Die Jungen
Les Jeunes (Die Jungen) étaient un groupe d'oppositionnels, principalement issus de la jeunesse, qui furent exclus du parti social-démocrate allemand (SPD) en 1891. Ce groupe est généralement caractérisé comme gauchiste par les marxistes révolutionnaires.
1 Historique[modifier | modifier le wikicode]
Au moment de la légalisation du SPD, certains militants refusent de faire un tournant dans la façon de militer et de se concentrer sur la bataille électorale, le groupe dit des Jeunes, principalement concentré à Berlin.
Formé au printemps et à l'été 1890, il s'agissait principalement de jeunes ayant quitté l'université et intégré le parti depuis peu. Le berlinois Bruno Wille était par ailleurs impliqué dans l'association Freie Volksbühne (Théâtre populaire libre). Certains étaient des éditeurs de journaux du parti, comme Paul Ernst et Sommer à Dresde, ou Paul Kampffmeyer et Hans Müller à Magdeburg. Comme autres figures on comptait Wilhelm Werner, ou Carl Wildberger.
Certains ont eu un court moment une influence sur les sections social-démocrates (partis et syndicats) locales, notamment à Berlin où ils avaient une petite audience, plutôt parmi les artisans que parmi les ouvriers d'usine.
Le groupe se forme peu de temps avant la chute des lois antisocialistes, et publie une série d'articles de presse.
Ils critiquaient l'augmentation du pouvoir des députés et plus généralement des personnalités individuelles au sein du parti pendant la période d'interdiction. Ils appelaient également à ce que la social-démocratie soit plus critique vis-à-vis du parlementarisme. Cela se basait notamment sur le discours de Georg von Vollmar (dit discours de l'Eldorado), qui appelait le SPD à assumer ouvertement une orientation réformiste. Mais ils trouvaient également que les députés SPD défendaient trop mollement la réduction du temps de travail au Reichstag.
Pour les Jeunes, trop de concessions étaient faites pour s'adresser à la petite-bourgeoisie au détriment du caractère prolétarien du parti. Certains prônaient un retour au programme de Gotha, dans lequel toute la bourgeoisie était décrite comme « une seule masse réactionnaire ».
Mais le groupe n'était pas réellement organisé et n'était pas homogène politiquement. Certains défendaient un anti-parlementarisme de principe, d'autres prônaient un parlementarisme centré sur l'agitation révolutionnaire. Plus généralement il y avait beaucoup de méfiance envers les réformes en général. Wille dénonçait le risque que les ouvriers soient tentés de « renoncer au socialisme pour un plat de lentilles ».[1]
Ils appelèrent également à une grève nationale le 1er mai 1891.
Ils se lancèrent dans une campagne de dénonciation du Conseil exécutif (Vorstand) du parti, qu'ils accusaient d'être corrompu, opportuniste et anti-démocratique.
Pour les dirigeants historiques (Bebel, Kautsky, Bernstein...), les Jeunes étaient le reflet de l'inexpérience et du carriérisme.
En 1891, dans une série de discours dans les localités influencées par les Jeunes, Bebel, qui est bon orateur, leur fait perdre leur soutien. Par exemple, Wille et Bebel s'affrontent dans un meeting en août 1891 devant une assemblée de 10 000 social-démocrates pour la plupart ouvriers. La sympathie de l'auditoire est acquise à Bebel, et lorsque Wille accuse les dirigeants du parti de maintenir la base ouvrière dans un statut de troupeau, Bebel retourne cela contre lui en l'accusant d'être insultant envers les ouvriers.
Au congrès d'Erfurt (octobre 1891), les Jeunes furent placés sur la défensive, sommés de prouver leurs accusations contre les dirigeants du parti. Leurs intellectuels ne furent par ailleurs pas présents parmi les délégués au congrès, leurs idées étant défendues par quelques ouvriers de Berlin.
Minorisés, trois leaders (Wille, Ernst, et Kampffmeyer) quittent le parti pour former un parti appelé « Union des socialistes indépendants ». Cependant celui-ci fut très vite divisé entre une aile socialiste et une aile anarchiste. Celle-ci l'emporta notamment parce que des éléments anarchistes extérieurs à la social-démocraties avaient rejoint ce nouveau parti. Après la victoire des anarchistes au printemps 1893, le parti est dissout.[1]
Parmi les membres des Jungen qui firent partie de cette branche évoluant vers l'anarchisme, on compte Gustav Landauer, qui sera notamment présent au congrès de Zurich de l'Internationale en 1893, congrès qui exclura définitivement les anarchistes.
2 Postérité[modifier | modifier le wikicode]
Dans les années 1960 le leader trotskiste Ernest Mandel écrit :
Des groupements ultra-gauches, plus ou moins anarchisants, se sont développés dans la social-démocratie allemande vers 1891-1892 ; ces « gauchistes de Berlin » constituent une tendance généralement peu connue dans le mouvement ouvrier. Le jugement à porter sur ce groupe n’est ni simple ni unilatéral : Lénine lui-même, après 1914, a dû faire un certain réexamen critique de son opinion précédente et il a vu, dans ces oppositions, les premières formes de révolte semi-consciente et semi-instinctive contre le début de la corruption réformiste et bureaucratique des mouvements sociaux-démocrates de masse.[2]
3 Notes[modifier | modifier le wikicode]
- ↑ 1,0 et 1,1 Stanley Pierson, Marxist Intellectuals and the Working-class Mentality in Germany, 1887-1912, 1993
- ↑ Ernest Mandel, De la bureaucratie, 1965-1967