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Lénine faisait clairement une dissymétrie entre le côté de l’oppresseur le côté de l’opprimé. Les socialistes d'un pays oppresseur (par exemple la Russie) doivent surtout défendre le droit au séparatisme des peuples opprimés. Mais il considérait aussi que les socialistes d'un pays opprimé (comme la Pologne) devaient développer la conscience de classe et l'internationalisme au sein de leur mouvement de libération nationale.
 
Lénine faisait clairement une dissymétrie entre le côté de l’oppresseur le côté de l’opprimé. Les socialistes d'un pays oppresseur (par exemple la Russie) doivent surtout défendre le droit au séparatisme des peuples opprimés. Mais il considérait aussi que les socialistes d'un pays opprimé (comme la Pologne) devaient développer la conscience de classe et l'internationalisme au sein de leur mouvement de libération nationale.
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En octobre 1913, une résolution du [[POSDR|POSDR]] réaffirmait le droit d'autodétermination. En 1916, [[Lénine|Lénine]] argumentait résolument pour le "[[Droit_des_peuples_à_disposer_d'eux-mêmes|droit des nations à disposer d'elles-mêmes]]"<ref>Lénine, [http://www.marxists.org/francais/lenin/works/1916/01/19160100.htm La révolution socialiste et le droit des nations à disposer d'elles-mêmes], 1916</ref>. [[Trotski|Trotski]] dira plus tard&nbsp;: ''«&nbsp;la politique nationale de Lénine entrera pour toujours dans le solide matériel de l’humanité.&nbsp;»<ref>Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr40.htm Histoire de la révolution russe - 40. La question nationale]'', 1932</ref>''
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En octobre 1913, une résolution du [[POSDR|POSDR]] réaffirmait le droit d'autodétermination. En 1916, [[Lénine|Lénine]] argumentait résolument pour le "[[Droit_des_peuples_à_disposer_d'eux-mêmes|droit des nations à disposer d'elles-mêmes]]"<ref>Lénine, [http://www.marxists.org/francais/lenin/works/1916/01/19160100.htm La révolution socialiste et le droit des nations à disposer d'elles-mêmes], 1916</ref>. [[Trotski|Trotski]] dira plus tard&nbsp;: ''«&nbsp;la politique nationale de Lénine entrera pour toujours dans le solide matériel de l’humanité.&nbsp;»<ref name="HRR40">Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr40.htm Histoire de la révolution russe - 40. La question nationale]'', 1932</ref>''
    
En 1914, les Russes représentaient environ 65 millions d'individus pour 125 millions d'habitants de l'Empire de Russie. Plus de la moitié des soldats mobilisés étaient étaient issus de minorités nationales. ''«&nbsp;Les antagonismes nationaux se conjuguaient et s'intercalaient, sur divers plans, avec les antagonismes de classes.&nbsp;»<ref>Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr19.htm Histoire de la révolution russe - 19. L'offensive]'', 1930</ref>''
 
En 1914, les Russes représentaient environ 65 millions d'individus pour 125 millions d'habitants de l'Empire de Russie. Plus de la moitié des soldats mobilisés étaient étaient issus de minorités nationales. ''«&nbsp;Les antagonismes nationaux se conjuguaient et s'intercalaient, sur divers plans, avec les antagonismes de classes.&nbsp;»<ref>Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr19.htm Histoire de la révolution russe - 19. L'offensive]'', 1930</ref>''
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=== Ukraine ===
 
=== Ukraine ===
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L'Ukraine était un des greniers à blé de la Russie, et à ce titre les bourgeois mais aussi les révolutionnaires russes craignaient l'impact d'une séparation. En avril 1917, [[Lénine|Lénine]] disait&nbsp;: ''«&nbsp;Si les Ukrainiens voient que nous avons une république des soviets, ils ne se sépareront pas&nbsp;; mais si nous avons une république de Milioukov, ils se sépareront.&nbsp;»''
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L'Ukraine était importante pour la Russie, pour son blé, pour le charbon du Donetz et le minerai de Krivol-Rog. A ce titre les bourgeois trouvaient beaucoup plus intolérables les vélléités d'indépendance de l'Ukraine que celle de la Finlande par exemple. Mais les révolutionnaires aussi russes craignaient l'impact d'une séparation. En avril 1917, [[Lénine|Lénine]] disait&nbsp;: ''«&nbsp;Si les Ukrainiens voient que nous avons une république des soviets, ils ne se sépareront pas&nbsp;; mais si nous avons une république de Milioukov, ils se sépareront.&nbsp;»''
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En Ukraine, la ''Rada'' (conseil) de Kiev confie dès 1917 au ''«&nbsp;socialiste&nbsp;»'' et nationaliste [[Simon_Petlioura|Simon Petlioura]] la constitution d'une armée nationale, et rompt avec Moscou après la révolution d'Octobre.<ref>Ivan V Majstrenko, Borotʹbism. A chapter in the history of Ukrainian Communism, Soviet and post-Soviet politics and society, Vol. 61, Stuttgart Ibidem-Verl. 2007)</ref>
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La ''Rada'' (conseil) de Kiev confie dès 1917 au ''«&nbsp;socialiste&nbsp;»'' et nationaliste [[Simon_Petlioura|Petlioura]] la constitution d'une armée nationale. Celui-ci organise un congrès des troupes de l'Ukraine, que Kerenski tente d'interdire en juin. Devant la détermination des Ukrainiens, Kérensky légalisa le congrès avec retard, en envoyant un télégramme pompeux que les congressistes écoutèrent avec des rires peu respectueux. On établit une convention le 3 juillet. Mais après l'écrasement des journées de juillet, Kerenski tente de revenir dessus. Le 5 août, la Rada, par une majorité écrasante, dénonce le gouvernement provisoire, ''«&nbsp;pénétré des tendances impérialistes de la bourgeoisie russe&nbsp;»''. Le ton monte entre le leader ukrainien Vinnitchenko et Kerenski, pourtant très proches sur le plan politique.
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En Ukraine, un mouvement paysan de masse a été structuré par l'anarchiste [[Makhno|Makhno]] en une armée insurrectionnelle, la ''«&nbsp;[[Makhnovchina|Makhnovchina]]&nbsp;»''. Celle-ci a tenu tête pendant trois ans à la fois aux Austro-Allemands, aux Blancs de [[Anton_Dénikine|Denikine]] et [[Piotr_Nikolaïevitch_Wrangel|Wrangel]], à l'armée de la [[République_populaire_ukrainienne|République populaire ukrainienne]] dirigée par [[Simon_Petlioura|Petlioura]] et à l'Armée rouge.
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En Ukraine, très rurale, le parti bolchevik restait, en quantité comme en qualité, faible, se détachait lentement des mencheviks. Même dans l’Ukraine orientale, industrielle, la conférence régionale des soviets, au milieu d’octobre, donnait encore une petite majorité aux <span class="mw-redirect">conciliateurs</span>. En ville, le propriétaire terrien, le capitaliste, l’avocat, le journaliste sont grand-russien, polonais, juif... à la campagne presque tout le monde est ukrainien.
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[[Rosa_Luxemburg|Luxemburg]] remarquait que le nationalisme ukrainien n'était avant 1917 que ''«&nbsp;l'amusement&nbsp;»'' d’une poignée d’intellectuels petits-bourgeois, et reprochait aux bolchéviks de l'avoir attisé par leurs mots d'ordre. [[Trotsky|Trotsky]] répondait : ''« La paysannerie de l’Ukraine n’avait pas formulé dans le passé de revendications nationales pour cette raison qu’en général elle ne s’était pas élevée jusqu’à la politique. (...) L’éveil politique de la paysannerie ne pouvait cependant avoir lieu autrement qu’avec le retour au langage natal et toutes les conséquences qui en découlaient, par rapport à l’école, aux tribunaux, aux administrations autonomes. S’opposer à cela, c’eût été une tentative pour faire rentrer la paysannerie dans le néant.&nbsp;»''
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[[Simon_Petlioura|Petlioura]] rompt avec le nouveau pouvoir après la [[révolution_d'Octobre|révolution d'Octobre]].<ref>Ivan V Majstrenko, Borotʹbism. A chapter in the history of Ukrainian Communism, Soviet and post-Soviet politics and society, Vol. 61, Stuttgart Ibidem-Verl. 2007)</ref>
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Après Octobre, un mouvement paysan de masse a été structuré par l'anarchiste [[Makhno|Makhno]] en une armée insurrectionnelle, la ''«&nbsp;[[Makhnovchina|Makhnovchina]]&nbsp;»''. Celle-ci a tenu tête pendant trois ans à la fois aux Austro-Allemands, aux Blancs de [[Anton_Dénikine|Denikine]] et [[Piotr_Nikolaïevitch_Wrangel|Wrangel]], à l'armée de la [[République_populaire_ukrainienne|République populaire ukrainienne]] dirigée par [[Simon_Petlioura|Petlioura]] et à l'[[Armée_rouge|Armée rouge]].
    
Devant la Conférence du PC ukrainien en 1923, [[Trotsky|Trotsky]] reconnaissait que la question n'avait pas été résolue, mais il disait&nbsp;:
 
Devant la Conférence du PC ukrainien en 1923, [[Trotsky|Trotsky]] reconnaissait que la question n'avait pas été résolue, mais il disait&nbsp;:
 
<blockquote>''«&nbsp;Mais si le paysan ukrainien se voit et sent que le Parti Communiste et le pouvoir des Soviets l'abordent avec bonne volonté, le comprennent et lui disent&nbsp;: «Nous te donnons tout ce que nous pouvons te donner, nous voulons t'aider à monter, nous voulons t'aider à accéder dans ta propre langue maternelle aux bienfaits de la culture. Toutes les administrations de l'Etat, la Poste et les Chemins de Fer doivent parler la langue, parce tu es chez toi, dans ton Etat» — le paysan comprendra. &nbsp;»<ref>Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1923/04/lt19230420.htm Discours prononcé devant la Conférence du PC ukrainien]'', 5 avril 1923</ref>''</blockquote>  
 
<blockquote>''«&nbsp;Mais si le paysan ukrainien se voit et sent que le Parti Communiste et le pouvoir des Soviets l'abordent avec bonne volonté, le comprennent et lui disent&nbsp;: «Nous te donnons tout ce que nous pouvons te donner, nous voulons t'aider à monter, nous voulons t'aider à accéder dans ta propre langue maternelle aux bienfaits de la culture. Toutes les administrations de l'Etat, la Poste et les Chemins de Fer doivent parler la langue, parce tu es chez toi, dans ton Etat» — le paysan comprendra. &nbsp;»<ref>Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1923/04/lt19230420.htm Discours prononcé devant la Conférence du PC ukrainien]'', 5 avril 1923</ref>''</blockquote>  
=== Géorgie et Arménie ===
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=== Russie blanche (Biélorussie) ===
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Lors de la [[Conférence_d'Etat_de_Moscou_(1917)|Conférence d'Etat de Moscou]] (août&nbsp; 1917), le [[Menchévik|menchévik]] géorgien [[Akaki_Tchenkéli|Tchkenkeli]] déclara&nbsp;: ''«&nbsp;Jusqu'à présent, les nationalités de la Transcaucasie n'ont fait aucune manifestation séparatiste et elles n'en feront pas ultérieurement.&nbsp;»'' Cet engagement fut couvert d'applaudissements des [[Réactionnaires|réactionnaires]] et des [[Conciliateurs|conciliateurs]]... Mais à partir de [[Révolution_d'octobre|l'insurrection d'octobre]], Tchkenkeli sera un des leaders du [[Séparatisme|séparatisme]].
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En Russie Blanche, les propriétaires terriens étaient polonais, et le fonctionnariat était russe. Une population juive était importante dans les villes. L’influence du front proche aggrava le fardeau sur la paysannerie biélorusse, mais permit aussi de la gagner à l'influence bolchévique. Aux élections pour l’Assemblée constituante, la masse écrasante des paysans de la Russie Blanche votera pour les bolcheviks.
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Aux élections de la Constituante, la Géorgie s'est donnée une majorité [[Menchevik|menchevique]] qui proclame l'indépendance et constitue un gouvernement internationalement reconnu, y compris par Moscou en 1920&nbsp;: c'est la République démocratique de Géorgie, dirigée par [[Noé_Jordania|Noé Jordania]].
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=== Pays baltes (Lettonie, Lituanie et Estonie) ===
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En 1920-1922, l'[[Armée_rouge|Armée rouge]] envahit l'Arménie et la Géorgie et réintègre ces pays dans l'orbite russo-soviétique.
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En Estonie et Lettonie, les villages ruraux étaient depuis longtemps opposés aux villes où vivaient la bourgeoisie allemande, russe et juive. Cette lutte séculaire poussa, au début de la guerre, bien des milliers de travailleurs lettons et estoniens à s’engager volontairement dans l’armée. Les régiments de chasseurs composés de journaliers et de paysans lettons comptaient parmi les meilleurs sur le front. Cependant, en mai, ils se prononçaient déjà pour le pouvoir des soviets.
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Fin 1921, la direction du PC russe, notamment Staline et [[Ordjonikidzé|Ordjonikidzé]] (eux-mêmes d'origine géorgienne) voulurent imposer l'intégration de la Géorgie, de l'Arménie et de l’Azerbaïdjan dans la Russie, certes avec une autonomie partielle. Les communistes géorgiens défendaient l’indépendance de leur parti et de leur État dans le cadre du système soviétique. Ordjonikidzé, s’employa à briser autoritairement les tendances nationalistes. Lénine poussa à la suppression du paragraphe relatif à l’adhésion à la fédération de Russie, et à la reconnaissance de l’égalité entre républiques.<ref>OCML-VP, [http://www.vp-partisan.org/article496.html Les derniers combats de Lénine], 1994</ref> Le gouvernement de Russie ne pouvait pas être celui de l’union. Lénine souhaitait une union de républiques libres. II pensait que l’[[Internationalisme|internationalisme]] ne devait pas être sacrifié au [[Centralisme|centralisme]]. Apprenant par la suite les brutalités commises par Ordjonokidzé à l’encontre de communistes géorgiens, Lénine fut indigné. Le 6 mars 1923, il fait porter à [[Trotski|Trotski]] ses notes sur le dossier géorgien, et le charge d'aborder cette question en son nom devant le Comité central&nbsp;; il envoie également aux Géorgiens une note dans laquelle il leur annonce son soutien.
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La Lettonie a fini par voter à 72&nbsp;% pour les bolcheviks. Les Lettons sont nombreux dans les Gardes rouges qui prennent le Palais d'Hiver, ou encore dans l'Armée rouge et la [[Tchéka|Tchéka]]. Pourtant, les [[Pays_baltes|pays baltes]] échappent au régime soviétique au cours de la guerre<ref>Marc Ferro, ''Les tabous de l'Histoire'', 2005.</ref>.
 
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=== Lettonie ===
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La [[Lettonie|Lettonie]] a au contraire voté à 72&nbsp;% pour les bolcheviks. Les Lettons sont nombreux dans les Gardes rouges qui prennent le Palais d'Hiver, ou encore dans l'Armée rouge et la Tchéka. Pourtant, les [[Pays_baltes|pays baltes]] échappent au régime soviétique au cours de la guerre<ref>Marc Ferro, ''Les tabous de l'Histoire'', 2005.</ref>.
      
=== Juifs ===
 
=== Juifs ===
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Il existait d'importantes minorités allemandes dans certaines régions (Allemands de la Volga, notamment) de l'Empire. Le déclenchement de la Guerre de 1914 contre l'Allemagne a déclenché une vague d'hostilité à leur encontre.
 
Il existait d'importantes minorités allemandes dans certaines régions (Allemands de la Volga, notamment) de l'Empire. Le déclenchement de la Guerre de 1914 contre l'Allemagne a déclenché une vague d'hostilité à leur encontre.
 
<blockquote>''«&nbsp;Partout l'on cherchait à qui s'en prendre. On accusait d'espionnage, sans exception, tous les Juifs. On mettait à sac les gens dont le nom de famille était allemand. Le G. Q. G. du grand-duc Nicolas Nicolaïévitch ordonna de fusiller le colonel de gendarmerie Miassoïédov, comme espion allemand — qu'il n'était probablement pas. &nbsp;»<ref>Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr02.htm Histoire de la révolution russe]'', 1930</ref>''</blockquote>  
 
<blockquote>''«&nbsp;Partout l'on cherchait à qui s'en prendre. On accusait d'espionnage, sans exception, tous les Juifs. On mettait à sac les gens dont le nom de famille était allemand. Le G. Q. G. du grand-duc Nicolas Nicolaïévitch ordonna de fusiller le colonel de gendarmerie Miassoïédov, comme espion allemand — qu'il n'était probablement pas. &nbsp;»<ref>Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr02.htm Histoire de la révolution russe]'', 1930</ref>''</blockquote>  
Par ailleurs, étant donnée l'histoire des influences allemandes, ''«&nbsp;les états-majors et la Douma accusaient de germanophilie la Cour impériale&nbsp;»''. C'est d'ailleurs par [[Nationalisme|nationalisme]] que [[Saint-Petersbourg|Saint-Petersbourg]], nom allemand, fut renommée en Petrograd dès le début de la guerre.
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Par ailleurs, étant donnée l'histoire des influences allemandes, ''«&nbsp;les états-majors et la Douma accusaient de germanophilie la Cour impériale&nbsp;»''. C'est d'ailleurs par [[Nationalisme|nationalisme]] que [[Saint-Petersbourg|Saint-Petersbourg]], nom allemand, fut renommée en Petrograd dès le début de la guerre. En mai 1915, la foule saccage des maisons allemandes à Moscou.
 
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En mai 1915, la foule saccage des maisons allemandes à Moscou.
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=== Cosaques ===
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Les [[Cosaques|Cosaques]], qui ont constitué d'emblée le fer de lance de l'antibolchevisme, sont déportés en bloc, leurs privilèges supprimés.
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=== Tatars ===
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Le militant tatar [[Mirsäyet_Soltanğäliev|Mirsäyet Soltanğäliev]] (Sultan-Galiev) rejoint les [[Bolchéviks|bolchéviks]] en novembre 1917.
      
=== Turkestan (Ouzbékistan, Kazakhstan) ===
 
=== Turkestan (Ouzbékistan, Kazakhstan) ===
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Le 14 octobre, le Politburo se réunit à nouveau. Il démet et Safarov et Tomski de leurs fonctions et ordonne la réorganisation de la Turkkommissia et du Bureau du Parti au Turkestan (Turkburo) sous la supervision de [[Grigori_Sokolnikov|Sokolnikov]]. Fin décembre, Lénine envoie à ce dernier, «&nbsp;sous ''secret''&nbsp;» un message. Continuant de penser que «&nbsp;Safarov a raison (''tout au moins en partie'')&nbsp;», il prie Sokolnikov «&nbsp;de mener une enquête ''objective'' pour ne pas laisser la zizanie, le grabuge et la vindicte gâcher le travail au Turkestan&nbsp;». Lénine vient alors de recevoir une lettre de Safarov qui lui a signifié son désir de se retirer de tout poste de responsabilité dans la politique soviétique en Orient. Il lui répond sans ménagement, mais néanmoins en signe de soutien&nbsp;: «&nbsp;Ne vous énervez pas c’est inadmissible et honteux, vous n’êtes pas une demoiselle de 14 ans. […] Il faut continuer à travailler, sans partir où que ce soit. Savoir réunir avec diligence et calme les documents contre les auteurs de cette affaire inepte.&nbsp;» <ref>Lénine, « À G. I. Safarov » (1921), in Oeuvres, tome 45, p. 417.</ref> Safarov n’obtiendra pas gain de cause, malgré l'appui de Lénine, qui n'était pas tout-puissant au sein des différentes instances du pouvoir soviétique.
 
Le 14 octobre, le Politburo se réunit à nouveau. Il démet et Safarov et Tomski de leurs fonctions et ordonne la réorganisation de la Turkkommissia et du Bureau du Parti au Turkestan (Turkburo) sous la supervision de [[Grigori_Sokolnikov|Sokolnikov]]. Fin décembre, Lénine envoie à ce dernier, «&nbsp;sous ''secret''&nbsp;» un message. Continuant de penser que «&nbsp;Safarov a raison (''tout au moins en partie'')&nbsp;», il prie Sokolnikov «&nbsp;de mener une enquête ''objective'' pour ne pas laisser la zizanie, le grabuge et la vindicte gâcher le travail au Turkestan&nbsp;». Lénine vient alors de recevoir une lettre de Safarov qui lui a signifié son désir de se retirer de tout poste de responsabilité dans la politique soviétique en Orient. Il lui répond sans ménagement, mais néanmoins en signe de soutien&nbsp;: «&nbsp;Ne vous énervez pas c’est inadmissible et honteux, vous n’êtes pas une demoiselle de 14 ans. […] Il faut continuer à travailler, sans partir où que ce soit. Savoir réunir avec diligence et calme les documents contre les auteurs de cette affaire inepte.&nbsp;» <ref>Lénine, « À G. I. Safarov » (1921), in Oeuvres, tome 45, p. 417.</ref> Safarov n’obtiendra pas gain de cause, malgré l'appui de Lénine, qui n'était pas tout-puissant au sein des différentes instances du pouvoir soviétique.
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=== Azerbaïdjan ===
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=== Caucase (Géorgie, Arménie, Azerbaïdjan, Tchétchénie, Daghestan) ===
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L’Azerbaïdjan était encore plus sous-développé que la Russie mais avec une concentration ouvrière très forte du fait du pétrole. C’est un exemple extrême de développement inégal et combiné.<ref>Ronald Suny, ''The Baku Commune, 1917-1918: Class and Nationality in the Russian Revolution'' (Studies of the Harriman Institute, Columbia University), 1972</ref>
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Dans les villes de la Géorgie prédominait la population russe et arménienne.
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L'organisation Azerbaidjani Hummet, musulmane mais évoluant vers le socialisme, fut la seule à être reconnue par les bolcheviks comme un véritable parti socialiste. Elle devint plus tard le noyau du PC de l’Azerbaïdjan.
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Lors de la [[Conférence_d'Etat_de_Moscou_(1917)|Conférence d'Etat de Moscou]] (août&nbsp; 1917), le [[Menchévik|menchévik]] géorgien [[Akaki_Tchenkéli|Tchkenkeli]] déclara&nbsp;: ''«&nbsp;Jusqu'à présent, les nationalités de la Transcaucasie n'ont fait aucune manifestation séparatiste et elles n'en feront pas ultérieurement.&nbsp;»'' Cet engagement fut couvert d'applaudissements des [[Réactionnaires|réactionnaires]] et des [[Conciliateurs|conciliateurs]]... Mais à partir de [[Révolution_d'octobre|l'insurrection d'octobre]], Tchkenkeli sera un des leaders du [[Séparatisme|séparatisme]].
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=== Daghestan ===
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Aux élections de la Constituante, la Géorgie s'est donnée une majorité [[Menchevik|menchevique]] qui proclame l'indépendance et constitue un gouvernement internationalement reconnu, y compris par Moscou en 1920&nbsp;: c'est la République démocratique de Géorgie, dirigée par [[Noé_Jordania|Noé Jordania]].
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Au Daghestan le pouvoir soviétique dut en grande partie son existence aux partisans du dirigeant musulman Ali Hadji Akushinskii.
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En 1920-1922, l'[[Armée_rouge|Armée rouge]] envahit l'Arménie et la Géorgie et réintègre ces pays dans l'orbite russo-soviétique.
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Fin 1921, la direction du PC russe, notamment Staline et [[Ordjonikidzé|Ordjonikidzé]] (eux-mêmes d'origine géorgienne) voulurent imposer l'intégration de la Géorgie, de l'Arménie et de l’Azerbaïdjan dans la Russie, certes avec une autonomie partielle. Les communistes géorgiens défendaient l’indépendance de leur parti et de leur État dans le cadre du système soviétique. Ordjonikidzé, s’employa à briser autoritairement les tendances nationalistes. Lénine poussa à la suppression du paragraphe relatif à l’adhésion à la fédération de Russie, et à la reconnaissance de l’égalité entre républiques.<ref>OCML-VP, [http://www.vp-partisan.org/article496.html Les derniers combats de Lénine], 1994</ref> Le gouvernement de Russie ne pouvait pas être celui de l’union. Lénine souhaitait une union de républiques libres. II pensait que l’[[Internationalisme|internationalisme]] ne devait pas être sacrifié au [[Centralisme|centralisme]]. Apprenant par la suite les brutalités commises par Ordjonokidzé à l’encontre de communistes géorgiens, Lénine fut indigné. Le 6 mars 1923, il fait porter à [[Trotski|Trotski]] ses notes sur le dossier géorgien, et le charge d'aborder cette question en son nom devant le Comité central&nbsp;; il envoie également aux Géorgiens une note dans laquelle il leur annonce son soutien.
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=== Tchétchénie ===
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L’Azerbaïdjan était encore plus sous-développé que la Russie mais avec une concentration ouvrière très forte du fait du pétrole. C’est un exemple extrême de développement inégal et combiné.<ref>Ronald Suny, ''The Baku Commune, 1917-1918: Class and Nationality in the Russian Revolution'' (Studies of the Harriman Institute, Columbia University), 1972</ref> Dans les villes prédominait la population russe et arménienne. L'organisation Azerbaidjani Hummet, musulmane mais évoluant vers le socialisme, fut la seule à être reconnue par les bolcheviks comme un véritable parti socialiste. Elle devint plus tard le noyau du PC de l’Azerbaïdjan.
    
En Tchétchénie, les bolcheviks recrutèrent [[Ali_Mataev|Ali Mataev]], dirigeant d’un puissant ordre soufi, qui présida le Comité révolutionnaire tchétchène. Dans l’Armée Rouge les «&nbsp;bataillons islamiques&nbsp;» du mollah Katkakhanov regroupaient des dizaines de milliers de soldats.
 
En Tchétchénie, les bolcheviks recrutèrent [[Ali_Mataev|Ali Mataev]], dirigeant d’un puissant ordre soufi, qui présida le Comité révolutionnaire tchétchène. Dans l’Armée Rouge les «&nbsp;bataillons islamiques&nbsp;» du mollah Katkakhanov regroupaient des dizaines de milliers de soldats.
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Au Daghestan le pouvoir soviétique dut en grande partie son existence aux partisans du dirigeant musulman Ali Hadji Akushinskii.
    
=== Bachkirie ===
 
=== Bachkirie ===
    
La Bachkirie fut un important champ de bataille lors de la [[Guerre_civile_russe|Guerre civile russe]]. Le 23 mars 1919, la Bachkirie devint la première république autonome créée au sein de la [[RSFSR|<span class="mw-redirect">RSFSR</span>]].
 
La Bachkirie fut un important champ de bataille lors de la [[Guerre_civile_russe|Guerre civile russe]]. Le 23 mars 1919, la Bachkirie devint la première république autonome créée au sein de la [[RSFSR|<span class="mw-redirect">RSFSR</span>]].
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=== Tatars et bouriates ===
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Les meilleures terres avaient été saisies, sous le régime tsariste, par des propriétaires nobles et des paysans russes cossus. Le réveil de l’esprit d’indépendance nationale signifiait ici avant tout la lutte contre les colonisateurs, qui eux défendaient avec acharnement contre ''«&nbsp;le séparatisme&nbsp;»'' des Asiatiques l’unité de la Russie. Des [[pogroms|pogroms]] contre les bouriates furent menés sous la direction de greffiers de canton et sous-officiers SR revenus du front.
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Le militant tatar [[Mirsäyet_Soltanğäliev|Mirsäyet Soltanğäliev]] (Sultan-Galiev) rejoint les [[Bolchéviks|bolchéviks]] en novembre 1917.
    
=== Mongolie ===
 
=== Mongolie ===
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En réaction, des milliers d’enfants musulmans, spécialement des filles, furent retirés des écoles soviétiques&nbsp; par leur famille et démissionnèrent des jeunesses communistes. Des femmes non voilées furent agressées dans les rues, parfois violées et des milliers d’entre elles furent tuées. De nombreux [[Vieux_bolchéviks|''Vieux bolchéviks'']] musulmans furent éliminés, et la liberté religieuse disparut.
 
En réaction, des milliers d’enfants musulmans, spécialement des filles, furent retirés des écoles soviétiques&nbsp; par leur famille et démissionnèrent des jeunesses communistes. Des femmes non voilées furent agressées dans les rues, parfois violées et des milliers d’entre elles furent tuées. De nombreux [[Vieux_bolchéviks|''Vieux bolchéviks'']] musulmans furent éliminés, et la liberté religieuse disparut.
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=== Sibériens ===
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''«&nbsp;Aux allogènes sibériens écrasés par les conditions naturelles et l’exploitation, leur état primitif, économique et culturel ne permettait pas en général de s’élever au niveau où commencent les revendications nationales. La vodka, le fisc et l’orthodoxie forcée étaient depuis des siècles les principaux leviers du pouvoir de l’État. La maladie que les Italiens appelaient la " maladie française " et que les Français appelait le " mal napolitain " se dénommait chez les peuples sibériens le " mal russe " : cela indique de quelle source venaient les semences de la civilisation. La Révolution de Février n’est pas arrivée jusque-là- Il faudra attendre longtemps encore l’aurore pour les chasseurs et les conducteur de rennes des immensités polaires.&nbsp;»<ref name="HRR40" />''
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=== Votiaks, Tchouvaches, Zyrianes ===
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''«&nbsp;Au-dessus de la masse paysanne ou pastorale se détachait des couches supérieures un léger tégument d’intellectuels. Avant de s’élever jusqu’à un programme d’administration nationale autonome, la lutte se menait autour des questions d’un alphabet que l’on voudrait avoir à soi, d’un maître à soi - parfois... d’un prêtre à soi. Ces êtres les plus opprimés devaient constater par une amère expérience que les patrons instruits de l’État ne leur permettraient pas de bon gré de s’élever. Retardataires entre tous, ils se trouvaient forcés de chercher un allié dans la classe la plus révolutionnaire. C’est ainsi que, par les éléments de gauche de leur jeune intellectualité (...) commençaient à se frayer des voies vers les bolchéviks.&nbsp;»''
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=== Cosaques ===
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Les [[Cosaques|Cosaques]], qui ne sont pas réellement une éthnie, ont majoritairement rejoint les [[armées_blanches|armées blanches]], même s'il y en eut aussi dans l'[[Armée_rouge|Armée rouge]].
    
== Considérations générales ==
 
== Considérations générales ==
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=== Les types de régions dominées ===
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Selon [[Trotsky|Trotsky]], ''«&nbsp;la Russie s’était constituée non point comme un État national, mais comme un État de nationalités, cela répondait à son caractère arriéré&nbsp;»''. Il distinguait deux groupes :
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*celui des nations [[asiatisme|asiatiques]], moins développées que la nation grand-russe
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*celui des nations plus développées, mais néanmoins dominées politiquement et militairement (Pologne, Lituanie, provinces baltes, Finlande). <ref name="HRR40" />
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=== Question nationale et question sociale ===
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Les questions nationale et sociale étaient étroitement imbriquées dans les régions dominées de l'[[Empire_russe|Empire]]. Souvent, les bourgeois et petit-bourgeois des villes étaient de peuples différents de la majorité locale et rurale. Dans les cas où ils coïncidaient avec des contradictions de classes (Lettonie notamment), les antagonismes nationaux prenaient une acuité particulière. Mais dans beaucoup de régions peu développées, les ouvriers aussi étaient des colons russes.
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''«&nbsp;Séparés de la masse essentielle du peuple non seulement par le niveau d’existence et les mœurs, mais par le langage, exactement comme les Anglais dans l’Inde ; devant la défense de leurs domaines et de leurs revenus attachés à l’appareil bureaucratique ; liés inséparablement avec les classes dominantes de tout le pays, les propriétaires nobles, les industriels et les commerçants de la périphérie groupaient autour d’eux un cercle étroit de fonctionnaires, employés, maîtres d’école, médecins, avocats, journalistes, partiellement aussi d’ouvriers, tous russes, transformant les villes en des foyers de russification et de colonisation.&nbsp;»<ref name="HRR40" />''
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Or ce milieu urbain avait une tendance à former un bloc contre les revendications des autochtones : ''«&nbsp;la ville s’entêta dans la résistance, défendant sa situation privilégiée&nbsp;»''. Ironiquement, elle le faisait souvent en condamnant le "chauvinisme". ''«&nbsp;L’effort de la nation dominante pour maintenir le statu quo est fréquemment coloré d’un supranationalisme, de même que l’effort d’un pays vainqueur pour conserver ce qu’il a pillé prend la forme du pacifisme.&nbsp;»''
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[[Trotski|Trotski]] souligne que cela touchait profondément les soviets, qui restaient essentiellement urbains.
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''«&nbsp;Sous la direction des partis conciliateurs, les soviets affectaient constamment d’ignorer les intérêts nationaux de la population autochtone. Là était une des causes de la faiblesse des soviets en Ukraine. Les soviets de Riga et de Reval oubliaient les intérêts des Lettons et des Estoniens. Le soviet conciliateur de Bakou négligeait les intérêts d’une population principalement turkmène. Sous une fausse enseigne d’internationalisme, les soviets menaient fréquemment la lutte contre la défensive nationaliste ukrainienne ou musulmane, camouflant la russification oppressive exercée par les villes. Il se passera encore bien du temps, même sous la domination des bolcheviks, avant que les soviets de la périphérie aient appris à parler dans la langue du village.&nbsp;»''
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=== Les minorités parmi les révolutionnaires ===
    
Une attaque récurrente des [[Réactionnaires|réactionnaires]] contre le camp des soviets était la proportion plus élevée que la moyenne des militants issus de minorités nationales parmi les dirigeants soviétiques. Le Comité exécutif du [[Soviet_de_Pétrograd|Soviet de Pétrograd]] fut le premier visé, pour la présence de Juifs, Géorgiens, Lettons, Polonais et autres.
 
Une attaque récurrente des [[Réactionnaires|réactionnaires]] contre le camp des soviets était la proportion plus élevée que la moyenne des militants issus de minorités nationales parmi les dirigeants soviétiques. Le Comité exécutif du [[Soviet_de_Pétrograd|Soviet de Pétrograd]] fut le premier visé, pour la présence de Juifs, Géorgiens, Lettons, Polonais et autres.

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