Le journal en Tchécoslovaquie

---

Ajouter une sous-page à ce texte

Lisez l’aide pour comprendre l’utilisation.

 

Chers Camarades,

Vous trouverez ci-joint la copie de ma lettre au camarade Lenorovic dans laquelle j'aborde principalement la question syndicale, si importante.

Avec les deux camarades que vous connaissez, nous avons lu le projet d'éditorial pour le premier numéro et, à cette occasion, nous avons discuté dans les très grande lignes de la physionomie générale du journal. Bien sûr, ce n'est qu'après les trois, quatre ou cinq premiers numéros, que cette physionomie pourra se préciser, par le contact avec les lecteurs et par le test de la participation directe aux combats.

On peut cependant faire dès maintenant quelques remarques. Dans des situations comme celle de l'Opposition de gauche tchécoslovaque, on court toujours le danger de créer un organe qui ne serve qu'aux besoins internes du groupe et soit ainsi dégradé au rang d'organe d'une secte. Le danger inverse et non moins grave, consiste à courir derrière les larges masses ou à prétendre engager le combat pour les conquérir; ce faisant, on se trompe soi-même et on crée un organe qui n'est pas en mesure d'être utile à la fraction et n'est pas non plus lu par les masses, ce qui fait qu'il ne sert à personne.

La difficulté réside dans la combinaison du domaine théorique et propagandiste avec l'activité politique pratique. La tâche immédiate du journal est la formation et le regroupement de cadres marxistes oppositionnels. Il faut donc que le journal publie des articles de doctrine, et même si ces articles ne sont compréhensibles ou accessibles qu'à cinquante ou cent camarades, il faut tout de même les publier. En même temps, il faut évidemment faire paraître des articles très populaires et simples, qui traitent d'une question isolément, en l'éclairant à la lumière de l'actualité. L'équilibre, comme je l'ai dit, devra s'établir dans le cours même du travail.

Il est très important de faire connaître par le journal les affaires internes du parti, évidemment dans la mesure où cela n'entraine pas pour lui des difficultés avec les autorités. Le caractère de la bureaucratie est indissolublement lié à des intrigues, des secrets et une atmosphère de complots. Le véritable combat pour la démocratie dans le parti ne consiste pas à la revendiquer, mais à dévoiler aux militants la véritable vie du parti et à leur donner par là même la possibilité d'y participer activement. C'est pourquoi la liaison avec différents éléments du parti est absolument nécessaire. Pour l'Opposition, les "correspondants dans le parti" sont tout aussi importants que les "correspondants ouvriers". Je suis sûr que l'Opposition trouvera dans toutes les institutions du parti des amis parmi les éléments qui jouent un rôle secondaire et qui ont à souffrir directement et douloureusement des mœurs bureaucratiques.

Pour affirmer avec plus de force la physionomie du journal, on peut aussi, comme vous l'avez d'ailleurs fait jusqu'à présent, éditer de temps en temps des tracts, des appels, car cela permet de pénétrer plus profond au sein des masses et de se créer en quelque sorte des instruments pour mesurer et contrôler notre influence.