Staline (par Trotski)

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Note du traducteur[modifier le wikicode]

Lorsque, le 1° novembre 1933, Léon Trotsky vient s'installer à Barbizon, il a décidé d'écrire une biographie de Lénine, ce qui, informe-t-il un correspondant, doit lui prendre un an. Mais des, contre-temps de toutes sortes se multiplient., Fin 1935, installé en Norvège, il a terminé quinze chapitres, mais quinze chapitres qui ne vont pas au-delà de 1893 et qui seront publiés en 1936 par les Editîons Rieder sous le titre la Jeunesse de Lénine. Dans d'autres pays, les éditeurs préfèrent attendre, afin de publier l'ouvrage dans son ensemble.

Au début de 1936, Trotsky travaille à son Lénine, mais des ennuis de santé, les, préoccupations de l'actualité politique, bientôt le procès Zinoviev-Kaménev le forcent à interrompre son travail. C'est ensuite, en septembre, l'internement par le gouvernement norvégien, puis, en décembre, le départ pour le Mexique. La première moitié de, l’année 1937 est, prise par le procès Radek-Piatakov, puis par les travaux de la Commission Dewey. En juillet 1937, Trotsky revient à son Lénine, mais son travail est bientôt interrompu par lé départ de sa dactylo russe.

Devant ces retards, l'éditeur américain (Doubleday Duran) perd patience et, au début 1938, transfère le contrat à une autre maison d’éditions américaines (Harper and, Brothers) dont le représentant suggère que Trotsky écrive d'abord un livre sur Staline. Trotsky accepte et un contrat est signé pour les deux livres, celui sur Staline et celui sur Lénine, le Staline devant venir le premier. Trotsky a d'autant plus facilement consenti à ce changement que tous les matériaux qu'il a déjà réunis sur le mouvement socialiste, en Russie jusqu'en 1917 peuvent être utilisés aussi bien pour le Staline que pour le Lénine.

Lorsque Trotsky est assassiné en août 1940, il laisse le Staline inachevé, mais fort avancé. Le traducteur américain, Charles Malamuth, s'était déjà mis au, travail du vivant de Trotsky et, fin 1941, l'édition américaine du livre est imprimée par Harper and Brothers Mais au moment même où le livre est sur le point d'être mis en vente survient Pearl Harbor. Sous la pression du gouvernement soviétique, le gouvernement américain conseille à Harper and Brothers de surseoir à la diffusion du livre, et l'éditeur obtempère. C'était l'époque où l'on recherchait les bonnes grâces de l'Oncle Jo. Néanmoins, un exemplaire du livre fraîchement imprimé est déposé à la Bibliothèque du Congrès des Etats-Unis, à Washington. C'est ainsi que pendant plusieurs années le livre vécut dans les limbes de la Library of Congress une existence incertaine. Etait-il publié ou non ? En mars 1946, la guerre étant finie, Harper and Brothers mit enfin le livre en vente.

En 1941, la situation s'était encore compliquée du fait que Malamuth s'était permis d'introduire, dans la traduction des chapitres inachevés du livre, des remarques personnelles qui étaient plus en accord avec ses propres vues politiques que celles de Trotsky. Natalia Sedova-Trotsky, aidée de son avocat américain, Albert Goldman, avait intenté, en octobre 1941, une action judiciaire contre Harper and Brothers pour astreindre cette maison d'édition à ne, pas publier le livre sous la forme que lui avait donnée le traducteur. Le 8 novembre, le tribunal déclarait réserver sa décision. L'action judiciaire fut éteinte par la décision de Harper and Brothers de ne pas diffuser le livre. Quand le livre fut enfin mis en vente en 1946, il contenait le texte de Malamuth sans émendations.

L'édition française du livre a aussi son histoire. Les Editions Bernard, Grasset publièrent le livre en 1948. J'avais traduit du manuscrit russe les chapitres achevés par Trotsky, c'est-à-dire les sept premiers, ainsi que l'Appendice sur les trois conceptions de la révolution russe. L'Introduction et les chapitres inachevés furent traduits en partie du russe par moi (j'étais aux Etats-Unis), en partie du texte anglais de Malamuth par Alfred Rosmer ou sous son contrôle (Rosmer se trouvait à Paris). C'est Rosmer qui donna au manuscrit français sa forme définitive. et traita avec l'éditeur. Dans les chapitres inachevés, les interpolations les plus répréhensibles de Malamuth avaient été éliminées.

Pour la présente édition, j'ai revu ma traduction, faite il y a plus de trente ans, et y ait apporté quelques retouches. J'ai revu aussi les pages traduites de l'anglais par Rosmer, sans toutefois avoir toujours eu la possibilité de les confronter au manuscrit russe. Là aussi, je n'ai apporté que quelques retouches, ne jugeant pas opportun d'entreprendre un remaniement plus profond du texte.

La simple énumération des dossiers contenant les matériaux et manuscrits accumulés par Trotsky lorsqu'il travaillait son Staline remplit dix-sept pages du catalogue de la Bibliothèque Houghton, où sont conservées les archives de Trotsky. C'est dire qu'il y a là une énorme masse d'écrits, allant des chapitres achevés à de courtes notes de quelques lignes, en passant par des morceaux de plusieurs pages. C'est là que Malamuth et moi avions puisé pour établir le texte qui allait servir de base à l'édition américaine et aussi, une fois laissées de côté certaines interpolations introduites par Malamuth, à l'édition française. La publication intégrale de ces manuscrits serait évidemment souhaitable, mais elle soulève comme on peut l'imaginer, de gros problèmes. Ce ne pourrait être qu'un travail d'érudition, peu susceptible d'être rentable sur le plan commercial. Il ne pourrait donc être envisagé que si des moyens assez considérables étaient disponibles. Sous une forme commode, la présente édition offre au lecteur français l'essentiel du travail de Trotsky.

Le texte de Trotsky sur Staline appellerait bien des remarques, analyses et discussions; mais je ne veux pas sortir ici de mon rôle de traducteur.


Mai 1979.

J. van HEIJENOORT