: comités d'entreprise, caisses de grèves, allocations chômage et retraites, sécurité sociale, ce qui rend l'adhésion obligatoire pour les travailleurs qui souhaitent bénéficier d'une protection sociale. Ceci explique des taux de syndicalisation aussi élevés.
Les acquis sociaux (mais surtout de graves reculs depuis quelques années...) et évolutions des rapports de force se règlent de manière périodique au cours de négociations tripartites (État, syndicats, patrons). A la suite de ces négociations, sont signés des contrats courant sur plusieurs années et fixant les acquis ou reculs, avec le cas échéant des grèves en cas d'échec des négociations. Cela dit les grèves sont peu nombreuses, et très encadrées par la loi (pas de grèves de solidarité ,grèves interdites pendant la période des contrats). C'est donc une forme de syndicalisme peu militante, très bureaucratique et cogestionnaire, on peut dire que les syndicats y sont des rouages de l’État.
4 Conclusion[modifier | modifier le wikicode]
Malgré ces différences entre les paysages syndicaux de chaque pays, le syndicalisme est d'une importance primordiale pour tous les révolutionnaires et militants radicaux, quelque soit leur nationalité et le contexte dans lequel ils se trouvent. Les syndicats sont un cadre de front unique, dans lequel les révolutionnaires font face à trois différents niveaux de confrontation : avec la classe ouvrière (hétérogénéité des niveaux de conscience); avec les bureaucrates; et avec les autres courants politiques du mouvement ouvrier. Parce qu'ils regroupent massivement les travailleurs, les syndicats offrent aux militants anticapitalistes un cadre pour exposer leurs idées de la manière la plus large, en partant du niveau de conscience de base des travailleurs, pour les mobiliser et les amener à contester le système.