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''«&nbsp;Avec Hobbes, le matérialisme apparut sur la scène, comme défenseur de l’omnipotence et des prérogatives royales&nbsp;; il faisait appel à la monarchie absolue pour maintenir sous le joug cepuer robustus sed malitiosus [enfant vigoureux mais fourbe] qu’était le peuple. Il en fut de même avec les successeurs de Hobbes, avec Bolingbroke, Shaftesbury, etc&nbsp;; la nouvelle forme déiste ou matérialiste demeura, comme par le passé, une doctrine aristocratique, ésotérique et par consequent odieuse à la bourgeoisie... Par conséquent, en opposition à ce matérialisme et à ce déisme aristocratiques, les sectes protestantes qui avaient fourni son drapeau et ses combattants à la guerre contre les Stuarts, continuèrent à constituer la force principale de la classe moyenne progressive...&nbsp;»''<ref name="Engels297">Friedrich Engels, Introduction à l'édition anglaise de ''Socialisme utopique et socialisme scientifique'', in K. Marx, F. Engels ''Sur la religion'', ''op. cit.'', p. 297-298.</ref>
 
''«&nbsp;Avec Hobbes, le matérialisme apparut sur la scène, comme défenseur de l’omnipotence et des prérogatives royales&nbsp;; il faisait appel à la monarchie absolue pour maintenir sous le joug cepuer robustus sed malitiosus [enfant vigoureux mais fourbe] qu’était le peuple. Il en fut de même avec les successeurs de Hobbes, avec Bolingbroke, Shaftesbury, etc&nbsp;; la nouvelle forme déiste ou matérialiste demeura, comme par le passé, une doctrine aristocratique, ésotérique et par consequent odieuse à la bourgeoisie... Par conséquent, en opposition à ce matérialisme et à ce déisme aristocratiques, les sectes protestantes qui avaient fourni son drapeau et ses combattants à la guerre contre les Stuarts, continuèrent à constituer la force principale de la classe moyenne progressive...&nbsp;»''<ref name="Engels297">Friedrich Engels, Introduction à l'édition anglaise de ''Socialisme utopique et socialisme scientifique'', in K. Marx, F. Engels ''Sur la religion'', ''op. cit.'', p. 297-298.</ref>
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Engels pensait que la [[Première_révolution_anglaise|révolution anglaise]] du 17<sup>e</sup> siècle était la dernière dans laquelle la religion aurait un rôle déterminant à jouer. La [[Révolution_française|Révolution française]], contrairement à sa cousine anglaise, ''«&nbsp;rejeta totalement l'accoutrement religieux et livra toutes les batailles sur le terrain politique&nbsp;»''<ref name="Engels297" />&nbsp;: désormais, la religion semble condamnée à ne plus pouvoir jouer qu'un rôle réactionnaire.&nbsp;On s'explique ainsi la perplexité de Marx et d'Engels face à la persistance des références au [[Christianisme_primitif|christianisme primitif]] dans les premiers courants communistes du 19<sup>e</sup> siècle, notamment français et allemands (derrière [[Wilhelm_Weitling|Wilhelm Weitling]]). Engels affirme se sentir plus proche des socialistes anglais, les "[[Robert_Owen|owenistes]]", qui luttent contre les préjugés religieux. Les divergences sur la question religieuse entre Marx et Engels d'une part, les communistes français d'autre part, vont empêcher en 1844 la création d'une revue commune (les ''[[Annales_franco-allemandes|Annales franco-allemandes]]''). Trente ans plus tard, Engels constatera avec satisfaction que le mouvement socialiste est devenu non-religieux, terme qui lui semble plus approprié que celui d'''[[Athéisme|athéisme]]'', car&nbsp;:
 
Engels pensait que la [[Première_révolution_anglaise|révolution anglaise]] du 17<sup>e</sup> siècle était la dernière dans laquelle la religion aurait un rôle déterminant à jouer. La [[Révolution_française|Révolution française]], contrairement à sa cousine anglaise, ''«&nbsp;rejeta totalement l'accoutrement religieux et livra toutes les batailles sur le terrain politique&nbsp;»''<ref name="Engels297" />&nbsp;: désormais, la religion semble condamnée à ne plus pouvoir jouer qu'un rôle réactionnaire.&nbsp;On s'explique ainsi la perplexité de Marx et d'Engels face à la persistance des références au [[Christianisme_primitif|christianisme primitif]] dans les premiers courants communistes du 19<sup>e</sup> siècle, notamment français et allemands (derrière [[Wilhelm_Weitling|Wilhelm Weitling]]). Engels affirme se sentir plus proche des socialistes anglais, les "[[Robert_Owen|owenistes]]", qui luttent contre les préjugés religieux. Les divergences sur la question religieuse entre Marx et Engels d'une part, les communistes français d'autre part, vont empêcher en 1844 la création d'une revue commune (les ''[[Annales_franco-allemandes|Annales franco-allemandes]]''). Trente ans plus tard, Engels constatera avec satisfaction que le mouvement socialiste est devenu non-religieux, terme qui lui semble plus approprié que celui d'''[[Athéisme|athéisme]]'', car&nbsp;:
 
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''«&nbsp;Ce terme purement négatif ne s’applique plus à eux, car ils ne sont plus en opposition théorique, mais seulement pratique avec la croyance en Dieu&nbsp;; il en ont tout simplement fini avec Dieu, ils vivent et pensent dans le monde réel et sont donc matérialistes.&nbsp;»''<ref>Friedrich Engels, ''Littérature d’émigrés'', 1874, SR, p. 143.</ref>
 
''«&nbsp;Ce terme purement négatif ne s’applique plus à eux, car ils ne sont plus en opposition théorique, mais seulement pratique avec la croyance en Dieu&nbsp;; il en ont tout simplement fini avec Dieu, ils vivent et pensent dans le monde réel et sont donc matérialistes.&nbsp;»''<ref>Friedrich Engels, ''Littérature d’émigrés'', 1874, SR, p. 143.</ref>
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Au 20<sup>e</sup> siècle, dans un pays comme la France, l'Eglise catholique a connu à la fois un mouvement de lente érosion de son influence, et à la fois un déplacement vers la gauche de son centre de gravité idéologique. Toutefois à la fin du 20<sup>e</sup> siècle et au début du 21<sup>e</sup> siècle, on peut constater un revirement&nbsp;: les prêtres engagés à gauche sont vieillissants, les courants conservateurs et réactionnaires renforcent leur influence, notamment dans la jeunesse, et l'Eglise officielle subit la pression de ce rapport de force dégradé. Ainsi par exemple, dans les années 1980 et 1990, les ardinaux Jean-Marie Lustiger et Albert Decourtray faisaient des déclarations répétées contre le danger du [[Front_national|Front national]], et l'épiscopat se positionnait encore contre le vote Jean-Marie Le Pen à l’élection présidentielle de&nbsp;2002. Mais lors de la présidentielle de 2017, un catholique pratiquant sur deux a voté pour François Fillon au premier tour, et au second tour 4 sur 10 ont voté Marine Le Pen, et l'Eglise ne s'est pas positionnée.<ref>http://www.liberation.fr/debats/2018/04/02/henri-tincq-la-montee-des-forces-de-droite-au-sein-du-catholicisme-est-une-cruelle-deception_1640560</ref>
 
Au 20<sup>e</sup> siècle, dans un pays comme la France, l'Eglise catholique a connu à la fois un mouvement de lente érosion de son influence, et à la fois un déplacement vers la gauche de son centre de gravité idéologique. Toutefois à la fin du 20<sup>e</sup> siècle et au début du 21<sup>e</sup> siècle, on peut constater un revirement&nbsp;: les prêtres engagés à gauche sont vieillissants, les courants conservateurs et réactionnaires renforcent leur influence, notamment dans la jeunesse, et l'Eglise officielle subit la pression de ce rapport de force dégradé. Ainsi par exemple, dans les années 1980 et 1990, les ardinaux Jean-Marie Lustiger et Albert Decourtray faisaient des déclarations répétées contre le danger du [[Front_national|Front national]], et l'épiscopat se positionnait encore contre le vote Jean-Marie Le Pen à l’élection présidentielle de&nbsp;2002. Mais lors de la présidentielle de 2017, un catholique pratiquant sur deux a voté pour François Fillon au premier tour, et au second tour 4 sur 10 ont voté Marine Le Pen, et l'Eglise ne s'est pas positionnée.<ref>http://www.liberation.fr/debats/2018/04/02/henri-tincq-la-montee-des-forces-de-droite-au-sein-du-catholicisme-est-une-cruelle-deception_1640560</ref>
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''«&nbsp;La misère religieuse est, d'une part, l'expression de la misère réelle, et, d'autre part, la protestation contre la misère réelle. La religion est le soupir de la créature accablée par le malheur, l'âme d'un monde sans cœur, de même qu'elle est l'esprit d'une époque sans esprit. C'est l'opium du peuple.&nbsp;»''<ref name="contribution" />
 
''«&nbsp;La misère religieuse est, d'une part, l'expression de la misère réelle, et, d'autre part, la protestation contre la misère réelle. La religion est le soupir de la créature accablée par le malheur, l'âme d'un monde sans cœur, de même qu'elle est l'esprit d'une époque sans esprit. C'est l'opium du peuple.&nbsp;»''<ref name="contribution" />
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Cependant, il est insuffisant d'en rester là, car&nbsp;:
 
Cependant, il est insuffisant d'en rester là, car&nbsp;:
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''«&nbsp;Bénie soit une religion, qui verse dans l'amer calice de l'humanité souffrante quelques douces et soporifiques gouttes d'opium spirituel, quelques gouttes d'amour, foi et espérance.&nbsp;»''
 
''«&nbsp;Bénie soit une religion, qui verse dans l'amer calice de l'humanité souffrante quelques douces et soporifiques gouttes d'opium spirituel, quelques gouttes d'amour, foi et espérance.&nbsp;»''
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Et en 1843, [[Moses_Hess|Moses Hess]] écrit&nbsp;:
 
Et en 1843, [[Moses_Hess|Moses Hess]] écrit&nbsp;:
 
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''«&nbsp;La religion peut rendre supportable [...] la conscience malheureuse de la servitude [...] de la même façon que l'opium est d'une grande aide dans les maladies douloureuses.&nbsp;»''<ref>Cité par Michaël Löwy, </ref>
 
''«&nbsp;La religion peut rendre supportable [...] la conscience malheureuse de la servitude [...] de la même façon que l'opium est d'une grande aide dans les maladies douloureuses.&nbsp;»''<ref>Cité par Michaël Löwy, </ref>
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2. Cette phrase apparaît, chez Marx, dans la ''[[Contribution_à_la_critique_de_la_philosophie_du_droit_de_Hegel|Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel]]'', un article de 1844, époque à laquelle il est encore néo-[[Hégélianisme|hégélien]]&nbsp;: Marx voit la religion comme une aliénation de l'essence humaine, selon une analyse assez anhistorique qui ne fait pas appel aux [[Classes_sociales|classes sociales]]. En 1846, dans ''[[L'idéologie_allemande|L'idéologie allemande]]'', il engage pour la première fois une étude proprement marxiste de la religion comme fait social, et en particulier comme l'une des multiples formes de l'[[Idéologie|idéologie]].
 
2. Cette phrase apparaît, chez Marx, dans la ''[[Contribution_à_la_critique_de_la_philosophie_du_droit_de_Hegel|Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel]]'', un article de 1844, époque à laquelle il est encore néo-[[Hégélianisme|hégélien]]&nbsp;: Marx voit la religion comme une aliénation de l'essence humaine, selon une analyse assez anhistorique qui ne fait pas appel aux [[Classes_sociales|classes sociales]]. En 1846, dans ''[[L'idéologie_allemande|L'idéologie allemande]]'', il engage pour la première fois une étude proprement marxiste de la religion comme fait social, et en particulier comme l'une des multiples formes de l'[[Idéologie|idéologie]].
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''«&nbsp;Il est clair que tout bouleversement historique des conditions sociales entraîne en même temps le bouleversement des conceptions et des représentations des hommes et donc de leurs représentations religieuses.&nbsp;»''<ref>[[Karl Marx]], [[Friedrich Engels]], Compte rendu du livre de G.F. Daumer, « La religion de l’ère nouvelle », 1850, SR, page 94.</ref>
 
''«&nbsp;Il est clair que tout bouleversement historique des conditions sociales entraîne en même temps le bouleversement des conceptions et des représentations des hommes et donc de leurs représentations religieuses.&nbsp;»''<ref>[[Karl Marx]], [[Friedrich Engels]], Compte rendu du livre de G.F. Daumer, « La religion de l’ère nouvelle », 1850, SR, page 94.</ref>
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Pour combattre les superstitions religieuses, il s'agit d'abord et avant tout de combattre les causes qui les font naître. C'est ce qui a amené le jeune [[Karl_Marx|Marx]] a élargir la critique de la religion, alors cheval de bataille des [[Jeunes-hégéliens|jeunes-hégéliens]], à la critique politique.
 
Pour combattre les superstitions religieuses, il s'agit d'abord et avant tout de combattre les causes qui les font naître. C'est ce qui a amené le jeune [[Karl_Marx|Marx]] a élargir la critique de la religion, alors cheval de bataille des [[Jeunes-hégéliens|jeunes-hégéliens]], à la critique politique.
 
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''«&nbsp;Le véritable bonheur du peuple exige que la religion soit supprimée en tant que bonheur illusoire du peuple. Exiger qu'il soit renoncé aux illusions concernant notre propre situation, c'est exiger qu'il soit renoncé a une situation qui a besoin d'illusions. La critique de la religion est donc, en germe, la critique de cette vallée de larmes, dont la religion est l'auréole. [...] La critique de la religion désillusionne l'homme, pour qu'il pense, agisse, forme sa réalité comme un homme désillusionné, devenu raisonnable, pour qu'il se meuve autour de lui et par suite autour de son véritable soleil. La religion n'est que le soleil illusoire qui se meut autour de l'homme, tant qu'il ne se meut pas autour de lui-même.&nbsp;»''<ref name="contribution" />
 
''«&nbsp;Le véritable bonheur du peuple exige que la religion soit supprimée en tant que bonheur illusoire du peuple. Exiger qu'il soit renoncé aux illusions concernant notre propre situation, c'est exiger qu'il soit renoncé a une situation qui a besoin d'illusions. La critique de la religion est donc, en germe, la critique de cette vallée de larmes, dont la religion est l'auréole. [...] La critique de la religion désillusionne l'homme, pour qu'il pense, agisse, forme sa réalité comme un homme désillusionné, devenu raisonnable, pour qu'il se meuve autour de lui et par suite autour de son véritable soleil. La religion n'est que le soleil illusoire qui se meut autour de l'homme, tant qu'il ne se meut pas autour de lui-même.&nbsp;»''<ref name="contribution" />
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====Chez Engels====
 
====Chez Engels====
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''«&nbsp;Sa doctrine politique correspondait exactement à cette conception religieuse révolutionnaire et dépassait tout autant les rapports sociaux et politiques existants que sa théologie dépassait les conceptions religieuses de l’époque. [...] Ce programme, qui était moins la synthèse des revendications des plébéiens de l’époque, qu’une anticipation géniale des conditions d’émancipation des éléments prolétariens en germe parmi ces plébéiens, exigeait l’instauration immédiate sur terre du Royaume de Dieu, du royaume [[Millénarisme|millénaire]] des prophètes, par le retour de l’Eglise à son origine et par la suppression de toutes les institutions en contradiction avec cette Eglise, prétendument primitive, mais en réalité, toute nouvelle. Pour Munzer, le royaume de Dieu n’était pas autre chose qu’une société où il n’y aurait plus aucune différence de classes, aucune propriété privé, au aucun pouvoir d’Etat étranger, autonome, s’opposant aux membres de la société.&nbsp;»''<span style="background-color: white"><ref>Karl Marx, Friedrich Engels, ''Sur la religion'', Paris, Editions sociales, 1960, p. 114.</ref></span>
 
''«&nbsp;Sa doctrine politique correspondait exactement à cette conception religieuse révolutionnaire et dépassait tout autant les rapports sociaux et politiques existants que sa théologie dépassait les conceptions religieuses de l’époque. [...] Ce programme, qui était moins la synthèse des revendications des plébéiens de l’époque, qu’une anticipation géniale des conditions d’émancipation des éléments prolétariens en germe parmi ces plébéiens, exigeait l’instauration immédiate sur terre du Royaume de Dieu, du royaume [[Millénarisme|millénaire]] des prophètes, par le retour de l’Eglise à son origine et par la suppression de toutes les institutions en contradiction avec cette Eglise, prétendument primitive, mais en réalité, toute nouvelle. Pour Munzer, le royaume de Dieu n’était pas autre chose qu’une société où il n’y aurait plus aucune différence de classes, aucune propriété privé, au aucun pouvoir d’Etat étranger, autonome, s’opposant aux membres de la société.&nbsp;»''<span style="background-color: white"><ref>Karl Marx, Friedrich Engels, ''Sur la religion'', Paris, Editions sociales, 1960, p. 114.</ref></span>
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On est là très loin d'une théorie de la religion comme reflet de la société&nbsp;: elle n'est pas l'expression des conditions existantes, mais une anticipation géniale des théories communistes de l'avenir.
 
On est là très loin d'une théorie de la religion comme reflet de la société&nbsp;: elle n'est pas l'expression des conditions existantes, mais une anticipation géniale des théories communistes de l'avenir.
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=== Chez Boukharine ===
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« [O]n s'est mis à penser, qu'il y a derrière chaque chose « l'esprit » de cette chose ; la nature tout entière s'est spiritualisée (cette conception est appelée dans la science « animisme » du mot latin ''anima - âme'' ou bien ''animas'' - l'esprit). Une fois cette conception née, elle a conduit infailliblement à la religion qui a commencé par le culte des ancêtres, des aînés, des dirigeants, des organisateurs. Leurs âmes ou « esprits » étaient considérés comme les plus savants, les plus expérimentés, les plus puissants, capables d'aider chacun et dont dépend tout ce qui existe au monde. C'est cela qu'est déjà la religion. Ainsi, l'origine même de la religion indique qu'elle est née comme reflet de l'image des rapports de production (et en particulier de ces rapports où nous avons la domination - subordination), et du régime politique déterminé par ces rapports. La religion expliquait le monde entier suivant la formule par laquelle s'expliquait la vie intérieure de la société.
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Et toute l'histoire de la religion montre que sa forme se modifie au fur et à mesure que les rapports de production, politiques et sociaux subissaient des transformations : si la société est composée de quelques tribus, rattachées faiblement l'une à l'autre et dont chacune a ses supé­rieurs et ses princes, la religion a la forme polythéiste; et lorsque, par exemple, com­mence le processus d'unification et se crée une monarchie centra­lisée, la même chose se passe au ciel où le seul Dieu monte sur le trône, Dieu aussi cruel que le roi terrestre : si nous sommes en présence d'une République de commerçants et de maîtres d'esclaves (telle que celle d'Athènes au Ve siècle), les dieux aussi sont organisés à la mode républicaine, bien que parmi tous ces dieux, la déesse de la cité victorieuse, Pallas Athénée soit tout particuliè­rement distinguée. Et de même que dans chaque État « qui se respecte », il existe toute une hiérarchie de chefs, de même dans les cieux, les saints, les ancres, les dieux, etc... sont disposés suivant leur rang, obtiennent des charges et des honneurs divers. Mais il y a plus ; parmi les dieux, comme parmi les chefs de la terre, on voit se développer la division du travail ; l'un devient spécialiste en matière militaire (Mars chez les Romains, saint Georges le Vainqueur ou bien l'Archi-stratège, c'est-à-dire le maréchal Michel chez les « chrétiens orthodoxes »), un autre pour le commerce (Mercure), un troisième pour l'agriculture, etc... On arrive ainsi parfois à des choses curieuses. Il y a, par exemple, en Russie, des saints « spécia­listes » en chevaux (Frol, Labre). Et partout où existent des rapports de domination à subordination, on voit la religion refléter ces rapports. Il faut encore observer que de même que dans la vie réelle, il y a des guerres, des révoltes, des violences, de même se rencontrent dans les sphères célestes, d'après les doctrines religieu­ses, des diables, des démons, « des princes des ténèbres » qui ne sont qu'un reflet des chefs ennemis s'efforçant sur la terre, de détruire l'État comme les autres dans le ciel essaient de renverser le pouvoir suprême du Dieu tout-puissant et tout le « régime céleste » existant. »<ref name=":0">Boukharine, ''[[:fr:La théorie du matérialisme historique|La théorie du matérialisme historique]]'', 1921</ref>
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== Causes anthropologiques vs matérialisme historique ? ==
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Beaucoup d'auteurs ont mis en avant des explications au moins partiellement naturalistes de la croyance religieuse (l'homme serait porté à ce types de croyances de par le fonctionnement même de son cerveau). Certains marxistes s'y sont opposé en y voyant des explications concurrentes du [[matérialisme historique]]. Ainsi [[Nikolaï Boukharine|Boukharine]] écrivait :
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Ainsi, nous lisons chez [H. Cunow] que « les peuples sauvages et mi civilisés sont tout naturellement (!!!) Dualistes ». Cela ressemble un peu à cet « échange » d'Adam Smith qui constitue une qualité « tout à fait naturelle » à l'homme ou bien à l'explication de l'origine de la science par la faiblesse particu­lière qu'ont les hommes pour « l'explication causale » (ce que les savants allemands appellent ''Kausalitätstrieb).''<ref name=":0" />
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Cependant un assez grand nombre de résultats scientifiques convergent vers l'idée que les biais naturels du cerveau humain favorisent les croyances. Il est tout à fait raisonnable d'admettre que la tendance aux croyances en général a un fondement naturel, mais que, comme le dit Bouharine, ''« sa '''forme''' se modifie au fur et à mesure que les rapports de production, politiques et sociaux subissaient des transformations »''.
    
==Cas concrets==
 
==Cas concrets==
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=== Religion babylonienne ===
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« Chez les anciens Babyloniens (2 000 à 3 000 ans avant J.-C.) « Le ciel est l'image primitive de la terre ; toutes les choses terrestres ont été créées à l'image de celles des cieux ; un lien indissoluble existe entre les unes et les autres » (prof. B. A. Touriaeff : Histoire ''de'' l’Ancien Orient (1re partie). Les dieux sont les tuteurs (esprits) des hommes, ce qui correspond à notre « ange-gar­dien », des rues, des villes, des lieux, etc... « La divinité est liée d'une façon indissoluble au sort de sa ville; … sa majesté grandissait avec l'élargissement des limites du territoire de la cité ; si son peuple s'annexait d'autres cités, les divinités des villes conquises leur devenaient soumises ; au contraire, si l'on emportait l'image du dieu et si l'on détruisait son temple, cela équivalait à la destruction politique de la cité. » À côté des dieux principaux (Anou, Enlil, Ea, Sin, Schamasch, etc.) il existe encore toute une série d'esprits de moindre importance (Iguigui) et souterrains (Anounaki). Parallèlement à la constitution de la monarchie babylonienne une monarchie céleste fut créée : le développement de la puissance babylonienne a entraîné certains changements dans le Panthéon. Le dieu de Babylone devait prendre la première place. Ce dieu s'appelait Mardouk qui portait aussi un nom sumérien C'était la divinité du soleil printanier. La dynastie de Hammourabi (Hammourabi, roi babylonien qui a donné son nom à un recueil de lois retrouvé pendant les fouilles faites sur l'emplacement de l'ancienne Babylone, N. B.) en a fait, en réalité, la ( divinité suprême ». En même temps, les autres dieux supérieurs ont subi « l'évolution » suivante : (Enlil, roi du ciel et de la terre, a transmis à Mardouk... le pouvoir sur les quatre parties du monde et son nom de maître des pays. » En ce qui concerne Ea, on a « proclamé Mardouk son fils premier-né auquel son père avait gracieusement cédé ses droits, sa force et son rôle dans la création du monde. » Lorsque la monarchie babylonienne se fut affermie la conception s'est créée peu à peu d'une puissance divine unique, qui se manifestait sous une multitude de fictions et qui portait, relativement à ses formes, un grand nombre de noms. Les prêtres se sont mis à dire que les autres dieux supérieurs n'étaient que l'image de Mardouk : « Ninipe est Mardouk de la force ; Nergal, Mardouk de la bataille ; Enlil, Mardouk du pouvoir et du royaume. » Voici un passage d'un hymne-prière au dieu Sin, qui représente d'une façon très caractéristique le pouvoir monarchique céleste :
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« Dieu maître des dieux, le seul grand dans le ciel et sur la terre... Toi qui as créé la terre, fondé les temples et qui leur as donné les noms, père des dieux et des hommes... chef puissant, dont la profondeur mystérieuse n'a été explorée par aucun dieu... père, créateur de tout ce qui existe ; Seigneur ! qui décide du sort du ciel et de la terre, dont les ordres sont irrévocables, qui détiens le froid et la chaleur, qui gouvernent les êtres vivants, quel dieu t'est comparable ? Qui est grand dans les cieux ? Toi seul. Et qui est grand sur la terre ? Lorsque ta parole retentit dans le ciel, les Iguigues se prosternent. Lorsqu'elle se fait entendre sur la terre, les Anounaki baisent la poussière... Seigneur ! Tu n'as pas de rival pour la domination sur la terre et sur le ciel parmi les dieux, tes frères ». (Cité d'après B. Touraieff.) Sin est représenté ici comme un empereur céleste, envers lequel on garde toute une étiquette (on se prosterne, on baise la terre, etc...). »<ref name=":0" />
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=== Hindouisme ===
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« Au sujet des anciens Hindous, beaucoup de choses intéressantes ont été dites par Max Weber dans ses études extrêmement curieuses, la morale économique des religions universelles (Max Weber, l. c. tome II '': « Hinduismus und Buddhismus).'' Ici, la division de la société ayant un caractère économique de Classe et de profession a pris la forme de castes consolidées directement par la religion. D'après l'ancien recueil de lois de Manou, les quatre castes principales sont :
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* les ''brahmanes'' (prêtres, savants, écrivains nobles);
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* les ''kshatriyas'' (chevaliers nobles, guerriers);
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* les ''vaishyas'' (agriculteurs, ensuite commerçants et usuriers);
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* et les ''soudras'' (esclaves, artisans, etc ...).
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Ainsi une caste « est toujours, et d'après son essence même, une union partielle, soit pure­ment sociale, soit professionnelle, à l'intérieur de l'union sociale ». Les brahmanes et les kshatriyas dirigeaient tout. Les vaishyas étaient considérés seulement comme une caste « pure », digne d'offrir aux brahmanes l'eau ou la nourriture. Les soudras se divisent en « purs » et « impurs » ; à ces derniers, un gentilhomme ne prendra jamais l'eau, un pédicure ne donnera jamais de soins, etc... Aux « impurs » soudras se joignent d'autres « impurs » : les uns ne peu­vent pas se montrer dans les temples, les autres sont considérés à tel point impurs que leur attouchement seul salit ; il suffit parfois à un noble ou à un « pur » de s'approcher d'un tel homme à une distance de 60 pieds pour être lui-même « souillé ». Un regard lancé par un « im­pur » sur la nourriture, la salit, etc...; par contre, les excréments d'un brahmane eux-mêmes sont considérés comme sacrés. Des milliers de règles et de cérémonies religieuses protègent l'ordre établi. Les rois et les princes tirent leur origine des kshatriya. L'administration politique aristocratique trouve également son expression dans la vie économique (''taxes, impôts en nature, magasins d'État''), et s'appuie sur un appareil bureaucratique invraisemblable. Parmi les idées religieuses qui se sont développées sur un pareil terrain social, M. Weber en considère deux comme principales : l'idée de migration des âmes (Samsara) et la doctrine de la récompense (Karma), qui se rattache à la première. Chaque action de l'homme lui est comptée ; il a une sorte de compte courant avec la balance de ses actions, bonnes et mauvaises ; quand il meurt, il est condamné à renaître sous la forme qu'il a méritée et qui est déterminée par la balance de ses actions au moment de sa mort. Il peut renaître roi ou brahmane ; « il peut aussi devenir un ver dans l'intestin d'un chien ». Par quoi les vertus principales sont-elles déterminées ? Par l'observance de l'ordre de caste. Si tu es esclave et impur, garde ta place. Si tu ne l'abandonnes jamais, si tu te souviens toujours que tu es un impur, alors peut-être après ta mort, dans la vie future, deviendras-tu noble, mais, sur la terre le régime de caste est immuable et il serait stupide de songer à le changer. La naissance n'est jamais un « accident » : chacun naît dans la caste qu'il a méritée dans sa vie antérieure, avant sa naissance actuelle. Le reflet du régime social et des intérêts des classes dominantes est ici patent. Nous trouvons ce reflet déjà antérieurement. Ainsi, par exemple, les dieux des Védas, recueil d'hymnes sacrés antiques, « sont des dieux héroïques et exerçant certaines fonctions à l'image des dieux d'Homère, tout comme les héros du temps des Védas, habitant des châ­teaux, bataillant tels les rois guerriers sur des chars de combat entourés de leur suite et ayant à côté d'eux... des paysans s'occupant plus ou moins d'élevage ». Parmi les plus caractéristiques, citons : « Indra, dieu de la tempête, et comme tel (à l'image de Yahveh) guer­rier passionné et héros, ... Varona, dieu sage, voyant tout, dieu de l'ordre éternel et avant tout de l'ordre légal »... (Il est intéressant de noter que du début, le ciel était dévolu seulement aux Brahmanes et aux Kashatryas). À côté de la religion officielle des classes dominantes, il existait encore une religion populaire qui, entre autres attributions, s'appliquait souvent aux actes sexuels. Les Védas appelaient un de ces cultes « mœurs infâmes des subordonnés ». Nous sommes donc ici en présence de plusieurs religions de classe. Voici, par exemple, la description d'un schisme religieux dans l'Inde méridionale (disons à ce propos qu'elle ressemble un peu au schisme religieux russe) : « Une partie des castes inférieures et quelques artisans royaux ont résisté aux Brahmanes et c'est ainsi qu'est née la secte des « valan-gaï » et « l'idan-gaï » qui existe encore aujourd'hui, la caste de la main « gauche » et celle de la main « droite ». »<ref name=":0" />
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=== Grèce antique ===
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« Chez les Grecs anciens, le régime féodal et le régime d'esclavage ont eu leur reflet dans le ciel, où '''Zeus''' était le roi des dieux. '''Déméter''' était la déesse de l'agriculture, '''Hermès''', le dieu du commerce et des voies de communication, '''Helios''' des « professions libérales » (arts). Et c'est encore la même ligne que suivait la lutte des classes. Dans l'Athènes du Ve siècle (époque de la plus haute floraison et début de la décadence), la religion constitue une des armes principales de la classe dominante, de la « démocratie » marchande : « Selon Sophocle (le plus grand poète, bien-pensant » de ces temps, N. B.), le monde entier tombe en morceaux si la foi disparaît, tout ordre moral et politique reposant, d'après lui, sur la volonté des dieux ». (E. Meyer : ''Geschichte des Altertums,'' (Histoire de l'antiquité), tome IV, page 140 : ''Athènes depuis la paix de 446 jusqu'à sa capitulation en 404 avant J.-C.).'' L'opposition nobiliaire et les couches déclassées se servent de la critique religieuse comme critique de l'ordre établi. La démocratie marchande punit de mort le moindre doute sur l'existence des dieux. »<ref>Boukharine, ''[[:fr:La théorie du matérialisme historique|La théorie du matérialisme historique]]'', 1921</ref>
    
===Christianisme primitif===
 
===Christianisme primitif===
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Des millénarismes similaires ont également existé dans la sphère musulmane, par exemple les Qarmates au 10<sup>e</sup> siècle en Irak, Syrie, Palestine et dans la région de Bahreïn où ils fondèrent un état (~903-1077) aux prétentions égalitaires.<ref>https://fr.wikipedia.org/wiki/Qarmates</ref>
 
Des millénarismes similaires ont également existé dans la sphère musulmane, par exemple les Qarmates au 10<sup>e</sup> siècle en Irak, Syrie, Palestine et dans la région de Bahreïn où ils fondèrent un état (~903-1077) aux prétentions égalitaires.<ref>https://fr.wikipedia.org/wiki/Qarmates</ref>
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=== Russie ===
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« Chez les anciens Slaves, nous constatons la même chose. Le culte des ancêtres, des dieux nationaux, domestiques, professionnels, existait également. Le dieu principal de l'État était Péroun, dieu des commerçants et des guerriers nobles, en même temps que du tonnerre. Le paradis était ouvert à l'âme des princes morts et de leurs paladins, mais il n'y avait pas de place pour un simple mortel (voir N. AI. Nikolski '': Les croyances religieuses primitives et les débuts du christianisme dans l'Histoire russe de Pokrovski.'' N. M. Nikolski lui-même voit les origines de la religion dans la peur qu'inspirent les morts, etc. ...). Prenons enfin les formes modernes de la religion chrétienne (orthodoxie). L'orthodoxie était et est encore une image exacte de l'auto­cratie byzantino-moscovito-pétersbourgeoise. Dieu est empereur, la Sainte-Vierge est impéra­trice, Nicolas le Thaumaturge et les autres saints favoris sont des ministres. Il y a ensuite tout un état-major de fonctionnaires (anges, archanges, séraphins, chérubins, etc...). Parmi tous ces courtisans, existe une division du travail : l'archistratège Michel est le maréchal (archistratège veut dire en grec, général en chef), la Sainte-Vierge est la première dame patronnesse, la pro­tec­trice ; Nicolas est surtout le dieu de la fertilité du sol, Pantélémon est une sorte de médecin, Georges le Victorieux, un guerrier divin, etc... Aux saints les plus considérables, on voue le plus de respect : on leur offre les meilleures couronnes, sacrifices, etc... La lutte des classes a pris en Russie plus d'une fois les formes religieuses (le raskol, les sectes de chtoundistes, de khlystes, de molokans, etc ...). Mais ce n'est pas ici la place d'en parler en détail ; ajoutons seulement pour conclure que les noms russes qu'on donne à la divinité montrent clairement l'origine de cette aimable idée de Dieu : Gospode veut dire maître (« et nous sommes tes esclaves »). Le mot « Bog » (Dieu), est de même origine que « bogaty » (riche), et ce sont tous les surnoms d'un monarque féodal et nobiliaire céleste, qui regarde le peuple comme des esclaves. Ce n'est pas pour rien que « l'orthodoxie» plaisait tellement à « l'auto­cratie ». »<ref name=":0" />
    
===Les religions en Extrême-orient===
 
===Les religions en Extrême-orient===
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''«&nbsp;Un dimanche, j'allai, avec Lénine et Kroupskaïa, visiter une église de Londres où se tenait un meeting social-démocrate entremêlé de psaumes chantés. L'orateur était un compositeur-typographe, revenu d'Australie. Il parla de la révolution sociale. Ensuite, toute l'assistance se leva et chanta: "Dieu tout-puissant, fais qu'il n'y ait plus ni rois ni richards..."&nbsp;Je n'en croyais ni mes yeux ni mes oreilles.&nbsp;»<ref>Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/mavie/mv13.htm Ma vie, 11. Première émigration]'', 1930</ref>''
 
''«&nbsp;Un dimanche, j'allai, avec Lénine et Kroupskaïa, visiter une église de Londres où se tenait un meeting social-démocrate entremêlé de psaumes chantés. L'orateur était un compositeur-typographe, revenu d'Australie. Il parla de la révolution sociale. Ensuite, toute l'assistance se leva et chanta: "Dieu tout-puissant, fais qu'il n'y ait plus ni rois ni richards..."&nbsp;Je n'en croyais ni mes yeux ni mes oreilles.&nbsp;»<ref>Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/mavie/mv13.htm Ma vie, 11. Première émigration]'', 1930</ref>''
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Les [[POSDR|social-démocrates russes]], qui militaient dans un pays où l'immense majorité des classes populaires croyaient au [[Christianisme_orthodoxe|christianisme orthodoxe]], se sont beaucoup intéressés à la religion. Trotsky raconte ainsi ses premières réunions de l'Union ouvrière du Midi (en Ukraine actuelle), en 1897&nbsp;:
 
Les [[POSDR|social-démocrates russes]], qui militaient dans un pays où l'immense majorité des classes populaires croyaient au [[Christianisme_orthodoxe|christianisme orthodoxe]], se sont beaucoup intéressés à la religion. Trotsky raconte ainsi ses premières réunions de l'Union ouvrière du Midi (en Ukraine actuelle), en 1897&nbsp;:
 
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''«&nbsp;Certains d'entre eux se disaient baptistes, stundistes, chrétiens évangéliques. Mais ce n'étaient pas les membres de sectes dogmatiques. S'éloignant simplement de l'orthodoxie, ces travailleurs prenaient le baptisme comme étape d'un court trajet vers le chemin de la révolution. Au cours des premières semaines de nos entretiens, certains d'entre eux usaient encore de formules de sectes chrétiennes et cherchaient des analogies avec le christianisme primitif. Mais presque tous se débarrassèrent bientôt de cette phraséologie que raillaient sans cérémonie de plus jeunes ouvriers.&nbsp;»<ref>Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/mavie/mv09.htm Ma vie, 7. Ma première organisation révolutionnaire]'', 1930</ref>''
 
''«&nbsp;Certains d'entre eux se disaient baptistes, stundistes, chrétiens évangéliques. Mais ce n'étaient pas les membres de sectes dogmatiques. S'éloignant simplement de l'orthodoxie, ces travailleurs prenaient le baptisme comme étape d'un court trajet vers le chemin de la révolution. Au cours des premières semaines de nos entretiens, certains d'entre eux usaient encore de formules de sectes chrétiennes et cherchaient des analogies avec le christianisme primitif. Mais presque tous se débarrassèrent bientôt de cette phraséologie que raillaient sans cérémonie de plus jeunes ouvriers.&nbsp;»<ref>Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/mavie/mv09.htm Ma vie, 7. Ma première organisation révolutionnaire]'', 1930</ref>''
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Lénine en particulier s'est beaucoup intéressé aux moyens de s'adresser aux travailleurs influencés par la religion.<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1909/05/vil19090513.htm De l’attitude du parti ouvrier à l’égard de la religion]'', 13 mai 1909</ref><ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1909/06/vil19090604.htm L’attitude des classes et des partis à l’égard de la religion et de l’Église]'', 4 juin 1909</ref> Lors du 2<sup>e</sup> congrès du [[POSDR|POSDR]] (1903), Lénine suggéra (avec l'aide de [[Vladimir_Bontch-Brouïevitch|Bontch-Brouïevitch]]) la publication d’un périodique spécial pour s'adresser aux sectes religieuses (qui comptaient plus de 10 millions de membres à l’époque en Russie).<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/archive/lenin/works/1903/2ndcong/6.htm Draft Resolution on the Publication of a Periodical for Members of Religious Sects]'', 1903</ref> Par conséquent un journal appelé ''Rassvet'' (L’aube) fut lancé. Le premier numéro parut en janvier 1904, et continua à paraître – 9 numéros en tout – jusqu’en septembre de la même année. Le travail dans les sectes religieuses était d’une grande valeur pour les socialistes. Il suffit de lire l’[[Ma_vie|autobiographie de Trotsky]] pour voir comment les quartiers ouvriers où foisonnaient les sectes religieuses s’opposaient à l’église orthodoxe.
 
Lénine en particulier s'est beaucoup intéressé aux moyens de s'adresser aux travailleurs influencés par la religion.<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1909/05/vil19090513.htm De l’attitude du parti ouvrier à l’égard de la religion]'', 13 mai 1909</ref><ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1909/06/vil19090604.htm L’attitude des classes et des partis à l’égard de la religion et de l’Église]'', 4 juin 1909</ref> Lors du 2<sup>e</sup> congrès du [[POSDR|POSDR]] (1903), Lénine suggéra (avec l'aide de [[Vladimir_Bontch-Brouïevitch|Bontch-Brouïevitch]]) la publication d’un périodique spécial pour s'adresser aux sectes religieuses (qui comptaient plus de 10 millions de membres à l’époque en Russie).<ref>Lénine, ''[https://www.marxists.org/archive/lenin/works/1903/2ndcong/6.htm Draft Resolution on the Publication of a Periodical for Members of Religious Sects]'', 1903</ref> Par conséquent un journal appelé ''Rassvet'' (L’aube) fut lancé. Le premier numéro parut en janvier 1904, et continua à paraître – 9 numéros en tout – jusqu’en septembre de la même année. Le travail dans les sectes religieuses était d’une grande valeur pour les socialistes. Il suffit de lire l’[[Ma_vie|autobiographie de Trotsky]] pour voir comment les quartiers ouvriers où foisonnaient les sectes religieuses s’opposaient à l’église orthodoxe.
  

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