Affaire Dreyfus
L'Affaire Dreyfus est une affaire d’État, puis un conflit social et politique, de la Troisième République qui a divisé la France en deux camps et qui a fait couler beaucoup d'encre entre 1894 et 1906. Alfred Dreyfus était un capitaine de l'Armée française. Il fut la victime d'une manipulation au sein de l'armée, qui l'accusa faussement d'une trahison. Parce que juif, il était un coupable naturel pour beaucoup, au milieu d'une vague d'antisémitisme sans précédant.
1 Résumé[modifier | modifier le wikicode]
1.1 Contexte[modifier | modifier le wikicode]
En 1894, la IIIe République a 24 ans d'existence. Les républicains modérés (centre-gauche) viennent de remporter les élections face à la droite conservatrice. L'instabilité ministérielle se poursuit mais, à partir de 1896, le gouvernement de Jules Méline connaît une grande stabilité en menant une politique certes conservatrice mais d'apaisement. C'est sous ce gouvernement qu'éclate l'affaire Dreyfus.
1.2 L'affaire[modifier | modifier le wikicode]
Les services secrets française accusent, en 1894, d'avoir donné aux Allemands des documents confidentiels et secrets. Il est chassé de l'Armée et déporté à perpétuité sur l'île du Diable, en Guyane. La France condamne unanimement Dreyfus. Mais la famille de Dreyfus, convaincue de son innocence, contacte le vice-président du Sénat Auguste Scheurer-Kestner et lui démontre la fragilité des "preuves" condamnant Dreyfus. Trois mois plus tard, Scheurer-Kestner annonce qu'il est sûr de l'innocence d'Alfred Dreyfus, et convainc Georges Clemenceau, ancien député et alors simple journaliste. La famille de Dreyfus porte alors plainte auprès du ministère de la Guerre contre Walsin Esterhazy, le réel traître de l'histoire.
Alors que le nombre de Drefusards (partisans de l'innocence de Dreyfus) augmente, Esterhazy est acquitté sous les acclamations des conservateurs et des nationalistes. Outré, l'écrivain et journaliste Émile Zola publie un réquisitoire dreyfusard, « J'accuse... ! », qui entrainera le ralliement de nombreux intellectuels aux dreyfusards. Deux camps se forment : les dreyfusards et antidreyfusards. De violentes émeutes antisémites éclatent alors, comme à Alger et dans plus de 20 000 villes françaises.
Après une enquête minutieuse, la Cour de cassation décide de casser le jugement de Dreyfus et organise un nouveau conseil de guerre à Rennes, en 1899, malgré les tentatives de l'Armée d'étouffer cette affaire. L'Armée réalise alors une manœuvre infâme : elle prétend avoir des preuves dans des dossiers, mais des dossiers confidentiels, que la Justice ne peut donc pas lire. Dreyfus est donc condamné une nouvelle fois, à dix ans de détention, avec circonstances atténuantes.
Dreyfus accepte par la suite la grâce présidentielle, accordée par le président Émile Loubet. C'est en 1906 que son innocence est officiellement établie au travers d'un arrêt sans renvoi de la Cour de cassation. Réhabilité, le capitaine Dreyfus est réintégré dans l'Armée au grade de commandant et participe à la Première Guerre mondiale. Il meurt en 1935.
Le véritable traître, Esterhazy, avouera avoir commencé ses activités d’espion en 1894, pour éponger ses dettes, donnant des informations confidentielles à l'attaché allemand von Schwartzkoppen.
Les dossiers présentés devant la Justice par l'Armée seront redécouverts des années après. Ils étaient vides.
2 Conséquences[modifier | modifier le wikicode]
Les conséquences sont multiples : politique (montée des courants nationalistes d'extrême droite, division des Français), militaire, religieux (elle ralentit la réforme du catholicisme français, ainsi que l'intégration républicaine des catholiques), social, juridique, médiatique, diplomatique et culturel (c'est à l'occasion de l'affaire que le terme d'intellectuel est forgé).
3 Ce que révèle l'Affaire[modifier | modifier le wikicode]
L'Affaire Dreyfus révèle la faiblesse d'une Troisième République contaminée par l'extrême-droite et les sentiments nationalistes liés aux sentiments antisémites. En fait, l'Affaire Dreyfus révèle surtout un antisémitisme et nationalisme très présent en Europe, dont résulteront les régimes fascistes du 20e siècle, comme l'Espagne nationaliste de Franco, le Troisième Reich d'Hitler, ou encore l'Italie de Mussolini, en plus des dizaines d'autres régimes fascistes plus petits bâtis sur la haine.
L'Armée et la Justice corrompue firent souffrir un militaire innocent, et tentèrent d'étouffer l'affaire. Jean Jaurès s'est d'ailleurs exprimé à ce sujet :
« Quelle est l'institution qui reste debout? Il est démontré que les conseils de guerre ont jugé avec la plus déplorable partialité; il est démontré que l'Etat-major a commis des faux abominables pour sauver le traître Esterhazy et que la haute armée a communié sous les espèces du faux, avec la trahison. Il est démontré que les pouvoirs publics, par ignorance ou lâcheté, ont été traînés pendant trois ans à la remorque du mensonge. Il est démontré que les magistrats civils, du président Delegorgue [président de la Cour d'assises lors du procès de Zola, il se fit remarquer par sa servilité à l'égard de l'Etat- major] au procureur Feuilloley [Procureur de la République, tellement docile au militarisme que Waldeck-Rousseau lui-même dût le déplacer en 1899], se sont ingéniés par des artifices de procédure à couvrir les crimes militaires. Et le suffrage universel lui-même, dans son expression légale et parlementaire n'a su trop longtemps, jusqu'à l'éclair du coup de rasoir [il s'agit du « suicide » du commandant Henry], que donner au mensonge et au faux l'investiture nationale. »[1]
4 Position du mouvement ouvrier[modifier | modifier le wikicode]
Le camp des dreyfusards a été dirigé par des intellectuels plutôt bourgeois humanistes. Malheureusement, les dirigeants du mouvement ouvrier français n'ont pas brillé dans cette période.
Guesde pousse le Parti ouvrier français sur une position d'indifférence, au nom d'un certain ouvriérisme. « Les problèmes bourgeois aux bourgeois ». L'affaire va briser le rapport de confiance entre Guesde et Lafargue, ce dernier voulant effectivement s'impliquer : « Le Parti ouvrier, qui est un parti politique, ne peut se désintéresser des questions politiques qui agitent le pays… »[2].
Rochefort, ancien communard, sera un antidreyfusard et violemment antisémite. A cette époque, comme lui, un certain nombre de militants au départ sur des positions anticapitalistes (confuses) évoluent via l'antisémitisme vers l'extrême droite.
A l'inverse, le libertaire Bernard Lazare fut un des premiers dreyfusards.
5 Voir aussi[modifier | modifier le wikicode]
- Article plus détaillé sur les événements sur wikipédia
- J'accuse... ! (Émile Zola)
- Rosa Luxemburg, Affaire Dreyfus et cas Millerand, 1899