Modifications

Aller à la navigation Aller à la recherche
7 847 octets ajoutés ,  17 décembre 2020 à 21:09
aucun résumé des modifications
Ligne 17 : Ligne 17 :  
==La fraction bolchévique==
 
==La fraction bolchévique==
   −
===Le 2<sup>e</sup> congrès et la question des statuts===
+
===Le 2<sup>e</sup> congrès (1903), origine de la fraction ===
 
{{See also|2e congrès du POSDR}}
 
{{See also|2e congrès du POSDR}}
 
Le POSDR tient, en 1903, son second congrès. Les délégués des [[Économisme (Russie)|économistes]] et du [[Union générale des travailleurs juifs|Bund]] (qui réclamaient une organisation autonome pour les social-démocrates juifs), sont mis en minorité. Mais le bloc de l'Iskra se fissure aussitôt. [[Lénine|Lénine]] et [[Julius_Martov|Martov]] ne parviennent pas à s’entendre sur la question des statuts&nbsp;: Lénine veut que l’adhésion au POSDR soit réservée à ceux qui militent activement, alors que Martov veut l’étendre à ceux qui partagent le programme du parti (''«&nbsp;sympathisants&nbsp;»''). Le désaccord conduit à une polarisation du débat entre deux sensibilités.
 
Le POSDR tient, en 1903, son second congrès. Les délégués des [[Économisme (Russie)|économistes]] et du [[Union générale des travailleurs juifs|Bund]] (qui réclamaient une organisation autonome pour les social-démocrates juifs), sont mis en minorité. Mais le bloc de l'Iskra se fissure aussitôt. [[Lénine|Lénine]] et [[Julius_Martov|Martov]] ne parviennent pas à s’entendre sur la question des statuts&nbsp;: Lénine veut que l’adhésion au POSDR soit réservée à ceux qui militent activement, alors que Martov veut l’étendre à ceux qui partagent le programme du parti (''«&nbsp;sympathisants&nbsp;»''). Le désaccord conduit à une polarisation du débat entre deux sensibilités.
Ligne 27 : Ligne 27 :  
Martov remporte d'abord le vote, mais après après le départ des 7 délégués du [[Bund|Bund]] et des 2 [[Économisme|économistes]], les partisans de Lénine se retrouvent en majorité. A ce moment-là, [[Plékhanov|Plékhanov]] est du côté de Lénine, tandis que [[Trotsky|Trotsky]] est avec Martov. Un  Comité central avec trois proches de Lénine est élu ([[Friedrich Lengnik|Lengnik]], Noskov et [[Krjijanovski]]).
 
Martov remporte d'abord le vote, mais après après le départ des 7 délégués du [[Bund|Bund]] et des 2 [[Économisme|économistes]], les partisans de Lénine se retrouvent en majorité. A ce moment-là, [[Plékhanov|Plékhanov]] est du côté de Lénine, tandis que [[Trotsky|Trotsky]] est avec Martov. Un  Comité central avec trois proches de Lénine est élu ([[Friedrich Lengnik|Lengnik]], Noskov et [[Krjijanovski]]).
   −
Puis le conflit se tend surtout lors du vote sur le comité de rédaction de l'''Iskra'' (devenu l'organe central du parti) : Lénine propose de le limiter à Plékhanov, Martov et lui-même, au nom de l'efficacité (les autres participant peu au travail). Le fait que des vétérans comme [[Pavel Axelrod|Axelrod]] et [[Véra Zassoulitch|Zassoulitch]] se retrouvent écartés accentue la dramatisation. Lénine considérait les divergences comme un conflit entre ceux qui acceptaient l’esprit d’un parti salariant des [[Permanent|permanents]], d’une part, et ceux qui étaient habitués aux attitudes de cercle et du « réseau de vieux copains ».<ref>Tony Cliff, ''[http://www.contretemps.eu/cliff-lenine-congres-1903/ Lénine : 1893-1914. Construire le parti – chapitre 5]'', 1975</ref> Lorsque Martov, refusant de se plier à la décision du congrès concernant le comité de rédaction, proclama : « nous ne sommes pas des serfs ! », Lénine argumenta contre cet « anarchisme aristocratique » et dit qu’ils « devaient apprendre à ''insister'' sur le fait que les devoirs d’un membre du parti doivent être remplis non seulement par la base, mais par les « gens du sommet » aussi. ».
+
Puis le conflit se tend surtout lors du vote sur le comité de rédaction de l'''Iskra'' (devenu l'organe central du parti) : Lénine propose de le limiter à Plékhanov, Martov et lui-même, au nom de l'efficacité (les autres participant peu au travail). Le fait que des vétérans comme [[Pavel Axelrod|Axelrod]] et [[Véra Zassoulitch|Zassoulitch]] se retrouvent écartés accentue la dramatisation. Lénine considérait les divergences comme un conflit entre ceux qui acceptaient l’esprit d’un parti salariant des [[Permanent|permanents]], d’une part, et ceux qui étaient habitués aux attitudes de cercle et du « réseau de vieux copains ».<ref>Tony Cliff, ''[http://www.contretemps.eu/cliff-lenine-congres-1903/ Lénine : 1893-1914. Construire le parti – chapitre 5]'', 1975</ref> Lorsque Martov, refusant de se plier à la décision du congrès concernant le comité de rédaction, proclama : « nous ne sommes pas des serfs ! », Lénine argumenta contre cet « anarchisme aristocratique » et dit que « les devoirs d’un membre du parti doivent être remplis non seulement par la base, mais par les « gens du sommet » aussi. ».
   −
Au départ, tout le monde pensait que la scission ne durerait pas. Pendant des années, la rupture a surtout concerné les milieux intellectuels dirigeants, en exil. Dans de nombreuses villes, les militants des deux fractions continueront à agir en commun. En fait, 351 organisations du parti restèrent des organisations conjointes bolcheviks-mencheviks jusqu'en 1917, dans certains cas jusqu’en septembre.
+
Se retrouvant en minorité, les ''«&nbsp;martovistes&nbsp;»'' menacent de scissionner. Sous pression, [[Gueorgui Plekhanov|Plekhanov]] fait volte-face. Lénine s'insurge, et fait valoir que s'il avait été minoritaire il serait resté à la rédaction en tant que minorité, sans faire de chantage à l'unité. Lénine tente pourtant activement d'éviter la scission, assurant des pleins droits démocratiques aux menchéviks. Mais ceux-ci refusent tout compromis avec ''«&nbsp;les léninistes&nbsp;»''.
   −
===Le revirement de Plékhanov===
+
Ces derniers, eux, se désignent par les termes de ''«&nbsp;majorité&nbsp;»'' (''bolchinstvo'', en russe), ''«&nbsp;vainqueurs&nbsp;»'' (du congrès). Ils combattent la ligne de la nouvelle ''[[Iskra|Iskra]]'', appelant ses partisans les ''«&nbsp;néo-iskristes&nbsp;»''.<ref name="TermeBolch">Claudie Weill, [http://www.persee.fr/doc/cmr_0008-0160_1975_num_16_3_1243 ''A propos du terme bolchévisme''], 1975</ref> Schématiquement, les bolcheviks rassemblent autour de Lénine un courant en apparence homogène, alors que les mencheviks regroupent différentes tendances&nbsp;: sociaux-démocrates traditionnels, tendance plus à gauche de [[Martov|Martov]] et tendance «&nbsp;gauchiste&nbsp;» de [[Léon_Trotski|Trotski]]. Les termes de bolchéviks / menchéviks ne seront employés par les martovistes que vers fin 1905.<ref name="TermeBolch" />
   −
Se retrouvant en minorité, les ''«&nbsp;martovistes&nbsp;»'' menacent de scissionner. Sous pression, Plekhanov fait volte-face et exige, pour «&nbsp;l’unité&nbsp;», que la majorité au comité de rédaction de l’''[[Iskra|Iskra]] ''soit donnée aux partisans de Martov, ce qui sera fait. Lénine s'insurge, et fait valoir que s'il avait été minoritaire il serait resté à la rédaction en tant que minorité, sans faire de chantage à l'unité. Lénine tente pourtant activement d'éviter la scission, assurant des pleins droits démocratiques aux menchéviks. Mais ceux-ci refusent tout compromis avec ''«&nbsp;les léninistes&nbsp;»''.
+
=== Débuts des luttes fractionnelles ===
 +
Lénine quitte alors la rédaction le 1<sup>er</sup> novembre 1903, et commence à organiser sa fraction le 17 novembre. Pendant plusieurs mois, Lénine est cependant hésitant, d'autant plus qu'il reçoit aussi énormément de courriers de ses partisans qui ne comprennent pas sa fermeté. Cela se voit notamment dans le grand nombre de courriers non envoyés, de déclarations non faites, de brouillons d’articles non publiés, que contiennent ses œuvres sur cette période.  [[Anatoli Lounatcharski|Lounatcharski]] écrivit plus tard :
 +
<blockquote>
 +
La difficulté la plus grande dans cette lutte… fut que le deuxième congrès scinda le parti sans établir les véritables divergences de vues entre martovistes et léninistes. Les désaccords paraissaient graviter autour d’un paragraphe des statuts et de la composition d’une rédaction. Bien des camarades étaient troublés par la futilité des raisons qui avaient conduit à la scission.<ref name=":0">Cité in Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/staline/lt_stal04.htm Staline]''.</ref>
 +
</blockquote>
 +
[[Ossip Piatnitsky|Piatnitsky]], qui était à cette époque un jeune travailleur, écrit dans ses souvenirs :
 +
<blockquote>
 +
Je ne pouvais pas comprendre pourquoi des différences anodines nous empêchaient de travailler ensemble. (...) Je ne m’attendais personnellement pas à une désunion à l’intérieur du groupe de l’''Iskra'', que j’étais habitué à considérer comme un corps homogène. (...) Nous avions des comptes rendus du congrès venant des deux camps, et immédiatement chacun d’eux commença à faire de l’agitation en faveur de sa propre ligne. J’étais déchiré entre les deux. (...) De plus, des camarades dont j’étais spécialement proche étaient dans le camp menchevique.<ref>O. Piatnitsky, ''Memoirs of a Bolshevik'', London n.d., p. 57.</ref>
 +
</blockquote>
 +
[[Krjijanovsky]], qui était à l’époque très proche de Lénine, se souvient : ''« Personnellement, je trouvais saugrenu que l’on pût accuser le camarade Martov d’opportunisme. »''<ref name=":0" /> De Saint-Pétersbourg, de Moscou, des provinces arrivaient des protestations et des lamentations.
   −
Ces derniers, eux, se désignent par les termes de ''«&nbsp;majorité&nbsp;»'' (''bolchinstvo'', en russe), ''«&nbsp;vainqueurs&nbsp;»'' (du congrès). Ils combattent la ligne de la nouvelle ''[[Iskra|Iskra]]'', appelant ses partisans les ''«&nbsp;néo-iskristes&nbsp;»''.<ref name="TermeBolch">Claudie Weill, [http://www.persee.fr/doc/cmr_0008-0160_1975_num_16_3_1243 ''A propos du terme bolchévisme''], 1975</ref> Schématiquement, les bolcheviks rassemblent autour de Lénine un courant en apparence homogène, alors que les mencheviks regroupent différentes tendances&nbsp;: sociaux-démocrates traditionnels, tendance plus à gauche de [[Martov|Martov]] et tendance «&nbsp;gauchiste&nbsp;» de [[Léon_Trotski|Trotski]].
+
Pendant toute l'année 1904, on insiste des deux côtés sur le fait que le clivage est plus profond que la question de l'organisation. Les accusations fusent, les bolchéviks reproduiraient les travers des [[Blanquistes|blanquistes]], des [[Populisme_russe|populistes]], des [[Jacobins|jacobins]]. Plékhanov dit alors de Lénine : ''«&nbsp;C'est de cette pâte que l'on fait les Robespierre&nbsp;»''.<ref name="MaVie12">Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/mavie/mv14.htm Ma vie, 12. Le congrès du parti et la scission]'', 1930</ref> [[Trotsky|Trotsky]] le compare également à [[Robespierre|Robespierre]]<ref>Trotsky, ''[https://www.marxists.org/archive/trotsky/1903/xx/siberian.htm Report of the Siberian Delegation]'', 1903</ref>. [[Rosa_Luxemburg_et_les_bolchéviks|Rosa Luxemburg participe à la polémique]].<ref>Rosa Luxemburg, ''[https://www.marxists.org/francais/luxembur/c_et_d/c_et_d_1.htm Questions d'organisation de la social-démocratie russe]'', 1904</ref>  De son côté Lénine polémique aussi durement  dans sa brochure ''Un pas en avant, deux pas en arrière''<ref name="UnPasEnAvant">Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1904/05/vil19040500.htm Un pas en avant, deux pas en arrière]'', 1904</ref> tout en insistant sur le fait qu'aucune scission ne serait justifiée :
 +
<blockquote>
 +
« les divergences qui séparent actuellement ces deux ailes concernent surtout les problèmes d’organisation, et non les questions de programme ou de tactique (...) le programme importe plus que la tactique, et la tactique importe plus que l’organisation (...) ce sont simplement des ''nuances'' sur lesquelles on peut et ''l’on doit'' discuter, mais pour lesquelles il serait absurde et puéril de nous séparer. »
 +
</blockquote>
   −
Lénine quitte alors la rédaction le 1<sup>er</sup> novembre 1903, et commence à organiser sa fraction le 17 novembre. Pendant plusieurs mois, Lénine hésite. Il reçoit énormément de courriers de ses partisans qui ne comprennent pas sa fermeté.
     −
Sous l'impulsion de [[Alexandre_Bogdanov|Bogdanov]], les bolchéviks lancent leur propre journal, ''[[Vperiod|Vperiod]]'' (''«&nbsp;En avant&nbsp;»''), en janvier 1905.  
+
Pour Lénine, les [[Mencheviks|menchéviks]] sont d'irresponsables désorganisateurs, et le clivage est entre l’aile [[Prolétariat|prolétarienne]] et la tendance [[Intellectuels|intellectualiste]] [[Petite-bourgeoisie|petite-bourgeoise]] du parti. Il se moque de ce qu'il considère être un de ''« verbiage et de formules bureaucratiques (c’est-à-dire inutiles pour le travail et soi-disant nécessaires pour la parade)  »'' chez [[Julius Martov|Martov]] (son projet de règles défendu au [[2e congrès du POSDR|congrès]] faisait 48 paragraphes contre 12 pour la version de Lénine).  
   −
Pendant tout l'année 1904, on insiste des deux côtés sur le fait que le clivage est plus profond que la question de l'organisation. C'est notamment ce que fait Lénine dans sa brochure ''Un pas en avant, deux pas en arrière''.<ref name="UnPasEnAvant">Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1904/05/vil19040500.htm Un pas en avant, deux pas en arrière]'', 1904</ref> [[Rosa_Luxemburg_et_les_bolchéviks|Rosa Luxemburg publie une critique de Lénine]], ''Questions d'organisation de la social-démocratie russe''.<ref>Rosa Luxemburg, ''[https://www.marxists.org/francais/luxembur/c_et_d/c_et_d_1.htm Questions d'organisation de la social-démocratie russe]'', 1904</ref> Les termes de bolchéviks / menchéviks ne seront employés par les martovistes que vers fin 1905.<ref name="TermeBolch" />
+
Au départ, tout le monde pensait que la scission ne durerait pas. Pendant des années, la rupture a surtout concerné les milieux [[intellectuels]] dirigeants, en exil. Dans de nombreuses villes, les militants des deux fractions continueront à agir en commun. En fait, 351 organisations du parti restèrent des organisations conjointes bolcheviks-mencheviks jusqu'en 1917, dans certains cas jusqu’en septembre.
   −
Les accusations fusent, les bolchéviks reproduiraient les travers des [[Blanquistes|blanquistes]], des [[Populisme_russe|populistes]], des [[Jacobins|jacobins]]. Plékhanov dit alors de Lénine : ''«&nbsp;C'est de cette pâte que l'on fait les Robespierre&nbsp;»''.<ref name="MaVie12">Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/mavie/mv14.htm Ma vie, 12. Le congrès du parti et la scission]'', 1930</ref> [[Trotsky|Trotsky]] le compare également à [[Robespierre|Robespierre]]<ref>Trotsky, ''[https://www.marxists.org/archive/trotsky/1903/xx/siberian.htm Report of the Siberian Delegation]'', 1903</ref>.
+
=== Tensions entre bolchéviks ===
 +
Assez vite, Lénine se fixe  un objectif : convoquer un [[3e congrès du POSDR|3<sup>e</sup> congrès]] pour trancher. Ainsi, le 10 décembre 1903, il écrivait au comité central (CC) :
 +
<blockquote>
 +
L’unique salut, c’est le congrès. Son mot d’ordre : la lutte contre les désorganisateurs. (...) Pour commencer, il faut le préparer en secret, durant un mois au maximum, ensuite, en trois semaines, rassembler les revendications de la moitié des comités et convoquer le congrès.  
 +
</blockquote>
 +
Mais l'organisation de ce congrès allait prendre encore 18 mois. Les membres du comité central, bien que bolchéviks, étaient très réticents à l'idée de se lancer dans une activité fractionnelle, et demandaient à Lénine de laisser tomber.
   −
Par ailleurs, Lénine se moque de ce qu'il considère être un de ''« verbiage et de formules bureaucratiques (c’est-à-dire inutiles pour le travail et soi-disant nécessaires pour la parade)  »''<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1904/05/vil19040500g.htm Un pas en avant, deux pas en arrière]'', 1904</ref> chez [[Julius Martov|Martov]] (son projet de règles défendu au [[2e congrès du POSDR|congrès]] faisait 48 paragraphes contre 12 pour la version de Lénine).
+
Après des mois de correspondance tendue, à l’été 1904, il fut virtuellement écarté du CC, qui de son côté reconnaissait l'''Iskra''. Lénine contourne alors le CC en mettant discrètement en place un bureau méridional du CC, sous la direction de [[Vatslav Vorovski|Vorovski]]. Le CC l'apprend et dissout le Bureau, et prive Lénine de ses pouvoirs de représentant du CC à l’étranger (lui interdisant de publier ses écrits sans leur autorisation), nommant [[Vladimir Noskov|Noskov]] à sa place. Lénine organise alors la création de nouveaux comités (de façon anti-statutaire), et coordonne ces comités pour qu'ils élisent un Bureau des Comités Majoritaires pour préparer et convoquer le 3<sup>e</sup> congrès.
    +
Sous l'impulsion de [[Alexandre_Bogdanov|Bogdanov]], les bolchéviks lancent leur propre journal, ''[[Vperiod|Vperiod]]'' (''«&nbsp;En avant&nbsp;»''), en janvier 1905. Mais il se plaint encore beaucoup du manque de centralisation de sa fraction.<ref>Lenin, ''[https://www.marxists.org/archive/lenin/works/1905/feb/11.htm A Letter to A. A. Bogdanov and S. I. Gusev]'', February 11, 1905</ref>
 +
 +
 +
La résistance à la scission était également répandue parmi les militants de base. A Saint-Pétersbourg, le parti se divisa en automne 1904,<ref>D. Lane, ''The Roots of Russian Communism'', Assen 1969, p. 71.</ref> à Moscou en mai 1905. En Sibérie et dans d’autres endroits, les deux fractions opérèrent dans la même structure organisationnelle en 1904 et 1905, et continuèrent à le faire jusqu’à la conférence de fusion tenue en avril-mai 1906.
 +
 +
La célèbre imprimerie illégale caucasienne, dans laquelle les sympathies bolcheviques étaient dominantes, continua en 1904 à réimprimer l’''Iskra'' menchevique ainsi que beaucoup de brochures de la minorité. « Nos divergences d’opinion », écrit [[Avel Enoukidzé|Enoukidzé]], « ne se reflétaient absolument pas dans notre travail. » Un facteur avait du poids à ce moment-là : le fait que tous les importants auteurs et théoriciens, à l’exception de Lénine, se trouvaient chez les mencheviks — [[Gueorgui Plekhanov|Plékhanov]], [[Pavel Axelrod|Axelrod]], [[Véra Zassoulitch|Zassoulitch]], [[Julius Martov|Martov]], [[Léon Trotsky|Trotsky]] et [[Alexandre Potressov|Potressov]]. Pendant les années de réaction 1906-1910 Lénine perdit aussi les nouveaux rédacteurs de grande qualité qui avaient rejoint les bolcheviks à l’époque — Bogdanov, Lounatcharsky, Pokrovsky, Rojkov et Gorky. Les bolcheviks souffrirent toujours du fait qu’ils avaient bien moins d’intellectuels et de journalistes capables que les mencheviks.
 +
 +
Pour ajouter aux difficultés de Lénine, à l’été 1904, tous les dirigeants du mouvement socialiste hors de Russie prirent position en faveur des mencheviks : [[Karl Kautsky]], [[Rosa Luxemburg]], [[August Bebel]]... Ce dernier alla jusqu’à dire que le « monstrueux scandale » des disputes du parti russe prouvait que le comportement des bolcheviks était proche d’une « incapacité sans scrupule et complète » à diriger le mouvement.
 +
 +
A partir de l'été 1904, Lénine reconnaît que sa fraction (bien qu'il parle toujours « du parti ») est en déclin. Et le 11 mars 1905 : ''« Les mencheviks sont en ce moment plus forts que nous, il faut une lutte à outrance, une lutte de longue durée. »''<ref>Lénine, Lettre à Goussev, 11 mars 1905</ref>
 
===La révolution de 1905===
 
===La révolution de 1905===
   −
La [[Révolution_de_1905|révolution de 1905]], qui prend par surprise l'ensemble des socialistes, impactera beaucoup la situation politique et les organisations. Les dirigeants bolchéviks étaient au départ méfiants envers ces organes&nbsp;apparus spontanément. Ils n'y étaient pas à l'aise, et fixaient la tâche de ''«&nbsp;convaincre ces organisations d'accepter le programme du parti social-démocrate comme étant le seul conforme aux vrais intérêts du prolétariat&nbsp;»''. [[Vladimir_Ilitch_Lénine|Lénine]] fera évoluer ces positions en favorisant le travail dans les soviets et en reconnaissant leur rôle central dans la révolution.
+
La [[Révolution_de_1905|révolution de 1905]], qui prend par surprise l'ensemble des socialistes, impactera beaucoup la situation politique et le [[Parti ouvrier social-démocrate de Russie|POSDR]]. Elle les prend dans une période de recul, et de forte désorganisation. Quatre jours avant qu'elle éclate, [[Nadejda Kroupskaïa|Kroupskaïa]] écrivait au comité des bolcheviks de Saint-Pétersbourg :
 +
<blockquote>
 +
Mais où sont les proclamations dont le comité promettait d’inonder la ville ? Nous ne les avons pas reçus. Pas plus qu’aucune correspondance. Nous avons appris par des journaux étrangers qu’il y avait une grève à l’usine Poutilov. Y avons-nous des contacts ? Est-il vraiment impossible d’obtenir des informations sur la grève ? Mais il faut que cela vienne vite… Faites tous les efforts nécessaires pour organiser l’écriture de correspondances par les ouvriers eux-mêmes.
 +
</blockquote>
 +
[[Vladimir Nevski|Nevski]], cadre bolchévik local, soutient que cela était dû fait que le comité « devait se consacrer entièrement à la lutte contre les organisations mencheviques conciliatrices. »<ref>V.I. Nevsky, [http://elib.shpl.ru/ru/nodes/4702-nevskiy-v-i-rabochee-dvizhenie-v-yanvarskie-dni-1905-goda-m-1930-istoriko-revolyutsionnaya-biblioteka-8-10-57-59#mode/inspect/page/87/zoom/7 Рабочее движение в январские дни 1905 года], Moscou 1930, p. 85.</ref> Il reconnaît cependant que les bolchéviks étaient largement coupés des masses, et ne comprenaient pas le mouvement de [[Gueorgui Gapon|Gapone]], disqualifié comme [[zoubatoviste]].
 +
 
 +
Les dirigeants bolchéviks étaient au départ méfiants envers les [[Soviet|soviets]]&nbsp;apparus spontanément. Ils n'y étaient pas à l'aise, et fixaient la tâche de ''«&nbsp;convaincre ces organisations d'accepter le programme du parti social-démocrate comme étant le seul conforme aux vrais intérêts du prolétariat&nbsp;»''. [[Vladimir_Ilitch_Lénine|Lénine]] fera évoluer ces positions en favorisant le travail dans les soviets et en reconnaissant leur rôle central dans la révolution.
    
En janvier, Lénine accuse les minoritaires menchéviks d'avoir un rôle désorganisateur et secrètement fractionniste.<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1905/01/vil_19050104c.htm Il est temps d'en finir]'', Vpériod, n° 1 du 4 janvier 1905</ref> [[Trotsky|Trotsky]] se tenait à ce moment-là ''«&nbsp;hors fraction&nbsp;»''. Lénine ironisait sur celui qui se promenait ''«&nbsp;avec le rameau de la paix et la burette d'huile non-fractionniste à la main&nbsp;»''.
 
En janvier, Lénine accuse les minoritaires menchéviks d'avoir un rôle désorganisateur et secrètement fractionniste.<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1905/01/vil_19050104c.htm Il est temps d'en finir]'', Vpériod, n° 1 du 4 janvier 1905</ref> [[Trotsky|Trotsky]] se tenait à ce moment-là ''«&nbsp;hors fraction&nbsp;»''. Lénine ironisait sur celui qui se promenait ''«&nbsp;avec le rameau de la paix et la burette d'huile non-fractionniste à la main&nbsp;»''.
Ligne 61 : Ligne 93 :     
===3<sup>e</sup> congrès (1905)&nbsp;: le congrès bolchévik===
 
===3<sup>e</sup> congrès (1905)&nbsp;: le congrès bolchévik===
 
+
{{See also|3e congrès du POSDR}}
Le [[3e_congrès_du_POSDR|3<sup>e</sup> congrès]] se tient à Londres du 25 avril au 10 mai 1905. Sa préparation déclencha un conflit de légitimité.<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1905/01/vil_19050104d.htm Conférence des comités]'', 1905</ref> Le Comité central menchévik avait voté contre l'appel au congrès le 7 février 1905, et voté l'exclusion de Lénine. Mais deux jours plus tard, 9 des 11 membres de ce comité sont arrêtés. Des membres du Comité central, [[Leonid_Krassine|Leonid Krassine]] et [[Alexei_Lyubimov|Alexei Lyubimov]], prennent contact avec les [[Bolchéviks|bolchéviks]] et signent un accord pour la tenue du 3<sup>e</sup> congrès avec [[Sergei_Gusev|Sergei Gusev]] et [[Piotr_Rumyantsev|Piotr Rumyantsev]].
+
Le 3<sup>e</sup> congrès se tient à Londres du 25 avril au 10 mai 1905. Sa préparation déclencha un conflit de légitimité.<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1905/01/vil_19050104d.htm Conférence des comités]'', 1905</ref> Le Comité central menchévik avait voté contre l'appel au congrès le 7 février 1905, et voté l'exclusion de Lénine. Mais deux jours plus tard, 9 des 11 membres de ce comité sont arrêtés. Des membres du Comité central, [[Leonid_Krassine|Leonid Krassine]] et [[Alexei_Lyubimov|Alexei Lyubimov]], prennent contact avec les [[Bolchéviks|bolchéviks]] et signent un accord pour la tenue du 3<sup>e</sup> congrès avec [[Sergei_Gusev|Sergei Gusev]] et [[Piotr_Rumyantsev|Piotr Rumyantsev]].
    
Seule une poignée de menchéviks se rend au congrès, les autres organisant une conférence alternative à Genève. [[Krassine|Krassine]] et [[Alexandre_Bogdanov|Bogdanov]] sont alors nommés au Bureau russe du Comité central, chargé de réunifier les 2 fractions.
 
Seule une poignée de menchéviks se rend au congrès, les autres organisant une conférence alternative à Genève. [[Krassine|Krassine]] et [[Alexandre_Bogdanov|Bogdanov]] sont alors nommés au Bureau russe du Comité central, chargé de réunifier les 2 fractions.

Menu de navigation