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Special pages :
Staline et Hitler (A propos du réquisitoire final de Vychinsky)
Auteur·e(s) | Léon Trotski |
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Écriture | 12 mars 1938 |
Le fait que le procès de Moscou se termine au son des fanfares qui célèbrent l’entrée en Autriche de Hitler est d’un symbolisme tragique. La coïncidence ne relève pas du hasard. Berlin sait parfaitement à quel degré de démoralisation la clique du Kremlin, dans sa lutte pour son auto-préservation, a entraîné l’armée et la population. L’an dernier, Staline n’a pas levé le petit doigt quand le Japon a envahi deux îles russes sur l’Amour : il était trop occupé alors par l’exécution des meilleurs généraux de l’Armée rouge. C’est avec d’autant plus d’assurance que Hitler a donc pu faire entrer ses troupes en Autriche pendant le dernier procès.
Quelque attitude qu’on aie vis-à-vis des accusés des procès de Moscou et quelle que soit la façon dont on juge leur conduite dans les griffes du G.P,U., tous – Zinoviev, Kamenev, Smirnov, Piatakov, Radek, Rykov, Boukharine, Rakovsky et bien d’autres – ont montré, par tout le cours de leur vie, leur dévouement désintéressé au peuple russe et à sa lutte pour son émancipation. En les passant par les armes, avec des milliers d’autres, moins connus, mais non moins dévoués à la cause des travailleurs, Staline contribue à affaiblir la force morale et la résistance du pays en général. Les carriéristes sans honneur ni conscience, sur lesquels il est obligé de s’appuyer de plus en plus, trahiront le pays dans les temps difficiles. Au contraire, les prétendus « trotskystes », qui sont au service du peuple et pas de la bureaucratie, occuperont les postes de combat en cas d’attaque contre l’U.R.S.S., comme ils les ont occupés dans le passé.
Mais en quoi cela concerne-t-il Vychinsky qui, pendant les années de la révolution, se cachait dans le camp des Blancs et n’a rejoint les bolcheviks qu’après leur victoire définitive, quand se sont ouvertes des possibilités de faire carrière ? Vychinsky réclame dix-neuf têtes et avant tout celle de Boukharine que Lénine appelait l’ « enfant chéri du parti » et qu’il a qualifié dans son testament de « meilleur théoricien du parti ». Avec quelle frénésie les agents du Comintern applaudissaient les discours de Boukharine quand il était à son zénith ! Mais la clique du Kremlin ne l’eut pas plus tôt renversé que les « boukhariniens » d’hier s’inclinaient avec déférence devant les monstrueuses falsifications de Vychinsky.
Le procureur exige la tête de Iagoda. De tous les accusés, lagoda est le seul qui, indubitablement, mérite un châtiment sévère, encore que ce ne soit nullement pour ceux des crimes dont on l’accuse. Vychinsky compare lagoda au gangster américain Al Capone et ajoute : « Mais, Dieu merci, nous ne sommes pas aux États-Unis ». Aucun saboteur n’aurait pu faire comparaison plus dangereuse. Al Capone n’était pas chef de la police des États-Unis. Alors que lagoda fut, pendant plus de dix ans, à la tête du G.P.U. et le plus proche collaborateur de Staline. Selon les termes de Vychinsky, lagoda a été « l’inspirateur et l’organisateur de crimes monstrueux ». Mais toutes les arrestations, les déportations, les exécutions de membres de l’Opposition, y compris le procès Zinoviev-Kamenev, ont été faites sous la direction de cet Al Capone de Moscou. Faut-il de nouveau passer en revue la répression qui frappa des dizaines de milliers ? Ou bien les actions du « trotskyste » camouflé lagoda cessent- elles d’être des « crimes monstrueux » quand elles étaient dirigées contre des trotskystes ? Il n’est pas possible d’éviter ces contradictions et ces mensonges.
Vychinsky exige la tête de Lévine et des autres médecins du Kremlin qui ont accéléré la mort au lieu de s’appliquer à prolonger la vie. Mais, si l’on en croit les résultats de l’instruction, ces crimes n’ont pas eu des objectifs politiques ou personnels, mais ont résulté de la peur que leur inspirait ce même Iagoda. Le chef du G.P.U., majordome de Staline, menaçait les médecins de faire exécuter leur famille s’ils n’empoisonnaient pas les patients qu’il leur désignait et si grand était le pouvoir de Iagoda que même les médecins de haut rang n’ont pas osé dénoncer Capone et ont, au contraire, préféré tout simplement exécuter ses ordres. Vychinsky construit son accusation à partir de ces « aveux ». Il semble que Capone ait dirigé l’Union soviétique avec un pouvoir illimité. Il est vrai qu’Ejov a pris maintenant sa place. Mais quelles garanties avons-nous qu’il soit mieux que lui ? Dans les milieux d’un despotisme totalitaire où l’opinion publique est étouffée et en l’absence de tout contrôle, seuls les noms des gangsters changent, mais le système demeure.
Vychinsky a parlé pendant cinq heures et demi, exigeant dix-neuf exécutions, soit dix-sept minutes par tête. Pour Rakovsky et Bessonov, le procureur magnanime n’a réclamé que vingt-cinq ans de prison. Ainsi, Rakovsky, qui, pendant cinquante ans, a dévoué toute son énergie et consacré toute sa fortune personnelle – qui était considérable – à la cause des travailleurs, peut espérer avoir racheté ses prétendus crimes pour son quatre-vingt- dixième anniversaire.
L’unique consolation devant ce procès en même temps horrible et bouffon est le changement radical de l’opinion publique. La voix de la presse mondiale est unanime : personne ne croit plus les accusateurs. Tout le monde comprend la véritable signification de ce procès. Il ne fait aucun doute que la population de l’U.R.S.S. n’est pas uniquement composée d’aveugles et de sourds. Les organisateurs de cette imposture se sont coupés de l’humanité. Le procès actuel est l’une des dernières convulsions de la crise politique en U.R.S.S. Plus vite la dictature d’Al Capone laissera la place à un auto-gouvernement des ouvriers et des paysans, puis puissante sera l’U.R.S.S. face au danger fasciste de l’extérieur et de l’intérieur... L’heure de la régénération de la démocratie soviétique donnera une puissante impulsion au progrès de l’humanité et sonnera ainsi le glas pour Hitler, Mussolini et Franco.