Nikolaï Krestinski
Nikolaï Nikolaïevitch Krestinski (en russe Николай Николаевич Крестинский) est un révolutionnaire russe et un homme d'État soviétique, né le 13 octobre 1883 à Moguilev, dans l'Empire russe (aujourd'hui en Biélorussie), et mort exécuté le 15 mars 1938.
1 Biographie[modifier | modifier le wikicode]
Nikolaï Krestinski est le fils d'un enseignant. À la fin du lycée, il rejoint les sociaux-démocrates, puis participe à la révolution de 1905 à Saint-Pétersbourg, où il devient bolchevik. Expulsé un temps de la capitale, il y retourne pour suivre les cours de la faculté de droit et en sort diplômé en 1907. Il exerce alors la profession d'avocat et se présente au nom du parti bolchévique aux élections à la Douma.
Au début de la Première Guerre mondiale, il est arrêté et exilé vers Ekaterinbourg. Après la révolution de février 1917, il est gracié et devient président du comité d'Ekaterinbourg, puis Président du Ier congrès des Soviets de l’Oural. Élu au comité central du parti en juillet 1917, il devient, après la victoire des bolchéviques, commissaire du peuple chargé des Finances de 1918 à 1921, membre du 1er Politburo dès le 25 mars 1919, et de l’Orgbureau. Il est élu secrétaire du comité central du Parti communiste le 29 novembre 1919.
Il est membre de la fraction de la « Gauche communiste » en 1917-1918. Lors du vote concernant la « sale paix » de Brest-Litovsk, il donne lecture de la déclaration suivante, signée de lui, de Dzerjinski et de Ioffé : « Nous persistons à trouver inadmissible la signature de la paix avec l’Allemagne. Mais nous estimons que seul in parti bolchevik étroitement uni peut organiser la lutte après le rejet de l’ultimatum allemand. Si la scission dont nous menace Lénine se produit, nous serons forcés de mener une guerre révolutionnaire à la fois contre l’impérialisme allemand, contre la bourgeoisie russe et contre une partie du prolétariat conduite par Lénine. Ce serait faire courir à la Révolution russe des dangers encore plus grands que ceux qui l’attendent à la signature de la paix. C’est pourquoi, ne voulant pas contribuer à créer cette situation, mais ne pouvant pas voter pour la paix, nous nous sommes abstenus de prendre part au vote. » (in Walter, Lénine, p. 413).
En 1920, Krestinski est nommé secrétaire du Parti Communiste russe avec Serebriakov et Preobrajenski. Sous leur secrétariat vont être créés des bureaux régionaux du Parti qui jouent le rôle de charnière entre secrétariat et organisations locales, et dont l’autorité ne va cesser de croître après le Xème Congrès. Le 10e Congrès, qui voit la révolte de Kronstadt, l’instauration de la NEP et l’interdiction des fractions dans le PCR, va impulser une réorganisation de l’appareil. Ainsi, on va assister au départ de Preobrajenski et de Krestinski, qui préconisaient une politique de liberté de critique et de compromis vis-à-vis de l’opposition intérieure. Le nouveau Comité central va refléter la montée de ceux qui allaient devenir des collaborateurs fidèles de Staline.
Déchu de ses postes au secrétariat et au politburo, il est alors nommé ambassadeur à Berlin (octobre 1921) , poste qu'il occupe jusqu'en 1930. C'est ainsi qu'il signera le 24 avril 1926 le traité de Berlin établissant l'amitié et la neutralité entre l'Allemagne -représentée par son ministre des Affaires étrangères Gustav Stresemann- et l'Union soviétique pour une durée de cinq ans. Victor Serge décrit Kretinski lors de l’enterrement de Vorovski, ambassadeur soviétique en Italie, tué par un émigré blanc-russe :
« Ce fut, par un soir brumeux, à la gare de Silésie, l’arrivée du fourgon mortuaire ; une foule dense, venue avec des drapeaux rouges, entourait la station obscure. Un camion chargé de fleurs et hérissé de drapeaux servit de tribune à Radek. [...] L’ambassadeur Krestinski suivit le convoi à pied, protégé seulement par de jeunes communistes allemands. Krestinski était un homme extraordinairement intelligent, prudent et courageux. Il ne vivait que pour le parti de la révolution. Il était là dans une sorte d’exil, ayant été débarqué du secrétariat général en raison de ses velléités de démocratisation. Encore jeune, d’une myopie stupéfiante qui donnait à son regard fin caché sous des verres d’un demi-centimètre d’épaisseur une expression timide, le crâne haut et nu, un brin de barbiche noire, il faisait penser à un savant et il était en réalité un grand technicien du socialisme. Il s’opposait aux risques inutiles sans les craindre, prêt en plusieurs circonstances à défendre l’ambassade à coups de révolver, avec ses secrétaires et ses garçons de bureau. Ce soir-là, il refusa de prendre des précautions personnelles, disant qu’il était bon que l’ambassadeur de l’URSS à Berlin s’exposât quelque peu... » (in Victor Serge, Mémoires d’un révolutionnaire, p. 637).
Il est plutôt sympathisant que militant de l’Opposition de gauche en 1923. Lors d’une rencontre entre Rakovsky, Krestinski et Kamenev à Berlin afin de préparer le 14e Congrès, Krestinski était, selon Broué, « adversaire de tout éclat, de toute publicité, partisan de travailler sans relâche à « reconquérir les masses et les influencer de nouveau ». Il était hostile à la tactique des manifestations publiques, de la rue, et y voyait le moyen de l’appareil pour isoler et détruire l’Opposition. » (in Pierre Broué, Rakovsky, p. 262).
Il finit par se désolidariser de l’Opposition en avril 1928 (critiqué dans la lettre du 6 août 1926 de Rakovsky à Valentinov), ce qui lui permet de revenir à Moscou en 1930 comme commissaire du peuple adjoint chargé des Affaires étrangères. Il est démis de cette fonction en mars 1937 et nommé de façon éphémère commissaire adjoint à la Justice, avant d'être arrêté dès le mois de mai 1937.
Il est arrêté en mai 1937 et emprisonné. « Jugé » au cours du 3ème procès de Moscou de Boukharine, Rykov et Rakovsky, il va faire preuve d’un grand courage. Vychinski révèlera qu’il a résisté à neuf mois d’interrogatoire avant de céder. Il déclare que ses aveux, à l’instruction, sont faux et extorqués contre sa volonté. Il affirme : “Je n’ai jamais été membre du bloc des droitiers et des trotskystes, dont j’ignorais l’existence. Je n’ai commis aucun des crimes dont je suis personnellement accusé ; en particulier je plaide non coupable à l’accusation d’avoir eu des liens avec le service de renseignements allemand” » (in Pierre Broué, Le parti Bolchevique, p. 381). Mais le lendemain, il déclare s'être trompé et reconnaît à nouveau être coupable. Il est finalement condamné à mort et exécuté le 15 mars 1938.
Il sera réhabilité en 1963.
2 Ses écrits[modifier | modifier le wikicode]
Les coopératives de consommation, 1920