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La '''décroissance''' est une conception politique, social et économique  qui présente la [[Croissance_économique|croissance économique]] comme à l'origine des maux de l'humanité. Pour ses partisans : l’[[Aliénation_au_travail|aliénation au travail]], la [[Pollution|pollution]] ou encore le dysfonctionnement de l'économie comme le [[Chômage|chômage]] de masse sont les résultats de l'[[Industrialisation|industrialisation]]. Plutôt que ''« décroissants »'', les partisans de la décroissance se dénomment en général ''« objecteurs de croissance »''.
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[[File:Decroissance.png|right|342x277px]]La '''décroissance''' est une conception politique, sociale et économique  qui présente la [[Croissance_économique|croissance économique]] comme à l'origine des maux de l'humanité. Pour ses partisans : l’[[Aliénation_au_travail|aliénation au travail]], la [[Pollution|pollution]] ou encore le dysfonctionnement de l'économie comme le [[Chômage|chômage]] de masse sont les résultats de l'[[Industrialisation|industrialisation]]. Plutôt que ''« décroissants »'', les partisans de la décroissance se dénomment en général ''« objecteurs de croissance »''.
    
== Grandes lignes ==
 
== Grandes lignes ==
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Le socle commun de la pensée de la décroissance est un [[Écologisme|écologisme]] radical. Partant de l'affirmation que les ressources naturelles sont limitées et que la production s'accroît sans tenir compte de ces limites, la décroissance prône la lutte contre la croissance économique, contre la consommation de masse et le développement de la technique. Elle préconise le retour à l'[[Artisanat|artisanat]] contre l'[[Industrie|industrie]], la production locale et la vie à la campagne.
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Le socle commun de la pensée de la décroissance est un [[Écologisme|écologisme]] radical. En plus des critiques sur les [[pollution|pollutions]], le [[dérèglement_climatique]] et les extinctions d'espèces vivantes, elle met en avant l'idée que les ressources naturelles sont limitées et que ''«&nbsp;une croissance infinie est impossible dans un monde fini&nbsp;»''. Un des symboles de cette logique est l'épuisement des stocks de pétrole (''peak oil'') qui ne laisserait pas d'autre choix qu'une décroissance, choisie ou subie. Ou encore les calculs d'empreinte écologique, qui montrent que ''«&nbsp;si chaque terrien avait le mode de vie d'un états-unien moyen, il faudrait 4 planètes&nbsp;»''.<ref>http://www.atlantico.fr/decryptage/vivions-tous-comme-americains-faudrait-4-planetes-hashtable-h16-556728.html</ref>
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La décroissance prône la lutte contre la croissance économique, contre la consommation de masse et le développement de la technique. Elle préconise le retour à l'[[Artisanat|artisanat]] contre l'[[Industrie|industrie]], la production locale et la vie à la campagne.
    
Mais la plupart du temps, la pensée de la décroissance ajoute à la critique écologiste une critique de la ''«&nbsp;société industrielle&nbsp;»'' en elle-même. Les militants de la décroissance voient généralement d'un très mauvais oeil les innovations technologiques. Ils théorisent que la plupart des techniques ayant conduit à une consommation de masse ont des effets sociaux très néfastes&nbsp;: publicité, automobile, ordinateurs... L'[[Agriculture_industrielle|agriculture industrielle]] est particulièrement visée, et devrait selon eux être remplacée par une agriculture biologique, idéalement de proximité (potagers...).
 
Mais la plupart du temps, la pensée de la décroissance ajoute à la critique écologiste une critique de la ''«&nbsp;société industrielle&nbsp;»'' en elle-même. Les militants de la décroissance voient généralement d'un très mauvais oeil les innovations technologiques. Ils théorisent que la plupart des techniques ayant conduit à une consommation de masse ont des effets sociaux très néfastes&nbsp;: publicité, automobile, ordinateurs... L'[[Agriculture_industrielle|agriculture industrielle]] est particulièrement visée, et devrait selon eux être remplacée par une agriculture biologique, idéalement de proximité (potagers...).
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Concernant les pays pauvres, la plupart des décroissants considèrent qu'il y a effectivement un sous-développement à combattre, mais mettent en garde contre un mal-développement qui se ferait sur le modèle des pays riches, et prônent au contraire la sobriété volontaire pour les pays riches.
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Concernant les pays pauvres, la plupart des décroissants considèrent qu'il y a effectivement un [[sous-développement|sous-développement]] à combattre, mais mettent en garde contre un mal-développement qui se ferait sur le modèle des pays riches, et prônent au contraire la sobriété volontaire pour les [[pays_riches|pays riches]].
    
== Historique ==
 
== Historique ==
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L'idée décroissante selon laquelle le développement (pour ceux qui acceptent ce terme) des pays pauvres passe essentiellement par une restriction des pays riches, revient à l'idée qu'il y a un gâteau de taille fixe à partager. Cela masque totalement la question des rapports de production capitalistes qui empêchent le développement théoriquement possible.
 
L'idée décroissante selon laquelle le développement (pour ceux qui acceptent ce terme) des pays pauvres passe essentiellement par une restriction des pays riches, revient à l'idée qu'il y a un gâteau de taille fixe à partager. Cela masque totalement la question des rapports de production capitalistes qui empêchent le développement théoriquement possible.
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=== Impossibilité d'une croissance infinie ? ===
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Les objecteurs de croissance ont tendance à exagérer la disparition des énergies fossiles. Par exemple les précurseurs des années 1970 prévoyaient la fin définitive des ressources pétrolières en l'an 2000, alors que le capitalisme a su exploiter toujours de ressources (forages plus profonds ou forages aux pôles rendus accessibles par la fonte des glaces, hydrates de méthane, gaz de schiste...). Par ailleurs le charbon, qui a été délaissé, est encore abondant sur Terre. Le capitalisme pourrait encore ''«&nbsp;fonctionner&nbsp;»'' longtemps sans être fatalement forcé à décroître.
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Mais bien évidemment le propre des énergies fossiles étant d'être non renouvelables, elles arriveront nécessairement à épuisement un jour. Cependant, la théorie de Georgescu-Roegen fait l'erreur de supposer un système énergétique fermé.
    
=== Mépris de classe&nbsp;? ===
 
=== Mépris de classe&nbsp;? ===
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Des partisans de la Décroissance peuvent parfois faire preuve d'un certain mépris envers "la masse abrutie", les "CONsommateurs", etc. Le thème de la petite minorité qui serait suffisamment intelligente pour se détacher des biens matériels face au troupeau de moutons consuméristes revient souvent. Beaucoup de messages ou de mots d'ordre de décroissants sont très provoquants pour les classes populaires des pays riches.
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Des partisans de la Décroissance peuvent parfois faire preuve d'un certain mépris envers "la masse abrutie", les "CONsommateurs", etc. Le thème de la petite minorité qui serait suffisamment intelligente pour se détacher des biens matériels face au troupeau de moutons consuméristes revient souvent. Beaucoup de messages ou de mots d'ordre de décroissants sont très provoquants pour les [[classes_populaires|classes populaires]] des pays riches : les millions de personnes qui vivent des [[minima_sociaux|minima sociaux]] ou du chômage, les salarié-e-s licencié-e-s sous l'effet de la crise...
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La Une du journal La Décroissance, en septembre 2004, clamait ''«&nbsp;Vive la pauvreté&nbsp;!&nbsp;»''. Une Une de 2009 disait ''«&nbsp;Merde au pouvoir d'achat&nbsp;!&nbsp;»''...
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La Une du journal La Décroissance, en septembre 2004, clamait sur cinq colonnes&nbsp;: ''«&nbsp;Vive la pauvreté&nbsp;!&nbsp;»''. Il n'est pas sûr que les six millions de personnes en France qui vivent des minima sociaux, que les 3 000 chômeurs supplémentaires par jour, qui vont s'inscrire en ce moment au Pôle emploi, apprécient. De même qu'il n'est pas évident que les millions de travailleurs qui ne parviennent pas à boucler leurs fins de mois adorent la Une récente du même journal&nbsp;: ''«&nbsp;Merde au pouvoir d'achat&nbsp;!&nbsp;»''
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[[File:UnesJournalDecroissance.png|center]]Si l'on prend en compte le fait que la plupart des décroissants (comme des militants en général) sont issus de milieux [[Petits-bourgeois|petits-bourgeois]] (sinon par la richesse, par le capital culturel), ce mépris s'apparente à un [[Mépris_de_classe|mépris de classe]].
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Si l'on prend en compte le fait que la plupart des décroissants (comme des militants en général) sont issus de milieux [[Petits-bourgeois|petits-bourgeois]] (sinon par la richesse, par le capital culturel), ce mépris s'apparente à un [[Mépris_de_classe|mépris de classe]].
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Se représenter publiquement comme une minorité opposée à l'immense majorité (''«&nbsp;Nous sommes 1%, ils sont 99%&nbsp;»'') semble montrer que l'ennemi principal n'est pas la minorité capitaliste, mais toute la société rejetée en bloc. Une telle façon de poser le combat politique n'a aucune chance de déboucher sur un changement social.
    
=== Une pensée individualiste ===
 
=== Une pensée individualiste ===
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Mais même ceux qui, parmi les décroissants, ne donnent pas dans cet affligeant individualisme, prônent l'action individuelle, la ''«&nbsp;réflexion individuelle sur les comportements de consommation&nbsp;»'' ... ce qui revient, au fond, à rejeter la responsabilité des problèmes de la société sur les consommateurs, c'est-à-dire sur les plus pauvres, et surtout pas sur les capitalistes.
 
Mais même ceux qui, parmi les décroissants, ne donnent pas dans cet affligeant individualisme, prônent l'action individuelle, la ''«&nbsp;réflexion individuelle sur les comportements de consommation&nbsp;»'' ... ce qui revient, au fond, à rejeter la responsabilité des problèmes de la société sur les consommateurs, c'est-à-dire sur les plus pauvres, et surtout pas sur les capitalistes.
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Bien dans l'air du temps où les idées de lutte collective n'ont pas le vent en poupe, les décroissants prônent l'action individuelle, le chacun pour soi.
    
=== Des moyens d'action inefficaces ===
 
=== Des moyens d'action inefficaces ===
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Certains décroissants prônent, comme modèle d'action collective, le boycott des supermarchés pour préférer le ''«&nbsp;lien direct avec le petit producteur&nbsp;»'', celui de cultiver soi-même ses légumes ou de fabriquer ses vêtements, bref, appellent à ''«&nbsp;changer leurs modes de consommation&nbsp;»''. L'idée étant d'étouffer le grand capital en lui coupant l'oxygène que lui procure la vente de ses marchandises.
 
Certains décroissants prônent, comme modèle d'action collective, le boycott des supermarchés pour préférer le ''«&nbsp;lien direct avec le petit producteur&nbsp;»'', celui de cultiver soi-même ses légumes ou de fabriquer ses vêtements, bref, appellent à ''«&nbsp;changer leurs modes de consommation&nbsp;»''. L'idée étant d'étouffer le grand capital en lui coupant l'oxygène que lui procure la vente de ses marchandises.
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Un tel mode d'action serait inaccessible aux plus pauvres&nbsp;? ''«&nbsp;Alibi égoïste&nbsp;!&nbsp;»'', répondent les décroissants. C'est ainsi que dans un article de La Décroissance de juin 2009, l'auteur évoque certaines épidémies récentes, vache folle, grippe aviaire ou grippe porcine. Selon lui, la grippe porcine aurait pour origine l'élevage industriel des porcs (ce qui est discutable, mais c'est un autre débat). Voici son raisonnement&nbsp;: l'élevage industriel vise à produire de la viande peu chère, à destination des ménages qui ne peuvent, ou plutôt ne veulent selon lui, pas trop dépenser. Si ces ménages acceptaient de payer plus cher leur viande, il n'y aurait plus de marché, donc plus d'élevage en batterie, donc plus de maladies de ce type. CQFD. Nous n'inventons rien. L'auteur de l'article écrit&nbsp;: ''«&nbsp;En tant que citoyens des pays développés, il conviendrait de nous poser la question de notre responsabilité personnelle. Parce que, si à l'achat d'un produit le prix est l'un de mes critères importants, je suis personnellement responsable de ce genre de crise. En achetant le poulet à 6 euros le kilo ou un T-shirt à 5 euros, qui peut honnêtement croire que les méthodes de production puissent être écologiquement ou socialement acceptables&nbsp;?&nbsp;»''
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Dans un article de La Décroissance de juin 2009, l'auteur évoque certaines épidémies récentes, vache folle, grippe aviaire ou grippe porcine. Selon lui, la grippe porcine aurait pour origine l'élevage industriel des porcs (ce qui est discutable, mais c'est un autre débat). Voici son raisonnement&nbsp;: l'élevage industriel vise à produire de la viande peu chère, à destination des ménages qui ne peuvent, ou plutôt ne veulent selon lui, pas trop dépenser. Si ces ménages acceptaient de payer plus cher leur viande, il n'y aurait plus de marché, donc plus d'élevage en batterie, donc plus de maladies de ce type. CQFD. Nous n'inventons rien. L'auteur de l'article écrit&nbsp;: ''«&nbsp;En tant que citoyens des pays développés, il conviendrait de nous poser la question de notre responsabilité personnelle. Parce que, si à l'achat d'un produit le prix est l'un de mes critères importants, je suis personnellement responsable de ce genre de crise. En achetant le poulet à 6 euros le kilo ou un T-shirt à 5 euros, qui peut honnêtement croire que les méthodes de production puissent être écologiquement ou socialement acceptables&nbsp;?&nbsp;»''
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Faudrait-il donc boycotter les produits bon marché&nbsp;? De toute façon, un tel système serait impossible à généraliser dans une société où les capitalistes régentent toute la vie économique et sociale, où ce sont eux qui maîtrisent et la production, et les prix, et les salaires.
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Faudrait-il donc boycotter les produits bon marché&nbsp;? De toute façon, un tel système serait impossible à généraliser dans une société où les capitalistes régentent toute la vie économique et sociale, où ce sont eux qui maîtrisent et la production, et les prix, et les salaires. Mais même érigé en doctrine, pour une société future, ce système est réactionnaire&nbsp;: le vieux Proudhon (même habillé de fibres bio), avec ses communes indépendantes et son retour à la production artisanale, n'est pas plus séduisant aujourd'hui qu'il ne l'était du temps de Marx. Prôner la fin de la grande production industrielle et de l'agriculture mécanisée, la ''«&nbsp;relocalisation de l'économie&nbsp;»'', c'est vouloir faire revenir le monde trois siècles en arrière. Pour nous, l'avenir est à la mondialisation communiste et pas, comme le prétend le décroissant Paul Ariès, à ''«&nbsp;une Europe dont chaque pays aurait ses propres moyens de vivre&nbsp;»''.
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Prôner la fin de la grande production industrielle et de l'agriculture mécanisée, la ''«&nbsp;relocalisation de l'économie&nbsp;»'', c'est vouloir faire revenir le monde trois siècles en arrière. Pour nous, l'avenir est à la mondialisation communiste et pas, comme le prétend le décroissant Paul Ariès, à ''«&nbsp;une Europe dont chaque pays aurait ses propres moyens de vivre&nbsp;»''.
    
=== Des dérapages réactionnaires ===
 
=== Des dérapages réactionnaires ===
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A partir du rejet de l'industrie moderne, certains militants de la décroissances glissent parfois jusqu'à un rejet de "la modernité" en général, voire de tout ce qui est trop collectif...
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A partir du rejet de l'industrie moderne, certain-e-s militant-e-s de la décroissances glissent jusqu'à un rejet de "la modernité" en général, ce qui les amènent parfois à sembler rejeter le principe même de collectivité au nom de l'autonomie/autarcie...
    
Le théoricien Ivan Illich dénonçait la médecine moderne sous prétexte qu'elle détourne de l'autodiagnostic et de l'automédication. Il dénonçait aussi l'école - une «&nbsp;drogue&nbsp;» censée préparer les futurs adultes à consommer et à en faire des esclaves. Illich a par exemple publié, en 1971, un article sur ''«&nbsp;le potentiel révolutionnaire de la déscolarisation&nbsp;»''. Même si tous les décroissants ne partagent pas forcément ce point de vue, se réclamer aujourd'hui d'un tel auteur est choquant, à une époque où des dizaines de milliers de jeunes des quartiers pauvres, en France, sont ''«&nbsp;déscolarisés&nbsp;»'', sans que le ''«&nbsp;potentiel révolutionnaire&nbsp;»'' saute aux yeux...
 
Le théoricien Ivan Illich dénonçait la médecine moderne sous prétexte qu'elle détourne de l'autodiagnostic et de l'automédication. Il dénonçait aussi l'école - une «&nbsp;drogue&nbsp;» censée préparer les futurs adultes à consommer et à en faire des esclaves. Illich a par exemple publié, en 1971, un article sur ''«&nbsp;le potentiel révolutionnaire de la déscolarisation&nbsp;»''. Même si tous les décroissants ne partagent pas forcément ce point de vue, se réclamer aujourd'hui d'un tel auteur est choquant, à une époque où des dizaines de milliers de jeunes des quartiers pauvres, en France, sont ''«&nbsp;déscolarisés&nbsp;»'', sans que le ''«&nbsp;potentiel révolutionnaire&nbsp;»'' saute aux yeux...
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=== Système productiviste ? ===
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{{Voir|productivisme}}
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Pour de nombreux décroissants, le ''«&nbsp;productivisme&nbsp;»'' est présenté comme un système qui serait l'ennemi principal, même si pour beaucoup d'entre eux il est lié au [[capitalisme|capitalisme]] (au mieux, il est mis sur le même plan). Certains englobent le marxisme dans le productivisme, se basant sur la théorie de la nécessaire augmentation des [[forces_productives|forces productives]], ou encore sur les désastres éclogiques du [[stalinisme|stalinisme]].
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Le terme de productivisme fait débat parmi les marxistes. Certains refusent de l'utiliser.
    
=== Une pensée idéaliste ===
 
=== Une pensée idéaliste ===
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Edgar Morin, dans un plaidoyer pour la décroissance se référant à Ivan Illich, n'offre qu'une révolte contre le manque d'amour&nbsp;:&nbsp;
 
Edgar Morin, dans un plaidoyer pour la décroissance se référant à Ivan Illich, n'offre qu'une révolte contre le manque d'amour&nbsp;:&nbsp;
<blockquote>«&nbsp;Toutes les solutions envisagées sont quantitatives&nbsp;: croissance économique, croissance du PIB. Quand donc la politique prendra-t-elle en considération l'immense besoin d'amour de l'espèce humaine perdue dans le cosmos&nbsp;?&nbsp;»<ref>Le Monde, 13 juin 2009</ref></blockquote>
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<blockquote>«&nbsp;Toutes les solutions envisagées sont quantitatives&nbsp;: croissance économique, croissance du PIB. Quand donc la politique prendra-t-elle en considération l'immense besoin d'amour de l'espèce humaine perdue dans le cosmos&nbsp;?&nbsp;»<ref>Le Monde, 13 juin 2009</ref><br/></blockquote>
Ce fond commun idéaliste va parfois jusqu'à des extrêmes. A titre d'exemple, on peut remarquer une [[Conception_théologique_de_l'histoire|conception_théologique_de_l'histoire]]
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Ce fond commun idéaliste va parfois jusqu'à des extrêmes. A titre d'exemple, on peut remarquer une [[Conception_théologique_de_l'histoire|conception théologique de l'histoire]]
 
<blockquote>''«&nbsp;Nous constatons que dans la Bible, l'intervention divine a lieu quand l'inhumanité, quand le mal moral et physique dépasse les bornes. Dieu provoque un événement approprié à cet excès d'inhumanité, qui placera l'homme devant le choix de se repentir ou de mourir. Je suis convaincu que l'apparition du virus du sida correspond à cet ordre d'action de Dieu.&nbsp;»''</blockquote>
 
<blockquote>''«&nbsp;Nous constatons que dans la Bible, l'intervention divine a lieu quand l'inhumanité, quand le mal moral et physique dépasse les bornes. Dieu provoque un événement approprié à cet excès d'inhumanité, qui placera l'homme devant le choix de se repentir ou de mourir. Je suis convaincu que l'apparition du virus du sida correspond à cet ordre d'action de Dieu.&nbsp;»''</blockquote>
 
Certains soulignent d'ailleurs que la pensée décroissante est parfois proche d'une pensée chrétienne de culpabilité, et de nécessité d'abstinence et de charité pour les pauvres.
 
Certains soulignent d'ailleurs que la pensée décroissante est parfois proche d'une pensée chrétienne de culpabilité, et de nécessité d'abstinence et de charité pour les pauvres.
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Il n'y a en fait que ceux qui ne connaissent ni Marx ni le marxisme qui pensent que celui-ci était un «&nbsp;productiviste&nbsp;» acharné, incapable de se poser la question de l'épuisement des ressources naturelles ou de la lente destruction de la planète par le système capitaliste. Bien au contraire&nbsp;: Marx et Engels ont sans doute été parmi les premiers à poser ces problèmes.
 
Il n'y a en fait que ceux qui ne connaissent ni Marx ni le marxisme qui pensent que celui-ci était un «&nbsp;productiviste&nbsp;» acharné, incapable de se poser la question de l'épuisement des ressources naturelles ou de la lente destruction de la planète par le système capitaliste. Bien au contraire&nbsp;: Marx et Engels ont sans doute été parmi les premiers à poser ces problèmes.
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Parler de risque d'épuisement des ressources naturelles - et en particulier des sources d'énergie fossiles comme le pétrole - est aujourd'hui un lieu commun. Le propre des énergies fossiles étant d'être non renouvelables, elles arriveront nécessairement à épuisement un jour. Tout juste peut-on noter que les délais qui nous séparent de cette date sont probablement plus longs que les écologistes et les décroissants le prédisent&nbsp;: dans les années soixante-dix, les mêmes courants prévoyaient la fin définitive des ressources pétrolières en l'an 2000.
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Les marxistes reconnaissent généralement que bien des questions que posent les décroissants sont pertinentes.  
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Mais cette question de l'épuisement des ressources est évidemment pertinente. Tout comme sont pertinentes bien des questions que posent les décroissants&nbsp;: oui, le capitalisme pousse ceux qui en ont les moyens à la consommation, par le biais de la publicité et de la création de modes artificielles. Oui, le capitalisme fabrique volontairement des produits qui deviennent obsolètes très rapidement pour pousser les acheteurs à les renouveler. Oui, le capitalisme transforme tout ce qu'il touche en marchandise, et pousse, par mille biais, les êtres humains solvables (et même de moins solvables, grâce au crédit) à acheter des objets parfois inutiles. Est-ce une découverte&nbsp;? Certainement pas. La «&nbsp;marchandisation&nbsp;» tant critiquée par les écologistes, les altermondialistes et les décroissants, c'est finalement le fait que le capital ne considère jamais un objet pour son usage, mais en fonction de ce qu'il peut rapporter lorsqu'il sera vendu. Le capitalisme ne produit pas pour satisfaire les besoins mais pour vendre en vue de faire un profit. Il n'y avait pas besoin des décroissants pour savoir cela, puisque Karl Marx l'a longuement expliqué dans Le Capital, il y a plus d'un siècle.
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Le capitalisme pousse ceux qui en ont les moyens à la consommation, par le biais de la publicité et de la création de modes artificielles. Oui, le capitalisme fabrique volontairement des produits qui deviennent obsolètes très rapidement pour pousser les acheteurs à les renouveler. Oui, le capitalisme transforme tout ce qu'il touche en marchandise, et pousse, par mille biais, les êtres humains solvables (et même de moins solvables, grâce au crédit) à acheter des objets parfois inutiles. Est-ce une découverte&nbsp;? Certainement pas. La «&nbsp;marchandisation&nbsp;» tant critiquée par les écologistes, les altermondialistes et les décroissants, c'est finalement le fait que le capital ne considère jamais un objet pour son usage, mais en fonction de ce qu'il peut rapporter lorsqu'il sera vendu. Le capitalisme ne produit pas pour satisfaire les besoins mais pour vendre en vue de faire un profit. Il n'y avait pas besoin des décroissants pour savoir cela, puisque Karl Marx l'a longuement expliqué dans Le Capital, il y a plus d'un siècle.
    
On sait également grâce au même Karl Marx que le capitalisme ne peut fonctionner qu'en réutilisant une partie de la plus-value gagnée lors de la production pour réinvestir dans le but d'accroître sa production. Ce que l'on appelle la «&nbsp;croissance&nbsp;», c'est-à-dire le fait qu'en dehors des périodes de crise la production de richesses augmente d'une année sur l'autre, est en réalité ce que Marx a défini sous le terme de «&nbsp;reproduction élargie du capital&nbsp;».
 
On sait également grâce au même Karl Marx que le capitalisme ne peut fonctionner qu'en réutilisant une partie de la plus-value gagnée lors de la production pour réinvestir dans le but d'accroître sa production. Ce que l'on appelle la «&nbsp;croissance&nbsp;», c'est-à-dire le fait qu'en dehors des périodes de crise la production de richesses augmente d'une année sur l'autre, est en réalité ce que Marx a défini sous le terme de «&nbsp;reproduction élargie du capital&nbsp;».
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Dans l'économie capitaliste, des périodes de décroissance sont des périodes de crise - la stagnation et à plus forte raison le recul de la production, ne résultant pas d'une évolution consciemment maîtrisée, mais se traduisant par des catastrophes sociales.
 
Dans l'économie capitaliste, des périodes de décroissance sont des périodes de crise - la stagnation et à plus forte raison le recul de la production, ne résultant pas d'une évolution consciemment maîtrisée, mais se traduisant par des catastrophes sociales.
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Parler, comme le fait Jean Gadrey cité plus haut, de renoncer aux gains de productivité, tourne en fait le dos à tout ce qui a permis à l'humanité de progresser pendant des dizaines de milliers d'années. Qu'ont fait les premiers hommes qui ont taillé des silex, sinon inventer des moyens d'accroître la productivité du travail&nbsp;? Toute l'histoire de l'économie humaine est celle d'une longue bataille pour augmenter la productivité par l'amélioration des techniques de production - ce qui a permis, excusez du peu, de donner les moyens à l'humanité de s'affranchir peu à peu des contraintes imposées par la nature. Voilà donc ce que la décroissance veut jeter par-dessus bord&nbsp;?
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Qu'ont fait les premiers hommes qui ont taillé des silex, sinon inventer des moyens d'accroître la productivité du travail&nbsp;? Toute l'histoire de l'économie humaine est celle d'une longue bataille pour augmenter la productivité par l'amélioration des techniques de production - ce qui a permis, excusez du peu, de donner les moyens à l'humanité de s'affranchir peu à peu des contraintes imposées par la nature. Voilà donc ce que la décroissance veut jeter par-dessus bord&nbsp;?
    
Et en quoi la «&nbsp;croissance&nbsp;», c'est-à-dire le fait que les richesses produites par la société humaine s'accroissent, pose-t-elle un problème&nbsp;? Ce constat devrait au contraire être plutôt réjouissant&nbsp;: plus la quantité de richesses produites augmente, plus se rapproche la possibilité pour l'humanité d'offrir «&nbsp;à chacun selon ses besoins&nbsp;». Et plutôt que de chercher à réduire la quantité de richesses produites par un retour à l'artisanat de village, il serait peut-être nécessaire de se demander comme faire profiter l'ensemble de l'humanité de cette abondance de richesses.
 
Et en quoi la «&nbsp;croissance&nbsp;», c'est-à-dire le fait que les richesses produites par la société humaine s'accroissent, pose-t-elle un problème&nbsp;? Ce constat devrait au contraire être plutôt réjouissant&nbsp;: plus la quantité de richesses produites augmente, plus se rapproche la possibilité pour l'humanité d'offrir «&nbsp;à chacun selon ses besoins&nbsp;». Et plutôt que de chercher à réduire la quantité de richesses produites par un retour à l'artisanat de village, il serait peut-être nécessaire de se demander comme faire profiter l'ensemble de l'humanité de cette abondance de richesses.
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À cela, les décroissants répondent que c'est de toute façon impossible et utopique, puisque la terre ne peut produire assez de richesses pour satisfaire tout le monde. La théorie récente de «&nbsp;l'empreinte écologique&nbsp;», souvent brandie par les décroissants, va dans ce sens&nbsp;: si tous les humains vivaient avec le standard de vie des classes moyennes américaines, «&nbsp;il faudrait quatre planètes pour pouvoir y faire face&nbsp;».
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Poser la question de cette manière revient, au fond, à dire aux habitants des pays sous-développés qu'ils doivent rester dans la misère. Car il évident que l'ensemble de la population des États-Unis, d'Europe et du Japon ne va pas revenir à la charrette à cheval et à la bougie - et tant mieux. Mais au-delà, c'est le raisonnement lui-même qui est absurde.
            
Alors, non, nous ne pensons pas que l'avenir de la société soit dans la réduction de la croissance à tout prix. Pas plus que nous ne pensons qu'il réside dans l'augmentation de la croissance à tout prix. Cette augmentation est, de fait, une des lois du capitalisme, système dans lequel le seul régulateur de la production est le marché aveugle. Personne, pas même les capitalistes eux-mêmes, n'a réellement de contrôle sur la production. Seule une société libérée de la concurrence, où la production serait démocratiquement planifiée en fonction des besoins, pourrait être une société où la croissance est maîtrisée - ce qui supposerait une croissance de la production de certaines marchandises si la hausse des besoins existe, et une décroissance de la production dans d'autres secteurs le cas échéant. Mais tout cela serait décidé et contrôlé par la population elle-même. Une telle société, cela s'appelle une société socialiste&nbsp;; et elle ne pourra voir le jour qu'à la suite d'une profonde révolution mondiale, qui mettra fin à la dictature des capitalistes sur la société.
 
Alors, non, nous ne pensons pas que l'avenir de la société soit dans la réduction de la croissance à tout prix. Pas plus que nous ne pensons qu'il réside dans l'augmentation de la croissance à tout prix. Cette augmentation est, de fait, une des lois du capitalisme, système dans lequel le seul régulateur de la production est le marché aveugle. Personne, pas même les capitalistes eux-mêmes, n'a réellement de contrôle sur la production. Seule une société libérée de la concurrence, où la production serait démocratiquement planifiée en fonction des besoins, pourrait être une société où la croissance est maîtrisée - ce qui supposerait une croissance de la production de certaines marchandises si la hausse des besoins existe, et une décroissance de la production dans d'autres secteurs le cas échéant. Mais tout cela serait décidé et contrôlé par la population elle-même. Une telle société, cela s'appelle une société socialiste&nbsp;; et elle ne pourra voir le jour qu'à la suite d'une profonde révolution mondiale, qui mettra fin à la dictature des capitalistes sur la société.
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Ce n'est pas, on l'a compris, le but des décroissants. Bien dans l'air du temps où les idées de lutte collective n'ont pas le vent en poupe, les décroissants prônent l'action individuelle, le chacun pour soi. La plupart d'entre eux ne préconisent nulle lutte collective, mais conseillent à chacun de se retirer du monde moderne pour sauver sa propre peau... certainement sans ignorer qu'il y aura toujours des ouvriers, malgré tout, pour fabriquer les ordinateurs et le papier qui leur permettent d'écrire des âneries dans leurs journaux.
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Avec les décroissants, les capitalistes n'ont pas de souci à se faire. Bien au contraire&nbsp;: si, ce qui est fort peu probable, les idées décroissantes dépassaient le cercle fermé de la petite bourgeoisie écologiste, ce serait une bénédiction pour les capitalistes&nbsp;: ils auraient face à eux des travailleurs qui non seulement accepteraient leur sort, mais seraient tout joyeux de voir leur pouvoir d'achat se dégrader, au nom du retour à la simplicité. Des habitants des bidonvilles qui ne feraient plus d'émeutes de la faim, mais qui remercieraient leurs exploiteurs de n'avoir ni écoles, ni hôpitaux, ni médicaments, ni confort. Nous sommes bien convaincus que cela n'arrivera jamais - car il faut avoir le ventre plein pour prôner de telles idées. Mais quand, comme l'a fait un Gandhi par exemple (une autre idole des décroissants), on prône la résignation aux pauvres en leur disant que leur misère est une richesse, et qu'on arrive à les convaincre, les peuples n'ont à y gagner qu'un accroissement de cette misère.
      
Les décroissants veulent faire croire qu'il n'y a pas d'autre alternative pour l'humanité que de se noyer dans la graisse de la surproduction capitaliste d'un côté ou de rejeter tout progrès en acceptant, voire en se réjouissant, de sa misère. C'est au mieux une stupidité, au pire, un mensonge. Il existe une autre alternative - seule capable non seulement de résoudre les problèmes de pauvreté mais aussi ceux de la destruction de l'environnement par un capitalisme irresponsable et criminel&nbsp;: une révolution sociale, et l'instauration d'une société dirigée et contrôlée par la population elle-même&nbsp;: le communisme.
 
Les décroissants veulent faire croire qu'il n'y a pas d'autre alternative pour l'humanité que de se noyer dans la graisse de la surproduction capitaliste d'un côté ou de rejeter tout progrès en acceptant, voire en se réjouissant, de sa misère. C'est au mieux une stupidité, au pire, un mensonge. Il existe une autre alternative - seule capable non seulement de résoudre les problèmes de pauvreté mais aussi ceux de la destruction de l'environnement par un capitalisme irresponsable et criminel&nbsp;: une révolution sociale, et l'instauration d'une société dirigée et contrôlée par la population elle-même&nbsp;: le communisme.

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