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Special pages :
XVII. Le parti et la guerre
- Introduction à la première édition
- I. La Russie avant la révolution
- II. Le Bolchevisme avant la révolution
- III. Le bolchevisme : le Parti et les hommes
- IV. Le parti de la révolution
- V. Les débuts du régime soviétique et la paix de Brest-Litovsk
- VI. La guerre civile et le communisme de guerre
- VII. La crise de 1921, les débuts de la NEP et la montée de l'appareil
- VIII. La crise de 1923 : débat sur le cours nouveau
- IX. L'interrègne et la nouvelle opposition
- X. La lutte de l'Opposition Unifiée
- XI. L'Opposition de droite
- XII. Le parti stalinien à ses débuts
- XIII. Le grand tournant
- XIV. La crise politique
- XV. Les procès de Moscou
- XVI. Le parti de la bureaucratie
- XVII. Le parti et la guerre
- XVIII. L'après-guerre
- XIX. La déstalinisation et le mouvement révolutionnaire de 1956-57
- XX. Le parti après Staline : l'ère Khrouchtchevienne
- Conclusions et annexe
L'histoire de la deuxième guerre mondiale n'est pas encore écrite ni près de l'être, et celle du « front russe » moins encore que celle des autres fronts. La distance et la difficulté des communications en temps de guerre, le renforcement de la censure et des impératifs politiques de tous ordres ont contribué à en donner une image très conventionnelle. Le digne historien anglais Sir Bernard Pares voyait en 1944 dans cette histoire l'explication de tout ce qu'avait fait Staline auparavant - épuration comprise - et la preuve de « la sagesse d'une politique depuis longtemps méditée de défense militaire contre une invasion depuis longtemps prévue »[1]. Isaac Deutscher s'est trouvé sur ce point d'accord avec l'historiographie stalinienne officielle dans sa biographie de Staline, parue en 1949, où il le décrit prenant lui-même toutes les décisions importantes, « un prodige de patience, de ténacité et de vigilance, presque omniprésent, presque omniscient »[2].
C'est un tableau tout différent qui se dégage depuis quelques années des travaux des historiens et des déclarations des dirigeants russes. Khrouchtchev, confirmant les prédictions de Trotsky en 1927 sur les risques que courrait l'U.R.S.S. en cas de guerre du fait de la direction de Staline, nous montre le tout-puissant dictateur démoralisé après les premières défaites, cessant toute activité pendant, plusieurs semaines, puis intervenant de façon « nerveuse et hystérique » dans la direction des opérations militaires, sans tenir compte de la situation réelle, étudiant sur un globe les grandes opérations et - en dépit de ou peut-être précisément à cause de cette incapacité et du prix élevé payé pour elle par les soldats russes - « s'efforçant de répandre dans le peuple russe la version suivant laquelle toutes les victoires remportées par la nation soviétique pendant la « grande guerre patriotique », étaient dues au courage, à l'audace et au génie de Staline et à personne d'autre »[3]. Onze ans après la fin de la guerre, Khrouchtchev affirme devant le XX° congrès, aux acclamations de la salle : « Le rôle principal et le mérite de l'issue victorieuse de la lutte revient à notre parti communiste, aux forces armées de l'Union Soviétique, et aux dizaines de milliers d'hommes soviétiques entraînés par le parti »[4].
Il est loin d'être évident que cette dernière version des dirigeants russes soit la bonne. Si elle contredit celle de la « sagesse » du dirigeant « omniscient », elle n'en a pas moins, elle aussi, un incontestable aspect hagiographique, dans la mesure où elle attribue au parti et, en définitive, à l'appareil, un mérite que l'examen de la situation à la veille de la guerre, caractérisée par sa soumission à Staline, et la véritable éclipse qu'il connaît pendant les mois décisifs n'incitent guère à lui reconnaître.
Les premières défaites et leur signification[modifier le wikicode]
On sait l'étendue des succès remportés par la première offensive allemande: en quelques mois, entre juin et octobre, non seulement le « glacis » protecteur édifie en Pologne et dans les pays baltes pendant la durée du pacte avec l'Allemagne est balayé, mais la Wehrmacht s'enfonce profondément au cœur du territoire russe, occupant la totalité de la Biélorussie et la majeure partie de l'Ukraine, arrivant aux portes de Léningrad, à moins de cent kilomètres de Moscou, occupant la plus grande partie du bassin du Donetz et le nord de la Crimée. A l'automne 1941, après seulement quelques mois de Blitzkrieg, le territoire occupé par les Allemands équivaut à une amputation des forces vives de l'U.R.S.S. puisqu'il englobait 40 % de sa population et fournissait à la veille de la guerre la plus grosse fraction de sa production et de son équipement industriel et agricole, 65 % du charbon, 68 % du fer, 58 % de l'acier, 60 % de l'aluminium, 41 % de l'équipement ferroviaire, 38 % des grains, 84 % du sucre[5]. L'aspect le plus spectaculaire de la retraite russe est sans doute le nombre extraordinairement élevé de prisonniers qui tombent aux mains des armées allemandes - 2 053 000, avant le I° novembre 1941, d'après un document secret d'Alfred Rosenberg -, la majeure partie ayant été encerclés par centaines de milliers dans les « poches » créées par l’offensive allemande, Bialystok et Minsk début juillet, puis Smolensk, Ouman en août, Kiev en septembre, Briansk et Viazma en octobre[6].
L'ampleur du désastre russe en cette période a provoqué des interprétations diverses. Toute une école de journalistes et historiens y ont vu une manifestation de défaitisme, les soldats et les populations russes ayant selon eux initialement accueilli les Allemands comme des libérateurs. Boris Shub, « spécialiste » américain des problèmes russes, explique les succès hitlériens par le fait que « des millions de soldats russes, équipés avec toutes les armes de la guerre moderne, ne voulaient pas se battre pour Staline et attendaient une débâcle rapide qui détruirait son régime »[7]. En fait, cette explication, qui correspond à certaines des premières analyses allemandes, n'est étayée ni par l'évolution ultérieur de la situation, ni même par de nombreux faits incontestables relevés pendant ces premières semaines de guerre. Alexandre Dallin souligne à juste titre que les images données par les correspondants de guerre neutres de l’accueil fait à la Wehrmacht par la population dans les régions récemment incorporées à l’U.R.S.S. ne diffèrent pas essentiellement de celles qu'ils avaient données de l’occupation des pays occidentaux, Hollande, Belgique et France. Il souligne d’ailleurs la différence fondamentale entre l'accueil des populations de ces zones et celui des territoires habités par une population dont le territoire fait partie de l’U.R.S.S. depuis la révolution. En outre beaucoup de troupes russes, chaque fois qu'elles sont en position de combattre, se battent et se battent bien ; de nombreuse unités, encerclées dès le début, lutteront des semaines entières pour rejoindre leurs lignes, alors même qu'elles connaissent les explications qu'il leur faudra donner et le sort qu'elle risquent de s'y voir réserver.
George Fischer, l'historien, du mouvement Vlassov, explique l'ampleur du phénomène de la désorganisation de l'armée rouge et des redditions de masse par l'inertie résultant de la domestication des masses par l'appareil : l'armée, une fois essuyé le premier choc, a été incapable de réagir, faute de directives, l'ensemble de l'appareil étant habitué à ne prendre aucune initiative et à attendre les consignes d'en haut. Il pense, que la première désorganisation produite par l’attaque a créé un chaos total, beaucoup plus profond que s'il avait été le résultat de seuls facteurs militaires, le fruit, en quelque sorte, de la dictature de l'appareil. L'explication est a retenir même si l’on admet, avec Staline, la thèse de « surprise », reprise par des historiens américain, comme Schuman, et celle de l' « aveuglement » de Staline développée depuis quelques années par Khrouchtchev et sa suite, par les historiens militaires russes.
Ces thèses, du reste, ne sont pas contradictoires, si l’on eut bien admettre que l'erreur commise par Staline qui ne croyait pas à l'attaque allemande et espéra jusqu'au bout une nouvelle négociation aboutissant à un compromis, devait étant donné la structure politique de la Russie et l’inertie engendrée par la toute-puissance de l'appareil et la crainte de la N.K.V.D. se traduire par une surprise à tous les échelons de l'appareil du parti et de l'Etat.
Selon Harry Hopkins, l'envoyé personnel de Roosevelt, Staline aurait reconnu en juillet 1941 « que l'armée russe avait eu à faire face à une attaque par surprise et que lui-même avait cru que l’Allemagne n'attaquerait pas »[8]. C’est ce qu’il avait implicitement admis dans son allocution du 7 juillet où il avait, à la radio, déclaré que, pour faire face à l'assaut des 170 divisions allemandes stationnées le long de la frontière, « les troupes soviétiques avaient dû être alertées et amenées vers la frontière ». Dès 1941, le spécialiste des questions russes du parti trotskyste américain, John G. Wright, avait mis en relief les responsabilités du secrétaire général et de l'appareil du parti communiste de l'U.R.S.S. en soulignant quelques-uns des points que Khrouchtchev devait à son tour reprendre devant le XX° congrès.
On sait aujourd'hui que l'attaque contre l'U.R.S.S. avait été décidée dès le 5 décembre 1940, sous le titre d' « opération Otto », devenue le 18 décembre l' « opération Barberousse ». Il est vraisemblable que cette décision a été connue à Moscou par les révélations obtenues à Tokyo par l'intermédiaire du célèbre espion Sorge. Khrouchtchev a aussi rappelé les autres avertissements donnés à Staline : le 3 avril 1941. un message de Churchill transmis par Sir Stafford Cripps, renouvelé par un télégramme du 18 avril; une information du 6 mai d'un attaché militaire à Berlin, Vorontsov, selon lequel la date de l'attaque était fixée au 14 mai; une autre du 22 mai, émanant de l'attaché Khlopov, selon laquelle la date avait été reportée au 15 juin; un télégramme de l'ambassade russe à Londres du 18 juin, indiquant que, selon Cripps, 147 divisions allemandes avaient déjà été concentrées; l'arrivée en U.R.S.S., quelques heures avant l'attaque, enfin, d'un soldat allemand, un nommé Alfred Liskov, qui avait déserté et franchi le Pruth à la nage; il déclarait que son unité avait reçu l’ordre d'attaquer dans la nuit du 22 juin, à 3 heures du matin. A propos de ce dernier cas, Khrouchtchev ajoute : « Staline en fut informé personnellement, mais l'avertissement fut ignoré »[9].
Tous ces faits prouvent qu'il n'y eut pas « surprise » au sens où Staline essaya ensuite de le faire croire : largement informés des préparatifs allemands, les dirigeants russes n’ont pas cru à un danger immédiat, parce qu'ils ont conservé jusqu'au bout l'espoir de détourner l'assaut par de nouvelles concessions. Ayant employé toutes leurs forces à rendre le pacte Hitler-Staline acceptable aux yeux de l’opinion, ils ont été incapables de remettre à temps la lourde machine en marche arrière, pour lutter contre celui qu'ils présentaient comme un allié fidèle, aux côtés de ceux qu'ils présentaient comme des fauteurs de guerre. Le 14 juin 1941, tous les journaux d'U.R.S.S. publient un communiqué affirmant que la Russie et l'Allemagne restent fidèles au pacte de non-agression germano-russe, « rejetant comme sans fondement toutes les rumeurs concernant les intentions allemandes de rompre le pacte et d'attaquer l'U.R.S.S. », et affirmant que « les regroupements de troupes allemandes dans le nord et le nord-est n'ont aucun rapport avec les relations soviéto-allemandes ». Interrogé à une réunion de communistes étrangers sur la réalité d'un danger d'attaque allemande, Ulbricht répond le 16 juin : « Il n'y a rien que des rumeurs répandues afin de semer le trouble. Il n'y aura pas la guerre »[10].
Jusqu'à l'attaque allemande, aux premières heures du 22 juin, l'énorme appareil stalinien fonctionnera tout entier dans le sens où Staline le dirigeait depuis 1939, celui de la paix avec l'Allemagne : il continuera même après l'attaque, puisque les premiers bombardements allemands ne rencontreront aucune résistance, Moscou ayant donné l’ordre de ne pas riposter, ce qui fut révélé à l'époque par les documents allemands établis d'après les comptes-rendus de leurs stations d'écoute et qui a été confirmé par Khrouchtchev au XX° congrès: « Malgré l'évidence des faits, Staline pensait que la guerre n'avait pas encore commencé, qu'il s'agissait seulement d'une provocation de quelques sections indisciplinées de l'armée allemande et qu’une réaction de notre part fournirait une raison aux Allemands de commencer vraiment la guerre »[11]. Le journal du général Raider confirme que, neuf heures après le début de l’offensive allemande, le gouvernement de Staline avait demandé la médiation japonaise et se déclarait prêt à maintenir le contact avec la Wilhelmstrasse. William L. Shirer, l'historien du nazisme, peut écrire : « L'agression allemande prit l’armée rouge au dépourvu sur toute la longueur du front. [...] Tous les ponts furent pris intacts et presque tout le long de la frontière l'ennemi put pénétrer assez loin en territoire russe avant que la résistance s’organisât. Des centaines d'avions soviétiques furent détruits au sol »[12]. Khrouchtchev conclut que c'est l'aveuglement de Staline qui est responsable de la catastrophe initiale : « Le résultat fut que, dans les premières heures et les premiers jours, l’ennemi avait détruit [... ] une grande partie de nos forces d'aviation, d'artillerie et autres équipements militaires; il avait anéanti un grand nombre de nos cadres militaires et désorganisé notre état-major. [... ] Nous ne pouvions l'empêcher de pénétrer profondément dans notre pays »[13].
Il faudra attendre le grand roman de Constantin Simonov Les vivants et les morts pour que soit chantée « la tragédie de ces garçons mourant sous les bombes ou faits prisonniers sans avoir atteint leur centre de mobilisation »[14]. Pour l'instant, la machine bureaucratique continue à fonctionner : Il y a Ehrenbourg révèle dans ses mémoires que l’ancien chargé d'affaires à Paris, Nicolas Ivanov, arrêté au début de l'année, était condamné, en septembre 1941, à cinq ans de prison pour « attitude anti-allemande » - à l'heure même où les blindés nazis atteignaient les portes de la capitale[15].
Staline et les historiens à ses ordres, et, avec eux quelques bénévoles comme Sir Bernard Pares, ont affirmé que le délai accordé à l’U.R.S.S. par le pacte germano-soviétique avait permis d'assurer une meilleure préparation de l'armée rouge et l'accumulation d'armements. Le fait en soi serait déjà de faible importance en comparaison des forces vives, en hommes et matériel, détruites pendant l'attaque surprise. Il semble, en outre, contestable. James Cadman citait déjà en 1942, dans la revue trotskyste Fourth International, des chiffres prouvant qu'entre 1939 et 1941 le rapport matériel des forces s'était précisément renversé en faveur de la Wehrmacht, tant du point de vue du nombre des chars que de celui des avions. Khrouchtchev a confirmé cette appréciation et révélé la faiblesse de l'armement russe en 1941, notamment en artillerie anti-aérienne et antichars : au moment de l'attaque, l'armée rouge s'était même vu retirer le matériel vieilli et n'avait pas reçu de matériel neuf en quantité suffisante. Elle manquait, non seulement de chars, de canons et d'avions, mais même de fusils, et Staline, sous prétexte d' « éviter les provocations » avait interdit la construction de fortifications dans la région de Kiev, réclamée, quelques mois avant l'attaque, par le chef militaire du district, le général Kirponos[16].
Sur un autre point aussi, l'accord est remarquable entre les critiques trotskystes de 1941-42 et l'analyse de Khrouchtchev et des écrits russes postérieurs à la mort de Staline. Alors que, dans l'intervalle, nombre d'historiens, de journalistes et d'hommes politiques avaient cru voir l'une des causes des victoires russes après 1942 dans l'épuration de l'armée avant-guerre présentée comme une lutte contre la « cinquième colonne », Khrouchtchev et ses disciples dénoncent en elle l'une des causes majeures de la désorganisation et des défaites. John G. Wright avait souligné que l'anéantissement de l'état-major, l'exécution de son cerveau, Toukhatchevski, la liquidation de 90 % des cadres supérieurs avaient, en livrant les postes de responsabilité à des carriéristes ou à des hommes incompétents, constitué l'équivalent d'une écrasante victoire de l'armée hitlérienne. Simonov prête à, un général d'aviation fraîchement promu l'amère conscience que « les étoiles de général ne lui avaient pas apporté la science de commander à des millions d'hommes et à des centaines d'avions »[17]. L'un des héros de son livre, le général Serpiline, est sorti du camp de concentration le lendemain de l'attaque allemande : sa conduite héroïque contraste avec la lâcheté de son ancien condisciple, le général Baranov, arriviste soucieux avant tout de « plaire en haut lieu » et qui y a jusque-là, réussi. En 1956, Khrouchtchev parle des « conséquences désastreuses » de l'épuration de 1937-1938, de la liquidation systématique de tous les cadres supérieurs ayant acquis une expérience militaire sur le terrain en Espagne et en Extrême-Orient. Personne ne songe plus aujourd'hui à contester que cette épuration de l'armée rouge, loin de la débarrasser de sa « cinquième colonne », avait abouti à, la décapiter en la privant de ses éléments les plus capables sur le plan technique et vraisemblablement les plus dévoués sur le plan politique.
La résistance[modifier le wikicode]
Il n'est pas question de diminuer l'importance de la bataille de Stalingrad qui fut, incontestablement, le tombeau des armées allemandes au cours de l'hiver 1942. Il faut pourtant souligner que c'est une année plus tôt, à l'entrée de l'hiver 1941, que la situation militaire a commencé à se modifier c'est devant Léningrad et devant Moscou que les troupes allemandes sont arrêtées à l'automne de cette année. C'est dans les rues de Rostov et de Sébastopol qu'elles ont rencontré la première résistance acharnée, de maison à maison, de rue à rue, la lutte pied à pied qui, à Stalingrad, donnera aux Russes leur plus éclatante victoire. C'est aussi dans cette période que se forment les premiers groupes de partisans, dont l'action ultérieure sera considérable, au moins autant sur le plan moral que sur le plan strictement stratégique, ainsi que l’ont reconnu plusieurs chefs militaires allemands.
Parlant de la résistance dans les cités ouvrières, Moscou, Léningrad, Rostov, Sébastopol, Henri Michel écrit que « des masses humaines travaillèrent aux fortifications improvisées »[18]. Des correspondants de guerre aussi perméables pourtant à la propagande officielle que l'Américain Lesueur ont souligné la participation à la défense de détachements, d’ouvriers armés. Le général von Blumentritt a raconté comment les éléments allemands appartenant à la 258° division ayant réussi à pénétrer dans les faubourgs de Moscou y ont été arrêtés par une masse humaine comprenant notamment des ouvriers armés d’outils divers et de marteaux[19]. Le journaliste australien Geoffroy Blunden a consacré un roman, Room on the Route, à un fait confirmé par de nombreux témoins : la constitution d'unités de choc - une division de gardes du peuple - recrutées parmi le condamnés et détenus politiques qui acceptèrent devant Moscou des missions de sacrifice. Schapiro, tout en constatant que la majorité de la population de Moscou, en octobre 1941, resta inerte et passive, au moins dans les premiers jours, au moment où le gouvernement avait évacue la capitale, emmenant avec lui toutes les forces de police, signale que la volonté de résister à tout prix naquit dans une minorité « comprenant essentiellement des jeunes gens dans les usines »[20], une petite avant-garde ouvrière, aussi enthousiaste que celle qui avait salué le premier plan quinquennal, mais dont l'action, cette fois, se substitua à, celle du parti défaillant. Dès le mois d'août, il y a à Léningrad – que Vorochilov vient d'appeler à défendre en tant que « cité de la révolution d'Octobre » - des milices ouvrières qui, non seulement patrouillent dans les quartiers, s'entraînent régulièrement, mais tiennent des secteurs du front. Au même moment elles apparaissent à Rostov et à Moscou. C'est seulement en septembre qu'est pris officiellement le décret prévoyant la formation militaire obligatoire de seize à cinquante ans, plus d'un mois après que cette mesure ait été mise en pratique sans directives et, contrairement à une tradition solidement établie du régime, sans avoir été préparée par une campagne de presse et de réunions. John G. Wright souligne que c'est probablement la seule, sur une longue période de l'histoire de l'U.R.S.S., dont l'application n'ait pas donné l'occasion de dénoncer les défauts, ce qui renforce la thèse suivant laquelle elle a correspondu à une initiative spontanée, prise indépendamment de l'appareil, qui semble avoir hésité avant de s'y résoudre et ne l'avoir sanctionnée qu'une fois le fait accompli[21].
Le même processus semble s'être déroulé dans les régions occupées par les troupes allemandes. Henri Michel écrit : « La désorganisation est patente. […] Pratiquement les populations occupées sont abandonnées à elles-mêmes. Des groupes se forment spontanément, sans plan d'ensemble et sans directives. […] Souvent l'initiative revient à des sans-parti qui se découvrent des âmes de chefs »[22]. Armstrong, qui a étudié les mouvements de partisans en Ukraine, en tire la même conclusion : les « plans » prévus pour leur organisation existaient peut-être mais n'ont pas reçu un commencement d'exécution. Les responsables du parti qui y joueront un rôle seront toujours des hommes des échelons inférieurs de l'appareil, agissant sur leur propre initiative : les membres du parti ne constitueront jamais plus de 7 % de l'effectif total des groupes[23]. La Pravda du 16 janvier 1942 publie un compte-rendu du comité du parti d'une région non précisée, concernant les territoires reconquis sur les Allemands pendant les dernières semaines : « Le comité régional a décidé qu'il fallait avant tout rassembler les cadres des activistes et rétablir les organes du pouvoir soviétique dans les localités libérées. Tous ne seront pas revenus à leurs anciens postes. Parmi eux, d'autres se sont révélés, au moment critique, avoir des âmes de corrompus, de poltrons et de traîtres. […] On a mis en avant de nouveaux cadres de bolcheviks du parti et sans-parti. » L'article démontre clairement ce double phénomène insuffisamment mis en relief par les historiens du parti pendant la guerre : la disparition de fait du parti, même clandestin - et non sa « mise en sommeil » -, pendant la conquête allemande, la médiocre qualité des cadres de l'appareil, dont une partie a flanché sans remède, et le souci de la direction de le reconstruire néanmoins par en haut avec la reconquête de l'armée rouge. A certains égards, tout se passe comme si, à des degrés divers, mais partout, le parti s'était avéré n'être, à l'heure du danger, qu'une coquille vide. La résistance réelle ne passe pas par lui, que ce soit dans les régions menacées ou celles qui sont perdues. La Pravda du 18 janvier 1942 parle de la situation du parti à Rostov : dans cette ville d'où l'armée allemande a été chassée après des combats acharnés par l'armée rouge et la population civile en armes, le parti ne compte que 5 000 membres sur une population totale de 500 000 personnes. Le 29 septembre, à Moscou, Chtcherbakov, secrétaire régional et suppléant du bureau politique, déclare devant le comité régional qu' « un certain nombre d'organisations du parti, [... ] au lieu de renforcer le travail politique de parti, l'ont affaibli. [... ] Elles ont cessé de convoquer des réunions du parti, négligé l'agitation politique dans les masses »[24]. Le comité régional votera une résolution qui fait « obligation aux dirigeants du parti de la cité et de la province de venir aux réunions des ouvriers et d'y faire des rapports ». Déjà la Pravda du 27 septembre se plaignait du manque de vigilance de certains membres du parti, qui laissaient s'exprimer en public des « agents provocateurs », semant de « fausses nouvelles » et semant la « démoralisation non seulement, dans ces premiers mois, le parti n'est pas le dirigeant de la résistance, mais il tend à s'affaiblir par rapport à elle, et c'est seulement à l'étape suivante, en 1942 et 1943, quand les patrons de l'appareil se seront ressaisis, qu'il profitera de l'élan populaire, élargira son recrutement et contrôlera effectivement, par l'intermédiaire de la N.K.V.D., la majorité des groupes de partisans.
Les objectifs de l'Allemagne[modifier le wikicode]
L'attaque allemande était, nous l'avons vu prévisible : elle était même inévitable, inscrite en fait dans les besoins propres de l'impérialisme allemand en marchés, matières premières et produits agricoles, comme dans ceux de l'idéologie nationale-socialiste de croisade contre le « bolchevisme » et le « judaïsme » et de lutte contre toute activité révolutionnaire. Depuis des années, le rêve russe revenait dans la bouche d'Hitler, sous la forme de l'« Inde de l'Allemagne », d'une immense colonie dont l'exploitation permettrait de tenir les promesses du national-socialisme aux ouvriers allemands et d'en faire une aristocratie ouvrière de privilégié instaurant un « ordre » véritable et balayant tout danger de révolution. Dès 1936, il s'écriait : « Si nous avions à notre disposition l'Oural, avec son incalculable richesse en matières premières, et les forêts de Sibérie et si les champs de blé infinis de l'Ukraine appartenaient à l'Allemagne, notre pays nagerait dans l'abondance »[25]. En même temps, l'U.R.S.S. représentait, par son passé et par son idéologie, par son prestige parmi les ouvriers comme par sa structure économique, l'ennemie de la grande Allemagne, la négation de la race, la révolte des serfs contre les seigneurs, le « cosmopolitisme » internationaliste et judaïque, en un mot le monstre de la révolution et du bolchevisme, l'ennemi numéro un du national-socialisme. Le nom même d’opération Barberousse donné à la campagne de 1941 souligne le caractère de croisade et de lutte sans merci donné par les chefs hitlériens à cette guerre dont, à la différence de Staline, ils n'avaient jamais douté.
Il n'est pas difficile de comprendre la signification réelle de la résistance des Russes à l'invasion allemande, son caractère initial de lutte d'avant-garde et de classe, puis son caractère massif à partir de 1942 : les Soviétiques ont soutenu contre la Wehrmacht une lutte pour la vie, dans la mesure où la victoire allemande signifiait pour des millions d'entre eux la mort à brève échéance et de toute façon une servitude et une régression en comparaison desquelles le régime stalinien eût pu apparaître comme un âge d'or. Ce qu'une petite minorité - et parmi eux, probablement, la masse des oppositionnels sacrifiés devant Moscou - savait aux premiers mois de 1941, le reste de la population l'apprendra, par l'expérience, à partir de cette date. La conquête allemande signifiait historiquement, non seulement la destruction du régime stalinien, mais aussi la destruction de toutes les réalisations économiques, de toutes les « conquêtes d’octobre », celle d'une partie importante des forces productives, la réintégration de l'espace et des ressources russes dans le système capitaliste et tout d'abord leur adaptation par la force aux besoins et aux exigences de l'impérialisme allemand. Dans un pays profondément transformé par la révolution, la période de reconstruction puis d' « édification », cela évidemment signifiait un retour en arrière et, indépendamment des bons ou mauvais sentiments des leaders nazis, de leurs méthodes et de leurs intentions, l'anéantissement, par la violence directe ou par la famine, de millions de Russes : leur existence quotidienne est en effet désormais assurée seulement - même si elle est parfois précaire - par une économie basée sur la nationalisation des moyens de production, terre comprise, le monopole du commerce extérieur et la direction de l'économie par la planification.
La place assignée aux peuples de l’U.R.S.S. dans l'avenir par l'Allemagne impérialiste était, celle de colonies offrant un marché sur les produits de l'industrie allemande, un réservoir de produits agricoles et de matières premières. Les plans d'organisation économique mis au point avant 1941 prévoient la « naturalisation » ou « désindustrialisation » de la Russie, où ne doivent plus subsister que des champs et des mines. Cette transformation ne pouvait être une restauration : malgré l'enthousiasme manifesté pour la « croisade » par les derniers débris des Blancs de la guerre civile, l'hetman Skoropadski, Chandrouk, ancien chef d'état-major de Petlioura, Banderskis, ancien adjoint de Koltchak, ou le général cosaque Krasnov, il semble bien que les nazis n'aient jamais eu l'intention - contrairement à ce qu'a assuré la propagande soviétique - de rétablir les anciens pomiechtchiki et de rendre leurs terres aux barines, dans la mesure où d'une part, cet objectif avoué aurait aussitôt soulevé contre eux une haine générale et dans celle surtout où ils n'avaient pas, l'intention de travailler pour d'autres que les dirigeants, de la classe possédante allemande : Hitler demandera personnellement à ses fonctionnaires de veiller à ce qu'aucun Russe ne puisse devenir grand propriétaire dans les territoires de l'Est.
Cette colonisation de la Russie impliquait, pour les dirigeants allemands, la nécessité d'anéantir tout élément susceptibilité de jouer un rôle dans la résistance à la domination nazie, classe ouvrière, organisée ou non, et intelligentsia. Une directive de l'état-major économique de Gœring en date du 23 mai 1941 prescrit la destruction de tous les secteurs industriels dans les territoires conquis, précisant : « Défense formelle de tenter de sauver la population de la mort par la famine. » C'est le même objectif qui explique les efforts désespérés de la Wehrmacht pour s'emparer avant l'hiver 1941 de Moscou et Léningrad, « cités saintes du communisme », et l'ordre personnel de Hitler de raser Léningrad au canon sans tenir compte de sa population, « ne serait-ce que d'une fraction »[26]. C'est par cette nécessité, tant politique qu'économique et sociale que s'explique la « directive commissaire » de mai 1941, ordonnant la liquidation immédiate de tous les responsables et de tous les commissaires politiques, à quelque échelon qu'ils soient, dès leur capture et, au plus tard, lors de leur transfert dans un camp de transit[27].
L'application du génocide impliquait que les exécutants soient persuadés du caractère sacré de leur mission : la théorie raciale de l'Untermensch - des sous-hommes des races non germaniques slaves et « mongoloides », de l'U.R.S.S. -, inculquée aux S.S., aux tueurs spécialisés, et, dans la mesure du possible, à tous les militaires allemands était, ainsi que l'a souligné Alexandre Dallin, « partie intégrante de la politique nazie »[28] et traduite par Gœbbels dans la lapidaire formule : « Ce ne sont pas des hommes, mais un conglomérat d'animaux. »
La résistance inattendue du peuple russe, la prolongation de la guerre ont empêché l'application intégrale d'un programme dont les parties fondamentales, la destruction de l'industrie et la « reprivatisation » de l'agriculture exigeaient au préalable la fin de toute résistance militaires. Les premiers mois de guerre ont cependant permis à la population russe d’en prendre la mesure. Les Einsatzgruppen, commandos d'extermination de « juifs et de communistes », exercent dès le début leur sanglante activité. Celui que commande Ohlendorf en massacrera, « pour raisons idéologiques », comme il dit, 90 000 en une année dont 33 771 en deux jours, les 29 et 30 septembre 1941 à Kiev. Celui de Stahlecker revendique 229 052 tués au I° janvier 1942[29]. La directive Commissaire est appliquée dans l'armée comme dans les camps : sur un total de cinq millions de prisonniers de guerre russes, un million seulement survivront à la fin de la guerre. Des millions enfermés. dans les camps après la campagne de 1941, plus de la moitie périra pendant l'hiver, de faim, de froid et du fait des sévices. Les autorités allemandes ferment systématiquement les écoles. Hitler dit : « Apprendre à lire aux Russes, aux Ukrainiens et aux Kirghizes se retournerait contre nous. L’éducation donnerait aux plus intelligents d'entre eux l'occasion d'apprendre l'histoire, d'acquérir un sens historique et de développer ainsi des idées politiques qui ne pourraient qu'être contraires à nos intérêts »[30]. « L'histoire a, à maintes reprises, prouvé que les gens qui ont plus d’instruction qu'il n'est nécessaire dans leur emploi deviennent des pionniers de mouvements révolutionnaires »[31]. Et si les prêtres, réclamés par nombre de paysans, reviennent, c'est parce qu'il les juge nécessaires pour maintenir les peuples soumis « dans leur stupidité et leur abrutissement » et pour « les faire tenir tranquilles »[32].
Malgré leurs principes « idéologiques » de liberté d'entreprise et d'initiative, de droit de propriété, malgré leur hostilité proclamée au « régime de servitude judéo-bolchevique », les dirigeants nazis refusent d'autre part de dissoudre les kolkhozes, et même - sauf rarissimes exceptions - de les laisser se dissoudre eux-mêmes quand leurs membres en expriment le désir. Les techniciens allemands de l'économie reconnaissent que la « décollectivatisation » entraînerait, même si elle était réalisée suivant un Plan et organisée par les autorités allemandes un sévère déclin de la production, d'« incalculables dommages matériels » suivant l’expression. d'Alfred Rosenberg, très probablement une famine généralisée et, à coup sûr, l'impossibilité d'utiliser les ressources, agricoles des régions conquises pour le ravitaillement de l'armée et des villes allemandes[33]. Le statu quo sera donc d’abord maintenu : les kolkhozes continuent de fonctionner sous contrôle allemand, astreints à de massives livraisons forcées soumis aux vexations policières et militaires de toute sorte et bientôt aux châtiments corporels, après le rétablissement officiel de la peine du fouet.
La « désindustrialisation », comme la « décollectivisation » sera renvoyée à plus tard, à la fin des hostilités. Quelques usines sont démontées, comme l'aciérie électrique de Marioupol, remise à Krupp et transférée à Breslau. Les grandes entreprises qui ont pu être préservées lors de l'avance sont soit confiées à des compagnies d'Etat contrôlées par des représentants des grandes sociétés capitalistes privées, soit remises en usufruit, jusqu'à la fin de la guerre qui leur en assurera la propriété, aux entreprises allemandes : l'usine d'aluminium de Zaporojé est remise au trust Vereinigte Aluminiumwerke. Le Flick Konzern et les Reichswerke Herman Gœring s'emparent des aciéries du Donetz dans le cadre d'une société financée par les plus grandes banques. L'I. G. Farben organise deux filiales, la Siegener Maschinenbau soctroie les usines Vorochilov à Dniepropetrovsk et Krupp deux usines à Marioupol, deux à Kramatorskaya et une à Dniepropetrovsk[34]. Bientôt, le gauleiter Sauckel organisera en Russie la chasse à la main-d'œuvre et fournira par millions des prolétaires aux grandes entreprises allemandes, y incorporant par décret jusqu'aux enfants de dix ans ; que ce soit en Russie occupée ou en Allemagne, les ouvriers qui assurent les profits de Krupp, Reichswerke Hermann Gœring, I.G. Farben ou autres connaîtront les conditions de vie misérables et infamantes que leur vaut leur condition de « sous-hommes » aux yeux de leurs nouveaux maîtres : « la faim, les coups, les maladies, le froid dans des baraques sans feu et sous leurs légers haillons, [... ] de longues heures de travail limitées seulement par leur capacité à tenir debout ». ainsi que l'écrit William Shirer[35].
C'est cette expérience, diffusée spontanément, de part et d'autre du front, par le peuple russe, puis de façon systématique, avec les moyens les plus modernes, par les autorités, qui explique le sursaut unanime de la population et la détermination avec laquelle, à la suite de l'avant-garde ouvrière des grandes villes, toutes les couches de la société russe ont lutté contre l'armée nazie.
C'est seulement à partir de 1942 que certains milieux dirigeants allemands songeront à une politique plus souple, permettant de gagner à leur cause certains groupes sociaux, notamment dans les campagnes. La loi agraire de février 1942 concède aux kolkhoziens la propriété de leur lot individuel dont l'accroissement est rendu possible; le kolkhoze ainsi transformé en « économie communale », la formation de « coopératives agricoles » doit servir de transition vers le retour à la propriété individuelle[36]. Mais il est déjà trop tard. La paysannerie, seule classe où une politique de restauration du capitalisme pouvait éventuellement trouver des appuis, s'est décidément rangée de l'autre côté, du fait surtout du cycle infernal de répression déclenché par la Wehrmacht dans son désir d'exterminer à tout prix les partisans.
C'est à la fin de cette année 1942 que les efforts d'officiers et de politiques allemands spécialistes des questions russes aboutiront à la naissance d'un mouvement de collaboration qui recevra pendant quelque temps un soutien officiel. Il est intéressant de noter que les personnalités qui ont constitué ce que l'on appelle le « mouvement Vlassov » sont tous des bureaucrates, membres du parti. André Vlassov, de famille paysanne, combattant de l'armée rouge en 1919, y était resté comme officier. Il avait adhéré au parti en 1930 et connu un avancement très rapide dans la période de la victoire de Staline. Conseiller militaire de Tchang Kaï-chek en 1938, il commandait une division en 1939, le 4° corps blindé en 1941, combattait devant Kiev et Koursk et prenait le commandement, devant Moscou, de la 20° armée. A l'issue de ces combats, il était nommé lieutenant général, à quarante et un ans, et décoré de l'ordre de Lénine. Eve Curie et Sulzberger, qui l'interviewent à cette date, soulignent ses manifestations de loyalisme à l'égard de Staline. En mars 1942, adjoint du général Meretzkov sur le front du Volkhov, il est encerclé avec ses troupes et fait prisonnier. C'est en septembre 1942 que, du camp de Vinnitza, il fait la déclaration qui sera le point de départ du « Comité russe de libération » dont l'état-major comprend trois autres officiers supérieurs, les majors-généraux Malychkine, Blagovechtchenski et Troukhine. George Fischer, après d'autres, a soigneusement étudié, sans arriver à en percer le mystère, la personnalité de l'éminence grise du mouvement, l'homme qui est connu sous le nom de Milenti Zykov, et dont tous les témoins s'accordent à reconnaître les exceptionnelles capacités. Vraisemblablement juif, il aurait rempli d'importantes fonctions dans la presse communiste, notamment aux Izvestia. Arrêté comme droitier puis relâché, Zykov occupait, avant sa capture, les fonctions de commissaire-adjoint de division, si l'on en croit tout au moins ses déclarations, qui, d'après Fischer, devaient pécher par excès de modestie. Le groupe des « collaborateurs » russes comprenait un autre apparatchik, Georges Jilenkov, ancien secrétaire du parti d'un important district de Moscou, puis commissaire politique de la 24° armée d'assaut; Fischer, d'après les témoignages rassemblés sur lui, le luxe dont il s'entourait, son arrogance à l'égard de ses subordonnés, son cynisme, dit qu'il était le type même du « barine soviétique ».
L'histoire du mouvement Vlassov n'entre pas dans le cadre de cette étude : l'historien du parti retiendra seulement que ce sont des bureaucrates de l'armée et de l'appareil, d'authentiques cadres staliniens qui ont accepté de jouer le rôle de collaborateurs de la croisade nazie. Il faut également noter que dans leur effort pour recruter des partisans, les vlalssovistes ont dû tenir compte des transformations réelles de la Russie depuis la révolution d'Octobre et mettre l'accent, dans leur propagande, sur des mots d’ordre peu compatibles avec leur rôle réel de fantoches des nazis : rejet des « projets réactionnaires impliquant une limitation des droits du peuple », limitation de la propriété à ce qui a été « gagné par le travail », liberté de conscience, de réunion, de presse, absence de tout désaveu de la révolution d’octobre, insistance sur le rôle joué par leurs chefs au cours de la guerre civile contre les Blancs et contre la Wehrmacht avant leur capture[37]. Le désir de ces collaborateurs d'être des collaborateurs sérieux les entraînait plus loin qu'il n'était acceptable aux yeux des dirigeants nazis : Krasnov accusera Vlassov d'être un « bolchevik » et de vouloir « vendre la Russie » aux Juifs. Zykov, soupçonné par les S. S. d'être un agent secret russe, disparaît en 1944 sans laisser de trace. Dès 1943, Hitler limite en fait les activités du mouvement Vlassov à celles d'auxiliaires militaires en lui interdisant l'accès des terres russes conquises. La propagande de Vlassov aura surtout servi à enrôler sous l'uniforme allemand des dizaines de milliers de malheureux gagnés par la perspective de la solde ou de la maraude, qu'ils préfèrent à la mort lente.
La « guerre nationale »[modifier le wikicode]
C’est un discours radiodiffusé de Molotov, le 22 juin au matin, qui annonce au peuple russe l'attaque de l'armée allemande, utilisant pour la première fois depuis deux ans le vocable « fasciste », banni depuis 1939 du vocabulaire officiel. Il se termine par un appel à « serrer les rangs autour de notre glorieux parti bolchevique, de notre gouvernement, l'Union soviétique, et de notre chef, le camarade Staline ». La guerre devient officiellement « la grande guerre patriotique ». Staline, qui cumule pourtant - c'est la première fois dans l'histoire du régime - les fonctions de secrétaire général du parti et de président du conseil des commissaires du peuple, s'est tu et nul ne le verra en public, dans les semaines suivantes où, à l'amertume des désastres, s'ajoute certainement le choc d'apprendre par la radio allemande la capture de son fils Jacques et ses déclarations défaitistes à la presse et la radio allemandes. Le 30 juin est constitué un comité de défense de l'Etat, investi de tous les pouvoirs : il comprend Staline, Vorochilov, Molotov, Béria et Malenkov. Il sera pendant toute la guerre l’organisme suprême de l’U.R.S.S., avec deux remaniements, Kaganovitch, Mikoyan et Voznessenski y entrant en février 1942, et Boulganine prenant en 1944 la place de Vorochilov....
C'est le 3 juillet seulement, plus de dix jours après l'attaque, que Staline adresse au peuple russe son célèbre appel radiodiffusé : contre un « ennemi cruel et implacable » les Russes doivent employer la tactique de la terre brûlée, afin que rien ne tombe entre ses mains. Il rappelle la défaite de Napoléon I°, exalte le souvenir de la « guerre nationale patriotique » menée contre lui par le peuple russe. Il rappelle aussi - réminiscence plus curieuse - la victoire des « forces anglo-françaises » sur l'armée de Guillaume II. Enfermé dans le Kremlin, Staline n'en ressortira que le 6 novembre où, dans le métro de Moscou, se tient une réunion élargie du soviet de Moscou. Il sera présent le 7 novembre sur la place Rouge, lors du traditionnel défilé de troupes qui, cette fois, montent au front, appelle à la résistance jusqu'au bout au nom des « grands ancêtres », Alexandre Nevski, Souvorov, Koutouzov.
Staline sera le seul dirigeant à rester à Moscou évacuée par tous les services gouvernementaux : cette fermeté ne contribuera pas peu a la légende d'homme de fer, animateur impavide de la résistance à tout prix, alors qu'il s'était laissé aller à dire en public - c'est Khrouchtchev qui l'a rappelé - : « Tout ce que Lénine avait fait, nous l'avons perdu pour toujours. » C'est la légende qu'Isaac Deutscher reflète quand il écrit : « De son bureau, en contact permanent et direct avec les commandants des divers fronts, il surveillait et dirigeait les opérations »[38]. C'est la même légende que Khrouchtchev s'emploie à démolir quand il affirme : « Staline était très loin de comprendre la situation réelle qui se développait sur le front. C'était naturel puisque, pendant toute la guerre patriotique, il n'a jamais visité aucun secteur du front ni aucune ville libérée, sauf pour une brève sortie sur la chaussée de Mojaisk pendant une période de stabilisation. [... ] En même temps il se mêlait des opérations et donnait des ordres qui ne tenaient pas compte de la situation réelle dans un secteur donné du front et ne pouvaient qu'aboutir à de lourdes pertes en vies humaines »[39].
Il semble pourtant que peu à peu les chefs militaires les plus capables réussissent à s'imposer et à imposer des conceptions plus sérieuses que celles de celui qui s'est donné le titre de « commandant en chef ». Au lieu des attaques frontales exigées par lui jusqu'à la fin de 1941, ils parviennent à élaborer une tactique plus souple d'encerclement par attaque des saillants ennemis. Ce n'est probablement pas sans difficultés. En juillet, le spécialiste des blindés, le général Pavlov, est arrêté et exécuté avec son état-major : c'est lui qui paie pour la défaite et l'incapacité du régime qui lui avait confié le front de l’ouest. Cependant, Vorochilov et Boudienny, dont l'incompétence et l'inculture sont notoires, mais qu'une longue complicité, remontant aux temps de la guerre civile, lie à Staline, restent avec Timochenko, les commandants des trois grands secteurs du front. Le moment n'est plus cependant où l’on puisse, sans danger mortel, maintenir pour les affectations et les promotions, le seul critère bureaucratique des liens de clique et la solidarité d'appareil. Il faut des talents, des techniciens, des chefs capables. On va les chercher, jusque dans les prisons et les camps, comme le Polonais Rokossovski, ancien officier de liaison de Toukhatchevski, comme Podlas et Meretzkov; on les prend aussi sur le front, parmi ceux qui émergent, qui montrent une capacité d'initiative jusque-là impitoyablement écartée. Dès l'automne 1941, Vorochilov et Boudienny sont écartés de tout commandement effectif : plus heureux que Pavlov, ils conservent titres, honneurs et surtout la vie. A leur place sont promus de véritables techniciens, des militaires de profession, membres du parti parce qu'ils sont officiers, et non pas le contraire, les Joukov, Vassilievski. Les promotions sont rapides et récompensent le talent et le succès, non plus la délation ou la manœuvre d'appareil : parmi les nouveaux généraux, il y a de jeunes hommes, Rodimtsev qui, devant Madrid, en 1937, était capitaine, Tcherniakovski surtout, ce jeune juif, commandant en 1941, général commandant d'armée en 1944, tué en 1945, à trente-neuf ans.
Un phénomène semblable se produit dans les autres secteurs de la vie soviétique : d'une certaine façon, l'emprise de l'appareil décroît et ce n'est pas un hasard si c'est Voznessenski, le seul dirigeant du parti qui soit un technicien véritable et dont la carrière se soit déroulée en partie en dehors de l'appareil, qui est placé à la tête de la machine économique. Le péril extrême desserre l'étau bureaucratique. Chantre de Staline, Korneitchouk, dans le Front, essaie de présenter ces nouvelles promotions comme un mérite supplémentaire du « chef génial » qui sait au bon moment remplacer la vieille génération révolutionnaire par des jeunes capables, alors que c'est la dure nécessité qui les impose en réalité. Il n'est plus guère question des traîtres et des espions « trotskystes » et « boukhariniens », bien qu'à l'occasion, on en parle, pour les lier à Vlassov - qui avait été pourtant un stalinien modèle avant de servir Hitler.
Des condamnés sont discrètement libérés et même si le phénomène n'a pas eu l'ampleur que lui attribue Deutscher, puisqu'il intéresse surtout des spécialistes qui n'ont vraisemblablement jamais été de véritables opposants, le silence sur les accusations passées représente une sorte de réhabilitation tacite : c'est une véritable trêve que commandent les besoins de la défense et l'on en viendra même à accueillir, quand cela paraît nécessaire, les chefs de groupes armés qui ont soutenu les Allemands, lorsqu'ils abandonnent la mauvaise cause et reviennent dans le camp des « patriotes ».
C'est une sorte d'union sacrée que Staline s'efforce de promouvoir dans la résistance nationale, et il y réussit. Les ouvriers sont à l'avant-garde : la reconstruction des industries de guerre dans l'ouest se fait à une allure record, les normes sont dépassées, dans des conditions de vie et de travail exceptionnellement dures. Les volontaires accourent des faubourgs dans toutes les villes ouvrières pour entrer dans les milices populaires ou les bataillons de travailleurs - formés en majorité de femmes - qui creusent les tranchées et construisent les lignes de défense. Le paysan doit être gagné à la cause : de lui dépend la nourriture de l'armée et des vIlles. Avec la perte des riches provinces agricoles de l'ouest, les prix montent en flèche. Pour stimuler la production et faire face aux besoins, le gouvernement multiplie les concessions, autorise le développement des marches kolkhoziens ou la vente est libre : leur part dans le commerce de détail passe de 15,9 % en 1939 à 44,5 %, en 1942-1943, et Ernest Mandel peut caractériser ce phénomène comme une « revanche généralisée de la campagne sur la ville ». Car si les ouvriers font d'énormes sacrifices, certains kolkhoziens font d'énormes bénéfices. C'est pendant la guerre qu'apparaissent les kolkhoziens millionnaires : de nouveaux koulaks accaparent des terres pourtant théoriquement collectives - plus de millions d’hectares au total, apprendra-t-on après la guerre.
La bureaucratie voit ses privilèges garantis et consolidés. Les vieux titres sont remis en vigueur : les diplomates sont « ambassadeurs » et « ministres » à partir de 1941. Les règles de classement et d'avancement sont fixées; à chaque grade correspond un titre et un uniforme Il s'agit d'élever l'autorité des fonctionnaires civils et la « table des grades » dans l'administration judiciaire comporte une « table de comparaison » avec les grades militaires : Alf Edeen peut écrire sans exagération que « le cycle du développement russe est complété » par le rétablissement de la table des rangs de Pierre le Grand[40].
La caste militaire est particulièrement favorisée. Les communiqués et les circulaires remettent en vigueur les termes abolis en 1917 d'« officiers » et de « soldats ». Le salut en dehors du service est rétabli, même du soldat au sous-officier ou caporal. Le commissaire politique rétabli en 1941 au moment où tout semble s'effondrer, est ensuite supprimé et les membres de ce corps intégrés dans celui des officiers. En 1942, pour le 25° anniversaire de la révolution, les épaulettes, qui avaient été supprimées « comme symbole de l'oppression de classe », sont remises en usage. Les unités d’élite de la garde sont rétablies dans leurs anciens noms la même année, avec des privilèges et des soldes supérieures. En 1943, les écoles de cadets, qui avaient disparu à la révolution, sont également rétablies : elles sont ouvertes aux enfants d'officiers, admis dès l'âge de huit neuf ans, ce qui constitue un pas vers l'hérédité des privilèges et des fonctions sociales un facteur considérable de consolidation de la caste. Des ordres militaires anciens sont rétablis, portant le nom des grands généraux de la Russie tsariste, Souvorov, Koutouzov. Les officiers ont droit à des clubs spéciaux. Officiers supérieurs et officiers subalternes disposent de cercles, de mess particuliers.
A cette politique d'union sacrée ne peut correspondre une idéologie de classe. Dès sa première allocution, Staline s'efforce de réveiller le patriotisme ancestral, de faire appel à l'idéologie du vieux passé russe, nationalisme, religion, tradition, militarisme, amour des aïeux. Pour la plus grande joie d'écrivains réactionnaires comme Michel Garder, qui salue « l'abandon des thèmes périmés de l'internationalisme prolétarien, de la lutte des classes » au profit d'« un langage parlant au cœur, [...] la passion violente, l'amour irraisonné du sol natal », Staline se fait le chantre de l'éternelle Russie[41]. Ce n'est ni à ses « camarades » ni aux « citoyens » qu'il s'adresse le 3 juillet 1941, mais à ses « frères et sœurs ». Le 7 novembre, il invoque les saints et les guerriers, les archiducs et les généraux tsaristes à inspirer avec Lénine la lutte du peuple russe.
Les atrocités allemandes ont provoqué un réflexe de défense. La théorie raciste qui traite les Slaves en sous-hommes provoque d'élémentaires réactions de dignité et de fierté nationales. La propagande s'efforce de leur donner une forme patriotique et y parvient sans grande peine. Les Russes auront vite conscience d'être les seuls à supporter le poids d'une guerre dont, à l'évidence, l'issue compte également pour tous les peuples, asservis ou non. Du patriotisme au nationalisme et même au messianisme, le pas est rapidement franchi. Eugène Tarlé doit refaire l'histoire de la guerre napoléonienne : pour la décrire comme une lutte purement nationale et patriotique, un modèle et un précédent, il doit abandonner son analyse marxiste, renoncer à l'analyse de classe qui l'avait conduit à affirmer que Napoléon, en despote bourgeois, avait renoncé à une victoire aux fruits incertains en se refusant à affranchir les serfs. Tous les éléments émotionnels traditionnels du passé russe sont ressuscités, mis en vedette, développés de façon à mobiliser, à galvaniser la résistance, de préférence aux motifs de classe. L'appel de Vorochilov à défendre à Léningrad la cité de la révolution d’octobre ne sera jamais renouvelé : c'est désormais la terre sacrée des ancêtres et le glorieux passé national que l'on doit préserver. La religion elle-même est mobilisée au secours du régime : l'église orthodoxe est, non seulement de nouveau tolérée, mais officiellement encouragée. Le métropolite Serge est reçu par Staline, dont il entonne les louanges, le Saint-Synode est solennellement rétabli : dans leurs prières, les fidèles ajouteront le nom de Staline à ceux qu'ils demandent à Dieu de protéger.
Aux premières semaines de juillet 1941, l'envahisseur était redevenu « fasciste ». Il est maintenant « l'Allemand » : les malheureux communistes allemands qui ont survécu à l'épuration d'avant-guerre sont utilisés à expliquer la victoire du nazisme, non par des notions tirées d'une analyse des forces de classe, mais par des caractères nationaux propres à la nation germanique. L'impérialisme allemand est décrit comme « exceptionnellement agressif, brutal et dégénéré », non du fait des rapports de classe qui ont donné naissance au nazisme, mais à cause « du développement historique particulier de la nation allemande » : Lassalle, identifié au « réformisme » est appelé « l’ombre de Bismarck sur le mouvement ouvrier », l'impérialisme allemand est rendu seul responsable de la première guerre mondiale, et, finalement, le peuple allemand - prolétaires compris - devra prendre collectivement à sa charge les crimes nazis « à cause de sa passivité et de son silence »[42]. Cette nouvelle interprétation de l'histoire permet en même temps d'exalter le « large esprit social » du capitalisme anglais et les mérites historiques du peuple-messie qui a su, à temps, se débarrasser des maîtres dont on exalte pourtant au même instant la mémoire. Le caractère national de la résistance russe est marqué par l'abandon de l'Internationale comme hymne officiel et l'adoption, à sa place, d'un chant patriotique.
Pendant les premiers mois, le silence semble se faire, non seulement sur le parti, mais sur les soviets eux-mêmes, les organismes qui portent leur nom ne se réunissant plus guère. Petit à petit cependant et avec prudence, les mêmes hommes s'imposent, tenant un nouveau langage. Le parti se présente comme une sorte de vaste « front national » rassemblant l'élite des combattants, des responsables, des administrateurs, des techniciens. Ses portes s’ouvrent devant les nouveaux promus, les talents révélés, les chefs la veille inconnus, tous ceux que la propagande baptise les « bolcheviks sans-parti » et pour qui, à partir d'un certain degré de notoriété et de responsabilité, la prise de la carte est presque une obligation morale, sans qu'elle implique, bien sur, de participation réelle à la vie d'une organisation toujours régentée par l'appareil. Les chiffres sont éloquents : du début de la guerre à la fin de 1941, le parti recrute 145 000 membres nouveaux et enregistre 198 000 stagiaires; pour l'année 42, on compte 573 000 membres et 1 368 000 stagiaires nouveaux. Ayant surmonté dans la tension de la résistance à outrance la crise de 1941, le parti se transforme de plus en plus en une vaste organisation de masse des cadres économiques et techniques du pays et diffuse, pour la première fois à l'intérieur même de l'U.R.S.S., une idéologie de « front populaire » qui semble à ses dirigeants le moyen le plus efficace de mobiliser les Russes pour les besoins de la lutte menée aux côtés des puissances, impérialistes la veille, devenues les « grands alliés ».
La sainte alliance contre la révolution mondiale[modifier le wikicode]
Apprenant la déclaration de guerre, l'ambassadeur français Coulondre avait laissé entendre à Hitler qu'il déclenchait peut-être des forces qui les dépasseraient tous et risquaient d'ouvrir la voie à « M Trotsky » ce qui était, pour ce diplomate, une façon d'affirmer que la deuxième guerre mondiale pourrait, au même titre que la première et de façon plus grave encore, être le prélude d'une révolution mondiale. Devant le XVII° congrès, en 1934, Staline avait affirmé : « On ne saurait douter que la deuxième guerre contre l'U.R.S.S. aboutisse à la défaite totale des agresseurs, à la révolution dans plusieurs pays d'Europe »[43]. Le souci de ce risque ne quittera jamais les dirigeants du bloc allié pendant la guerre, qu'il s'agisse de Churchill affirmant après l'attaque allemande du 21 juin qu'il ne s'agit point d'une « guerre de classes », ou des dirigeants des partis communistes s'acharnant à expliquer, en Grande-bretagne, aux Etats-Unis, en Amérique latine ou ailleurs, que la présence de l'U.R.S.S. dans le camp allié avait transformé en guerre nationale juste la guerre impérialiste commencée avant cette date. Dans cet ordre d'idées, la mise en sommeil par l'appareil stalinien de l'Internationale communiste, eu égard aux tâches à elle assignées en cas de guerre par ses thèses et ses positions antérieures, représente un aspect non accidentel de la politique de Staline pendant la guerre : l'union sacrée en U.R.S.S., la lutte nationale, la trêve de la lutte de classes dans les pays alliés sont des aspects divers de la défense d'un régime qui - l'expérience espagnole l'a prouvé - redoute autant l'action révolutionnaire spontanée que celle de l'ennemi de classe. Le très officieux New-York Times, le 20 décembre 1942, proclame la satisfaction des capitalistes américains devant la nouvelle orientation russe : « Les mots d'ordre de Staline [... ] ne sont pas des mots d'ordre marxistes poussant les prolétaires du monde à s'unir, mais des mots d'ordre sur le patriotisme, la liberté et la patrie. » Il affirme que l'Allemagne hitlérienne pourrait encore convaincre nombre de fidèles de la nécessité de mener avec elle la « croisade » de classe contre l'U.R.S.S. si devait persister « une Internationale communiste inspirée par l'idéologie trotskyste de la révolution prolétarienne mondiale ». Il voit pourtant dans la politique russe depuis plusieurs années des facteurs rassurants sur ce plan : « la liquidation des trotskystes en Russie » et celle « des dupes communistes des autres pays que Moscou méprisait comme des instruments ».
A mesure que passent les mois de guerre et que s'affirme l'inéluctabilité à longue échéance de la défaite allemande, le souci de l'après-guerre, la peur de la révolution mondiale et la hantise de nouveaux mouvements révolutionnaires se manifestent de plus en plus à travers les négociations entre Grands, dans la préparation du règlement final. Le 14 février 1943, le New-York Times lève un coin du voile qui masque les négociations secrètes, l'inquiétude des Alliés et les gages réclamés, quand il écrit : « Lentement, inexorablement, les armées russes continuent d'avancer vers l’ouest. [... ] Elles soulèvent, dans bien des esprits, des questions [... ] qui fourniront un terrain fertile pour la dernière propagande nazie [... ] qui brandit l'épouvantail de la domination bolchevique en Europe. » Rappelant l'adhésion de l'U.R.S.S. aux principes énoncés dans la charte de l'Atlantique, le journal américain proteste contre le refus russe de discuter avec ses alliés de la libre détermination des territoires annexés entre 1939 et 1941 : « c'est sur la base de cette adhésion qu'Amérique et Grande-Bretagne ont accepté d'augmenter leur aide matérielle et autre à la Russie [... ] Dans ces conditions, il semble évident que de nouveaux et de plus explicites accords sont nécessaires pour donner à la charte de l'Atlantique une signification concrète. »
Le 22 février 1943 paraît dans la presse russe la première mention de l'Internationale communiste depuis le 22 juin 1941. Aux U.S.A. est publiée - après quatorze mois - la nouvelle de l'exécution de deux socialistes polonais Erlich, leader du Bund, Alter, dirigeant des syndicats : arrêtés en 1939 et accusés d'espionnage, ils avaient été condamnés à mort, puis leur peine commuée à dix ans de prison. Libérés après l'attaque allemande, chargés de recruter des volontaires parmi les prisonniers polonais, ils sont accusés de « propagande défaitiste », condamnés et exécutés le 23 décembre 1941. Le 9 mars 1943, le vice-président Wallace laisse entrevoir des inquiétudes non dénuées de menaces : « La guerre serait inévitable si la Russie embrassait de nouveau l'idée trotskyste de fomenter une révolution mondiale. »
Le 16 mai, la négociation doit avoir abouti puisque Staline paie son prix, la dissolution de l'Internationale communiste, dont l'exécutif proclame qu'elle a maintenant « rempli son rôle historique » et que son existence « est un obstacle au renforcement de partis ouvriers nationaux », la guerre mondiale ayant tracé une profonde ligne de séparation entre les pays alliés de l'Allemagne et « les peuples épris de liberté unis dans une profonde coalition contre Hitler ». La presse américaine exulte : « Triomphe diplomatique à bien plus longue portée que les victoires de Stalingrad et du cap Bon ! [... ] Le monde respire, la vieille folie de Trotsky est abandonnée ! Le rêve de Marx est terminé. » Le Chicago Tribune salue la décision en ces termes : « Staline a tué les derviches de la foi marxiste. II a exécuté les bolcheviks dont le royaume était le monde et qui voulaient la révolution universelle. » Le New-York Times, plus réaliste, énumère les conditions qui doivent rendre le résultat final intéressant : l'abandon par Moscou de l'Union des patriotes polonais, la reconnaissance par les partisans yougoslaves du gouvernement émigré à Londres, la participation des communistes français à une « unification réelle »[44].
L'accord se fait avec la déclaration des Quatre, de Moscou, le 1° novembre 1943, « pour le maintien de la paix et de la sécurité » dans le monde après la victoire commune. La politique américaine qui vise à soutenir systématiquement les forces bourgeoises les plus réactionnaires dans la crainte qu'une « libération » n'entraîne des mouvements sociaux et qui s'est traduite par le soutien accordé simultanément à Franco en Espagne, à Salazar au Portugal, à Darlan en Afrique du Nord, au maréchal Badoglio en Italie, triomphe avec l'acceptation par les Quatre de la perspective de la « capitulation sans condition » de l'Allemagne, qui exclut, bien sûr, tout accord des Occidentaux avec un gouvernement de type demi-nazi ou militaire, mais qui, défendue par le secrétaire d'Etat Cordell Hull, exclut aussi et surtout toute perspective de paix avec un gouvernement socialiste qui naîtrait d'un soulèvement populaire en Allemagne. Que les négociateurs russes aient compris les buts de la diplomatie américaine et en aient approuvé les desseins transparaît dans une dépêche de C. L. Sulzberger publiée par le New-York Times du 31 octobre : « De nombreux Russes, avec lesquels l'auteur a parlé franchement, discutaient les dangers d'une Allemagne communisée. Ils pensaient qu'elle pourrait éventuellement se tourner vers ; le trotskysme et pourrait ainsi provoquer des dangers pour l'Union soviétique, - une possibilité qui doit être évitée à tout prix. »
Quand les trois Grands, Roosevelt, Churchill et Staline, se rencontrent à Téhéran en décembre 1943, c'est encore Roosevelt qui propose l'établissement pour l'après-guerre de « quatre policiers » : les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la Russie, la Chine. La porte est ouverte pour la détermination de zones d'influence; en juin 1944, sur proposition britannique, il est entendu que la Roumanie et la Bulgarie seront dans la « zone russe », la Grèce dans la « zone britannique » ; en octobre, lors de la venue à Moscou de Churchill et Eden, il est décidé que Russes et Anglais se partageront à égalité l'influence en Yougoslavie, et précisé qu'aucun des partenaires n'interviendra si l'autre doit employer la force pour venir à bout de troubles dans sa zone. Dès décembre, les troupes anglaises s'emploient à reconquérir la Grèce passée sous l'autorité des partisans pro-communistes de l'E.L.A.S. Staline tient ses engagements et laisse faire. En 1945, après la capitulation du Japon, il n'hésitera pas à décrire celle-ci comme la revanche de 1904-1905 et à écrire dans Bolchevik : « Pendant quarante ans, nous, de la vieille génération, avons attendu ce jour »[45]. A Potsdam, il désavouera les communistes chinois qui s’opposent à Tchang Kai-chek, allant jusqu'à affirmer que le gouvernement du Kouomintang est la seule force capable de gouverner la Chine.
Les révélations des dirigeants communistes yougoslaves ont permis d'éclairer d'un jour cru la politique extérieure du parti communiste de l'U.R.S.S. pendant la « guerre patriotique ». Avant et après la dissolution de l'Internationale, avant comme après les accords sur le partage en zones d'influence, les dirigeants russes usent de toute leur autorité et de tous les chantages que leur permettent leurs moyens matériels pour empêcher que la lutte de masses entamée par les communistes yougoslaves à travers l'armée des partisans ne prenne un caractère de classe et, par conséquent, révolutionnaire - danger incontestable puisque, dès 1942, la presse trotskyste américaine The Militant et Fourth International oppose la politique révolutionnaire du parti yougoslave à celle des autres partis communistes. Au début de 1942, ils demandent aux Yougoslaves de supprimer de leur proclamation adressée à la résistance européenne, l'appel à « la révolte de tous les peuples esclaves d'Europe contre l'envahisseur »[46]. Ils multiplient les pressions afin que les partisans reconnaissent l'autorité du gouvernement royal réfugié à Londres, essaient de leur imposer l'entente avec les tchetniks du général Mihailovitch, que, depuis le début, ils combattent avec acharnement: l'action militaire menée par les partisans a tous les caractères d'une lutte sociale riche d'un contenu révolutionnaire, tandis que le conservatisme des tchetniks les conduira à des compromissions avec l’occupant. A l'automne 1942, c'est à la demande des dirigeants du parti communiste russe, sur lesquels ils comptent pour leur armement, que les communistes yougoslaves renoncent à faire désigner un gouvernement provisoire par le Conseil antifasciste de la libération nationale formé de représentants des combattants et des populations libérées. A la même époque, le commandement russe se prétend techniquement incapable de procurer aux partisans les armes et les munitions que son gouvernement offre pourtant aux tchetniks. Quand, en novembre 1943, les partisans yougoslaves créent le comité national que préside le communiste Tito, Moscou les accuse d'avoir saboté la conférence de Téhéran en proclamant la déchéance du roi Pierre, à qui ils ont interdit le territoire national. Le parti yougoslave s'inclinera finalement devant les « recommandations » de la conférence de Yalta et acceptera un gouvernement provisoire auquel participent des ministres du gouvernement royal.
C'est la même influence conservatrice, contre-révolutionnaire au sens propre du terme, qu'exerceront le gouvernement russe et la direction du parti sur le déroulement des événements en Italie. Les Alliés de préférence à la Résistance où s'expriment les revendications politiques, économiques et sociales des ouvriers et des paysans, soutiennent la monarchie et le gouvernement des dignitaires fascistes qui ont essayé de sauver les meubles en éliminant Mussolini. Honnis par la Résistance, la monarchie et le gouvernement du maréchal Badoglio seront sauvés par l'arrivée, de Moscou, du secrétaire du parti italien, Ercoli Togliatti, qui propose de renvoyer à la fin de la guerre le règlement de la question royale et annonce le soutien des communistes au gouvernement Badoglio, dont il deviendra personnellement ministre. Le départ des Allemands de l'Italie du nord, où est né un puissant mouvement ouvrier, crée une situation véritablement révolutionnaire. « Dans les provinces, écrit Henri Michel, dans les villes, dans les usines, se constituèrent des comités de libération clandestins, d'esprit révolutionnaire. A mesure que les Allemands les évacuaient, se créaient, dans les vallées, des républiques éphémères de partisans dont les comités de libération, parfois élus, assuraient l'administration, préparaient des projets de loi pour l'avenir, décidaient parfois des réformes immédiates, dans le domaine de l'instruction publique, de la fixation des prix ou de l'impôt »[47]. Ces soviets authentiques, de même que les comités d'entreprise qui saisissent et mettent en marche les usines, dirigent une épuration de classe qui frappe les magnats de l'industrie; mais ils seront éliminés, tantôt par la force, tantôt progressivement, grâce au contrôle qu'exercent les commissaires régionaux du gouvernement militaire allié, et au soutien qu'apporte le parti communiste au gouvernement de coalition qui collabore avec les Alliés et permettra de reconstituer, en fin de compte, un appareil d'Etat bourgeois après l'effondrement de l'Etat fasciste. Les craintes de M. Cordell Hull se révèleront vaines : il n'y aura pas de révolution italienne, pas plus qu'il n'y aura de révolution allemande.
En France le parti communiste, comme l'écrit Isaac Deutscher, « s'aligne derrière le général de Gaulle, dont l'ambition dictatoriale, l'attitude anti-marxiste et les liaisons cléricales étaient depuis longtemps manifestes »[48]. Le sort de l'Europe occidentale est de nouveau fixé pour des décennies : elle restera le domaine du capitalisme.
Il faut d'ailleurs noter, à ce sujet, que la lutte contre les groupes révolutionnaires antistaliniens, trotskystes ou non, a été menée pendant la guerre par tous les gouvernements belligérants sans exception. Aux Etats-Unis, les dirigeants du Socialist Workers Party, et parmi eux, l'un des fondateurs du parti communiste américain, James P. Cannon, ont été emprisonnés en vertu du Smith Act. En Europe, le nombre de victimes a été particulièrement élevé. On peut citer, parmi celles-ci, l'ancien membre du comité central du parti communiste allemand Werner Scholem, autrefois organisateur de l’opposition dite « de Wedding », exécuté dans un camp allemand, son compatriote Marcel Widelin, organisateur en France de cellules clandestines dans la Wehrmacht, abattu par les auxiliaires français de la Gestapo, l'ancien secrétaire de Trotsky Walter Held, condamné à mort par contumace en Allemagne, enlevé au cours d'un transit en U.R.S.S., l'ancien secrétaire général du parti communiste grec Pantelis Pouliopoulos, fusillé en 1942 par l'armée allemande, l'ancien secrétaire général adjoint du parti communiste italien, ancien responsable de l’organisation clandestine en Italie fasciste, devenu trotskyste, Pietro Tresso, abattu dans un maquis après son évasion de la prison du Puy où l'avait enferme le gouvernement de Vichy, l'ancien dirigeant du P.O.U.M. pendant la guerre d'Espagne Joan Farré, tué dans des circonstances semblables, l'ancien membre du comité central du parti communiste belge, fondateur de l'opposition belge, Léon Lesoil, mort en déportation en Allemagne, le dirigeant étudiant polonais de Cracovie Stefan Szmolewicz, arrêté en 1939, déporté à Vorkouta où il réorganise les détenus trotskystes, mort en 1943 des suites des mauvais traitements qu'il a subis, Sneevliet, le vétéran communiste hollandais, un des premiers envoyés de l'Internationale en Chine sous le nom de Maring, fusillé par les Allemands. En Asie, toute une génération de dirigeants révolutionnaires a été liquidée : l'ancien secrétaire général du parti chinois, devenu dirigeant trotskyste, Tchen Dou-siou, est mort âgé aux mains de Tchang Kai-chek, tandis que les Japonais fusillaient son successeur à la tête de l’organisation trotskyste Tchen Tchi-tchang, et que les troupes de Mao Tsé-toung fusillaient de leur côté le chef de partisans trotskyste Tchou Li-ming. Au Viet-Nam, le trotskyste Nguyen Ai-Hau, chef des milices ouvrières de Cholon, a été tué par les troupes françaises tandis que le fondateur du trotskysme vietnamien, Ta Thu Tau, et le dirigeant chinois Liu Chia-liang étaient abattus par le Viet-Minh. Grâce à cette nouvelle « sainte-alliance » universelle, la révolution mondiale tant redoutée était écartée.
Les espoirs d'une génération[modifier le wikicode]
Tel est, en définitive, le résultat historique du rôle joué par le parti communiste de l'U.R.S.S. dans la conclusion de la deuxième guerre mondiale, la conséquence historique à long terme du choix des années 25-30 en faveur du « socialisme dans un seul pays » : le parti communiste de l'U.R.S.S. sort de la deuxième guerre mondiale comme un puissant facteur de stabilisation sociale et de conservatisme, avec le triple prestige de la grande révolution d’octobre, du socialisme en construction et de la victoire militaire sur la barbarie hitlérienne. Ce prestige lui vaut une autorité que, par l'intermédiaire de son appareil international, aussi judicieusement sélectionné que son appareil national, les Gottwald, Ulbricht, Thorez, Togliatti, il exerce sur des millions de travailleurs ; ceux-ci, à son appel, déposeront les armes, « retrousseront les manches » et restaureront à force de travail les ravages de la guerre où tant de leurs frères ont laissé leur vie : ils servent ainsi de force d'appoint à la diplomatie russe et, croyant lutter pour le socialisme, servent d'abord les intérêts de la bureaucratie.
Une nouvelle génération communiste est apparue dans le monde comme en U.R.S.S. Le massacre des vieux-bolcheviks, la grande déception du pacte germano-russe appartiennent pour elle à un monde lointain. La fin de la guerre lui semble le début d'une période nouvelle dans l'histoire de l'humanité : les espoirs, tous les espoirs, refleurissent au moment où va s'évanouir le cauchemar de la domination nazie. Les jeunes communistes russes passent des nuits entières à des discussions passionnées, fiévreuses et exaltantes. « Nous espérions, écrit Leonhard, que la victoire sur le fascisme amènerait quelque chose d'entièrement nouveau en Europe occidentale. qu'une révolution sociale gigantesque s'accomplirait. Nous croyions à un grand réveil, une renaissance - plusieurs d'entre nous employaient même le terme français -, à l'évolution de mouvements socialistes nouveaux »[49]. A partir de 1944 la situation militaire cesse d'être la source unique des préoccupations : « L'intérêt des gens se tournait de plus en plus vers les changements politiques qui se préparaient et ce qu’on pouvait espérer de « l'après-guerre »[50]. Dans l'Europe entière, de tout jeunes les gens se lancent avec fougue dans l'activité du parti, comme le poète Woroszylski qui évoquera plus tard le temps « où le communisme était la poésie suprême et l'effort quotidien, et la poésie la route vers le communisme, la vie pour le communisme »[51]. A tous ces jeunes gens pour qui le communisme, « jeunesse du monde », prépare « des lendemains qui chantent », le parti communiste russe n'allait offrir, une fois de plus, que le visage du stalinisme, le cortège des épurations, des aveux, des procès, du mensonge.
- ↑ Sir Bernard PARES, A history of Russia, p. 594.
- ↑ DEUTSCHER, Stalin, p. 467.
- ↑ KHROUCHTCHEV, A.S.C., p. 54.
- ↑ Ibidem, p. 55.
- ↑ Cité par DEUTSCHER, Stalin, p. 470.
- ↑ Cité par FISCHER, Soviet opposition to Stalin, p. 470.
- ↑ SHUB, The choice, p. 59.
- ↑ SHERWOOD, Roosevelt and Hopkins, p. 335.
- ↑ KHROUCHTCHEV, A.S.C., pp. 44-48. Sur l'odyssée de Liskov, que Khrouchtchev ne nomme pas, voir LEONHARD, op. cit., pp. 121-122.
- ↑ Cité par LEONHARD, Child, p. 108.
- ↑ KHROUCHTCHEV, A.S.C., pp. 47-48.
- ↑ SHIRER, Le III° Reich, vol. II, p. 233.
- ↑ KHROUCHTCHEV, A.S.C., p. 48.
- ↑ SIMONOV, Les vivants et les morts, p. 35.
- ↑ Cité dans Le Monde, 23 juin 1962.
- ↑ KHROUCHTCHEV, A.S.C., pp. 46-47.
- ↑ SIMONOV, op. cit., p. 63.
- ↑ MICHEL, Les mouvements clandestins, p. 117.
- ↑ Liddell HART, On the other side of the hill, p. 196.
- ↑ SCHAPIRO, C.P.S.U., p. 497.
- ↑ John G. WRIGHT, « U.S.S.R. in the war », Fourth International, janvier 1942, pp. 15-19.
- ↑ MICHEL, op. cit., pp. 117-118.
- ↑ ARMSTRONG, The bureaucratie elite, pp. 128-131.
- ↑ Pravda, 31 sept. 1941.
- ↑ Cité par A. DALLIN, German rule in Russia, p. 8.
- ↑ Cité par SHIRER, op. cit., t. II, p. 235.
- ↑ Cité par DALLIN, op. cit., pp. 30-31.
- ↑ Ibidem, p. 70.
- ↑ SHIRER, op. cit., p. 333-334.
- ↑ Cité par A. DALLlN, op. cit., p. 459.
- ↑ Ibidem, p. 461.
- ↑ Cité par SHIRER, op. cit., p. 310.
- ↑ Cité par A. DALLIN, op. cit., p. 321.
- ↑ MANDEL, Traité d'économie marxiste, t. II, p. 229.
- ↑ Cité par SHIRER, op. cit. t. Il, p. 320.
- ↑ Cité par A. DALLIN, op. cit., p. 334.
- ↑ George FISCHER, op. cit., p. 58-60.
- ↑ DEUTSCHER, Stalin, p. 466.
- ↑ KHROUCHTCHEV, A.S.C., pp. 50-51.
- ↑ Alf EDEEN, « The civil service », dans Cyril Black, Transformations of russian society, p. 287.
- ↑ GARDER, Une guerre pas comme les autres, p. 76.
- ↑ Revue par John G. Wright du mensuel de Moscou World survey de mars 1942, Fourth International, juin 1942, pp. 186-191.
- ↑ STALINE, op. cit., t. II, p. 139.
- ↑ Revue de la presse américaine après la dissolution de l'Internationale communiste, par John WRIGHT, Fourth International, juillet 1943.
- ↑ Bolchevik n° 16, août 1945, cité par DEUTSCHER, Stalin, p.528.
- ↑ DEDIJER, Tito parle, p. 189.
- ↑ MICHEL, op. cit., p. 48.
- ↑ DEUTSCHER, Stalin, p. 519.
- ↑ LEONHARD, Child, p. 269.
- ↑ Ibidem.
- ↑ WOROSZYLSKI, « Matériaux pour une biographie », dans « Le socialisme polonais », Les temps modernes, 1957, février-mars, p. 1099.