Catégorie | Modèle | Formulaire |
---|---|---|
Text | Text | Text |
Author | Author | Author |
Collection | Collection | Collection |
Keywords | Keywords | Keywords |
Subpage | Subpage | Subpage |
Modèle | Formulaire |
---|---|
BrowseTexts | BrowseTexts |
BrowseAuthors | BrowseAuthors |
BrowseLetters | BrowseLetters |
Template:GalleryAuthorsPreviewSmall
Special pages :
Notes sur l’URSS (1940)
Auteur·e(s) | Léon Trotski |
---|---|
Écriture | 1 mars 1940 |
(Mars (?) 1940)
Une seule conclusion doit être tirée du conflit soviéto-finnois. Personne au Kremlin n’avait prévu quoi que ce soit, intoxiqués qu’ils étaient par leurs vantardises et par les succès tombés sur Staline comme des miettes de la table de Hitler. Au Kremlin, on n’avait rien prévu ni fait aucun préparatif. L’initiative des succès du Kremlin revenait totalement et entièrement à l’Allemagne. Hitler a poussé Staline du coup soigneusement et lentement d’abord pour qu’il aille contre la Pologne, plus tard contre les États Baltes. La résistance en Finlande qui n’aurait pu commencer sans l’aide directe de l’Allemagne — par l’intermédiaire de l’Italie — a obligé le Kremlin à se décider sur-le-champ.
Nous constatons maintenant les mêmes caractéristiques et les mêmes résultats dans le domaine diplomatique et militaire. Staline a pu réussir dans les Pays Baltes du fait d’une combinaison de forces militaires et diplomatiques favorable. Mais là où il aurait fallu initiative et pénétration, sa politique n’a apporté à l’Union soviétique qu’humiliation.
Il en fut de même en Allemagne où la clé de la défaite interne était dans une large mesure aux mains du Comintern et où la direction de Staline a pavé la voie pour la victoire de Hitler.
Il en fut de même en Espagne où le Kremlin a pris entre ses mains la direction de la guerre civile et a voué le peuple espagnol aux pires désastres. Personne, ni Hitler, ni Mussolini, n’a rendu un tel service au général Franco, que Staline.
On peut évaluer la peur qu’a le Kremlin d’une attaque de l’Allemagne nazie aux efforts et sacrifices colossaux dépensés sur les lignes de défense le long des frontières occidentales de l’U.R.S.S.
La tâche initiale du bolchevisme était la révolution socialiste internationale. Il ne pouvait bien entendu être question qu’un pays arriéré et pauvre comme l’était la Russie et comme l’est encore l’Union soviétique soit capable d’imposer militairement une révolution socialiste à d’autres peuples. Il s’agissait qu’une révolution soit faite par le prolétariat des pays avancés. Pour le gouvernement soviétique, la tâche était, d’un côté, d’aider au gouvernement de ces révolutions, et de l’autre de tenir son propre territoire jusqu’à la victoire du prolétariat dans les autres pays. La ligne fondamentale de la politique internationale de l’U.R.S.S. était d’exploiter les contradictions des autres pays pour tenir. Une politique militaire agressive était impensable.
Le bolchevisme partait de la compréhension que, dans les frontières d’un seul pays et, de plus, d’un pays arriéré, il était impossible de construire le socialisme et que le socialisme, comme le capitalisme avant lui, devait embrasser le monde entier. La route vers la révolution socialiste mondiale ne consiste pas du tout dans l’expansion militaire d’un seul État dans lequel la révolution l’a emporté plus tôt qu’ailleurs.
A l’automne de 1924, Staline arriva pour la première fois à la conclusion qu’on pouvait construire le socialisme dans un seul pays. Cette théorie a acquis ultérieurement une importance énorme dans la politique intérieure comme étrangère de l’Union soviétique. Sur le peuple, s’est élevée une puissante bureaucratie qui concentrait entre ses mains tout le pouvoir et la part du lion dans le revenu national. Staline lança le mot d’ordre : « Nous ne voulons aucune terre étrangère, mais nous ne céderons pas un pouce de la nôtre. » Ce mot d’ordre d’une politique purement conservatrice à l’extérieur correspondait à la position matérielle de la bureaucratie dominante : elle se sentait trop faible pour une guerre étrangère mais assez forte pour régner à l’intérieur.
Le seul danger immédiat provenait du Japon et il n’était dangereux que pour certaines parties du territoire et ne constituait nullement une menace pour l’existence de l’État. Moscou acheta le moyen d’échapper au danger japonais par des concessions. En Occident, l’U.R.S.S. était protégée par une Pologne qui, bien qu’hostile, était faible et par une faible Allemagne semi-amicale.
En 1924, dans Vers le Socialisme ou vers le Capitalisme?, cinq ans avant l’apparition du Biulleten, nous avons essayé d’expliquer aux maîtres actuels du Kremlin que la force et la vitalité d’un ordre social sont déterminées par la productivité du travail. Nous réclamions donc l’élaboration des divers coefficients de la productivité du travail en U.R.S.S. et dans les pays capitalistes en tant que critère fondamental pour éclairer la question de savoir si en U.R.S.S. le danger venant du côté du capitalisme diminuait ou grandissait au point de vue économique ou militaire : il n’est pas possible de séparer ces deux dangers. Staline nous répondit en disant que le développement socialiste ne dépend pas du rythme du développement ou par conséquent du rythme de la croissance de la productivité du travail. Les statistiques ne sont établies que sur des totaux et n’inspirent guère confiance. Dans La Révolution trahie, nous avons essayé de nouveau d’expliquer la pleine signification de la relativité de la productivité du travail et du revenu relatif par tête. Tous ces calculs qui font apparaître le bas niveau de la productivité du travail en U.R.S.S. sont considérés comme du sabotage et sévèrement réprimés. Mais le naturel économique, si on le met à la porte, va revenir par la fenêtre. A travers les à-coups convulsifs, les masses populaires ne peuvent émerger de la pauvreté. Au dernier congrès, Staline a été obligé de faire une tentative pour expliquer ce fait. Il n’a rien pu dire d’autre sauf que nous étions arriérés. Il nous faut nous mesurer avec les pays capitalistes. De plus en plus de nouveaux sacrifices sont nécessaires; pour les justifier, Staline a dû, pour la première fois, donner les chiffres du revenu national par tête. Mais à eux seuls, ils ne veulent rien dire. La dynamique est décisive. Il faut comparer année par année le mouvement de la productivité en U.R.S.S. et dans les pays capitalistes afin de déterminer si le système économique actuel en U.R.S.S. est ou non justifié. C’est seulement de cette façon qu’on peut décider la mesure de la viabilité militaire de l’État.
Le personnage militaire le plus éminent est maintenant le chef d’état-major général, Chapochnikov. La révolution l’a trouvé général tsariste. Son caractère essentiel est une servilité totale et l’absence de caractère. II s’est adapté à tous les patrons et a survécu à tous. Un cas exceptionnel... un ancien général tsariste devenu maintenant membre du comité central du parti bolchevique.
Boudienny était un chef audacieux de guérilla à cheval sur une grande échelle. Il a été récompensé par le rang de maréchal et obligé de trahir tous ses collègues. Le général de cavalerie a engraissé, mais ses qualités militaires, elles, n’ont pas changé. Il a besoin d’être dirigé par un chef militaire pénétrant et instruit. II était absolument incapable de se donner à lui-même une telle direction. Ainsi tout le cours des choses a été déterminé par Staline...
On ne pouvait bien entendu s’attendre à ce que Vorochilov puisse corriger Staline.
Il est de façon générale impossible de parler sérieusement de Vorochilov, soit comme personnage politique, soit comme chef militaire. Les qualités d’un grand administrateur, la capacité de combiner dans sa tête les divers facteurs d’une situation et de prévoir leur future interaction, lui sont totalement étrangères. Maintenant de plus en plus alourdi par les ans, dupé par les flatteries officielles, habitué à son poste élevé, l’ancien guérillero audacieux ne peut plus guère se distinguer des ministres de la guerre tsaristes de l’ancien temps.
Il est moins possible encore d’attendre critiques et argumentation de son état-major général, car tous ne se souviennent que trop du destin de Toukhatchevsky et de ses collègues.
Le problème de passer à un système de milices a joué un rôle considérable dans notre travail comme dans nos conceptions militaires. Nous considérions la question comme une question de principe. Nous croyions que seul un État socialiste pouvait se permettre de passer à un système de milices. « Si nous opérons ce passage graduellement, écrivai-je en 1923, ce n’est pas du fait d’appréhensions politiques, mais pour des raisons de nature organisationnelle et technique : c’est une entreprise nouvelle — d’une incommensurable importance — et nous ne voulons pas entreprendre la seconde étape avant d’avoir assuré la première. » Tout ce grand travail a été réduit à néant. La milice a été abolie en faveur de l’armée permanente. Le raisonnement était purement politique : la bureaucratie n’avait plus aucune confiance en une armée éparpillée dans le peuple, fondue avec le peuple. Elle voulait une armée de casernes pure, isolée du peuple.
Un ordre a été donné dans l’Armée rouge de remporter à tout prix des succès le 23 février, anniversaire de la formation de l’armée. On a vu ordres semblables plus d’une fois dans le passé. « Réalisez tel ou tel vol [aérien] à l’occasion du nouveau congrès du parti. Sans tenir compte des conditions climatiques, faites un vol à haute altitude le jour de l’anniversaire du Chef », etc. Des dizaines d’accidents aériens ont été dus au fait que les vols avaient lieu non en fonction des conditions atmosphériques, mais en fonction des impératifs du calendrier officiel.
Faisant référence à un communiqué de son bureau étranger, Krasnaia Zvezda, le journal du commissariat à la défense écrivait le 18 février :
« Les ouvrages de Trotsky occupent une place très respectée dans les bibliothèques italiennes en dépit du fait que tous les livres d’auteurs juifs en sont retirés. Quand un visiteur l’interrogea à la bibliothèque publique de Milan, « Mais Trotsky n’est-il pas juif? », le bibliothécaire répondit : « Oui, mais c’est en vertu de ses services qu’on en a fait un Aryen honoraire. »
En Union soviétique, il existe plusieurs millions de familles privilégiées, privilégiées à des degrés divers. C’est bien suffisant pour appliquer les différents programmes et assurer les applaudissements pour le double jeu.
A l’époque de Lénine, les présidents de toutes les républiques soviétiques avaient des droits égaux à ceux des présidents des hautes institutions soviétiques. Maintenant le seul Kalinine est président du soviet suprême. Dans ce changement est assez clairement symbolisé le changement de la politique générale à l’égard des républiques nationales. Il ne reste pas trace de l’autonomie. Le Kremlin décide de tout pour tous.
Une victoire des États impérialistes sur l’Union soviétique signifierait l’effondrement, non seulement de la bureaucratie totalitaire, mais aussi des formes de propriété établies par la Révolution d’Octobre qui ne pourraient ainsi avoir eu un caractère que temporaire.
Exactement comme, après la Grande Révolution française, il fut impossible de restaurer les rapports féodaux dans leur totalité pour une période durable, de même après la Révolution d’Octobre, les rapports capitalistes complets sont impossibles pour une durée importante. Au contraire, les nouvelles formes de propriété vont se répandre de plus en plus aux autres pays.
Les choses vont tout autrement avec les frontières géographiques. Elles peuvent changer et elles changeront. On peut supposer que, dans le cours de la guerre, se développeront des tendances nationales, ou, plus exactement, qu’elles verront le jour.
Quand l’Italie a attaqué l’Éthiopie, j’étais entièrement du côté de cette dernière, en dépit du Négus éthiopien pour qui je n’avais aucune sympathie. Ce qui comptait, c’était de s’opposer à la conquête de nouveaux territoires par l’impérialisme. De la même façon je m’oppose fermement aujourd’hui au camp impérialiste et je soutiens l’indépendance pour l’U.R.S.S., malgré le Négus du Kremlin.