Modifications

Aller à la navigation Aller à la recherche
3 443 octets ajoutés ,  3 février 2017 à 00:32
m
aucun résumé des modifications
Ligne 96 : Ligne 96 :     
Pendant la guerre civile, les indigènes musulmans subissent beaucoup de spoliations de leurs terres et d’autres vexations de la part des communistes russes locaux. Ces plaintes seront notamment relayées par un délégué du Turkestan, [[Tachpolad_Narbutabekov|Narbutabekov]], lors de la [[Conférence_de_Bakou|Conférence de Bakou]] en septembre 1920 :
 
Pendant la guerre civile, les indigènes musulmans subissent beaucoup de spoliations de leurs terres et d’autres vexations de la part des communistes russes locaux. Ces plaintes seront notamment relayées par un délégué du Turkestan, [[Tachpolad_Narbutabekov|Narbutabekov]], lors de la [[Conférence_de_Bakou|Conférence de Bakou]] en septembre 1920 :
<blockquote>
+
<blockquote>''«&nbsp;Pour éviter que l’histoire du Turkestan ne se répète dans les autres parties du monde musulman, […] [n]ous vous disons&nbsp;: débarrassez-nous de vos contre-révolutionnaires, de vos éléments étrangers qui sèment la discorde nationale&nbsp;; débarrassez-nous de vos colonisateurs travaillant sous le masque du communisme.&nbsp;»''</blockquote>  
''«&nbsp;Pour éviter que l’histoire du Turkestan ne se répète dans les autres parties du monde musulman, […] [n]ous vous disons : débarrassez-nous de vos contre-révolutionnaires, de vos éléments étrangers qui sèment la discorde nationale ; débarrassez-nous de vos colonisateurs travaillant sous le masque du communisme.&nbsp;»''
  −
</blockquote>  
   
En octobre 1919, une commission, (la Turkkommissia) avec à sa tête [[Mikhail_Frounzé|Frounzé]], est envoyée au Turkestan afin de remédier aux errements dans la mise en œuvre de la politique nationale et encourager la participation de la population locale aux soviets.
 
En octobre 1919, une commission, (la Turkkommissia) avec à sa tête [[Mikhail_Frounzé|Frounzé]], est envoyée au Turkestan afin de remédier aux errements dans la mise en œuvre de la politique nationale et encourager la participation de la population locale aux soviets.
   −
Des communistes musulmans du Turkestan, menés par [[Turar_Ryskulov|Ryskulov]], adressent leurs revendications en mai 1920 dans une lettre à Lénine. Sans attendre l’aval de la Turkkommissia, les communistes musulmans envoient à Moscou une délégation pour exposer leurs doléances. Au cours des débats, présidés par Lénine et auxquels prennent part des membres de la Turkkommissia dépêchés en urgence, Ryskulov, arguant de «&nbsp;l’importance du Turkestan pour la politique soviétique en Orient&nbsp;et [de] la nature coloniale des relations nationales » dans la région, revendique la plus large autonomie possible pour la république, aux frontières encore indécises.
+
Des communistes musulmans du Turkestan, menés par [[Turar_Ryskulov|Ryskulov]], adressent leurs revendications en mai 1920 dans une lettre à Lénine. Sans attendre l’aval de la Turkkommissia, les communistes musulmans envoient à Moscou une délégation pour exposer leurs doléances. Au cours des débats, présidés par Lénine et auxquels prennent part des membres de la Turkkommissia dépêchés en urgence, Ryskulov, arguant de «&nbsp;l’importance du Turkestan pour la politique soviétique en Orient&nbsp;et [de] la nature coloniale des relations nationales&nbsp;» dans la région, revendique la plus large autonomie possible pour la république, aux frontières encore indécises.
   −
Lénine refuse, mais il se méfie désormais de la Turkkommissia (dont les décisions doivent être désormais soumises à l’approbation du «&nbsp;centre&nbsp;» et des autres organes du pouvoir soviétique au Turkestan), et en juin, il rédige un projet exposant les tâches du Parti bolchevik dans la région. Il appelle à liquider les inégalités entre colons et indigènes en «&nbsp;égalis[ant] la propriété terrienne des Russes et des étrangers avec celle de la population locale&nbsp;». Il ajoute : «&nbsp;L’objectif général doit être le renversement du féodalisme, mais non le communisme »<ref>Lénine, « Projet de décision du Bureau politique du C.C. du P.C.(b)R. Sur les tâches du P.C.(b).R. au Turkestan » [1919], in Oeuvres, tome 42, p. 196-197</ref>.
+
Lénine refuse, mais il se méfie désormais de la Turkkommissia (dont les décisions doivent être désormais soumises à l’approbation du «&nbsp;centre&nbsp;» et des autres organes du pouvoir soviétique au Turkestan), et en juin, il rédige un projet exposant les tâches du Parti bolchevik dans la région. Il appelle à liquider les inégalités entre colons et indigènes en «&nbsp;égalis[ant] la propriété terrienne des Russes et des étrangers avec celle de la population locale&nbsp;». Il ajoute&nbsp;: «&nbsp;L’objectif général doit être le renversement du féodalisme, mais non le communisme&nbsp;»<ref>Lénine, « Projet de décision du Bureau politique du C.C. du P.C.(b)R. Sur les tâches du P.C.(b).R. au Turkestan » [1919], in Oeuvres, tome 42, p. 196-197</ref>.
   −
Un conflit éclate en 1921 au sein de la Turkkommissia entre :
+
Un conflit éclate en 1921 au sein de la Turkkommissia entre&nbsp;:
    
*[[Tomsky|Tomsky]], qui affirme appliquer la [[NEP|NEP]], et donc défend l’introduction immédiate de l’impôt en nature mais le statu quo en terme de partage de terre. Sa position est soutenue par les colons russes.  
 
*[[Tomsky|Tomsky]], qui affirme appliquer la [[NEP|NEP]], et donc défend l’introduction immédiate de l’impôt en nature mais le statu quo en terme de partage de terre. Sa position est soutenue par les colons russes.  
*[[Georgui_Safarov|Safarov]], qui préconise la mise en place de [[comités_de_paysans_pauvres|comités de paysans pauvres]], le partage des terres des koulaks (donc localement surtout de colons russes) et l’incitation à la polarisation de classes au sein de la population musulmane. Sa position est soutenu par de nombreux musulmans.<ref>Georgui Safarov, « L’Évolution de la question nationale », Bulletin communiste, 2ème année, n ° 4, 27 janvier 1921</ref>  
+
*[[Georgui_Safarov|Safarov]], qui préconise la mise en place de [[Comités_de_paysans_pauvres|comités de paysans pauvres]], le partage des terres des koulaks (donc localement surtout de colons russes) et l’incitation à la polarisation de classes au sein de la population musulmane. Sa position est soutenu par de nombreux musulmans.<ref>Georgui Safarov, « L’Évolution de la question nationale », Bulletin communiste, 2ème année, n ° 4, 27 janvier 1921</ref>  
   −
Début août 1921, [[Adolf_Ioffé|Ioffé]] est envoyé par le [[Politburo|Politburo]] au Turkestan pour arbitrer le différend et œuvrer à un compromis permettant de lutter contre l’exclusion des musulmans de l’exercice du pouvoir sans pour autant s’aliéner les masses travailleuses russes, qui forment l’essentiel des «&nbsp;forces rouges au Turkestan&nbsp;». <ref> Lénine, « À M. P. Tomski » (1919), in Oeuvres, tome 45, p. 230 </ref>
+
Début août 1921, [[Adolf_Ioffé|Ioffé]] est envoyé par le [[Politburo|Politburo]] au Turkestan pour arbitrer le différend et œuvrer à un compromis permettant de lutter contre l’exclusion des musulmans de l’exercice du pouvoir sans pour autant s’aliéner les masses travailleuses russes, qui forment l’essentiel des «&nbsp;forces rouges au Turkestan&nbsp;».<ref> Lénine, « À M. P. Tomski » (1919), in Oeuvres, tome 45, p. 230 </ref>
   −
La neutralité de Lénine dans le conflit Tomski-Safarov n’est que de façade. Transmettant à Staline, Commissaire du peuple aux nationalités, une lettre de Safarov, il ajoute en ''post-scriptum''&nbsp;que ce dernier «&nbsp;a tout à fait raison&nbsp;». Staline ne partage guère cette opinion et répond qu’ils «&nbsp;ont tous les deux tort&nbsp;».
+
La neutralité de Lénine dans le conflit Tomski-Safarov n’est que de façade. Transmettant à Staline, Commissaire du peuple aux nationalités, une lettre de Safarov, il ajoute en ''post-scriptum''&nbsp;que ce dernier «&nbsp;a tout à fait raison&nbsp;». Staline ne partage guère cette opinion et répond qu’ils «&nbsp;ont tous les deux tort&nbsp;». Safarov se retrouve vite attaqué par l'appareil du parti, et par Staline qui l'accuse de contribuer à l’&nbsp;«&nbsp;exacerbation des dissensions nationales&nbsp;», de «&nbsp;détruire l’organisation du parti au Turkestan&nbsp;» et de «&nbsp;compromettre le parti aux yeux des travailleurs&nbsp;». Staline prône la liquidation de ce qu'il appelle le «&nbsp;banditisme nationaliste de masse&nbsp;» qui saccagerait les récoltes de coton&nbsp;: « la conclusion est claire&nbsp;: Safarov doit être congédié.&nbsp;»
   −
Safarov se retrouve vite attaqué par l'appareil du parti.
+
Le 13 septembre 1920, dès réception du rapport de Ioffé, qui accable Safarov, le Politburo décide de suspendre ce dernier. Le même jour, Lénine adresse une missive à Ioffé. Le soupçonnant de s’être rangé aux positions de Tomski, il exige de lui davantage de détails, ''«&nbsp;des faits, des faits, des faits&nbsp;»'', sur le «&nbsp;sort&nbsp;» du coton, sur la lutte contre les rebelles musulmans anti-soviétiques, mais surtout sur «&nbsp;la question de la défense des intérêts des autochtones contre les outrances “russes” (grand-russiennes ou colonisatrices)&nbsp;». Car Lénine «&nbsp;soupçonne fort la “ligne Tomski” […] de relever du chauvinisme grand-russien, ou plus exactement de ''pencher ''dans ce sens&nbsp;». De manière plus acérée encore qu’auparavant, il souligne la portée internationale des politiques soviétiques au Turkestan et exige l’adoption d’une ligne de conduite foncièrement anticolonialiste&nbsp;:
 +
<blockquote>
 +
''«&nbsp;Pour toute notre Weltpolitik, il est diantrement important de gagner la confiance des autochtones ; de la gagner au triple et au quadruple ; de prouver que nous ne sommes pas des impérialistes, que nous ne souffrirons aucune déviation dans ce sens. C’est une question mondiale, je n’exagère pas, mondiale. Il faut être d’une extrême rigueur. Cela aura un retentissement en Inde, en Orient ; pas question de plaisanter, il faut être 1 000 fois prudent.&nbsp;»<ref>Lénine, « À A. A. Ioffé » (1921), in Oeuvres, tome 45, p. 284-286.</ref>''
 +
</blockquote>
 +
Le 14 octobre, le Politburo se réunit à nouveau. Il démet et Safarov et Tomski de leurs fonctions et ordonne la réorganisation de la Turkkommissia et du Bureau du Parti au Turkestan (Turkburo) sous la supervision de [[Grigori_Sokolnikov|Sokolnikov]]. Fin décembre, Lénine envoie à ce dernier, «&nbsp;sous ''secret''&nbsp;» un message. Continuant de penser que «&nbsp;Safarov a raison (''tout au moins en partie'')&nbsp;», il prie Sokolnikov «&nbsp;de mener une enquête ''objective'' pour ne pas laisser la zizanie, le grabuge et la vindicte gâcher le travail au Turkestan ». Lénine vient alors de recevoir une lettre de Safarov qui lui a signifié son désir de se retirer de tout poste de responsabilité dans la politique soviétique en Orient. Il lui répond sans ménagement, mais néanmoins en signe de soutien&nbsp;: «&nbsp;Ne vous énervez pas c’est inadmissible et honteux, vous n’êtes pas une demoiselle de 14 ans. […] Il faut continuer à travailler, sans partir où que ce soit. Savoir réunir avec diligence et calme les documents contre les auteurs de cette affaire inepte.&nbsp;» <ref>Lénine, « À G. I. Safarov » (1921), in Oeuvres, tome 45, p. 417.</ref> Safarov n’obtiendra pas gain de cause, malgré l'appui de Lénine, qui n'était pas tout-puissant au sein des différentes instances du pouvoir soviétique.
    
=== Azerbaïdjan ===
 
=== Azerbaïdjan ===
Ligne 148 : Ligne 150 :  
Le 1<sup>er</sup> mai 1917, après la [[Révolution_de_février|révolution de février]], le premier Congrès panrusse des musulmans se tint à Moscou. À l’issue de débats très vifs, cette assemblée vota en faveur de la reconnaissance des droits des femmes, faisant des musulmans russes les premiers au monde à libérer les femmes des restrictions qui caractérisaient les sociétés islamiques de l’époque. Mais les éléments petit-bourgeois conservateurs prédominent, comme à ce moment là partout en Russie.
 
Le 1<sup>er</sup> mai 1917, après la [[Révolution_de_février|révolution de février]], le premier Congrès panrusse des musulmans se tint à Moscou. À l’issue de débats très vifs, cette assemblée vota en faveur de la reconnaissance des droits des femmes, faisant des musulmans russes les premiers au monde à libérer les femmes des restrictions qui caractérisaient les sociétés islamiques de l’époque. Mais les éléments petit-bourgeois conservateurs prédominent, comme à ce moment là partout en Russie.
   −
Le 20 novembre 1917, peu après la prise de pouvoir par les [[bolcheviks|bolcheviks]], Lénine lance un appel, cosigné par Staline, «&nbsp;À tous les travailleurs musulmans de Russie et d’Orient&nbsp;», afin de les rallier à la révolution en marche&nbsp;:
+
Le 20 novembre 1917, peu après la prise de pouvoir par les [[Bolcheviks|bolcheviks]], Lénine lance un appel, cosigné par Staline, «&nbsp;À tous les travailleurs musulmans de Russie et d’Orient&nbsp;», afin de les rallier à la révolution en marche&nbsp;:
<blockquote>
+
<blockquote>''«&nbsp;Musulmans de Russie, Tatars de la Volga et de Crimée, Kirghizes et Sartes de Sibérie et du Turkestan, Turcs et Tatars de Transcaucasie, Tchétchènes et montagnards du Caucase&nbsp;! Vous tous dont les mosquées et les maisons de prière ont été détruites, dont les croyances et les coutumes ont été piétinées par les tsars et les oppresseurs de la Russie&nbsp;! Désormais, vos croyances et vos coutumes, vos institutions nationales et culturelles sont libres et inviolables. Organisez votre vie nationale librement et sans entrave&nbsp;! C’est votre droit. Sachez que vos droits, comme les droits de tous les peuples de Russie, sont protégés par la puissance de la Révolution, par les soviets des députés travailleurs, soldats et paysans.&nbsp;»<ref>''À tous les travailleurs musulmans de Russie et d’Orient'' [1917], cité in Henry Bogdan, Histoire des peuples de l’ex-URSS, Paris, Perrin, 1993, p. 187-188</ref>''</blockquote>  
''«&nbsp;Musulmans de Russie, Tatars de la Volga et de Crimée, Kirghizes et Sartes de Sibérie et du Turkestan, Turcs et Tatars de Transcaucasie, Tchétchènes et montagnards du Caucase ! Vous tous dont les mosquées et les maisons de prière ont été détruites, dont les croyances et les coutumes ont été piétinées par les tsars et les oppresseurs de la Russie ! Désormais, vos croyances et vos coutumes, vos institutions nationales et culturelles sont libres et inviolables. Organisez votre vie nationale librement et sans entrave ! C’est votre droit. Sachez que vos droits, comme les droits de tous les peuples de Russie, sont protégés par la puissance de la Révolution, par les soviets des députés travailleurs, soldats et paysans. »<ref>''À tous les travailleurs musulmans de Russie et d’Orient'' [1917], cité in Henry Bogdan, Histoire des peuples de l’ex-URSS, Paris, Perrin, 1993, p. 187-188</ref>''
  −
</blockquote>  
   
Après la [[Révolution_d'Octobre|révolution d'Octobre]], certains colons russes d’Asie centrale adhèrent au parti bolchévik victorieux par opportunisme, mais ils profitent de leur pouvoir local pour dominer la population locale, majoritairement paysanne et musulmane. Pendant deux ans, la région fut coupée de Moscou par la [[Guerre_civile_russe|guerre civile]] et le pouvoir central des bolchéviks n'avait aucun contrôle. Une révolte armée de populations musulmanes éclata, la [[Révolution_ouzbèke_(1917-1920)|''révolte des Basmatchis'']].
 
Après la [[Révolution_d'Octobre|révolution d'Octobre]], certains colons russes d’Asie centrale adhèrent au parti bolchévik victorieux par opportunisme, mais ils profitent de leur pouvoir local pour dominer la population locale, majoritairement paysanne et musulmane. Pendant deux ans, la région fut coupée de Moscou par la [[Guerre_civile_russe|guerre civile]] et le pouvoir central des bolchéviks n'avait aucun contrôle. Une révolte armée de populations musulmanes éclata, la [[Révolution_ouzbèke_(1917-1920)|''révolte des Basmatchis'']].
  

Menu de navigation