Soviet de Moscou
Le soviet de Moscou a été constitué pendant la révolution de 1905, puis à nouveau après la révolution de Février 1917.
Il a globalement suivi les mêmes évolutions politiques que le soviet de Petrograd, avec un léger retard. Après Petrograd, Moscou était l'enjeu principal de la lutte pour l'hégémonie politique. Moscou ayant été une ancienne capitale sous les tsars, on appelait couramment Moscou et Petrograd « les deux capitales ».
1 Pendant la révolution de 1905[modifier | modifier le wikicode]
Le soviet de Moscou apparu après celui de Petrograd, de même que certains autres en province. Son existence commença formellement le 22 novembre, mais l’idée de sa création avait déjà germé en septembre, pendant la grève des typos qui provoqua un puissant mouvement de solidarité dans la classe ouvrière de Moscou, avec des manifestations, des meetings, des affrontements avec la troupe et des barricades. Les typos élirent un comité qui fut en réalité l’embryon du futur soviet. En effet, ce comité de grève se transforma en un organisme révolutionnaire qui mit en pratique la liberté de réunion et de parole et organisa des assemblées dans les lieux publics, obtenant ensuite la légalisation et présentant alors une série de revendications à caractère politique. Au début, chaque atelier élut un député pour vingt ouvriers. Le comité de typos se transforma à travers les événements en soviet de Moscou. Les derniers jours de son existence, il comptait 200 députés qui représentaient plus de 100.000 ouvriers, autrement dit la majorité écrasante de la classe ouvrière de Moscou.
La nécessité de créer le soviet naquit du besoin d’un comité de grève – qui dirige le mouvement politique contre l’autocratie – composé principalement d’éléments bourgeois, avec une représentation réduite des ouvriers. Il en avait été de même dans d’autres localités comme Samara et Kiev. Plusieurs propositions d’unifications furent stimulées y compris par une partie des ouvriers qui estimaient indispensable la collaboration de tous les efforts pour lutter contre l’ennemi commun. Le soviet se prononça néanmoins résolument contre toute confusion en ce sens, sans refuser pour autant de collaborer sur des points précis de lutte contre l’autocratie. Le soviet de députés ouvriers représenta un grand pas en avant dans le développement du mouvement et devint l’organe de l’insurrection. Le soviet de Moscou prit une attitude beaucoup plus décidée que celui de Petersbourg en ce qui concerne l’armement et le travail de propagande et d’organisation parmi les soldats. Bien que de façon éphémère, se constitua même un soviet de soldats qui ne tint qu’une seule réunion.
Dans le soviet, les socialistes révolutionnaires et les mencheviks jouèrent un rôle secondaire. Le rôle primordial fut joué par les bolcheviks dont l’influence était prédominante, bien que les trois partis aient une représentation formellement égale dans le comité exécutif (deux députés chacun).
En plus du soviet central, existait des soviets de quartiers qui prirent une participation très active dans tout le mouvement.
Le soviet prit la tête de l’insurrection de décembre. La décision d’aller à la grève générale, prise par le parti social-démocrate, fut approuvée par le soviet et les assemblées générales tenues dans chaque usine.
Le soviet jouissait, comme à Petersbourg, d’un grand prestige parmi les masses travailleuses. Aux élections des députés, toute la classe travailleuse de Moscou participait ; elle accompagnait ensuite les députés à la première réunion, dans un enthousiasme délirant. Pour se faire une idée de l’enthousiasme des travailleurs et de leur participation aux élections, on peut rappeler les paroles prononcées par un vieux fondeur de Lefortova élu par ses camarades :
« camarades, disait-il, je comprend seulement maintenant la force que peut représenter l’union de la classe ouvrière. J’ai vu qu’avec l’action collective dans la lutte contre nos ennemis, les bourgeois, nous pouvons obtenir tous les droits et toutes les libertés. Moi qui suit déjà vieux, je ne rêvais même pas d’être élu pour défendre nos droits ouvriers et porter le titre glorieux de représentant du soviet des députés ouvriers ; mais je crois que nous ne pourrons pas nous passer d’une lutte sanglante contre nos oppresseurs, c’est pourquoi nous, vos élus, vous demandons de soutenir les armes à la main vos soviets de députés ouvriers. »
Sans les soviets, l’organisation du parti n’aurait pas pu conduire les masses à la lutte armée ni créer cette atmosphère de combat et de solidarité qui anima l’immense masse ouvrière.
2 Pendant la révolution de 1917[modifier | modifier le wikicode]
Jusqu'en octobre 1917, les socialistes-révolutionnaires avaient une audience de masse parmi les ouvriers de Moscou, alors que leur influence sur les travailleurs de Pétrograd était pratiquement nulle.
Le 31 août, pour la première fois, le soviet de Petrograd adopte une résolution présentée par les bolcheviks. Ils seront officiellement la nouvelle majorité à partir du 9 septembre.
Au soviet de Moscou, ils obtiennent une majorité le 5 septembre, et seront élus comme majorité le 1er octobre.
Début octobre, le Gouvernement provisoire envisage sérieusement d'évacuer Petrograd pour Moscou. Les possédants anticipaient : on décommandait les travaux dans les usines, les fournitures de combustible étaient réduites au quart, le ministère des Approvisionnements empêchait les expéditions de bétail pour la capitale, sur les canaux Marie les cargaisons étaient arrêtées... Le 6 octobre, la Section des soldats du soviet de Petrograd adopta, avec une unanimité inconnue jusqu'à ce jour, la résolution de Trotski : « Si le gouvernement provisoire est incapable de défendre Petrograd, il a l'obligation de signer la paix, ou bien de céder la place à un autre gouvernement. » Les conciliateurs sont obligés de mettre leurs forces dans la campagne pour exiger plus de fermeté du gouvernement. En moins de huit jours, le gouvernement se trouva forcé de déclarer que non seulement il avait l'intention de rester lui-même au palais d'Hiver, mais qu'il projetait comme par le passé de convoquer l'Assemblée constituante au palais de Tauride.
Lénine avait envisagé de commencer l'insurrection par Moscou[1][2][3] (moins défendue), pour porter un coup imprévu. Mais il s'agissait de l'avis de beaucoup d'une mauvaise idée.
2.1 Prise de Moscou[modifier | modifier le wikicode]
La prise de Moscou fut plus violente, et dura du 28 octobre au 2 novembre. Les bolchéviks occupent le Kremlin puis la direction locale hésite et signe une trêve avec les autorités SR locales avant d’évacuer le bâtiment. Les troupes gouvernementales en profitent alors pour abattre à la mitrailleuse 300 gardes rouges désarmés, sous les ordres du maire SR Roudnev. Les SR s'associent à des monarchistes pour mener une sanglante répression. Il faudra une semaine de combats acharnés avant que les bolcheviks, conduits par Boukharine, ne s’emparent finalement de la ville.
Les causes sont en partie objectives. La garnison de Moscou, plus éloignée du front, n'avait pas subi une préparation révolutionnaire comme la garnison de Petrograd (envoi des bataillons sur le front...). Les ouvriers du vieux Moscou, du textile et de la peausserie, étaient moins politisés que ceux de Petrograd. Pendant la guerre, moins de 9% des ouvriers engagés dans des grèves politiques étaient à Moscou, alors que 74% étaient à Pétrograd. Ils y avait beaucoup moins de grandes usines. Près de 40% des ouvriers moscovites avaient des lopins de terre à la campagne, et 22,8% d'entre eux possédaient des fermes (contre 16,5% et 7,8% pour Pétrograd). En février, Moscou n'avait pas eu à se soulever, le renversement de la monarchie avait été entièrement l'affaire de Petrograd. En juillet, Moscou avait de nouveau gardé son calme. On s'en ressentit en octobre : les ouvriers et les soldats n'avaient pas l'expérience des combats.
Mais il y avait aussi une certaine irrésolution de la part de la direction locale. Boukharine suivit la même ligne que Lénine et Trotski, alors que Noguine et Rykov étaient irrésolus. Ce ne fut que le 25 octobre qu'un Comité militaire révolutionnaire fut établi à Moscou. A plusieurs reprises, on passa des opérations militaires aux pourparlers pour revenir ensuite à la lutte armée. Le bolchévik Mouralov témoigne :
« Dans l'ardeur de ce travail nous n'étions pas toujours fermes et résolus en tous points. Disposant d'une supériorité numérique écrasante - dix fois le chiffre de l'adversaire - nous fîmes traîner les combats toute une semaine, par suite de notre peu d'habileté à diriger les masses combattantes, par suite du manque de discipline de ces dernières et de l'ignorance complète de la tactique des combats de rues, tant du côté des chefs que du côté des soldats. »
2.2 Après Octobre[modifier | modifier le wikicode]
En mars 1918, les bolchéviks déplacèrent la capitale (et donc le Sovnarkom) de Petrograd à Moscou.
En 1920, Bertrand Russel raconte après son voyage en Russie que les Mencheviks ont réussi à obtenir environ 40 sièges sur les 1 500 que comporte le Soviet de Moscou, parce qu’ils étaient connus dans certaines grandes usines où la campagne électorale pouvait s’effectuer de vive voix. Les publications papier étaient quasiment impossibles car toutes les imprimeries étaient aux mains de l'appareil d'Etat, qui avait progressivement interdit les autres forces politiques. [4]
3 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]
Andreu Nin, Les Soviets : leur origine, leur développement et leurs fonctions, 1932
- ↑ Lénine, La crise est mûre, 29 septembre 1917
- ↑ Lénine, Lettre au comité central, au comité de Moscou, au comité de Pétrograd, aux membres bolchéviks des Soviets de Pétrograd et de Moscou, écrit le 1er octobre 1917
- ↑ Lénine, Lettre à la conférence de la ville de Pétrograd, écrit le 7 octobre 1917
- ↑ Bertrand Russell, Pratique et théorie du bolchevisme, 1920