Social-démocrates internationalistes unifiés
En 1917-1918 a existé un groupe se nommant « POSDR (internationaliste) », qu'on appelait les Social-démocrates internationalistes unifiés, ou internationalistes unifiés, ou encore Groupe de la Vie nouvelle, du nom de leur journal relativement influent, la Novaïa Jizn. Leur leader était Maxime Gorki.
Au sein des forces se réclamant du Parti ouvrier social-démocrate de Russie (POSDR), la division principale était entre les bolchéviks et les menchéviks. Beaucoup de menchéviks avaient soutenu des positions social-chauvines. En leur sein, se dégageait un courant dit « internationaliste » autour de Martov. Mais l'ensemble des menchéviks se retrouvaient globalement dans un soutien au gouvernement provisoire bourgeois.
De leur côté les bolchéviks se positionnaient sur une ligne d'opposition radicale au gouvernement, appelant à la prise du pouvoir par les soviets. Ils occupaient alors l'extrême gauche du mouvement socialiste. La position prise par Lénine paraissait très radicale y compris à beaucoup de cadres bolchéviks.
Le groupe POSDR (internationaliste) entendait se positionner de façon indépendante, entre les bolchéviks et les menchéviks. Hormis ce point, ils avaient quasiment la même ligne que les menchéviks internationalistes de Martov. Leur journal, Novaïa Jizn, était très populaire à Petrograd et servait de tribune à beaucoup de militants d'horizons divers, exprimant une forme de centrisme.
C'était un petit groupe composé presque uniquement d'intellectuels.
Lors du 2e congrès des soviets, le représentant des internationalistes unifiés était Avilov, ex bolchevik. Il fut proposé comme Commissaire des postes et télégraphes dans le nouveau gouvernement. Mais Avilov, comme Karéline (représentant des SR de gauche), fit une déclaration pleine d'inquiétudes et appelant au dialogue avec les autres socialistes.
« Il énumère consciencieusement les difficultés qui se dressent devant la révolution dans les domaines de la politique intérieure et extérieure. Il faut " se rendre clairement compte d'une chose : où allons-nous ?... Devant le nouveau gouvernement se posent toujours les mêmes vieilles questions : celle du pain et celle de la paix. Si le gouvernement ne peut résoudre ces deux questions, il sera renversé ". Le pain manque dans le pays. Il est entre les mains des paysans cossus. Rien à donner pour remplacer le pain : l'industrie s'effondre, on manque de combustible et de matières premières. Stocker des blés par des mesures de contrainte, c'est difficile, c'est lent et c'est dangereux. Il faut par conséquent créer un gouvernement tel que non seulement les paysans pauvres, mais les plus aisés aient de la sympathie pour lui. Pour cela il faut une coalition. " Il est encore plus difficile d'obtenir la paix. " A la proposition du congrès concernant une trêve immédiate, les gouvernements de l'Entente ne donneront pas de réponse. Les ambassadeurs alliés s'apprêtent déjà à partir. Le nouveau pouvoir se trouvera isolé, son initiative pacifique restera en suspens. Les masses populaires des pays belligérants sont encore, pour le moment, très loin d'une révolution. Deux conséquences peuvent se présenter : ou bien l'écrasement de la révolution par les troupes du Hohenzollern, ou bien une paix séparée. Les conditions de la paix, dans les deux cas, ne pourront que se montrer les plus écrasantes pour la Russie. Pour en finir avec toutes les difficultés, il ne pourrait y avoir que "la majorité du peuple". Le malheur trouve cependant dans la scission de la démocratie, dont la gauche veut créer à Smolny un gouvernement purement bolcheviste tandis que la droite organise à la Douma municipale Comité de Salut Public. Pour le salut de la révolution il est nécessaire de créer un pouvoir composé des deux groupes. »
C'est Trotski qui est chargé de la réponse à Avilov et Karéline au nom des bolchéviks. Il répond que les bolchéviks ne sont pas isolés, malgré l'hostilité de nombreux petits groupes qui eux se sont vidés et coupés des masses :
« Avilov a parlé des immenses difficultés qui nous attendent. Pour éliminer ces difficultés, il propose de conclure une coalition. Mais là, il n'essaie nullement de donner le sens de cette formule et de dire : quelle coalition, - de groupes, de classes ou bien simplement de journaux?... On dit que la scission de la démocratie provient d'un malentendu. Lorsque Kerensky envoie contre nous des bataillons de choc, lorsque, avec l'assentiment du comité exécutif central, nous avons nos communications téléphoniques coupées au moment le plus grave de notre lutte contre la bourgeoisie, lorsque l'on nous assène coups sur coups - peut-on encore parler d'un malentendu ?...
Avilov nous dit : nous n'avons que peu de pain, il faut une coalition avec les partisans de la défense nationale. Mais est-ce que cette coalition augmentera la quantité du pain ? La question du pain est celle d'un programme d'action. La lutte contre le désarroi exige l'emploi d'une méthode déterminée en bas et non point des groupements politiques en haut.
Avilov a parlé d'une alliance avec la classe paysanne : mais, encore une fois, de quelle classe paysanne est-il question ? Aujourd'hui, ici même, le représentant des paysans de la province de Tver réclamait l'arrestation d'Avksentiev. Il faut choisir entre ce paysan de Tver et Avksentiev, qui a rempli les prisons de membres de comités ruraux. Nous repoussons résolument la coalition avec les élément cossus (koulaks) de la classe paysanne au nom de la coalition de la classe ouvrière avec les paysans les plus pauvres. Nous tenons pour les paysans de Tver contre Avksentiev, nous sommes avec eux jusqu'au bout et indissolublement.
Celui qui poursuit l'ombre d'une coalition s'isole définitivement de la vie. Les socialistes-révolutionnaires de gauche perdront leur appui dans les masses pour autant qu'ils jugeront devoir s'opposer à notre parti. Chaque groupe s'opposant au parti du prolétariat, auquel se sont joints les éléments pauvres de la campagne, s'isole de la révolution. »
Les internationalistes unifiés s'abstiennent sur le vote de l'appel révolutionnaire aux ouvriers, soldats et paysans porté par les bolchéviks.
Lorsque Lénine propose de voter un appel aux peuples et aux gouvernements des nations en guerre[1], Kramarov pour les internationalistes unifiés déclare qu'il est globalement d'accord, mais que seul un gouvernement de coalition pourra mettre en oeuvre cet objectif.
1 En savoir plus[modifier | modifier le wikicode]
- Page Wikipédia en anglais et en russe
2 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]
- John Reed, Dix jours qui ébranlèrent le monde, 1919
- Léon Trotski, Histoire de la révolution russe, 1930
- ↑ Deuxième congrès des Soviets des députés ouvriers et soldats de Russie, Décret sur la paix, 1917