Jean Foucambert

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Jean Foucambert est chercheur à l'Institut national de la recherche pédagogique (INRP), animateur de l'Association française pour la lecture (AFL) et inspecteur de l'Éducation nationale.

Il fait parti du mouvement constructiviste ou socio-constructiviste, « faire plutôt que savoir » (L.E.J. Brouwer), comme Jean Piaget tout aussi détesté par ses détracteurs ultra-empiristes (associationnisme - behaviorisme watsonnien) qui font de l'apprentissage d'un procédé mécanique (action-réaction) acquis par répétition (empirisme philosophique) et automatisation dont le degré de compétences prédéfinis par la mémorisation des règles est mesurable par tests et notations et est prédéterminé par le biologique vu comme strictement inné (empirisme technoscientiste). Le constructivisme est souvent confondu par les absolutistes, les poppéristes et les anti-communistes avec le déconstructivisme postmoderne et le relativisme post-structuraliste qui sont légions dans les milieux US libertariens qui mélangent sous le terme de french theory des penseurs français dit postmoderne bien que disparates. « Pourquoi faudrait-il jeter le bébé des épistémologies constructivistes avec l’eau du bain des idéologies postmodernistes ? »[1]

Contre les pédagogues progressistes et l'éducation nouvelle tout est encore bon pour discréditer cet « intellectualisme »[2] gauchissant/communisant.

S'il est un témoin important de l'anticommunisme post-60 contre l'éducation émancipatrice, Jean Foucambert est surtout connu principalement pour ses théories en matière d'apprentissage de la lecture s'inspirant de la méthode globale qu'il adapte à la cybernétique (informatique) en s'appuyant sur la psycho-linguistique ou la linguistique structurale. De la même manière que la méthode naturelle de Célestin Freinet adapte la méthode globale par l'imprimerie tout en s'y écartant, l'approche globale de lecture par procédé idéovisuel de Jean Foucambert s'écarte de la méthode d'Ovide Decroly.

Dans son cadre d'application, l'apprentissage de la lecture passe par l'écriture : « Il s’agit alors de proposer une méthode de lecture qui permet d’accéder à l’écrit par le seul recours des yeux, sans passer par le détour de l’oralisation »[3]. Cest la « lecturisation » mettant en avant la compréhension de la langue par opposition à la « syllabation » qui prône le décodage et les règles avant le sens du message.

Son approche sémantique[4] qui jure avec l'approche phonologique lui vaut comme celle de ses collègues (Éveline Charmeux, Laurence Lentin) de vives incompréhensions, reproches et calomnies de la part des traditionalistes et conservateurs (républicanisme d'ancien régime à la Jules Ferry) qui font des trois savoirs (Lire, compter, écrire) du maître le centre de l'apprentissage de la vie et du déchiffrage (phonologie, numération, règles explicites), soutenu par les linguo-cognitivistes, la base de l'apprentissage et de la connaissance.

Jean Foucambert est reconnu pour opérer en « artisan acharné d’une école de l’émancipation »[5].

Par ailleurs, « Henri Wallon, celui-là même du plan Langevin-Wallon de 1947, dont les idées visaient à révolutionner l’école, est un ami de la famille »[5].

1 Propositions en lecture[modifier | modifier le wikicode]

=> Jean Foucambert. Extrait des Actes de Lecture, décembre 1984
« L'évolution rapide de la situation de la lecture en France dépend de la mise en oeuvre d'une politique globale ; rien, en effet, ne serait plus infructueux de laisser se multiplier des opérations ponctuelles dont on attendrait qu'à elles seules, elles modifient sensiblement l'état des choses. On peut même être assuré, et les exemples récents sont nombreux, qu'une action limitée à un seul domaine ne profite qu'à ceux qui n'ont pas besoin d'aide dans les autres domaines. Améliorer le niveau technique de lecture sans rien faire d'autre, c'est apporter de l'aide à ceux qui lisent déjà, etc. C'est seulement en couvrant simultanément le plus grand nombre des facteurs associés de la non-lecture que des résultats rapides et durables peuvent être espérés. C'est pourquoi nous croyons utile d'attirer l'attention sur les 7 points suivants :

  1. _ Toute action commence et est accompagnée par une campagne permanente d'information sur la nature et les enjeux de la lecture. On ne devient pas lecteur à son insu mais par une démarche volontaire, qui s'appuie sur des prises de conscience multiples, aussi bien pour les conduites de lecture, et pour la manière d'apprendre, que pour la remise en cause du statut social de non-lecteur. Ce travail d'information, à l'usage aussi des non-lecteurs, doit souvent passer par d'autres moyens que l'écrit. Il est particulièrement urgent, compte tenu de l'état de désinformation de l'opinion publique et des confusions qui existent entre processus d'alphabétisation et de lecturisation.
  2. _ L'augmentation du nombre de lecteurs commence nécessairement parune transformation dans le partage du pouvoir, de l'implication et de la responsabilité collective et individuelle. Que ce soit dans l'entreprise, dans la vie sociale ou à l'école, l'équilibre se fait toujours entre lecture et statut. Une collectivité ne sécrète que le nombre de lecteurs dont elle a besoin. C'est seulement en se transformant qu'elle ouvre les conditions pour de nouveaux partages. Une action pour la lecture commence donc par une évolution du jeu social afin de responsabiliser les gens dans leur travail, dans leur loisir, dans leur vie sociale. Un groupe qui vit est un groupe qui lit, et non l'inverse.
  3. _ L'augmentation du nombre de lecteurs passe par le relais d'une multitude de formateurs, institutionnels ou non, qu'il s'agisse des enseignants, des parents, des bibliothécaires, des animateurs de centres culturels et de loisirs, d'éducateurs auprès des adolescents, etc. Il est impossible que ces personnes apportent des aides à la lecture s'ils n'ont pas une théorie issue d'une pratique authentique de lecture. Toute politique de lecture commence par la formation des formateurs afin qu'ils soient eux-mêmes d'excellents pratiquants.
  4. _ Devenir lecteur, c'est avoir accès aux écrits sociaux en sachant les trouver là où ils existent.C'est donc être utilisateurs des équipements collectifs. Le lecteur n'est pas celui qui lit le livre qu'on lui propose, c'est celui qui se donne les moyens de choisir les livres qu'il va lire, qui pratique une activité méta-lexique, dans les rubriques de journaux, chez le libraire, à la bibliothèque ; qui connaît les moyens de rencontrer et de diversifier les écrits en rapport avec ce qui l'intéresse. Le développement de ce pouvoir suppose, à quelque échelon que ce soit, une véritable politique de mise en réseau des équipements collectifs, un travail intensif d'information diversifiée sur les écrits en même temps que des actions de formation à l'accès des aides disponibles : fichiers, sommaires, bibliographies, catalogues, rubriques spécialisées, etc.
  5. _ Il serait illusoire d'imaginer qu'un non-lecteur cesserait de l'être dès lors qu'il connaîtrait l'existence des écrits et qu'il disposerait d'une technique satisfaisante de lecture. L'écrit résiste et l'écrit exclut. Il suppose pour être lu qu'on puisse lui apporter un capital de connaissances, de savoirs, de connivence, de connotations. L'adolescent qui vit dans une cité dortoir et le familier des salons parisiens ne peuvent faire la même lecture de Flaubert, de Sagan ou de Proust. Si la littérature provoque des émotions esthétiques chez ceux pour qui elle est écrite, elle ne peut être lue de la même manière par ceux qui sont exclus du système de valeurs et de représentations dont elle est nourrie. Ils n'ont pas d'autres solutions que de la rejeter. À moins d'en faire une autre lecture. Non plus une lecture esthétique mais une lecture tout à la fois ethnographique et politique. Comment, avec le capital qui est le leur - et non en tentant d'en adopter un autre - peuvent-ils utiliser cet objet social et se situer par rapport à lui ? Développer la lecture, ce n'est pas accroître le nombre des lecteurs sur le modèle actuel, c'est favoriser l'éclosion de modes nouveaux de lecture des écrits existants. Il faut cesser de concevoir les actions en faveur de la lecture comme un travail de séduction ou de prosélytisme. Il faut les concevoir comme une aide à l'exercice d'une liberté qui va du rejet assumé au choix en passant par la contestation et le détournement.
  6. _ De la même manière, l'extension du nombre de lecteurs passe par le développement d'écrits nouveaux, ayant dans leur conception un référentiel et des valeurs différentes. Les écrits populaires ont aujourd'hui deux origines : ils proviennent soit d'auteurs bourgeois écrivant pour le peuple, soit d'auteurs d'origine populaire qui, pour produire, ont dû s'isoler de leur milieu et adopter les formes littéraires dominantes. L'éclosion de nouveaux auteurs correspondant à de nouveaux écrits et à de nouveaux lecteurs suppose une action longue de formation. Non pas de conformation ou d'embrigadement. Personne ne sait aujourd'hui quelles sont les caractéristiques de ces nouveaux écrits. Elles ne peuvent émerger qu'à travers le frottement et la confrontation avec les nouveaux lecteurs eux-mêmes, par une naissance simultanée. Encore faut-il créer les structures nécessaires. La révolution de la micro-informatique, du traitement de textes, de l'imprimante et de l'offset permet d'envisager une édition de qualité, à faible coût, en permanence remaniable, en peu d'exemplaires, à délais de parutions brefs et qui mettrait en contact permanent auteurs, écrits et lecteurs autour de leurs expériences communes afin d'en faire jaillir une Ecriture. La multiplication de ces circuits courts, assez comparables aux salons du 18e et du 19e siècle, mais sur un quartier, dans une entreprise, dans une association, etc. constitue le maillon essentiel d'une formation progressive d'auteurs nouveaux, l'apport n'étant pas celui d'une écriture collective mais d'un collectif de lecture, momentanément lié par des références communes.
  7. _ La lecture met en oeuvre des processus d'une nature et d'une complexité sans commune mesure avec ceux que requiert l'utilisation rudimentaire de l'écrit par la voie (voix ?) alphabétique dont disposent encore aujourd'hui près de 70% des individus. C'est dire qu'un important investissement méthodologique doit être opéré, tant dans l'apprentissage initial que dans les phases suivantes de perfectionnement. On ne s'approprie pas un langage pour l'œil avec les techniques utilisées jusqu'ici pour un langage dépendant de l’oreille. Il est indispensable de mettre à la disposition de tous les utilisateurs, à l'école, dans les lieux de formation comme dans les équipements collectifs, des outils et des modules de perfectionnement des divers aspects techniques constitutifs de la lecture, un peu de la même manière qu'on généraliserait les laboratoires de langue si on voulait qu'une population, en quelques années, devienne parfaitement bilingue. Le micro-ordinateur et des logiciels d'entraînement à la lecture, à la condition que leur utilisateur soit intégré dans des modules cohérents, semblent devoir jouer un rôle décisif dans ce domaine.
Les  sept  points  que  nous  venons  d'évoquer  nous  paraissent  constituer  de  manière  indissociable  la trame d'une politique nouvelle de la lecture.  

Nous les avons décrits en termes généraux, laissant à chacun le soin de leur donner un contenu précis dans le lieu de son action. Il nous semble en effet, très facile de les projeter sur la réalité d'un établissement scolaire, d'une Z.E.P., d'un quartier, d'une commune, d'un stage d'insertion 16-25 ans, d'une action de formation permanente, d'un mouvement d'alphabétisation, d'un comité d'entreprise, d'une bibliothèque municipale, d'une association d'éducation populaire, d'une région, etc. Pour voir surgir une multitude d'opérations qui, menées de front, permettent au plus grand nombre d'apprendre en exerçant l'outil indispensable de la responsabilité individuelle et collective. »

2 Bibliographie[modifier | modifier le wikicode]

  • La Manière d'être lecteur - apprentissage de la lecture de la maternelle au CM2, O.C.D.L. - SERMAP (1976, 1re éd., 128 p.), Albin Michel, (1994, 2e éd., 174 p.)    
  • Lire - Une autre approche de la lecture, CNDP, Académie de Grenoble, CDDP Drôme, 1984    
  • avec Yvanne Chenouf, Question de lecture, Association française pour la lecture, Retz, 1989, 159 p.    
  • École de Jules Ferry, un mythe qui a la vie dure, Retz (1991, 1re éd., 141 p.), AFL (2004, 2e éd., 159 p.)        
  • Escola De Jules Ferry, A - Um Mito Que Perdura, UFPR, Portugal, 2009    
  • L'Enfant, le maître et le lecteur, Nathan (Pédagogie), 199p.

3 Références[modifier | modifier le wikicode]


  1. Le Moigne Jean-Louis, « Pourquoi je suis un constructiviste non repentant », Revue du MAUSS, 2001/1 (no 17), p. 197-223. DOI : 10.3917/rdm.017.0197. URL : https://www.cairn.info/revue-du-mauss-2001-1-page-197.htm
  2. Luc Cédelle. Analyse critique d’un livre réputé « majeur ». URL : https://lereferentielbondissant.home.blog/2017/08/22/analyse-critique-dun-livre-repute-majeur-15/
  3. Baptiste Jacomino, « Est-ce en forgeant qu'on devient forgeron ? Dialogue entre Alain et Freinet », Le Philosophoire, no 32,‎ 2009, p. 215–238 (ISSN 1283-7091, DOI 10.3917/phoir.032.0215
    URL : https://www.cairn.info/revue-le-philosophoire-2009-2-page-215.htm?1=1&DocId=335705&hits=9899+9898+4856+4855+#pa43
  4. HÉBRARD, Jean. L’enseignement de la lecture en France : la conjoncture de l’après-guerre In : Didactique de la lecture : Regards croisés [en ligne]. Toulouse : Presses universitaires du Midi, 1996 (généré le 08 août 2020). Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/pumi/3854>. ISBN : 9782810708314. DOI : https://doi.org/10.4000/books.pumi.3854.
    URL : https://books.openedition.org/pumi/3854?lang=fr#ftn7
  5. 5,0 et 5,1 Luc Cédelle (18 mars 2019). Jean Foucambert, un militant globalement inflexible de l’« école du peuple » . Le Monde. URL : https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/03/18/jean-foucambert-globalement-inflexible_5437549_3232.html

4 CITATIONS[modifier | modifier le wikicode]

« Je savais lire à 4 ans, raconte-t-il. J’ai appris avec la méthode globale et avec mon institutrice de maternelle, Mme Grignon. »