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On est là très loin d'une théorie de la religion comme reflet de la société : elle n'est pas l'expression des conditions existantes, mais une anticipation géniale des théories communistes de l'avenir.
 
On est là très loin d'une théorie de la religion comme reflet de la société : elle n'est pas l'expression des conditions existantes, mais une anticipation géniale des théories communistes de l'avenir.
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=== Chez Boukharine ===
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===Chez Boukharine===
 
« [O]n s'est mis à penser, qu'il y a derrière chaque chose « l'esprit » de cette chose ; la nature tout entière s'est spiritualisée (cette conception est appelée dans la science « animisme » du mot latin ''anima - âme'' ou bien ''animas'' - l'esprit). Une fois cette conception née, elle a conduit infailliblement à la religion qui a commencé par le culte des ancêtres, des aînés, des dirigeants, des organisateurs. Leurs âmes ou « esprits » étaient considérés comme les plus savants, les plus expérimentés, les plus puissants, capables d'aider chacun et dont dépend tout ce qui existe au monde. C'est cela qu'est déjà la religion. Ainsi, l'origine même de la religion indique qu'elle est née comme reflet de l'image des rapports de production (et en particulier de ces rapports où nous avons la domination - subordination), et du régime politique déterminé par ces rapports. La religion expliquait le monde entier suivant la formule par laquelle s'expliquait la vie intérieure de la société.
 
« [O]n s'est mis à penser, qu'il y a derrière chaque chose « l'esprit » de cette chose ; la nature tout entière s'est spiritualisée (cette conception est appelée dans la science « animisme » du mot latin ''anima - âme'' ou bien ''animas'' - l'esprit). Une fois cette conception née, elle a conduit infailliblement à la religion qui a commencé par le culte des ancêtres, des aînés, des dirigeants, des organisateurs. Leurs âmes ou « esprits » étaient considérés comme les plus savants, les plus expérimentés, les plus puissants, capables d'aider chacun et dont dépend tout ce qui existe au monde. C'est cela qu'est déjà la religion. Ainsi, l'origine même de la religion indique qu'elle est née comme reflet de l'image des rapports de production (et en particulier de ces rapports où nous avons la domination - subordination), et du régime politique déterminé par ces rapports. La religion expliquait le monde entier suivant la formule par laquelle s'expliquait la vie intérieure de la société.
    
Et toute l'histoire de la religion montre que sa forme se modifie au fur et à mesure que les rapports de production, politiques et sociaux subissaient des transformations : si la société est composée de quelques tribus, rattachées faiblement l'une à l'autre et dont chacune a ses supé­rieurs et ses princes, la religion a la forme polythéiste; et lorsque, par exemple, com­mence le processus d'unification et se crée une monarchie centra­lisée, la même chose se passe au ciel où le seul Dieu monte sur le trône, Dieu aussi cruel que le roi terrestre : si nous sommes en présence d'une République de commerçants et de maîtres d'esclaves (telle que celle d'Athènes au Ve siècle), les dieux aussi sont organisés à la mode républicaine, bien que parmi tous ces dieux, la déesse de la cité victorieuse, Pallas Athénée soit tout particuliè­rement distinguée. Et de même que dans chaque État « qui se respecte », il existe toute une hiérarchie de chefs, de même dans les cieux, les saints, les ancres, les dieux, etc... sont disposés suivant leur rang, obtiennent des charges et des honneurs divers. Mais il y a plus ; parmi les dieux, comme parmi les chefs de la terre, on voit se développer la division du travail ; l'un devient spécialiste en matière militaire (Mars chez les Romains, saint Georges le Vainqueur ou bien l'Archi-stratège, c'est-à-dire le maréchal Michel chez les « chrétiens orthodoxes »), un autre pour le commerce (Mercure), un troisième pour l'agriculture, etc... On arrive ainsi parfois à des choses curieuses. Il y a, par exemple, en Russie, des saints « spécia­listes » en chevaux (Frol, Labre). Et partout où existent des rapports de domination à subordination, on voit la religion refléter ces rapports. Il faut encore observer que de même que dans la vie réelle, il y a des guerres, des révoltes, des violences, de même se rencontrent dans les sphères célestes, d'après les doctrines religieu­ses, des diables, des démons, « des princes des ténèbres » qui ne sont qu'un reflet des chefs ennemis s'efforçant sur la terre, de détruire l'État comme les autres dans le ciel essaient de renverser le pouvoir suprême du Dieu tout-puissant et tout le « régime céleste » existant. »<ref name=":0">Boukharine, ''[[:fr:La théorie du matérialisme historique|La théorie du matérialisme historique]]'', 1921</ref>
 
Et toute l'histoire de la religion montre que sa forme se modifie au fur et à mesure que les rapports de production, politiques et sociaux subissaient des transformations : si la société est composée de quelques tribus, rattachées faiblement l'une à l'autre et dont chacune a ses supé­rieurs et ses princes, la religion a la forme polythéiste; et lorsque, par exemple, com­mence le processus d'unification et se crée une monarchie centra­lisée, la même chose se passe au ciel où le seul Dieu monte sur le trône, Dieu aussi cruel que le roi terrestre : si nous sommes en présence d'une République de commerçants et de maîtres d'esclaves (telle que celle d'Athènes au Ve siècle), les dieux aussi sont organisés à la mode républicaine, bien que parmi tous ces dieux, la déesse de la cité victorieuse, Pallas Athénée soit tout particuliè­rement distinguée. Et de même que dans chaque État « qui se respecte », il existe toute une hiérarchie de chefs, de même dans les cieux, les saints, les ancres, les dieux, etc... sont disposés suivant leur rang, obtiennent des charges et des honneurs divers. Mais il y a plus ; parmi les dieux, comme parmi les chefs de la terre, on voit se développer la division du travail ; l'un devient spécialiste en matière militaire (Mars chez les Romains, saint Georges le Vainqueur ou bien l'Archi-stratège, c'est-à-dire le maréchal Michel chez les « chrétiens orthodoxes »), un autre pour le commerce (Mercure), un troisième pour l'agriculture, etc... On arrive ainsi parfois à des choses curieuses. Il y a, par exemple, en Russie, des saints « spécia­listes » en chevaux (Frol, Labre). Et partout où existent des rapports de domination à subordination, on voit la religion refléter ces rapports. Il faut encore observer que de même que dans la vie réelle, il y a des guerres, des révoltes, des violences, de même se rencontrent dans les sphères célestes, d'après les doctrines religieu­ses, des diables, des démons, « des princes des ténèbres » qui ne sont qu'un reflet des chefs ennemis s'efforçant sur la terre, de détruire l'État comme les autres dans le ciel essaient de renverser le pouvoir suprême du Dieu tout-puissant et tout le « régime céleste » existant. »<ref name=":0">Boukharine, ''[[:fr:La théorie du matérialisme historique|La théorie du matérialisme historique]]'', 1921</ref>
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== Causes anthropologiques vs matérialisme historique ? ==
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==Causes anthropologiques vs matérialisme historique ?==
 
Beaucoup d'auteurs ont mis en avant des explications au moins partiellement naturalistes de la croyance religieuse (l'homme serait porté à ce types de croyances de par le fonctionnement même de son cerveau). Certains marxistes s'y sont opposé en y voyant des explications concurrentes du [[matérialisme historique]]. Ainsi [[Nikolaï Boukharine|Boukharine]] écrivait :
 
Beaucoup d'auteurs ont mis en avant des explications au moins partiellement naturalistes de la croyance religieuse (l'homme serait porté à ce types de croyances de par le fonctionnement même de son cerveau). Certains marxistes s'y sont opposé en y voyant des explications concurrentes du [[matérialisme historique]]. Ainsi [[Nikolaï Boukharine|Boukharine]] écrivait :
 
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==Cas concrets==
 
==Cas concrets==
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=== Religion babylonienne ===
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===Religion babylonienne===
 
« Chez les anciens Babyloniens (2 000 à 3 000 ans avant J.-C.) « Le ciel est l'image primitive de la terre ; toutes les choses terrestres ont été créées à l'image de celles des cieux ; un lien indissoluble existe entre les unes et les autres » (prof. B. A. Touriaeff : Histoire ''de'' l’Ancien Orient (1re partie). Les dieux sont les tuteurs (esprits) des hommes, ce qui correspond à notre « ange-gar­dien », des rues, des villes, des lieux, etc... « La divinité est liée d'une façon indissoluble au sort de sa ville; … sa majesté grandissait avec l'élargissement des limites du territoire de la cité ; si son peuple s'annexait d'autres cités, les divinités des villes conquises leur devenaient soumises ; au contraire, si l'on emportait l'image du dieu et si l'on détruisait son temple, cela équivalait à la destruction politique de la cité. » À côté des dieux principaux (Anou, Enlil, Ea, Sin, Schamasch, etc.) il existe encore toute une série d'esprits de moindre importance (Iguigui) et souterrains (Anounaki). Parallèlement à la constitution de la monarchie babylonienne une monarchie céleste fut créée : le développement de la puissance babylonienne a entraîné certains changements dans le Panthéon. Le dieu de Babylone devait prendre la première place. Ce dieu s'appelait Mardouk qui portait aussi un nom sumérien C'était la divinité du soleil printanier. La dynastie de Hammourabi (Hammourabi, roi babylonien qui a donné son nom à un recueil de lois retrouvé pendant les fouilles faites sur l'emplacement de l'ancienne Babylone, N. B.) en a fait, en réalité, la ( divinité suprême ». En même temps, les autres dieux supérieurs ont subi « l'évolution » suivante : (Enlil, roi du ciel et de la terre, a transmis à Mardouk... le pouvoir sur les quatre parties du monde et son nom de maître des pays. » En ce qui concerne Ea, on a « proclamé Mardouk son fils premier-né auquel son père avait gracieusement cédé ses droits, sa force et son rôle dans la création du monde. » Lorsque la monarchie babylonienne se fut affermie la conception s'est créée peu à peu d'une puissance divine unique, qui se manifestait sous une multitude de fictions et qui portait, relativement à ses formes, un grand nombre de noms. Les prêtres se sont mis à dire que les autres dieux supérieurs n'étaient que l'image de Mardouk : « Ninipe est Mardouk de la force ; Nergal, Mardouk de la bataille ; Enlil, Mardouk du pouvoir et du royaume. » Voici un passage d'un hymne-prière au dieu Sin, qui représente d'une façon très caractéristique le pouvoir monarchique céleste :
 
« Chez les anciens Babyloniens (2 000 à 3 000 ans avant J.-C.) « Le ciel est l'image primitive de la terre ; toutes les choses terrestres ont été créées à l'image de celles des cieux ; un lien indissoluble existe entre les unes et les autres » (prof. B. A. Touriaeff : Histoire ''de'' l’Ancien Orient (1re partie). Les dieux sont les tuteurs (esprits) des hommes, ce qui correspond à notre « ange-gar­dien », des rues, des villes, des lieux, etc... « La divinité est liée d'une façon indissoluble au sort de sa ville; … sa majesté grandissait avec l'élargissement des limites du territoire de la cité ; si son peuple s'annexait d'autres cités, les divinités des villes conquises leur devenaient soumises ; au contraire, si l'on emportait l'image du dieu et si l'on détruisait son temple, cela équivalait à la destruction politique de la cité. » À côté des dieux principaux (Anou, Enlil, Ea, Sin, Schamasch, etc.) il existe encore toute une série d'esprits de moindre importance (Iguigui) et souterrains (Anounaki). Parallèlement à la constitution de la monarchie babylonienne une monarchie céleste fut créée : le développement de la puissance babylonienne a entraîné certains changements dans le Panthéon. Le dieu de Babylone devait prendre la première place. Ce dieu s'appelait Mardouk qui portait aussi un nom sumérien C'était la divinité du soleil printanier. La dynastie de Hammourabi (Hammourabi, roi babylonien qui a donné son nom à un recueil de lois retrouvé pendant les fouilles faites sur l'emplacement de l'ancienne Babylone, N. B.) en a fait, en réalité, la ( divinité suprême ». En même temps, les autres dieux supérieurs ont subi « l'évolution » suivante : (Enlil, roi du ciel et de la terre, a transmis à Mardouk... le pouvoir sur les quatre parties du monde et son nom de maître des pays. » En ce qui concerne Ea, on a « proclamé Mardouk son fils premier-né auquel son père avait gracieusement cédé ses droits, sa force et son rôle dans la création du monde. » Lorsque la monarchie babylonienne se fut affermie la conception s'est créée peu à peu d'une puissance divine unique, qui se manifestait sous une multitude de fictions et qui portait, relativement à ses formes, un grand nombre de noms. Les prêtres se sont mis à dire que les autres dieux supérieurs n'étaient que l'image de Mardouk : « Ninipe est Mardouk de la force ; Nergal, Mardouk de la bataille ; Enlil, Mardouk du pouvoir et du royaume. » Voici un passage d'un hymne-prière au dieu Sin, qui représente d'une façon très caractéristique le pouvoir monarchique céleste :
    
« Dieu maître des dieux, le seul grand dans le ciel et sur la terre... Toi qui as créé la terre, fondé les temples et qui leur as donné les noms, père des dieux et des hommes... chef puissant, dont la profondeur mystérieuse n'a été explorée par aucun dieu... père, créateur de tout ce qui existe ; Seigneur ! qui décide du sort du ciel et de la terre, dont les ordres sont irrévocables, qui détiens le froid et la chaleur, qui gouvernent les êtres vivants, quel dieu t'est comparable ? Qui est grand dans les cieux ? Toi seul. Et qui est grand sur la terre ? Lorsque ta parole retentit dans le ciel, les Iguigues se prosternent. Lorsqu'elle se fait entendre sur la terre, les Anounaki baisent la poussière... Seigneur ! Tu n'as pas de rival pour la domination sur la terre et sur le ciel parmi les dieux, tes frères ». (Cité d'après B. Touraieff.) Sin est représenté ici comme un empereur céleste, envers lequel on garde toute une étiquette (on se prosterne, on baise la terre, etc...). »<ref name=":0" />
 
« Dieu maître des dieux, le seul grand dans le ciel et sur la terre... Toi qui as créé la terre, fondé les temples et qui leur as donné les noms, père des dieux et des hommes... chef puissant, dont la profondeur mystérieuse n'a été explorée par aucun dieu... père, créateur de tout ce qui existe ; Seigneur ! qui décide du sort du ciel et de la terre, dont les ordres sont irrévocables, qui détiens le froid et la chaleur, qui gouvernent les êtres vivants, quel dieu t'est comparable ? Qui est grand dans les cieux ? Toi seul. Et qui est grand sur la terre ? Lorsque ta parole retentit dans le ciel, les Iguigues se prosternent. Lorsqu'elle se fait entendre sur la terre, les Anounaki baisent la poussière... Seigneur ! Tu n'as pas de rival pour la domination sur la terre et sur le ciel parmi les dieux, tes frères ». (Cité d'après B. Touraieff.) Sin est représenté ici comme un empereur céleste, envers lequel on garde toute une étiquette (on se prosterne, on baise la terre, etc...). »<ref name=":0" />
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=== Hindouisme ===
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===Hindouisme===
 
« Au sujet des anciens Hindous, beaucoup de choses intéressantes ont été dites par Max Weber dans ses études extrêmement curieuses, la morale économique des religions universelles (Max Weber, l. c. tome II '': « Hinduismus und Buddhismus).'' Ici, la division de la société ayant un caractère économique de Classe et de profession a pris la forme de castes consolidées directement par la religion. D'après l'ancien recueil de lois de Manou, les quatre castes principales sont :
 
« Au sujet des anciens Hindous, beaucoup de choses intéressantes ont été dites par Max Weber dans ses études extrêmement curieuses, la morale économique des religions universelles (Max Weber, l. c. tome II '': « Hinduismus und Buddhismus).'' Ici, la division de la société ayant un caractère économique de Classe et de profession a pris la forme de castes consolidées directement par la religion. D'après l'ancien recueil de lois de Manou, les quatre castes principales sont :
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* les ''brahmanes'' (prêtres, savants, écrivains nobles);
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*les ''brahmanes'' (prêtres, savants, écrivains nobles);
* les ''kshatriyas'' (chevaliers nobles, guerriers);
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*les ''kshatriyas'' (chevaliers nobles, guerriers);
* les ''vaishyas'' (agriculteurs, ensuite commerçants et usuriers);
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*les ''vaishyas'' (agriculteurs, ensuite commerçants et usuriers);
* et les ''soudras'' (esclaves, artisans, etc ...).
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*et les ''soudras'' (esclaves, artisans, etc ...).
    
Ainsi une caste « est toujours, et d'après son essence même, une union partielle, soit pure­ment sociale, soit professionnelle, à l'intérieur de l'union sociale ». Les brahmanes et les kshatriyas dirigeaient tout. Les vaishyas étaient considérés seulement comme une caste « pure », digne d'offrir aux brahmanes l'eau ou la nourriture. Les soudras se divisent en « purs » et « impurs » ; à ces derniers, un gentilhomme ne prendra jamais l'eau, un pédicure ne donnera jamais de soins, etc... Aux « impurs » soudras se joignent d'autres « impurs » : les uns ne peu­vent pas se montrer dans les temples, les autres sont considérés à tel point impurs que leur attouchement seul salit ; il suffit parfois à un noble ou à un « pur » de s'approcher d'un tel homme à une distance de 60 pieds pour être lui-même « souillé ». Un regard lancé par un « im­pur » sur la nourriture, la salit, etc...; par contre, les excréments d'un brahmane eux-mêmes sont considérés comme sacrés. Des milliers de règles et de cérémonies religieuses protègent l'ordre établi. Les rois et les princes tirent leur origine des kshatriya. L'administration politique aristocratique trouve également son expression dans la vie économique (''taxes, impôts en nature, magasins d'État''), et s'appuie sur un appareil bureaucratique invraisemblable. Parmi les idées religieuses qui se sont développées sur un pareil terrain social, M. Weber en considère deux comme principales : l'idée de migration des âmes (Samsara) et la doctrine de la récompense (Karma), qui se rattache à la première. Chaque action de l'homme lui est comptée ; il a une sorte de compte courant avec la balance de ses actions, bonnes et mauvaises ; quand il meurt, il est condamné à renaître sous la forme qu'il a méritée et qui est déterminée par la balance de ses actions au moment de sa mort. Il peut renaître roi ou brahmane ; « il peut aussi devenir un ver dans l'intestin d'un chien ». Par quoi les vertus principales sont-elles déterminées ? Par l'observance de l'ordre de caste. Si tu es esclave et impur, garde ta place. Si tu ne l'abandonnes jamais, si tu te souviens toujours que tu es un impur, alors peut-être après ta mort, dans la vie future, deviendras-tu noble, mais, sur la terre le régime de caste est immuable et il serait stupide de songer à le changer. La naissance n'est jamais un « accident » : chacun naît dans la caste qu'il a méritée dans sa vie antérieure, avant sa naissance actuelle. Le reflet du régime social et des intérêts des classes dominantes est ici patent. Nous trouvons ce reflet déjà antérieurement. Ainsi, par exemple, les dieux des Védas, recueil d'hymnes sacrés antiques, « sont des dieux héroïques et exerçant certaines fonctions à l'image des dieux d'Homère, tout comme les héros du temps des Védas, habitant des châ­teaux, bataillant tels les rois guerriers sur des chars de combat entourés de leur suite et ayant à côté d'eux... des paysans s'occupant plus ou moins d'élevage ». Parmi les plus caractéristiques, citons : « Indra, dieu de la tempête, et comme tel (à l'image de Yahveh) guer­rier passionné et héros, ... Varona, dieu sage, voyant tout, dieu de l'ordre éternel et avant tout de l'ordre légal »... (Il est intéressant de noter que du début, le ciel était dévolu seulement aux Brahmanes et aux Kashatryas). À côté de la religion officielle des classes dominantes, il existait encore une religion populaire qui, entre autres attributions, s'appliquait souvent aux actes sexuels. Les Védas appelaient un de ces cultes « mœurs infâmes des subordonnés ». Nous sommes donc ici en présence de plusieurs religions de classe. Voici, par exemple, la description d'un schisme religieux dans l'Inde méridionale (disons à ce propos qu'elle ressemble un peu au schisme religieux russe) : « Une partie des castes inférieures et quelques artisans royaux ont résisté aux Brahmanes et c'est ainsi qu'est née la secte des « valan-gaï » et « l'idan-gaï » qui existe encore aujourd'hui, la caste de la main « gauche » et celle de la main « droite ». »<ref name=":0" />
 
Ainsi une caste « est toujours, et d'après son essence même, une union partielle, soit pure­ment sociale, soit professionnelle, à l'intérieur de l'union sociale ». Les brahmanes et les kshatriyas dirigeaient tout. Les vaishyas étaient considérés seulement comme une caste « pure », digne d'offrir aux brahmanes l'eau ou la nourriture. Les soudras se divisent en « purs » et « impurs » ; à ces derniers, un gentilhomme ne prendra jamais l'eau, un pédicure ne donnera jamais de soins, etc... Aux « impurs » soudras se joignent d'autres « impurs » : les uns ne peu­vent pas se montrer dans les temples, les autres sont considérés à tel point impurs que leur attouchement seul salit ; il suffit parfois à un noble ou à un « pur » de s'approcher d'un tel homme à une distance de 60 pieds pour être lui-même « souillé ». Un regard lancé par un « im­pur » sur la nourriture, la salit, etc...; par contre, les excréments d'un brahmane eux-mêmes sont considérés comme sacrés. Des milliers de règles et de cérémonies religieuses protègent l'ordre établi. Les rois et les princes tirent leur origine des kshatriya. L'administration politique aristocratique trouve également son expression dans la vie économique (''taxes, impôts en nature, magasins d'État''), et s'appuie sur un appareil bureaucratique invraisemblable. Parmi les idées religieuses qui se sont développées sur un pareil terrain social, M. Weber en considère deux comme principales : l'idée de migration des âmes (Samsara) et la doctrine de la récompense (Karma), qui se rattache à la première. Chaque action de l'homme lui est comptée ; il a une sorte de compte courant avec la balance de ses actions, bonnes et mauvaises ; quand il meurt, il est condamné à renaître sous la forme qu'il a méritée et qui est déterminée par la balance de ses actions au moment de sa mort. Il peut renaître roi ou brahmane ; « il peut aussi devenir un ver dans l'intestin d'un chien ». Par quoi les vertus principales sont-elles déterminées ? Par l'observance de l'ordre de caste. Si tu es esclave et impur, garde ta place. Si tu ne l'abandonnes jamais, si tu te souviens toujours que tu es un impur, alors peut-être après ta mort, dans la vie future, deviendras-tu noble, mais, sur la terre le régime de caste est immuable et il serait stupide de songer à le changer. La naissance n'est jamais un « accident » : chacun naît dans la caste qu'il a méritée dans sa vie antérieure, avant sa naissance actuelle. Le reflet du régime social et des intérêts des classes dominantes est ici patent. Nous trouvons ce reflet déjà antérieurement. Ainsi, par exemple, les dieux des Védas, recueil d'hymnes sacrés antiques, « sont des dieux héroïques et exerçant certaines fonctions à l'image des dieux d'Homère, tout comme les héros du temps des Védas, habitant des châ­teaux, bataillant tels les rois guerriers sur des chars de combat entourés de leur suite et ayant à côté d'eux... des paysans s'occupant plus ou moins d'élevage ». Parmi les plus caractéristiques, citons : « Indra, dieu de la tempête, et comme tel (à l'image de Yahveh) guer­rier passionné et héros, ... Varona, dieu sage, voyant tout, dieu de l'ordre éternel et avant tout de l'ordre légal »... (Il est intéressant de noter que du début, le ciel était dévolu seulement aux Brahmanes et aux Kashatryas). À côté de la religion officielle des classes dominantes, il existait encore une religion populaire qui, entre autres attributions, s'appliquait souvent aux actes sexuels. Les Védas appelaient un de ces cultes « mœurs infâmes des subordonnés ». Nous sommes donc ici en présence de plusieurs religions de classe. Voici, par exemple, la description d'un schisme religieux dans l'Inde méridionale (disons à ce propos qu'elle ressemble un peu au schisme religieux russe) : « Une partie des castes inférieures et quelques artisans royaux ont résisté aux Brahmanes et c'est ainsi qu'est née la secte des « valan-gaï » et « l'idan-gaï » qui existe encore aujourd'hui, la caste de la main « gauche » et celle de la main « droite ». »<ref name=":0" />
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=== Grèce antique ===
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===Grèce antique===
« Chez les Grecs anciens, le régime féodal et le régime d'esclavage ont eu leur reflet dans le ciel, où '''Zeus''' était le roi des dieux. '''Déméter''' était la déesse de l'agriculture, '''Hermès''', le dieu du commerce et des voies de communication, '''Helios''' des « professions libérales » (arts). Et c'est encore la même ligne que suivait la lutte des classes. Dans l'Athènes du Ve siècle (époque de la plus haute floraison et début de la décadence), la religion constitue une des armes principales de la classe dominante, de la « démocratie » marchande : « Selon Sophocle (le plus grand poète, bien-pensant » de ces temps, N. B.), le monde entier tombe en morceaux si la foi disparaît, tout ordre moral et politique reposant, d'après lui, sur la volonté des dieux ». (E. Meyer : ''Geschichte des Altertums,'' (Histoire de l'antiquité), tome IV, page 140 : ''Athènes depuis la paix de 446 jusqu'à sa capitulation en 404 avant J.-C.).'' L'opposition nobiliaire et les couches déclassées se servent de la critique religieuse comme critique de l'ordre établi. La démocratie marchande punit de mort le moindre doute sur l'existence des dieux. »<ref>Boukharine, ''[[:fr:La théorie du matérialisme historique|La théorie du matérialisme historique]]'', 1921</ref>
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« Chez les Grecs anciens, le régime féodal et le régime d'esclavage ont eu leur reflet dans le ciel, où '''Zeus''' était le roi des dieux. '''Déméter''' était la déesse de l'agriculture, '''Hermès''', le dieu du commerce et des voies de communication, '''Helios''' des « professions libérales » (arts). Et c'est encore la même ligne que suivait la lutte des classes. Dans l'Athènes du Ve siècle (époque de la plus haute floraison et début de la décadence), la religion constitue une des armes principales de la classe dominante, de la « démocratie » marchande : « Selon Sophocle (le plus grand poète, bien-pensant » de ces temps, N. B.), le monde entier tombe en morceaux si la foi disparaît, tout ordre moral et politique reposant, d'après lui, sur la volonté des dieux ». (E. Meyer : ''Geschichte des Altertums,'' (Histoire de l'antiquité), tome IV, page 140 : ''Athènes depuis la paix de 446 jusqu'à sa capitulation en 404 avant J.-C.).'' L'opposition nobiliaire et les couches déclassées se servent de la critique religieuse comme critique de l'ordre établi. La démocratie marchande punit de mort le moindre doute sur l'existence des dieux. »<ref name=":0" />
    
===Christianisme primitif===
 
===Christianisme primitif===
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Des millénarismes similaires ont également existé dans la sphère musulmane, par exemple les Qarmates au 10<sup>e</sup> siècle en Irak, Syrie, Palestine et dans la région de Bahreïn où ils fondèrent un état (~903-1077) aux prétentions égalitaires.<ref>https://fr.wikipedia.org/wiki/Qarmates</ref>
 
Des millénarismes similaires ont également existé dans la sphère musulmane, par exemple les Qarmates au 10<sup>e</sup> siècle en Irak, Syrie, Palestine et dans la région de Bahreïn où ils fondèrent un état (~903-1077) aux prétentions égalitaires.<ref>https://fr.wikipedia.org/wiki/Qarmates</ref>
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=== Russie ===
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===Russie===
 
« Chez les anciens Slaves, nous constatons la même chose. Le culte des ancêtres, des dieux nationaux, domestiques, professionnels, existait également. Le dieu principal de l'État était Péroun, dieu des commerçants et des guerriers nobles, en même temps que du tonnerre. Le paradis était ouvert à l'âme des princes morts et de leurs paladins, mais il n'y avait pas de place pour un simple mortel (voir N. AI. Nikolski '': Les croyances religieuses primitives et les débuts du christianisme dans l'Histoire russe de Pokrovski.'' N. M. Nikolski lui-même voit les origines de la religion dans la peur qu'inspirent les morts, etc. ...). Prenons enfin les formes modernes de la religion chrétienne (orthodoxie). L'orthodoxie était et est encore une image exacte de l'auto­cratie byzantino-moscovito-pétersbourgeoise. Dieu est empereur, la Sainte-Vierge est impéra­trice, Nicolas le Thaumaturge et les autres saints favoris sont des ministres. Il y a ensuite tout un état-major de fonctionnaires (anges, archanges, séraphins, chérubins, etc...). Parmi tous ces courtisans, existe une division du travail : l'archistratège Michel est le maréchal (archistratège veut dire en grec, général en chef), la Sainte-Vierge est la première dame patronnesse, la pro­tec­trice ; Nicolas est surtout le dieu de la fertilité du sol, Pantélémon est une sorte de médecin, Georges le Victorieux, un guerrier divin, etc... Aux saints les plus considérables, on voue le plus de respect : on leur offre les meilleures couronnes, sacrifices, etc... La lutte des classes a pris en Russie plus d'une fois les formes religieuses (le raskol, les sectes de chtoundistes, de khlystes, de molokans, etc ...). Mais ce n'est pas ici la place d'en parler en détail ; ajoutons seulement pour conclure que les noms russes qu'on donne à la divinité montrent clairement l'origine de cette aimable idée de Dieu : Gospode veut dire maître (« et nous sommes tes esclaves »). Le mot « Bog » (Dieu), est de même origine que « bogaty » (riche), et ce sont tous les surnoms d'un monarque féodal et nobiliaire céleste, qui regarde le peuple comme des esclaves. Ce n'est pas pour rien que « l'orthodoxie» plaisait tellement à « l'auto­cratie ». »<ref name=":0" />
 
« Chez les anciens Slaves, nous constatons la même chose. Le culte des ancêtres, des dieux nationaux, domestiques, professionnels, existait également. Le dieu principal de l'État était Péroun, dieu des commerçants et des guerriers nobles, en même temps que du tonnerre. Le paradis était ouvert à l'âme des princes morts et de leurs paladins, mais il n'y avait pas de place pour un simple mortel (voir N. AI. Nikolski '': Les croyances religieuses primitives et les débuts du christianisme dans l'Histoire russe de Pokrovski.'' N. M. Nikolski lui-même voit les origines de la religion dans la peur qu'inspirent les morts, etc. ...). Prenons enfin les formes modernes de la religion chrétienne (orthodoxie). L'orthodoxie était et est encore une image exacte de l'auto­cratie byzantino-moscovito-pétersbourgeoise. Dieu est empereur, la Sainte-Vierge est impéra­trice, Nicolas le Thaumaturge et les autres saints favoris sont des ministres. Il y a ensuite tout un état-major de fonctionnaires (anges, archanges, séraphins, chérubins, etc...). Parmi tous ces courtisans, existe une division du travail : l'archistratège Michel est le maréchal (archistratège veut dire en grec, général en chef), la Sainte-Vierge est la première dame patronnesse, la pro­tec­trice ; Nicolas est surtout le dieu de la fertilité du sol, Pantélémon est une sorte de médecin, Georges le Victorieux, un guerrier divin, etc... Aux saints les plus considérables, on voue le plus de respect : on leur offre les meilleures couronnes, sacrifices, etc... La lutte des classes a pris en Russie plus d'une fois les formes religieuses (le raskol, les sectes de chtoundistes, de khlystes, de molokans, etc ...). Mais ce n'est pas ici la place d'en parler en détail ; ajoutons seulement pour conclure que les noms russes qu'on donne à la divinité montrent clairement l'origine de cette aimable idée de Dieu : Gospode veut dire maître (« et nous sommes tes esclaves »). Le mot « Bog » (Dieu), est de même origine que « bogaty » (riche), et ce sont tous les surnoms d'un monarque féodal et nobiliaire céleste, qui regarde le peuple comme des esclaves. Ce n'est pas pour rien que « l'orthodoxie» plaisait tellement à « l'auto­cratie ». »<ref name=":0" />
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En 1920 est créée la Ligue internationale des socialistes religieux<ref>http://www.ilrs.org/</ref>, organisation soeur de l'[[Internationale_socialiste|Internationale socialiste]], qui regroupe des socialistes chrétiens.
 
En 1920 est créée la Ligue internationale des socialistes religieux<ref>http://www.ilrs.org/</ref>, organisation soeur de l'[[Internationale_socialiste|Internationale socialiste]], qui regroupe des socialistes chrétiens.
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Des débats traversent l'[[Internationale communiste]] sur l'attitude à avoir envers la religion. Par exemple, [[Nikolaï Boukharine|Boukharine]] reprochait à [[Herman Gorter|Gorter]] une trop grande neutralité :
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« Comme conclusion de notre analyse de la religion, nous devons dire qu'une telle conception de la religion conduit directement le prolétariat à la nécessité d'une lutte active contre elle. Gorter, dans son livre sur le ''Matérialisme historique,'' non seulement s'éloigne du matérialisme philosophique, mais encore comprend d'une façon opportuniste et bourgeoise la proposition : « la religion - affaire privée ». Selon lui, cela veut dire qu'il est inutile pour nous de nous occuper de la religion qui, soi-disant, disparaîtra d'elle-même. Rien cependant n'arrive de soi-même dans une société et Marx, dans un de ses ouvrages si brillants et mordants ''(La Critique du Programme de Gotha)'' se moquait cruellement de la conception à la Gorter de la « religion - affaire privée ». D'après Marx, ce mot d'ordre ne signifie qu'une revendication des ouvriers, adressée à l'État bourgeois, pour que celui-ci ne fourre pas son nez policier dans ce qui ne le regarde pas et nullement une revendication adressé ; à eux-mêmes, afin de les rendre « tolérants » envers tout l'héritage des régimes ignobles et envers toute force réactionnaire. La conception de Gorter ne peut nullement sous ce rapport, être qualifiée de révolutionnaire et communiste. C'est un point de vue purement social-démocrate. »<ref name=":0" />
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Au début du 21<sup>e</sup> siècle, l'[[Islamophobie|islamophobie]] est un sujet majeur qui divise l'[[Extrême_gauche|extrême gauche]], notamment en France où la gauche a une tradition antireligieuse très forte.<ref>Lutte ouvrière, [http://mensuel.lutte-ouvriere.org/2017/01/22/le-piege-de-la-lutte-contre-lislamophobie_75202.html Le piège de la « lutte contre l’islamophobie »], février 2017</ref><ref>NPA, [https://npa2009.org/idees/antiracisme/combat-contre-lislamophobie-quand-lutte-ouvriere-inverse-la-hierarchie-des-normes Combat contre l’islamophobie : quand Lutte Ouvrière inverse la hiérarchie des normes], février 2017</ref>
 
Au début du 21<sup>e</sup> siècle, l'[[Islamophobie|islamophobie]] est un sujet majeur qui divise l'[[Extrême_gauche|extrême gauche]], notamment en France où la gauche a une tradition antireligieuse très forte.<ref>Lutte ouvrière, [http://mensuel.lutte-ouvriere.org/2017/01/22/le-piege-de-la-lutte-contre-lislamophobie_75202.html Le piège de la « lutte contre l’islamophobie »], février 2017</ref><ref>NPA, [https://npa2009.org/idees/antiracisme/combat-contre-lislamophobie-quand-lutte-ouvriere-inverse-la-hierarchie-des-normes Combat contre l’islamophobie : quand Lutte Ouvrière inverse la hiérarchie des normes], février 2017</ref>
  

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