Industrial Workers of the World

De Wikirouge
(Redirigé depuis Wobblies)
Aller à la navigation Aller à la recherche
« One Big Union » : le symbole du poing levé dans la presse des IWW (1917)

Industrial Workers of the World ou IWW (les adhérents sont aussi appelés plus familièrement les Wobblies) est un syndicat international fondé aux États-Unis en 1905 dont le siège actuel se trouve à Chicago. À son apogée, en 1923, l'organisation comptait environ 100 000 membres actifs. Le nombre de ses adhérents déclina de façon spectaculaire après la scission de 1924, résultat de conflits internes et de la répression gouvernementale. Aujourd'hui, l'organisation milite activement, et compte environ 2 000 membres à travers le monde. L'adhésion aux IWW ne requiert pas de travailler dans une entreprise où existe une représentation syndicale, ni n'exclut l'adhésion à une autre organisation syndicale.

Les IWW ont comme principe fondamental l'unité des travailleurs au sein d'un seul grand syndicat (« One Big Union ») en tant que classe partageant les mêmes intérêts. Elle vise à l'abolition du salariat. Les IWW sont connus pour avoir développé le Wobbly Shop, une forme de démocratie ouvrière, dans laquelle les travailleurs élisent des délégués révocables.

1 Citation[modifier | modifier le wikicode]

« Nous sommes des adversaires de l’ordre existant ; nous sommes ses ennemis d’un bout à l’autre. Nous ne respectons pas le drapeau des États-Unis. Il est le symbole de l’oppression… Il flotte sur les pires endroits et ne porte aucun message pour nous. Nous ne croyons nullement en la hiérarchie des salaires. Nous proposons de virer tout le système du salariat et de donner sa chance à chaque homme. Nous ne croyons pas en dieu. Le prêche de l’évangile de Jésus-Christ est le plus gros plasphème du monde car il prêche la soumission à l’ordre actuel, en promettant une vie meilleure… dans le futur. »  -'IWW, Réunion syndicale de San Diego, 25 avril 1912

2 Histoire[modifier | modifier le wikicode]

Dans la période de fort développement et de forte concentration de l’industrie, le mouvement ouvrier américain connut lui aussi dans les années 1870 et 1880 un développement très important, avec des formes originales. Ainsi, les Knights of labor, une confrérie des producteurs – secrète à l’origine pour des raisons de sécurité – rassembla jusqu’à 700 000 membres au milieu des années 1880. Ouverte aux femmes et aux noirs, elle revendiquait la journée de huit heures, la nationalisation des chemins de fer, l’abolition des monopoles et la formation d’entreprises coopératives. Elle rassemblait ouvriers qualifiés et non qualifiés, syndiqués ou non, mais également des artisans et des petits patrons. De ce fait, sa direction refusait l’affrontement des classes et, après une série de conflits meurtriers, son influence déclina, concurrencée qu’elle était par l’American Federation of Labor (A. F. L.). Celle-ci, dirigée par Samuel Gompers, regroupait des syndicats de métiers, sans chercher à en unifier l’action ni à s’ouvrir aux ouvriers non qualifiés et aux chômeurs, et prônait ouvertement la négociation, le compromis et la réforme.

Dans divers secteurs de l’économie américaine, notamment dans les chemins de fer et dans les mines de l’ouest des États-Unis, les travailleurs rejetèrent les méthodes de l’A. F. L. et s’organisèrent sur la base de leur branche d’activité – industry en anglais. C’est de leur regroupement que naquirent en 1905 les Industrial Workers of the World, une fédération syndicale fondée sur le regroupement par branche. Les I. W. W. – surnommés plus tard wobblies – adoptèrent des principes syndicalistes-révolutionnaires, comparables à ceux de la Charte d’Amiens, et des méthodes d’action directe – grève ou sabotage si nécessaire – plutôt que négociation entre responsables syndicaux et patrons. Pendant plus de dix ans, ils animèrent de très nombreuses luttes à travers les États-Unis.

Internationalistes convaincus, ils s’opposèrent à la participation des États-Unis à la Première_guerre_mondiale et se heurtèrent alors à une répression meurtrière. Même s’ils existent encore, les I. W. W. n’ont depuis lors plus pu mobiliser un nombre significatif de travailleurs, mais leurs principes – un seul syndicat pour tous les salariés – et les formes qu’ils ont données à leurs actions ont continué à influencer les luttes sociales aux États-Unis.

La première guerre mondiale servit aussi à écraser le mouvement ouvrier révolutionnaire des USA !

En 1912, l’organisation IWW, syndicaliste révolutionnaire prônant la lutte des classes, comptait quelque 50 000 adhérents, principalement concentrés dans le Nord-Ouest, parmi les dockers, les ouvriers agricoles dans les États du Centre, et les régions d’industries textile et minière. Les IWW furent impliqués dans plus de 150 grèves, dont la grève du textile de Lawrence (1912), la grève de la soie de Paterson (1913) et the Mesabi range (1916). Ils furent aussi engagés dans ce qui est connu comme l’Émeute de Wheatland Hop, le 3 août 1913.

Entre 1915 et 1917, l’Organisation des ouvriers agricoles (AWO) de l’IWW regroupa des centaines de milliers d’ouvriers agricoles saisonniers dans tout le Midwest et l’Ouest des États-Unis, les inscrivant et les syndiquant souvent dans les champs et les chemins de fer. Durant cette période, les IWW furent pratiquement confondus avec les hobos. Les travailleurs itinérants ne pouvant guère s’offrir d’autres moyens de transport pour rejoindre leur prochain lieu de travail, les wagons de marchandises couverts, appelés par les hobos « side door coaches » (voitures à porte latérale) étaient fréquemment recouverts d’affiches de l’IWW. La carte de membre de l’IWW était considérée comme suffisante pour voyager par le train. Les travailleurs obtinrent souvent de meilleures conditions de travail en utilisant l’action directe sur le lieu de production, et faisant grève "sur le tas", ralentissant consciemment et collectivement leur travail. Les conditions de travail des ouvriers agricoles saisonniers connurent une énorme amélioration grâce au syndicalisme Wobbly.

Tirant parti du succès de l’AWO, le Syndicat des Travailleurs Forestiers Industriels de l’IWW (Lumber Workers Industrial Union) (LWIU) utilisa des procédés similaires pour organiser les bûcherons et autres travailleurs forestiers, tant dans le Sud profond que sur la côte pacifique du Nord-Ouest des États-Unis et du Canada, entre 1917 et 1924. La grève des forestiers de l’IWW en 1917 mena à la journée de travail de 8 heures et améliora grandement les conditions de travail dans le Nord-Ouest, sur la côte pacifique. Même si les historiens du milieu du siècle en attribuent le mérite au gouvernement américain et aux « magnats forestiers visionnaires », c’est une grève de l’IWW qui avait imposé ces concessions.

A partir de 1913, le Syndicat des travailleurs du transport maritime de l’IWW (Marine Transport Workers Industrial Union) montra qu’il constituait une force avec laquelle il fallait compter. Il rivalisa avec les syndicats de l’American Federation of Labor pour prendre l’ascendant dans l’industrie. Étant donné son engagement en matière de solidarité internationale, ses efforts et ses succès dans le domaine ne furent pas surprenants. Local 8, une section du syndicat était dirigée par Ben Fletcher ; il avait recruté principalement des dockers afro-américains sur les quais de Philadelphie et de Baltimore. Il y avait encore d’autres dirigeants, comme l’immigrant suisse Waler Nef, Jack Walsh, E.F. Doree, et le marin espagnol Manuel Rey. L’IWW était également présente sur les quais de Boston, New York, La Nouvelle-Orléans, Houston, San Diego, Los Angeles, San Francisco, Eureka, Portland, Tacoma, Seattle, Vancouver, ainsi que dans des ports des Antilles, du Mexique, d’Amérique du Sud, d’Australie, de Nouvelle-Zélande, d’Allemagne et d’autres nations.

Les IWW eurent souvent des difficultés à conserver leurs avantages, là où, comme à Lawrence, ils avaient gagné leurs grèves. En 1912, les IWW dédaignèrent les accords de convention collective, et prônèrent la lutte permanente à l’atelier contre le patron. Il s’avéra cependant difficile de maintenir cette sorte d’élan révolutionnaire contre les employeurs. À Lawrence, les IWW perdirent presque tous leurs membres dans les années qui suivirent la grève, car les employeurs sapèrent petit à petit la résistance de leurs employés, et éliminèrent la plupart des plus farouches supporters du syndicat.

Clarice Stasz, biographe de Jack London note que celui-ci «voyait les Wobblies comme un apport bénéfique à la cause socialiste, bien qu’il ne fût pas aussi radical pour appeler par exemple au sabotage ». Elle mentionne une rencontre personnelle entre London et Big Bill Haywood en 1912.

L’efficacité des tactiques non-violentes des IWW provoqua une réaction violente du gouvernement, des milieux patronaux, et de groupes de « citoyens ». En 1914, Joe Hill (Joel Hägglund) fut accusé de meurtre et, malgré uniquement des preuves indirectes, il fut exécuté par l’État de l’Utah en 1915. Le 5 novembre 1916 à Everett, un groupe d’hommes d’affaires, nommés shérifs-adjoints et menés par le shérif Donald McRae, attaqua des membres du syndicat sur le paquebot Verona, en tuant au moins 5 (6 autres ne furent jamais retrouvés et disparurent probablement dans le Puget Sound). Deux membres de la bande furent tués, et bien que les circonstances exactes demeurent inconnues, on pense que les deux adjoints ont été touchés par des « tirs amis ».

De nombreux membres de l’IWW s’opposèrent à la participation des États-Unis au premier conflit mondial. L’organisation vota une résolution contre la guerre à son congrès de novembre 1916. Ceci rappelle l’opinion exprimée au congrès fondateur de l’IWW, que la guerre constitue une lutte des capitalistes entre eux, dans laquelle le riche s’enrichit, et où bien souvent le pauvre meurt des mains d’autres travailleurs.

Le quotidien des IWW, l’Industrial Worker, écrivait, juste avant l’entrée en guerre des États-Unis : « Capitalistes d’Amérique, nous nous battrons contre vous, pas pour vous ! Il n’existe aucune force au monde qui puisse forcer la classe ouvrière à se battre si elle ne le veut pas. » Pourtant, quand la déclaration de guerre fut votée par le Congrès américain en avril 1917, Bill Haywood, secrétaire général et trésorier des IWW, devint fermement persuadé que l’organisation devait adopter un profil bas, afin d’éviter les menaces perceptibles contre son existence. Elle cessa toute activité anti-guerre, comme l’impression d’affichettes et de documents opposés à la guerre. La propagande contre la guerre ne fit plus partie de la politique officielle du syndicat. Après bien des débats au Directoire Général des IWW, Haywood prônant le profil bas, tandis que Frank Little soutenait la poursuite de l’agitation, Ralph Chaplin trouva un compromis. La déclaration qui en résulta dénonçait la guerre, mais les membres des IWW étaient invités à exprimer leur opposition en utilisant les procédures légales de la conscription. On les conseillait de se faire enregistrer, en indiquant leur demande d’exemption par « IWW, opposé à la guerre ».

Bien que les IWW ait modéré son opposition verbale, la presse traditionnelle et le gouvernement américain réussirent à dresser l’opinion publique contre elle. Frank Little, l’opposant de l’IWW le plus virulent à la guerre, fut lynché à Butte dans le Montana en août 1917, juste quatre mois après la déclaration de guerre.

Le gouvernement saisit l’occasion de la Première Guerre mondiale pour briser l’IWW. En septembre 1917, des agents du département de la justice menèrent des opérations simultanées contre quarante-huit locaux de réunion de l’IWW à travers tout le pays. En 1917, cent soixante-cinq dirigeants du syndicat furent arrêtés pour conspiration visant à entraver la conscription, à encourager la désertion, et intimider les autres dans les cas de conflits du travail, conformément à l’Espionage Act ; cent un passèrent en jugement devant le juge Kenesaw Mountain Landis en 1918. Ils furent tous reconnus coupables-—même ceux qui n’appartenaient plus au syndicat depuis des années—-et reçurent des peines de prison allant jusqu’à vingt ans. Condamné à de la prison, mais laissé en liberté provisoire sous caution, Haywood s’enfuit en Union_soviétique, où il séjourna jusqu’à sa mort.

Dans son livre "The Land That Time Forgot" (traduction du titre : La terre que le temps oublia), publié en 1918, Edgar Rice Burroughs présentait un membre des IWW comme un traître et un vaurien particulièrement méprisable. Cette vague de dénigrement poussa, en de nombreux endroits, des groupes d’auto-défense à attaquer les IWW. À Centralia le 11 novembre 1919, Wesley Everest, membre du syndicat et ancien combattant, fut remis à la foule par les gardiens de la prison. Il eut, tout d’abord, les dents cassées avec une crosse de fusil, puis fut castré et lynché trois fois en trois endroits différents, et enfin son corps fut criblé de balles, avant d’être enterré dans une tombe anonyme16. Le rapport officiel du médecin légiste attribua le décès à un « suicide ».

Après la guerre, la répression continua. Des membres des IWW furent poursuivis pour infraction à différentes lois fédérales et gouvernementales, et les Palmer Raids de 1920 sélectionnaient les membres de l’organisation qui étaient nés à l’étranger. Au milieu des années 1920, le nombre d’adhésions avait déjà décliné en raison de la répression gouvernementale, déclin qui s’accrut encore de façon substantielle lors du schisme de 1924, causé par des querelles au sein de l’organisation, lorsque le syndicat se divisa entre les "Occidentaux" et les "Orientaux" à propos d’un certain nombre de questions, comme le rôle de l’administration générale (souvent présenté de façon simplificatrice comme une lutte entre les "centralisateurs" et "décentralisateurs") et les tentatives du Parti communiste de contrôler l’organisation par le noyautage.