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Special pages :
Discours au Congrès de l'Internationale communiste sur les conditions d'admission à l'IC
Auteur·e(s) | Amadeo Bordiga |
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Écriture | juillet 1920 |
Je vais vous soumettre quelques observations que je propose d'ajouter à l'introduction aux thèses présentées par le Comité, et une proposition de modification au point 16 [15 dans le texte définitif ], qui déclare :
« Les partis qui conservent jusqu'à ce jour les anciens programmes social-démocrates ont pour devoir de les réviser sans tarder et d'élaborer un nouveau programme communiste, adapté aux conditions spéciales de leur pays et conçu dans le sens de l'Internationale Communiste. Comme règle générale, les programmes des partis affiliés à la III° Internationale sont ratifiés par un congrès mondial ou par le Comité Exécutif. En cas de refus par ces derniers de les ratifier, le parti en cause est en droit de faire appel au Congrès de l'Internationale Communiste ».
Ce Congrès a une importance capitale; il doit défendre et assurer les principes essentiels de la IIIe Internationale. Lorsqu'en avril 1917, je crois, le camarade Lénine revenait en Russie et qu'il esquissait les lignes principales du nouveau programme du Parti Communiste, il nous parlait de la reconstruction de l'Internationale. Il disait que ce travail devait avoir deux bases essentielles: qu'il fallait écarter d'un côté, les social-patriotes et de l'autre, les social-démocrates, ces socialistes de la II° Internationale qui voyaient la possibilité de l'émancipation du prolétariat, sans une lutte de classes poussée jusqu'au recours aux armes, sans la nécessité de réaliser la dictature du prolétariat après la victoire, dans la période insurrectionnelle.
La réalisation révolutionnaire de Russie nous ramenait ainsi sur le terrain du marxisme, et le mouvement révolutionnaire qui avait été sauvé des ruines de la II° Internationale s'orientait sur ce programme. Et le travail qui commençait donnait lieu à la constitution officielle d'un nouvel organisme mondial. Je pense que dans la situation actuelle - qui n'a rien de fortuit, mais qui est déterminée par la marche de l'histoire, nous courons le danger de voir s'introduire parmi nous des éléments, tant de la première que de la seconde catégorie, que nous avions éloignés.
Après que le mot d'ordre «régime des soviets» fut lancé dans le monde par le prolétariat russe et le prolétariat international, on a vu la vague révolutionnaire remonter tout d'abord, après la fin de la guerre, et le prolétariat du monde entier se mettre en marche. Nous avons vu dans tous les pays les anciens partis socialistes se sélectionner et donner naissance à des partis communistes qui ont engagé la lutte révolutionnaire contre la bourgeoisie.
Malheureusement, la période qui a suivi a été une période d'arrêt, car les révolutions allemande, bavaroise et hongroise ont été écrasées par la bourgeoisie.
La guerre est maintenant loin dans le passé. Le problème de la guerre et de la défense nationale ne se pose plus d'une façon immédiate, et il est très simple de nous dire maintenant que dans une prochaine guerre on ne retombera pas dans les anciennes erreurs, c'est-à-dire dans les fautes de l'union sacrée et de la défense nationale. Dans la pensée des centristes, la révolution est loin dans l'avenir, elle ne se pose pas comme un problème immédiat: et ils déclarent accepter les thèses de la III° Internationale: le pouvoir des soviets, la dictature du prolétariat, la terreur rouge.
Ce serait donc un grand danger pour nous, si nous commettions la faute d'accepter ces gens dans nos rangs.
La III° Internationale ne peut accélérer le cours de l'histoire. Elle ne peut pas créer la révolution ni la susciter par la force. Nous ne pouvons que préparer le prolétariat. Mais il faut, camarades, que notre mouvement garde l'avantage que lui donne l'expérience de la guerre et de la Révolution Russe. C'est à cela, je pense, qu'il faut porter la plus grande attention.
Les éléments de droite acceptent nos thèses, mais d'une façon insuffisante. Ils les acceptent avec des réticences; nous autres, communistes, nous devons exiger que cette acceptation soit entière et sans restriction, tant dans le domaine de la théorie que dans celui de l'action.
Nous avons vu la première grande application de la méthode et de la théorie marxiste en Russie, c'est-à-dire dans un pays où le degré de développement des classes n'était pas élevé. Cette méthode doit donc être appliquée avec encore plus de netteté et de rigueur dans l'Europe Occidentale, où le capitalisme est mieux développé.
On vient de faire la distinction entre «réformistes» et «révolutionnaires». C'est un langage suranné. Il ne peut plus y avoir de réformistes, parce que la crise bourgeoise empêche tout travail de réformes. Les socialistes de droite le savent, ils se déclarent pour une crise de régime, ils s'appellent «révolutionnaires», mais espèrent que le caractère de cette lutte ne sera pas le même qu'en Russie. Je pense, camarades, qu'il faut que l'Internationale Communiste soit intransigeante et qu'elle maintienne fermement son caractère politique révolutionnaire.
Contre les social-démocrates il faut dresser des barrières infranchissables.
Il faut obliger ces partis à une déclaration de principes sans équivoque. Il faudrait avoir un programme commun à tous les partis communistes du monde, ce qui n'est malheureusement pas possible, à l'heure actuelle. La III° Internationale n'a pas de moyens pratiques pour s'assurer que ces gens suivront le programme communiste. Toutefois, la condition que je propose d'ajouter est la suivante:
Lorsqu'on dit, à la thèse 16 [15]: «Les Partis qui conservent jusqu'à ce jour les anciens programmes social-démocrates ont pour devoir de les réviser sans tarder et d'élaborer un nouveau programme communiste adapté aux conditions spéciales de leur pays...», après les mots: «élaborer un nouveau programme communiste», il faudrait supprimer les mots «adapté aux conditions spéciales de leur pays et conçu dans le sens de l'Internationale Communiste» et les remplacer par les mots «dans lequel les principes de l'Internationale Communiste soient exposés d'une façon non équivoque et entièrement conforme aux résolutions des congrès internationaux. La minorité du parti qui se déclarera contre ce programme, devra par ce fait même être exclue du parti. Les partis qui, tout en ayant adhéré à la III° Internationale, n'ont pas accompli cette condition, doivent immédiatement réunir un congrès extraordinaire pour s'y conformer.»
Il faut poser clairement cette question des minorités de droite, sur laquelle je n'ai pas entendu se prononcer les représentants du Parti Socialiste Français, qui n'ont pas dit qu'ils chasseront de leur parti les Renaudel et autres. Ceux qui voteront contre le nouveau programme doivent sortir du parti. Sur le programme, il n'y a pas de discipline: on l'accepte ou non; si c'est non, on se retire du parti. Le programme est une chose commune à tous, ce n'est pas une chose qui est établie par la majorité des militants du parti. C'est cela qui doit être imposé aux partis qui veulent être admis dans la III° Internationale. Enfin, c'est seulement aujourd'hui qu'on vient d'établir qu'il y a une différence entre le désir d'entrer dans la III° Internationale et le fait d'y être accepté.
Je pense qu'il faut, après ce Congrès, donner au Comité Exécutif le temps de faire exécuter toutes les obligations imposées par la III° Internationale. Après cette période d'organisation, pour ainsi dire, la porte devrait être close, il n'y devrait être autre voie d'admission que l'adhésion personnelle au Parti communiste du pays.
Je propose que la motion du camarade Lénine qui a été retirée soit réadmise, c'est-à-dire que les partis qui demandent à être admis aient une certaine proportion de communistes dans les organes de direction de ces partis. Je préférerais les voir tous communistes.
Il faut combattre l'opportunisme partout. Mais cette tâche sera rendue très difficile si, au moment où l'on prend des mesures pour épurer la III° Internationale, on ouvre les portes pour faire rentrer ceux qui sont restés dehors.
Au nom de la gauche du Parti Socialiste Italien, je déclare que nous nous engageons à combattre et à chasser les opportunistes en Italie, mais nous ne voudrions pas que s'ils sortent de chez nous, ils rentrent dans la III° Internationale par un autre chemin. Nous vous disons: ayant ici travaillé ensemble, nous devons rentrer dans nos pays et former un front international unique contre les socialistes traîtres, contre les saboteurs de la Révolution Communiste.