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En Ukraine, très rurale, le parti bolchevik restait, en quantité comme en qualité, faible, se détachait lentement des mencheviks. Même dans l’Ukraine orientale, industrielle, la conférence régionale des soviets, au milieu d’octobre, donnait encore une petite majorité aux <span class="mw-redirect">conciliateurs</span>. En ville, le propriétaire terrien, le capitaliste, l’avocat, le journaliste sont grand-russien, polonais, juif... à la campagne presque tout le monde est ukrainien.
 
En Ukraine, très rurale, le parti bolchevik restait, en quantité comme en qualité, faible, se détachait lentement des mencheviks. Même dans l’Ukraine orientale, industrielle, la conférence régionale des soviets, au milieu d’octobre, donnait encore une petite majorité aux <span class="mw-redirect">conciliateurs</span>. En ville, le propriétaire terrien, le capitaliste, l’avocat, le journaliste sont grand-russien, polonais, juif... à la campagne presque tout le monde est ukrainien.
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[[Rosa_Luxemburg|Luxemburg]] remarquait que le nationalisme ukrainien n'était avant 1917 que ''«&nbsp;l'amusement&nbsp;»'' d’une poignée d’intellectuels petits-bourgeois, et reprochait aux bolchéviks de l'avoir attisé par leurs mots d'ordre. [[Trotsky|Trotsky]] répondait : ''« La paysannerie de l’Ukraine n’avait pas formulé dans le passé de revendications nationales pour cette raison qu’en général elle ne s’était pas élevée jusqu’à la politique. (...) L’éveil politique de la paysannerie ne pouvait cependant avoir lieu autrement qu’avec le retour au langage natal et toutes les conséquences qui en découlaient, par rapport à l’école, aux tribunaux, aux administrations autonomes. S’opposer à cela, c’eût été une tentative pour faire rentrer la paysannerie dans le néant.&nbsp;»''
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[[Rosa_Luxemburg|Luxemburg]] remarquait que le nationalisme ukrainien n'était avant 1917 que ''«&nbsp;l'amusement&nbsp;»'' d’une poignée d’intellectuels petits-bourgeois, et reprochait aux bolchéviks de l'avoir attisé par leurs mots d'ordre. [[Trotsky|Trotsky]] répondait&nbsp;: ''«&nbsp;La paysannerie de l’Ukraine n’avait pas formulé dans le passé de revendications nationales pour cette raison qu’en général elle ne s’était pas élevée jusqu’à la politique. (...) L’éveil politique de la paysannerie ne pouvait cependant avoir lieu autrement qu’avec le retour au langage natal et toutes les conséquences qui en découlaient, par rapport à l’école, aux tribunaux, aux administrations autonomes. S’opposer à cela, c’eût été une tentative pour faire rentrer la paysannerie dans le néant.&nbsp;»''
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[[Simon_Petlioura|Petlioura]] rompt avec le nouveau pouvoir après la [[révolution_d'Octobre|révolution d'Octobre]].<ref>Ivan V Majstrenko, Borotʹbism. A chapter in the history of Ukrainian Communism, Soviet and post-Soviet politics and society, Vol. 61, Stuttgart Ibidem-Verl. 2007)</ref>
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[[Simon_Petlioura|Petlioura]] rompt avec le nouveau pouvoir après la [[Révolution_d'Octobre|révolution d'Octobre]].<ref>Ivan V Majstrenko, Borotʹbism. A chapter in the history of Ukrainian Communism, Soviet and post-Soviet politics and society, Vol. 61, Stuttgart Ibidem-Verl. 2007)</ref>
    
Après Octobre, un mouvement paysan de masse a été structuré par l'anarchiste [[Makhno|Makhno]] en une armée insurrectionnelle, la ''«&nbsp;[[Makhnovchina|Makhnovchina]]&nbsp;»''. Celle-ci a tenu tête pendant trois ans à la fois aux Austro-Allemands, aux Blancs de [[Anton_Dénikine|Denikine]] et [[Piotr_Nikolaïevitch_Wrangel|Wrangel]], à l'armée de la [[République_populaire_ukrainienne|République populaire ukrainienne]] dirigée par [[Simon_Petlioura|Petlioura]] et à l'[[Armée_rouge|Armée rouge]].
 
Après Octobre, un mouvement paysan de masse a été structuré par l'anarchiste [[Makhno|Makhno]] en une armée insurrectionnelle, la ''«&nbsp;[[Makhnovchina|Makhnovchina]]&nbsp;»''. Celle-ci a tenu tête pendant trois ans à la fois aux Austro-Allemands, aux Blancs de [[Anton_Dénikine|Denikine]] et [[Piotr_Nikolaïevitch_Wrangel|Wrangel]], à l'armée de la [[République_populaire_ukrainienne|République populaire ukrainienne]] dirigée par [[Simon_Petlioura|Petlioura]] et à l'[[Armée_rouge|Armée rouge]].
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En Estonie et Lettonie, les villages ruraux étaient depuis longtemps opposés aux villes où vivaient la bourgeoisie allemande, russe et juive. Cette lutte séculaire poussa, au début de la guerre, bien des milliers de travailleurs lettons et estoniens à s’engager volontairement dans l’armée. Les régiments de chasseurs composés de journaliers et de paysans lettons comptaient parmi les meilleurs sur le front. Cependant, en mai, ils se prononçaient déjà pour le pouvoir des soviets.
 
En Estonie et Lettonie, les villages ruraux étaient depuis longtemps opposés aux villes où vivaient la bourgeoisie allemande, russe et juive. Cette lutte séculaire poussa, au début de la guerre, bien des milliers de travailleurs lettons et estoniens à s’engager volontairement dans l’armée. Les régiments de chasseurs composés de journaliers et de paysans lettons comptaient parmi les meilleurs sur le front. Cependant, en mai, ils se prononçaient déjà pour le pouvoir des soviets.
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Avec l'avancée allemande (Riga tombe le 3 septembre), des milliers de soldats et d'usines avec leurs ouvriers furent évacués des provinces baltes. Ils contribuèrent énormément à diffuser l'était d'esprit révolutionnaire : ''«&nbsp;Les bolcheviks lettons, arrachés au sol natal et entièrement placés dès lors sur le terrain de la révolution, convaincus, opiniâtres, résolus, menaient de jour en jour un travail de sape dans toutes les parties du pays. Des faces aux traits durs, un accent rauque et, en russe, des phrases souvent incorrectes donnaient une impression particulière à leurs indomptables appels pour l'insurrection.&nbsp;»''
    
La Lettonie a fini par voter à 72&nbsp;% pour les bolcheviks. Les Lettons sont nombreux dans les Gardes rouges qui prennent le Palais d'Hiver, ou encore dans l'Armée rouge et la [[Tchéka|Tchéka]]. Pourtant, les [[Pays_baltes|pays baltes]] échappent au régime soviétique au cours de la guerre<ref>Marc Ferro, ''Les tabous de l'Histoire'', 2005.</ref>.
 
La Lettonie a fini par voter à 72&nbsp;% pour les bolcheviks. Les Lettons sont nombreux dans les Gardes rouges qui prennent le Palais d'Hiver, ou encore dans l'Armée rouge et la [[Tchéka|Tchéka]]. Pourtant, les [[Pays_baltes|pays baltes]] échappent au régime soviétique au cours de la guerre<ref>Marc Ferro, ''Les tabous de l'Histoire'', 2005.</ref>.
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=== Tatars et bouriates ===
 
=== Tatars et bouriates ===
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Les meilleures terres avaient été saisies, sous le régime tsariste, par des propriétaires nobles et des paysans russes cossus. Le réveil de l’esprit d’indépendance nationale signifiait ici avant tout la lutte contre les colonisateurs, qui eux défendaient avec acharnement contre ''«&nbsp;le séparatisme&nbsp;»'' des Asiatiques l’unité de la Russie. Des [[pogroms|pogroms]] contre les bouriates furent menés sous la direction de greffiers de canton et sous-officiers SR revenus du front.
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Les meilleures terres avaient été saisies, sous le régime tsariste, par des propriétaires nobles et des paysans russes cossus. Le réveil de l’esprit d’indépendance nationale signifiait ici avant tout la lutte contre les colonisateurs, qui eux défendaient avec acharnement contre ''«&nbsp;le séparatisme&nbsp;»'' des Asiatiques l’unité de la Russie. Des [[Pogroms|pogroms]] contre les bouriates furent menés sous la direction de greffiers de canton et sous-officiers SR revenus du front.
    
Le militant tatar [[Mirsäyet_Soltanğäliev|Mirsäyet Soltanğäliev]] (Sultan-Galiev) rejoint les [[Bolchéviks|bolchéviks]] en novembre 1917.
 
Le militant tatar [[Mirsäyet_Soltanğäliev|Mirsäyet Soltanğäliev]] (Sultan-Galiev) rejoint les [[Bolchéviks|bolchéviks]] en novembre 1917.
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=== Sibériens ===
 
=== Sibériens ===
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''«&nbsp;Aux allogènes sibériens écrasés par les conditions naturelles et l’exploitation, leur état primitif, économique et culturel ne permettait pas en général de s’élever au niveau où commencent les revendications nationales. La vodka, le fisc et l’orthodoxie forcée étaient depuis des siècles les principaux leviers du pouvoir de l’État. La maladie que les Italiens appelaient la " maladie française " et que les Français appelait le " mal napolitain " se dénommait chez les peuples sibériens le " mal russe " : cela indique de quelle source venaient les semences de la civilisation. La Révolution de Février n’est pas arrivée jusque-là- Il faudra attendre longtemps encore l’aurore pour les chasseurs et les conducteur de rennes des immensités polaires.&nbsp;»<ref name="HRR40" />''
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''«&nbsp;Aux allogènes sibériens écrasés par les conditions naturelles et l’exploitation, leur état primitif, économique et culturel ne permettait pas en général de s’élever au niveau où commencent les revendications nationales. La vodka, le fisc et l’orthodoxie forcée étaient depuis des siècles les principaux leviers du pouvoir de l’État. La maladie que les Italiens appelaient la " maladie française " et que les Français appelait le " mal napolitain " se dénommait chez les peuples sibériens le " mal russe "&nbsp;: cela indique de quelle source venaient les semences de la civilisation. La Révolution de Février n’est pas arrivée jusque-là- Il faudra attendre longtemps encore l’aurore pour les chasseurs et les conducteur de rennes des immensités polaires.&nbsp;»<ref name="HRR40" />''
    
=== Votiaks, Tchouvaches, Zyrianes ===
 
=== Votiaks, Tchouvaches, Zyrianes ===
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=== Cosaques ===
 
=== Cosaques ===
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Les [[Cosaques|Cosaques]], qui ne sont pas réellement une éthnie, ont majoritairement rejoint les [[armées_blanches|armées blanches]], même s'il y en eut aussi dans l'[[Armée_rouge|Armée rouge]].
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Les [[Cosaques|Cosaques]], qui ne sont pas réellement une éthnie, ont majoritairement rejoint les [[Armées_blanches|armées blanches]], même s'il y en eut aussi dans l'[[Armée_rouge|Armée rouge]].
    
== Considérations générales ==
 
== Considérations générales ==
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=== Les types de régions dominées ===
 
=== Les types de régions dominées ===
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Selon [[Trotsky|Trotsky]], ''«&nbsp;la Russie s’était constituée non point comme un État national, mais comme un État de nationalités, cela répondait à son caractère arriéré&nbsp;»''. Il distinguait deux groupes :
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Selon [[Trotsky|Trotsky]], ''«&nbsp;la Russie s’était constituée non point comme un État national, mais comme un État de nationalités, cela répondait à son caractère arriéré&nbsp;»''. Il distinguait deux groupes&nbsp;:
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*celui des nations [[asiatisme|asiatiques]], moins développées que la nation grand-russe  
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*celui des nations [[Asiatisme|asiatiques]], moins développées que la nation grand-russe  
 
*celui des nations plus développées, mais néanmoins dominées politiquement et militairement (Pologne, Lituanie, provinces baltes, Finlande). <ref name="HRR40" />  
 
*celui des nations plus développées, mais néanmoins dominées politiquement et militairement (Pologne, Lituanie, provinces baltes, Finlande). <ref name="HRR40" />  
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Les questions nationale et sociale étaient étroitement imbriquées dans les régions dominées de l'[[Empire_russe|Empire]]. Souvent, les bourgeois et petit-bourgeois des villes étaient de peuples différents de la majorité locale et rurale. Dans les cas où ils coïncidaient avec des contradictions de classes (Lettonie notamment), les antagonismes nationaux prenaient une acuité particulière. Mais dans beaucoup de régions peu développées, les ouvriers aussi étaient des colons russes.
 
Les questions nationale et sociale étaient étroitement imbriquées dans les régions dominées de l'[[Empire_russe|Empire]]. Souvent, les bourgeois et petit-bourgeois des villes étaient de peuples différents de la majorité locale et rurale. Dans les cas où ils coïncidaient avec des contradictions de classes (Lettonie notamment), les antagonismes nationaux prenaient une acuité particulière. Mais dans beaucoup de régions peu développées, les ouvriers aussi étaient des colons russes.
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<blockquote>''«&nbsp;Séparés de la masse essentielle du peuple non seulement par le niveau d’existence et les mœurs, mais par le langage, exactement comme les Anglais dans l’Inde&nbsp;; devant la défense de leurs domaines et de leurs revenus attachés à l’appareil bureaucratique&nbsp;; liés inséparablement avec les classes dominantes de tout le pays, les propriétaires nobles, les industriels et les commerçants de la périphérie groupaient autour d’eux un cercle étroit de fonctionnaires, employés, maîtres d’école, médecins, avocats, journalistes, partiellement aussi d’ouvriers, tous russes, transformant les villes en des foyers de russification et de colonisation.&nbsp;»<ref name="HRR40" />''</blockquote>  
''«&nbsp;Séparés de la masse essentielle du peuple non seulement par le niveau d’existence et les mœurs, mais par le langage, exactement comme les Anglais dans l’Inde ; devant la défense de leurs domaines et de leurs revenus attachés à l’appareil bureaucratique ; liés inséparablement avec les classes dominantes de tout le pays, les propriétaires nobles, les industriels et les commerçants de la périphérie groupaient autour d’eux un cercle étroit de fonctionnaires, employés, maîtres d’école, médecins, avocats, journalistes, partiellement aussi d’ouvriers, tous russes, transformant les villes en des foyers de russification et de colonisation.&nbsp;»<ref name="HRR40" />''
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Or ce milieu urbain avait une tendance à former un bloc contre les revendications des autochtones&nbsp;: ''«&nbsp;la ville s’entêta dans la résistance, défendant sa situation privilégiée&nbsp;»''. Ironiquement, elle le faisait souvent en condamnant le "chauvinisme". ''«&nbsp;L’effort de la nation dominante pour maintenir le statu quo est fréquemment coloré d’un supranationalisme, de même que l’effort d’un pays vainqueur pour conserver ce qu’il a pillé prend la forme du pacifisme.&nbsp;»''
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Or ce milieu urbain avait une tendance à former un bloc contre les revendications des autochtones : ''«&nbsp;la ville s’entêta dans la résistance, défendant sa situation privilégiée&nbsp;»''. Ironiquement, elle le faisait souvent en condamnant le "chauvinisme". ''«&nbsp;L’effort de la nation dominante pour maintenir le statu quo est fréquemment coloré d’un supranationalisme, de même que l’effort d’un pays vainqueur pour conserver ce qu’il a pillé prend la forme du pacifisme.&nbsp;»''
      
[[Trotski|Trotski]] souligne que cela touchait profondément les soviets, qui restaient essentiellement urbains.
 
[[Trotski|Trotski]] souligne que cela touchait profondément les soviets, qui restaient essentiellement urbains.
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<blockquote>''«&nbsp;Sous la direction des partis conciliateurs, les soviets affectaient constamment d’ignorer les intérêts nationaux de la population autochtone. Là était une des causes de la faiblesse des soviets en Ukraine. Les soviets de Riga et de Reval oubliaient les intérêts des Lettons et des Estoniens. Le soviet conciliateur de Bakou négligeait les intérêts d’une population principalement turkmène. Sous une fausse enseigne d’internationalisme, les soviets menaient fréquemment la lutte contre la défensive nationaliste ukrainienne ou musulmane, camouflant la russification oppressive exercée par les villes. Il se passera encore bien du temps, même sous la domination des bolcheviks, avant que les soviets de la périphérie aient appris à parler dans la langue du village.&nbsp;»''</blockquote>  
''«&nbsp;Sous la direction des partis conciliateurs, les soviets affectaient constamment d’ignorer les intérêts nationaux de la population autochtone. Là était une des causes de la faiblesse des soviets en Ukraine. Les soviets de Riga et de Reval oubliaient les intérêts des Lettons et des Estoniens. Le soviet conciliateur de Bakou négligeait les intérêts d’une population principalement turkmène. Sous une fausse enseigne d’internationalisme, les soviets menaient fréquemment la lutte contre la défensive nationaliste ukrainienne ou musulmane, camouflant la russification oppressive exercée par les villes. Il se passera encore bien du temps, même sous la domination des bolcheviks, avant que les soviets de la périphérie aient appris à parler dans la langue du village.&nbsp;»''
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=== Les minorités parmi les révolutionnaires ===
 
=== Les minorités parmi les révolutionnaires ===
  

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