Sur une interview d'André Malraux

De Marxists-fr
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L'INTERVIEW d'André Malraux dans « El Nacional » sur l'Espagne, la France, les procès de Moscou, et André Gide, a un caractère entièrement officiel, de même que son voyage à New York, ainsi qu'on peut le supposer.

Lorsque Malraux rend hommage au courage et à la politique perspicace du gouvernement du Président Cardenas vis-à-vis de la Révolution espagnole, je n'ai certainement aucune objection à faire sur ce point. Je ne peux qu'exprimer mon regret que l'initiative du Mexique n'ait trouvé aucun appui. Les dures paroles concernant Léon Blum ont un caractère beaucoup plus équivoque. Ce n'est pas à moi de le défendre. Mais dans toutes les questions qui concernent l'Espagne, Staline a suivi et continue à suivre une politique tout à fait semblable à celle de Blum. Il semble que la responsabilité pour les conséquences de cette politique que l'on mène à Moscou soit faite pour retomber seulement sur Blum. Cependant, la mission de Malraux ne consiste pas en une clarification de ces questions. Comme d'autres diplomates, et surtout les « officieux », Malraux parle le moins possible de ce qui l'intéresse le plus.

New York est maintenant le centre du mouvement pour la révision des procès de Moscou. C'est, soit dit en passant, le seul moyen de prévenir de nouveaux assassinats judiciaires. Il n'est pas nécessaire d'expliquer combien ce mouvement alarme les organisateurs des amalgames de Moscou. Ils sont prêts à recourir à n'importe quelle mesure pour arrêter ce mouvement. Le voyage de Malraux est une de ces mesures.

En 1926, Malraux se trouvait en Chine au service du Komintern-Kuomintang, et il est l'un de ceux qui portent la responsabilité de l'étranglement de la Révolution chinoise. Dans ses deux romans, Malraux, sans le vouloir, a donné un tableau révélateur de la politique du Komintern en Chine. Mais il ne sut pas comment tirer les conclusions nécessaires de ses propres expériences.

Malraux, comme André Gide, fait partie des amis de l'U.R.S.S. Mais il y a une énorme différence entre eux, et pas seulement dans l'envergure du talent. André Gide est un caractère absolu-ment indépendant, qui possède une très grande perspicacité et une honnêteté intellectuelle qui lui permet d'appeler chaque chose par son nom véritable. Sans cette perspicacité, on peut balbutier sur la révolution, mais non la servir.

Malraux, au contraire de Gide, est organiquement incapable d'indépendance morale. Ses romans sont tous imprégnés d'héroïsme, mais lui-même ne possède pas cette qualité au moindre degré. Il est officieux de naissance. A New York, il lance un appel à oublier tout, sauf la Révolution espagnole. L'intérêt pour la Révolution espagnole, cependant, n'empêche pas Staline d'exterminer des dizaines de vieux révolutionnaires. Malraux lui-même quitta l'Espagne pour mener aux Etats-Unis une campagne de défense du travail judiciaire de Staline-Vychinsky. A cela, il faut ajouter que la politique du Komintern en Espagne reflète complètement la politique fatale de celui-ci en Chine. Telle est la vérité sans voiles.

La Lutte Ouvrière, 9 avril 1937