Ch. 52 : Les classes

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Les ouvriers salariés qui n'ont que la force de travail et dont le salaire est le revenu, les capitalistes qui possèdent le capital et touchent le profit, les propriétaires fonciers qui détiennent la terre et prélèvent la rente constituent les trois grandes classes de la société moderne, basée sur la production capitaliste.

C'est incontestablement en Angleterre que cette subdivision est le plus largement et le plus catégoriquement développée. Cependant elle n'y existe pas encore dans toute sa pureté et des couches de transition y masquent partout - incomparablement moins à la campagne que dans les villes - les lignes de démarcation. Mais ce fait est sans importance pour notre étude.

Nous avons vu que la tendance permanente et la loi de développement de la production capitaliste poussent à une séparation de plus en plus profonde des instruments de travail et du travail, à une concentration de plus en plus puissante des moyens de production et à la transformation du travail en travail salarié et des moyens de production en capital. A cette tendance correspond la séparation de la propriété foncière, du capital et du travail[1], c'est-à-dire l'adaptation morphologique de la propriété foncière à la production capitaliste.

La question à laquelle nous avons à répondre est la suivante : Qu'est-ce qui constitue une classe ? ou bien : Comment se fait-il que ce soient les ouvriers salariés, les capitalistes et les propriétaires fonciers qui forment les trois grandes classes sociales ?

A première vue on pourrait invoquer l'identité des revenus et de leurs sources, et dire qu'il s'agit de trois grands groupes sociaux, dont les membres vivent respectivement du salaire, du profit et de la rente, c'est-à-dire de la mise en valeur de leur force de travail, de leur capital et de leur propriété foncière.

Mais si tel était le point de départ de la classification, les médecins et les employés, par exemple, formeraient également deux classes, car ils appartiennent à deux groupes sociaux distincts, dont les revenus ont la même source. Et cette subdivision irait à l'infini, en présence des séparations innombrables que la multiplicité des intérêts et la division du travail social créent parmi les ouvriers comme parmi les capitalistes et les propriétaire fonciers, ces derniers devant être groupés, par exemple, en propriétaires de vignobles, de terres labourables, de forêts, de mines, de pêches.

Le manuscrit s'arrête ici
  1. F. List écrit judicieusement : « La prédominance du faire-valoir direct sur des propriétés de grande étendue démontre uniquement le retard de la civilisation, l'insuffisance des moyens de communication et le manque d'industries nationales et de villes florissantes. C’est pour ces raisons que l'on rencontre ce système partout en Russie, en Pologne, en Hongrie, dans le Mecklembourg. Autrefois il existait aussi en Angleterre ; mais le développement du commerce et de l'industrie y a substitué la culture dans des exploitations moyennes et affermées ». Die Ackerverfassung, die Zwergwirtschaft und die Auswanderung, 1842, p. 10.