Droit au travail

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Les Ateliers nationaux mis en place en 1848 l'ont été au nom du droit au travail

Le droit au travail est une revendication du mouvement ouvrier et en particulier des chômeur·ses, la condition de prolétaire obligeant à trouver un emploi auprès d'un capitaliste pour vivre.

1 Généralités[modifier | modifier le wikicode]

Le libéralisme est d'abord né en tant que courant porté par la bourgeoisie et visant à limiter l'arbitraire du pouvoir royal. De ce fait, il prend la forme de « droits-libertés » (des libertés définies par la négative), c'est-à-dire de droits de ne pas subir d'ingérence d'autrui dans l'exercice d'activités que l'on peut faire par soi-même. Ne pas voir sa propriété privée menacée, ne pas être inquiété si son commerce nuit à un proche du pouvoir, etc.

Les capitalistes n'ont bien sûr pas intérêt aux droits qui impliquent des moyens (droit au travail, droit au logement...), ceux que l'on appelle des « droits-créances » (une conception dans laquelle la société a un dû - créance - vis-à-vis de ses membres). Il arrive que des démocrates bourgeois sincères défendent certains droits-créances, même si généralement leur vision ne s'éloigne pas radicalement d'une idée de charité publique. Mais face aux situations de crises et de luttes de classe qui menacent les profits et la propriété privée, les bourgeois et leurs représentants choisissent toujours de sacrifier ces droits, qui restent des pansements sur le capitalisme.

Il est à noter qu'avec l'évolution des rapports de force idéologiques (surtout à l'époque où le mouvement ouvrier était très puissant), certains droits-créance comme le droit au travail ont dû être affirmés. Ainsi la Déclaration universelle des droits de l'homme adopté par l'ONU en 1948 affirme :

« Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage. » (article 23).

Ce « droit » est aussi inclus dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966 (art. 6), Charte sociale européenne de 1961 (art. 1), de même que dans la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples de 1981 (art. 15).

Mais cela n'empêche pas que ces droits-créance ont beau être proclamés, ils ne sont que très partiellement suivis d'effets, au grès des différents moyens concédés « au social » par les États bourgeois.

2 France[modifier | modifier le wikicode]

2.1 Révolution française[modifier | modifier le wikicode]

Dès les cahiers de doléances rédigés pour les états généraux, le thème du droit au travail apparaît chez certains auteurs.[1]

Aux côtés de l'assistance publique, cela devient un thème important des débats de l'Assemblée constituante lors de la Révolution. Ainsi, elle est une préoccupation des radicaux comme des modérés dès 1789. Moins de deux mois après la prise de la Bastille, les pouvoirs publics organisent des grands travaux (canalisation de l'Ourcq, enlèvement d'immondices sur les bords de la Seine, travaux divers d'aménagement des faubourgs, etc.). Des chantiers analogues, qualifiés d'ateliers de secours, sont également ouverts en province à la même époque.» [2]

La loi du affirme : « Tout homme a droit à sa subsistance par le travail s'il est valide ; par des secours gratuits s'il est hors d'état de travailler. Le soin de pourvoir à la subsistance du pauvre est une dette nationale. ».

De même, l'article 21 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1793 affirme : « Les secours publics sont une dette sacrée. La société doit la subsistance aux citoyens malheureux, soit en leur procurant du travail, soit en assurant les moyens d’exister à ceux qui sont hors d’état de travailler. »

Le droit au travail est aussi affirmé dans la Constitution de l'an I, élaborée par la Convention montagnarde.

Ce droit au travail, couplé au droit à l'aide sociale, est une revendication partagée par des politiques aussi différents que Guy-Jean-Baptiste Target, député du tiers état, ou Malouet, qui appartient aux monarchiens et propose à l'Assemblée constituante, le , la mise en place d'un système de « bureaux de secours et de travail » De même, Boncerf plaide pour que l'État engage de grands travaux, dans sa brochure De la nécessité et des moyens d'employer avantageusement tous les gros ouvriers, qui connaît un large succès.

2.2 Révolution de 1848[modifier | modifier le wikicode]

Le droit de travailler devient ensuite une revendication centrale de la République sociale lors de la Révolution de 1848. Le gouvernement provisoire instaure alors les Ateliers nationaux, en parallèle de la commission du Luxembourg et ses ateliers sociaux, sous la direction de Louis Blanc (qui avait publié l'Organisation du travail en 1839).

Lors des débats du à l'Assemblée Constituante, Ledru-Rollin défend ainsi ce « double » droit, à l'assistance et au travail, affirmant : « On a dit, le droit au travail, c'est le socialisme. Je réponds : Non, le droit au travail, c'est la République appliquée. »[3]

2.3 Commune de Paris (1871)[modifier | modifier le wikicode]

Le décret de la Commune de Paris du (Journal Officiel de la Commune de Paris , ) - "Considérant qu’une quantité d’ateliers ont été abandonnés par ceux qui les dirigeaient afin d’échapper aux obligations civiques, et sans tenir compte des intérêts des travailleurs ; Considérant que par suite de ce lâche abandon, de nombreux travaux essentiels à la vie communale se trouvent interrompus, l’existence des travailleurs compromise," et visant ainsi à établir "les conditions pratiques de la prompte mise en exploitation de ces ateliers, non plus par les déserteurs qui les ont abandonnés, mais par l’association coopérative des travailleurs qui y étaient employés" - peut être aussi considéré comme une étape importante vers la reconnaissance du droit au travail et l'action concrète pour ce droit.

2.4 Droit français[modifier | modifier le wikicode]

La Constitution de 1946 affirme : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi », droit qui est repris dans la Constitution de 1958 qui fonde les bases de la Ve République.

La loi du 13 juillet 1965 portant réforme des régimes matrimoniaux permet à la femme mariée d'exercer une profession séparée sans l'autorisation de son mari (il s'agit plutôt ici d'une avancée des droits-libertés, car c'est le droit de travailler qui a été élargi).

Dans la décision n° 85-200 DC du , le Conseil constitutionnel a affirmé qu’il appartient au législateur « de poser les règles propres à assurer au mieux le droit pour chacun d’obtenir un emploi en vue de permettre l’exercice de ce droit au plus grand nombre d’intéressés. » L'Agence nationale pour l'emploi (ANPE), créée en 1967, et devenue Pôle Emploi, découle de ce principe[4].

3 Le « droit à la paresse »[modifier | modifier le wikicode]

Le droit au travail présuppose que le travail salarié et l'emploi, et avec eux la propriété privée des moyens de production et l'entreprise capitaliste, sont les rapports normaux dans l'organisation de la production. Or, le capitalisme est un mode de production historiquement situé, et tout à fait dépassable.

Par ailleurs, la surexploitation des un·es (pendant que les autres sont condamné·es au chômage subi), et l'aliénation du travail causée par ce mode de production, engendrent d'innombrables dégâts humains, comme des burn out, des suicides, ou une totale perte de sens dans l'activité effectuée.

Il est arrivé que certains dirigeants socialistes réformistes du mouvement ouvrier fétichisent le travail sans dénoncer sa nature capitaliste. C'est par exemple l'objet d'une critique célèbre par le gendre de Marx, Paul Lafargue, auteur du Droit à la paresse.

C'est pourquoi les marxistes révolutionnaires critiquent à la fois dans la société capitaliste le chômage subi et le travail subi. L'organisation collective de la production, planifiée démocratiquement en fonction des besoins hors de toute course aux profits, permettra de profiter collectivement d'une meilleure qualité de vie, faite d'activités utiles pour la collectivité et d'un haut de niveau de temps libre.

4 Notes et références[modifier | modifier le wikicode]

  1. Jean-François Lambert, Cahier des pauvres, 1789
  2. Pierre Rosanvallon, La nouvelle question sociale. Repenser l'État-providence., Le Seuil, 1995, p.134-135 (à propos des ateliers de secours, Rosanvallon renvoie à Alexandre Tuetey, L'Assistance publique à Paris pendant la Révolution, Paris, 1895-1897, 4 vol., et Léon Lallemand, Histoire de la charité, t.IV et V, Les Temps modernes (16e-19e siècle), Paris, 1910.
  3. Alexandre Ledru-Rollin, Débat sur le droit au travail. Discours à l'Assemblée nationale constituante : 11 septembre 1848
  4. Existe-t-il un droit au travail ? - Vie-publique.fr, 30 mai 2006