Modifications

Aller à la navigation Aller à la recherche
aucun résumé des modifications
Ligne 5 : Ligne 5 :     
== Premiers mythes et religions ==
 
== Premiers mythes et religions ==
Dans beaucoup de récits mythiques et religieux, il y a une notion « d'[[âge d'or]] », de paradis perdu, une époque à laquelle l'humanité vivait harmonieusement, le plus souvent dans l'[[abondance]] : le Satya Yuga dans l'hindouisme, l'âge d'or en Grèce antique, les référence à un ancien Datong ou Taiping en Chine, le jardin d'Eden dans la Genèse biblique... Certains y ont vu un souvenir mythifié des rapports sociaux du [[communisme primitif]].<ref>Paul Lafargue, ''[https://www.marxists.org/francais/lafargue/works/1890/propriete/index.htm La propriété - Origine et évolution]'', 1890</ref> Cette idée a souvent été invoquée par des mouvements de révoltes populaires, pour dénoncer les [[classes dirigeantes]] et se battre au nom du retour à l'âge d'or. Ce type d'utopisme a beaucoup nourri les [[Luttes des classes en Chine|luttes de classes dans la Chine ancienne]]. La justification idéologique au travers de la légitimité du passé a longtemps dominé dans l'histoire de l'humanité.
+
[[Fichier:Lucas_Cranach_d.Ä._-_Das_Goldene_Zeitalter_(Nasjonalgalleriet,_Oslo).jpg|link=|droite|vignette|Une représentation de l'âge d'or|269x269px]]Dans beaucoup de récits mythiques et religieux, il y a une notion « d'[[âge d'or]] », de paradis perdu, une époque à laquelle l'humanité vivait harmonieusement, le plus souvent dans l'[[abondance]] : le Satya Yuga dans l'hindouisme, l'âge d'or en Grèce antique, les référence à un ancien Datong ou Taiping en Chine, le jardin d'Eden dans la Genèse biblique... Certains y ont vu un souvenir mythifié des rapports sociaux du [[communisme primitif]].<ref>Paul Lafargue, ''[https://www.marxists.org/francais/lafargue/works/1890/propriete/index.htm La propriété - Origine et évolution]'', 1890</ref> Cette idée a souvent été invoquée par des mouvements de révoltes populaires, pour dénoncer les [[classes dirigeantes]] et se battre au nom du retour à l'âge d'or. Ce type d'utopisme a beaucoup nourri les [[Luttes des classes en Chine|luttes de classes dans la Chine ancienne]]. La justification idéologique au travers de la légitimité du passé a longtemps dominé dans l'histoire de l'humanité.
    
La pensée autour de cet âge d'or était parfois explicitée comme ayant un caractère cyclique (chez les Grecs, les Hindous...). Mais une autre vision plus linéaire, qui tend à s'imposer historiquement, place à la fois l'âge d'or au commencement et à la fin des temps : les trois grands monothéismes avec le retour au paradis après le Jugement dernier, le bouddhisme avec l'attente du bouddha Maitreya...  
 
La pensée autour de cet âge d'or était parfois explicitée comme ayant un caractère cyclique (chez les Grecs, les Hindous...). Mais une autre vision plus linéaire, qui tend à s'imposer historiquement, place à la fois l'âge d'or au commencement et à la fin des temps : les trois grands monothéismes avec le retour au paradis après le Jugement dernier, le bouddhisme avec l'attente du bouddha Maitreya...  
Ligne 18 : Ligne 18 :     
=== Europe ===
 
=== Europe ===
Vers la fin du [[Moyen-âge en Europe]], toute une vague de révoltes [[Jacquerie|paysannes]] et plébéiennes ont eu lieu, au noms d'idéologies religieuses radicales, tôt ou tard condamnées comme [[hérésies]]. Celles-ci se sont beaucoup appuyées sur les idées de [[w:Joachim de Flore|Joachim de Flore]] (12<sup>e</sup> siècle), qui théorisait qu'une ère nouvelle de paradis terrestre allait arriver ([[mouvements millénaristes|millénarisme]]). On peut citer par exemple :
+
[[Fichier:John Ball encouraging Wat Tyler rebels from ca 1470 MS of Froissart Chronicles in BL.jpg|vignette|315x315px|[[John Ball (prêtre)|John Ball]], souvent considéré comme le seul vrai révolutionnaire du [[Moyen Age européen]].|lien=https://wikirouge.net/Fichier:John_Ball_encouraging_Wat_Tyler_rebels_from_ca_1470_MS_of_Froissart_Chronicles_in_BL.jpg]]Vers la fin du [[Moyen-âge en Europe]], toute une vague de révoltes [[Jacquerie|paysannes]] et plébéiennes ont eu lieu, au noms d'idéologies religieuses radicales, tôt ou tard condamnées comme [[hérésies]]. Celles-ci se sont beaucoup appuyées sur les idées de [[w:Joachim de Flore|Joachim de Flore]] (12<sup>e</sup> siècle), qui théorisait qu'une ère nouvelle de paradis terrestre allait arriver ([[mouvements millénaristes|millénarisme]]). On peut citer par exemple :
    
* La grande [[révolte des paysans anglais]] de 1381, avec la figure du prêtre [[John Ball (prêtre)|John Ball]] qui est souvent considéré comme le seul vrai révolutionnaire du Moyen-âge européen. Ce dernier est connu notamment pour sa harangue contre l'[[exploitation]] des nobles : ''«&nbsp;Quand Adam bêchait et Ève filait, où donc était le gentilhomme&nbsp;?&nbsp;»''
 
* La grande [[révolte des paysans anglais]] de 1381, avec la figure du prêtre [[John Ball (prêtre)|John Ball]] qui est souvent considéré comme le seul vrai révolutionnaire du Moyen-âge européen. Ce dernier est connu notamment pour sa harangue contre l'[[exploitation]] des nobles : ''«&nbsp;Quand Adam bêchait et Ève filait, où donc était le gentilhomme&nbsp;?&nbsp;»''
Ligne 31 : Ligne 31 :     
=== La réforme radicale (16<sup>e</sup> s.) ===
 
=== La réforme radicale (16<sup>e</sup> s.) ===
 +
[[Fichier:Guerre des Paysans Freyheit 1525.jpg|vignette|Des aspirations à la liberté et à l'égalité ont été exprimées par des protestants radicaux.]]
 
Au 16<sup>e</sup> siècle, la [[Réforme_protestante|Réforme]] ébranla l’Église catholique, ce qui fut en partie le reflet [[idéologique]] de la lutte de la [[bourgeoisie]] naissante face à une [[noblesse]] engoncée dans ses privilèges. Mais ce mouvement de remise en question a aussi suscité un ensemble de mouvements plus radicaux (« [[Réforme radicale]] ») exprimant des aspirations plus populaires et [[plébéiennes]]. Comme les mouvements religieux des siècles précédents, ces mouvements avaient une forte composante [[millénariste]] :
 
Au 16<sup>e</sup> siècle, la [[Réforme_protestante|Réforme]] ébranla l’Église catholique, ce qui fut en partie le reflet [[idéologique]] de la lutte de la [[bourgeoisie]] naissante face à une [[noblesse]] engoncée dans ses privilèges. Mais ce mouvement de remise en question a aussi suscité un ensemble de mouvements plus radicaux (« [[Réforme radicale]] ») exprimant des aspirations plus populaires et [[plébéiennes]]. Comme les mouvements religieux des siècles précédents, ces mouvements avaient une forte composante [[millénariste]] :
   Ligne 37 : Ligne 38 :     
===Les utopies des 16<sup>e</sup> et 17<sup>e</sup> s.===
 
===Les utopies des 16<sup>e</sup> et 17<sup>e</sup> s.===
 +
{{See also|Utopie}}
 +
Dans le domaine littéraire et intellectuel, le livre ''[[L'Utopie]]'' (1516) de Thomas More sera un événement majeur. More décrit une île fictive dans laquelle toute une société est organisée harmonieusement, sans [[propriété privée]]. Derrière les descriptions fantaisistes se trouve une critique en miroir de la société anglaise (notamment du contraste entre miséreux et [[nobles]] oisifs). Ce livre créé le mot « utopie » et le genre aura beaucoup de succès dans les siècles suivants.
   −
Dans le domaine littéraire et intellectuel, le livre [[L'Utopie]] de Thomas More, qui décrit une société communautaire harmonieuse, aura un grand retentissement sur la pensée émancipatrice. On peut aussi citer un peu plus tard (1602) un écrit utopique du moine Tommaso Campanella, ''La Cité du Soleil''.
+
Pour imaginer la façon de conduire à l'harmonie, les utopistes y vont tous de leur vision très subjective sur ce qui est « bien », et se lancent souvent dans des descriptions de sociétés où la vie est très régentée pour éviter les conflits et les malheurs. Et il n'y a quasiment jamais de perspectives indiquées sur la façon de passer de la société actuelle à l'utopie, sinon par la morale ; ce qui fait que l'utopie repose foncièrement sur une vision [[idéaliste]].
 +
 
 +
Il y a cependant des intuitions. Les utopies produites seront très diverses (certaines sont en fait purement conservatrices), mais la critique radicale de la propriété privée se retrouvera dans beaucoup d'entre elles, par exemple dans ''[[w:La Cité du Soleil|La Cité du Soleil]]'' (1602) du moine Tommaso Campanella. Ces utopistes proto-communistes ont souvent peu d'espoir que leur utopie soit autre chose qu'un rêve, mais en même temps ils s'attachent à montrer qu'à partir du moment où la communauté des biens, l'[[éducation]] et le temps libre (voire l'[[abondance]]) serait instaurés, il serait « rationnel » de supposer que la communauté serait harmonieuse.
    
===La Révolution anglaise et les Niveleurs (17<sup>e</sup> s.)===
 
===La Révolution anglaise et les Niveleurs (17<sup>e</sup> s.)===
   −
Pendant la [[Révolution_anglaise|Révolution anglaise]], sous la République de Cromwell qui avait fait condamner le roi à mort en 1649, se développa un mouvement minoritaire très radical. Les [[Niveleurs|Niveleurs]] protestaient contre le fait que la grande majorité de la population était dépourvue de toute propriété. L’un de ces militants, Chamberlen, publia un programme prévoyant la nationalisation des biens du roi, du clergé, des entreprises commerciales, un minimum vital pour tous, la mise au service de la collectivité des biens nationalisés, une politique de grands travaux et l’exploitation des terres en friches sous le contrôle de l’État.
+
Pendant la [[Révolution_anglaise|Révolution anglaise]], sous la République de Cromwell qui avait fait condamner le roi à mort en 1649, se développèrent des mouvements minoritaire radicaux. Les [[Niveleurs|Niveleurs]] revendiquaient l'égalité complète en droit, dont le suffrage universel. A leur gauche, les [[Bêcheux|Creuseurs]] eux ne voulaient pas se contenter d'une égalité formelle et prônaient la collectivisation des terres. L’un de ces militants, Chamberlen, publia un programme prévoyant la nationalisation des biens du roi, du clergé, des entreprises commerciales, un minimum vital pour tous, la mise au service de la collectivité des biens nationalisés, une politique de grands travaux et l’exploitation des terres en friches sous le contrôle de l’État.
    
===18<sup>e</sup> siècle===
 
===18<sup>e</sup> siècle===
   −
====La philosophie des Lumières<ref>LICHTENBERGER (A.), ''Le socialisme au dix-huitième siècle. Essai sur les idées socialistes dans les écrivains français du dix-huitième siècle, avant la Révolution,'' Paris, 1895.</ref><ref>DUCHET (M.), ''Anthropologie et histoire au siècle des Lumières,'' Paris, 1971.</ref><ref>RIHS (C.), ''Les philosophes utopistes. Le mythe de la cité communautaire en France au dix-huitième siècle,'' Paris, 1970.</ref><ref>VAN WIJNGARDEN, ''Les odyssées philosophiques en France entre 1616 et 1789,'' Amsterdam, 1932.</ref>====
+
====La philosophie des Lumières====
 +
{{See also|Lumières (philosophie)}}
 +
Chacun à sa manière, [[Diderot]], [[Voltaire]], [[D’Holbach]], [[Helvétius]] et d’autres, révolutionnèrent le monde des idées avant la [[Révolution française]] en soumettant toutes les anciennes théories au crible de leur critique impitoyable. Leur cible principale était la [[religion]], et les préjugés dans leur ensemble, qui pour eux étaient la principale cause des malheurs, et le rationalisme allait progressivement apporter une ère de vérité de justice. S'ils faisaient des pas de géants vers des explications [[matérialistes]] de la nature, leur vision de l'histoire et de la morale restait profondément [[Idéalisme historique|idéaliste]]. Malgré tout, parmi eux des ébauches de critiques de l'organisation sociale ont été formulées, même si la plupart se limitent à une timide « bienfaisance » (mot inventé par l'[[w:Charles-Irénée Castel de Saint-Pierre|abbé de Saint-Pierre]]), ou à des projets plus ambitieux mais utopiques.
 +
 
 +
La critique sociale porta essentiellement sur la misère [[Paysannerie|paysanne]], le problème de la propriété foncière, ou la question du commerce des grains. Les utopies reposent largement sur  un passé agraire idéalisé, et sur une répartition juste d'une production à peine suffisante, sauf exception comme Morelly ou Collignon qui pressentent la société d’[[abondance]].
 +
 
 +
Parmi les auteurs des Lumières, certains considèrent la propriété privée comme une source d'injustice&nbsp;:
 +
 
 +
* [[w:Jean Meslier|Meslier]] : Ce curé de campagne (en réalité [[athée]]) a développé une critique cinglante de la noblesse et du clergé oisif vivant au crochet de la paysannerie. Comme alternative, il propose le travail en commun des terres, et non le [[Réforme agraire|partage]], qu'il voit comme une fausse solution (il prend l'exemple des communautés monastiques qui travaillent la terre en commun, et qui seraient dans la discorde si chaque moine s'appropriait individuellement une parcelle).
 +
* Morelly,  
 +
* Dom Deschamps
 +
* Godwin.  
   −
Chacun à sa manière, [[Diderot|Diderot]], [[Voltaire|Voltaire]], [[D’Holbach|D’Holbach]], [[Helvétius|Helvétius]] et d’autres, révolutionnèrent le monde des idées avant la [[Révolution_française|Révolution française]] en soumettant toutes les anciennes théories au crible de leur critique impitoyable. A leurs yeux, la [[Religion|religion]], la conception de la nature, l’organisation sociale, tout, devait désormais justifier d’une existence raisonnable ou alors cesser d’exister. Le surnaturel jeté aux oubliettes, les principes découverts par la pensée issue du cerveau humain devaient légitimer désormais toute action, décision, association, etc. Pour ces [[Philosophie|philosophes]], le monde ne s’était jusque là laissé guider que par les préjugés mais le jour se levait, la superstition, l’injustice, le privilège, l’oppression, allaient être balayés par "la Vérité éternelle, la Justice éternelle, l’Égalité fondée sur la Nature, les droits inaliénables de l’homme".
+
Ces égalitaristes mettent en avant le droit à l'existence, et le placent au dessus du droit de propriété, pour justifier une incursion plus ou moins radicale dans les richesses des puissants. Certains se retrouveront à polémiquer avec les [[physiocrates]], qui sont parmi les premiers économistes à justifier la liberté du commerce des grains, quelles que soient les conséquences sociales (pauvres subissant des famines pendant que des marchands spéculent sur des grains...). Comme ancêtre des sociaux-libéraux, on peut citer le [[w:René Louis de Voyer de Paulmy d'Argenson|marquis d'Argenson]], plein de compassion pour les pauvres et partisans de l'égalité, mais qui n'envisage qu'un essor économique encadré de façon à ce que les pauvres rattrapent les riches.
   −
Parmi les auteurs des Lumières, certains considèrent la propriété privée comme une source d'injustice&nbsp;: le curé Meslier, Morelly, Dom Deschamps ou Godwin.
+
[[w:Jean-Jacques Rousseau|Rousseau]] influença beaucoup les intellectuels français à la veille de la [[Révolution française (1789)|Révolution]], notamment par son ''Contrat social'' et son ''Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes''. Mais dans sa vision contraste une analyse radicale et des conclusions plutôt modérées, car au fond Rousseau ne croit pas qu'il soit possible de bouleverser radicalement la propriété privée. L'idée présente chez Rousseau que l'homme est originellement bon, mais avili par la société, est en fait une idée qui le précède et qui traverse tout le siècle, qui génère beaucoup de discours et d'utopies à base de « bons sauvages » ([[w:Nicolas Guedeville|Guedeville]], [[w:Claude Buffier|Buffier]]...), entre autres basées sur les échos des [[w:Mission jésuite du Paraguay|réductions jésuites du Paraguay]] ou de Tahiti (chez Diderot).<ref>LICHTENBERGER (A.), ''Le socialisme au dix-huitième siècle. Essai sur les idées socialistes dans les écrivains français du dix-huitième siècle, avant la Révolution,'' Paris, 1895.</ref><ref>DUCHET (M.), ''Anthropologie et histoire au siècle des Lumières,'' Paris, 1971.</ref><ref>RIHS (C.), ''Les philosophes utopistes. Le mythe de la cité communautaire en France au dix-huitième siècle,'' Paris, 1970.</ref><ref>VAN WIJNGARDEN, ''Les odyssées philosophiques en France entre 1616 et 1789,'' Amsterdam, 1932.</ref>
    
====La Révolution française et Babeuf====
 
====La Révolution française et Babeuf====

Menu de navigation