Iakov Bloumkine

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Bloumkine.jpg

Iakov Grigorievitch Bloumkine (1900-1929), en russe Яков Григорьевич Блюмкин, est un militant SR de gauche puis bolchevik, agent de la Tchéka et du Guépéou.

Espion et aventurier, il est surtout connu comme étant l'assassin de Wilhelm Mirbach et de Boris Savinkov.

1 Biographie[modifier | modifier le wikicode]

Il est né le 8 octobre 1900 à Odessa ou dans le village de Sosnica près de Tchernihiv en 1898, et devient très tôt orphelin. En 1913, il est diplômé de l'école primaire juive. Il étudia l'hébreu et le russe.

En juillet 1910 il déménage à Lviv, il étudie l'allemand. Après la capture de Lviv par les russes en septembre 1914, son père Grigory Isaevich Bloumkine entre dans l'Armée impériale russe durant la Première Guerre mondiale.

En 1914, il travaille comme électricien dans un dépôt de tram et au théâtre. Il prend part aux détachements d'autodéfense juive contre pogromes à Odessa. Il rejoint le Parti socialiste-révolutionnaire en 1916. En octobre 1917, il visite la région de la Volga.

En novembre 1917, il rejoint le détachement de marins qui participe aux combats avec l'Ukraine. Au cours des événements révolutionnaires à Odessa en 1918, il participe à l'expropriation de la propriété de la Banque d'État. En janvier 1918, il organise la formation à Odessa du 1er régiment de volontaires. Une partie de sa crédibilité se forge à Odessa.

Il s'installe à Moscou en mai 1918. Les dirigeants du Parti SR de gauche et de la Tcheka l'envoient au département de la lutte contre l'espionnage international. En juin 1918, il dirige le département du département de contre-espionnage pour surveiller la protection des ambassades et de leurs éventuelles activités criminelles.

L'anecdote suivante est rapportée sur Bloumkine et le poète Ossip Mandelstam :

« Un soir au début de la Révolution, il était assis dans un café et il y avait le fameux terroriste révolutionnaire socialiste Bloumkine ... à l'époque un officiel de la Tchéka ... en train de copier à moitié saoul les noms des hommes et des femmes à exécuter sur des formulaires vierges prés-signées du chef de la police secrète. Mandelstam se jeta soudain sur lui, saisit les listes, les déchiqueta devant les spectateurs stupéfaits, puis s'enfuit et disparut. À cette occasion, il a été sauvé par la soeur de Trotski. »[1]

Le 6 juillet 1918, Bloumkine participe à l'assassinat de l'ambassadeur d'Allemagne Wilhelm von Mirbach, action décidée par la direction des SR de gauche qui espéraient ainsi déclencher une guerre contre l'Allemagne (ils étaient vent debout contre le traité de Brest-Litovsk). Autour de 14h40, il tire plusieurs coups de feu sur l'ambassadeur. Les bolchéviks déclenchent alors une vague de répression et arrêtent les dirigeants SR de gauche. Bloumkine parvient à s'enfuir et se cacher, à Petrograd puis à Ukraine à partir de septembre 1918. De décembre 1918 à mars 1919 il est secrétaire du comité politique de Kiev. Il est impliqué dans la tentative d'assassinat de l'Hetman Pavlo Skoropadskyi, et se bat dans l'insurection des SR contre le gouvernement nationaliste de Petlioura.

En avril 1919, Bloumkine se rend aux bolchéviks. Dzerjinski lui pardonne, et lui donne l'ordre de retourner en Ukraine pour assassiner le maréchal blanc Koltchak. Il forme un groupe de combat bolchévik, et survit à 3 tentatives d'assassinat de la part de ses anciens camarades SR de gauche. Il rejoint la 13e Armée Rouge en tant que directeur du contre-espionage et travaille pour Piatakov.

Dans les années 1920 il fera diverses missions d'espionage en Perse, dans le Caucase, en Mongolie, en Chine, en Inde, au Sri Lanka, en Afghanistan...

En 1929, il est envoyé à Prinkipo pour assassiner Trotski mais il ne le tue pas et s'allie à lui.[2] En fait il semble que Blumkine ait été un contact de Trotski si l'on en croit les archives déposées à la Houghton Library de Harvard et ce qu'en conclut Christian Salmon (voir références bibliographiques en dessous ) :

« À la fin de 1929, Trotski avait reconnu publiquement avoir reçu la visite de Blumkine. Selon lui, son fils, Lev Sedov, l’aurait rencontré dans la rue à Constantinople, venant d’Extrême-Orient et rentrant en Union soviétique. Il l’aurait alors convaincu de venir « à la maison » pour le rencontrer. En réalité, un document rédigé par Blumkine, daté du 3 avril 1929, découvert à Stanford dans les papiers de Lev Sedov, fait apparaître que les contacts de Trotski avec Blumkine n’ont pas relevé d’une rencontre fortuite mais d’une liaison organisée avec l’URSS, dans laquelle l’agent secret était évidemment une pièce maîtresse. Cette rencontre décidera Staline à faire fusiller Blumkine, un bolchevik, à son retour à Moscou. »

Il faut préciser que Bloumkine en plus connait bien des secrets de la Tchéka comme sur l'affaire Savinkov : on n'est pas sûr par exemple qu'il faisait partie des quatre personnes qui ont poussé Boris Savinkov du quatrième étage de la Loubianka. On ne connaît avec certitude que le nom de l'un des quatre pousseurs : Arthur Schrubel, qui comme le procureur Krylenko fut condamné au Goulag à la fin des années 30 lorsque Staline décida de se débarrasser en 37-38 des bolcheviques de la première génération, ceux qui étaient au parti avant 1920.

Pour ces raisons, Staline fait fusiller Bloumkine le 3 novembre 1929. Trotski écrira :

« Blumkine, qui, en 1918, avait tué Mirbach, ambassadeur d'Allemagne et qui était devenu ensuite un des militants de mon secrétariat militaire, me visita clandestinement à Constantinople, dans le but d'organiser la transmission régulière en U.R.S.S. du Bulletin de l'Opposition russe que j'éditais. A son retour à Moscou, il eut l'imprudence ou le malheur de se confier à un personnage qui le trahit. Blumkine fut exécuté, Ce ne fut pas la seule victime.  »[3]

En 1937 Scrubel, ancien tchékiste, avoua peu avant sa mort au camp de la Kolyma avoir poussé Savinkov lui-même avec l'aide de trois autres tchékistes[4]. Bloumkine rendait visite à Savinkov en prison, ce qui supposait un grand nombre d'autorisations. L'objet de ces visites est incompréhensible si on ne revient pas sur le procès de Savinkov : Savinkov revenait de l'étranger, où il était très populaire chez les socialistes allemands tout particulièrement, mais aussi les socialistes de la tendance Marceau Pivert en France, et des socialistes britanniques. Bref, son procès était suivi de près par des journalistes étrangers. On ne pouvait donc pas le condamner à mort comme on le faisait des SR à l'époque. La sentence ne fut que de cinq ans, absolument dérisoire pour l'Union Soviétique. Mais l'objectif était donc bien de se débarrasser de lui.

Lors de la mort de Savinkov, on a trouvé dans sa cellule une lettre dans laquelle il disait qu'il allait se suicider. Son propre fils, Lev Borissovitch Savinkov, a cru à l'authenticité de la lettre disant : « Ce sont les expressions de mon père ». Donc on ne sait pas si Bloumkine a lui-même poussé Savinkov, mais les visites quotidiennes de Bloumkine à Savinkov dans sa cellule alors que personne n'avait droit aux visites s'expliquent par le fait que Bloumkine devait « attraper le style de Savinkov » comme il l'a lui-même confié à Iakoubovitch sous le sceau du secret. En 1967, Soljenitsyne parle de ses soupçons à Iakoubovitch, qui lui dit : « alors Bloumkine ne s'était pas vanté, et moi qui le prenais pour un hâbleur ! » et il a précisé les derniers points qui manquaient au grand écrivain.

2 Bibliographie[modifier | modifier le wikicode]

3 Notes et références[modifier | modifier le wikicode]

  1. Biographie d'Ossip Mandelstam par Clarence Brown, 1973
  2. Jean Elleinstein, Staline, p. 189
  3. Léon Trotski, Postface à l'édition abrégée de Ma Vie, 4 décembre 1933
  4. Soljenitsyne, note 39 de la page 266 de l'archipel du Goulag, édition du Seuil, 2e trimestre 1974). Dans la suite de cette note qui continue, page 267, Soljenitsyne rappelle des éléments reconnus par les autorités soviétiques de l'époque