Révolte des Maillotins
La révolte des Maillotins est un soulèvement bourgeois et populaire qui s'est produit en 1382 à Paris sous le règne de Charles VI. Les collecteurs de taxes et les usuriers sont les principales victimes du soulèvement populaire. La révolte dura plusieurs mois avant que le pouvoir royal ne parvienne à reprendre la situation en main.
1 Contexte[modifier | modifier le wikicode]
1.1 En France[modifier | modifier le wikicode]
La brutale diminution de la population, après la Grande Peste de 1347, a réduit la main-d'oeuvre disponible dans les campagnes et les villages. Les travailleurs de la terre et les artisans des villes en profitent pour multiplier les revendications sociales.
La Guerre de Cent Ans menée depuis 1377 contre les Anglais, coûte cher et pèse sur les contribuables. Pourtant sous le règne de Charles V « le Sage », le pays connaît une embellie et une série de victoires.
Charles VI n'a pas tout à fait 12 ans quand il succède à son père Charles V le Sage, le 16 septembre 1380. Il est sacré à Reims selon l'antique coutume le 4 novembre 1380. Les habitants de la ville saluent le sacre par les cris de « Vive le roi de France ! Montjoie Saint Denis ! » C'est qu'ils viennent d'apprendre, à leur grande satisfaction, qu'est confirmée la suppression des fouages décidée à la fin du règne précédent (les fouages étaient un impôt extraordinaire perçu sur chaque ménage).
Mais le roi étant encore mineur à son avènement, ses puissants oncles, Louis d'Anjou, Jean de Berry, Louis de Bourbon et Philippe de Bourgogne, assurent la régence. Ils profitent de leur pouvoir pour dilapider les ressources du royaume et instaurer de nouveaux impôts pour leur profit personnel. C'est ainsi que le 28 février 1382, le duc d'Anjou instaure une nouvelle taxe sur les comestibles, denrées de première nécessité.
De nombreuses révoltes populaires éclatent dans tout le royaume de France au cours de l'année 1382, comme celle de la Harelle en Normandie, celle des « Tuchins » en Auvergne et Languedoc ou celle des Bons amis à Béziers. Elles partient à l'origine des milieux bourgeois et paysans aisés, ceux qui sont les plus concernés par les prélèvements fiscaux. Mais ils sont rapidement dépassés par les couches inférieures qui transforment cette révolte contre l'impôt en révolte de la misère.
1.2 En Europe[modifier | modifier le wikicode]
La révolte des Maillotins n'est pas un phénomène isolé. Au même moment, de nombreuses révoltes sociales annoncent la fin du Moyen Âge.
- En Angleterre, les paysans se révoltent en 1381,
- En Flandre, sous la conduite de Philip Van Artevelde, les tisserands de Gand se soulèvent en 1382 contre le comte de Flandre et ses soutiens français.
- En Hongrie, sous le règne du roi Sigismond, les paysans se révoltent contre les grands féodaux. Battus, ils retournent au servage... et se vengent en refusant leur concours aux seigneurs lorsque la Hongrie est envahie par les Turcs.
2 La révolte[modifier | modifier le wikicode]
Le 1er mars 1382, un percepteur vient réclamer le nouvel impôt à une marchande des Halles, et se fait massacrer par la foule. Artisans, ouvriers, paysans saccagent et tuent ; à l'hôtel de ville et à l'Arsenal, ils s'emparent d'environ 2000 maillets, entreposés là dans l'attente d'une éventuelle attaque. Ainsi armés, ils s'en prennent aux juifs (16 tués), et aux collecteurs d'impôts (leurs registres sont brûlés). Ce sont eux qui libèrent Hugues Aubriot, ancien prévôt de Paris, qu'ils voulurent mettre à leur tête, mais il refusa ce dangereux honneur.
Les Parisiens sont vite rejoints par les paysans de Clichy et des Ternes[1].
Le conseil de régence instaure sans attendre la loi martiale. On ferme les portes de Paris et tend des chaînes à travers les rues. Les émeutiers demandent à parlementer. Pendant ce temps-là, le roi était en campagne en Flandres contre les révoltés flamands. Le 4 mars, il consent à abolir la taxe incriminée et accorde l'amnistie aux émeutiers sauf aux meneurs. Une douzaine d'entre eux sont pendus. La situation se calme autour du 10 mars, mais ce n'est qu'une trêve.
Les Parisiens apprennent le 1er décembre que les révoltés flamands ont été écrasés à Roosebeke (27 novembre 1382). Le roi marcha sur Paris à la tête de son armée victorieuse. Les habitants sortirent et allèrent à sa rencontre avec 30 000 hommes bien armés. Cette démonstration jeta l’effroi parmi la noblesse ; mais sans chefs, les Parisiens ne surent pas prendre la résolution de se défendre ; ils laissèrent pénétrer dans leurs murs le roi qui y entra avec ses troupes par une brèche, comme dans une ville conquise.
Le Roi ne montra aucune clémence, et en 1383, une répression terrible s'abattit sur les émeutiers dont les meneurs furent décapités ou pendus sans autre forme de procès. Cette véritable « révolte fiscale » déboucha sur la loi martiale et incita Charles VI à reprendre les choses en main.
Puis, le 1er février 1383, les aides et autres impôts indirects sont rétablis. La prévôté des marchands, par laquelle les bourgeois sont associés à l'administration de la capitale, est abolie.
3 Autour du nom « maillotin »[modifier | modifier le wikicode]
3.1 Origine du nom[modifier | modifier le wikicode]
Le nom de maillotin vient de mail ou maillet, une arme employée dans les combats au Moyen Âge, en particulier par les défenseurs des villes sur les remparts.
Les émeutiers furent d'abord appelés maillets[2]. C’est seulement à partir du 16e siècle que l’on a appelé Maillotins les Parisiens révoltés en 1382. Les maillets puis les maillotins sont cités dans les chroniques des 15e et 16e siècles :
- « Ces gens d'armes plus de soixante mille et plus de cinquante mille maillets, et autres gens, comme arbalétriers et archers »[3]
- « Prends la lance niellée avec les forts maillets les cuirasses rompants »[4]
- Dans Rabelais on trouve en 1552 que « les Parisiens avecques leurs mailletz, dont feurent surnommez Maillotins »[5]
« Le peuple pillait l'arsenal, s'armait, enlevait vingt mille maillets de fer : ce fut la sédition des maillotins »[6]
3.2 La Porte Maillot et la route de la révolte[modifier | modifier le wikicode]
Selon les historiens de la mairie du 17e arrondissement de Paris, la porte Maillot ne tiendrait pas son nom d'un jeu de mail qui aurait existé dans le proche bois de Boulogne, mais bien de la révolte des maillotins de 1382[1]. La route de la révolte partant de là et passant au nord de Montmartre pourrait alors bien rappeler la reddition de ces révoltés qui « s'étalèrent devant Montmartre en longues files » avec « les paysans de Clichy et des Ternes », et non, comme il est souvent affirmé, la révolte qui eut lieu en 1755 sous le règne de Louis XV.
4 Notes[modifier | modifier le wikicode]
- ↑ 1,0 et 1,1 « Il était une fois le 17e », sur mairie de Paris XVII (consulté le 4 novembre 2014).
- ↑ Chronique de Jean II et Charles V, vol. t.3, R. Delachenal, , p. 13, voir note 1.
- ↑ Chronique de Froissart, vol. 2, Lyon, , p. 175.
- ↑ Moréas, Sylves, Histoire de l'armement, , p. 167.
- ↑ Rabelais, Quart Livre, R. Marichal, chap. XXXVI, p. 163, ligne 73.
- ↑ Bainville, Histoire Française, vol. t. 1, , p. 109.
5 Bibliographie[modifier | modifier le wikicode]
- Chroniques de Jean Froissart, XVe siècle
- Jules Michelet, Histoire de France, vol. IV. [1380-1422.], L. Hachette (Paris),
- Léon Mirot, Les insurrections urbaines au début du règne de Charles VI (1380-1383) : leurs causes, leurs conséquences, Fontemoing, Paris, 1905
- Michel Mollat du Jourdin et Philippe Wolff, Ongles bleus, Jacques et Ciompi, les révolutions populaires en Europe aux XIVe et XVe siècles, Calmann-Lévy, coll. « Les Grandes vagues révolutionnaires », Paris, 1970
- Les villes capitales au Moyen Âge : XXXVIe congrès de la SHMES, par la Société des historiens médiévistes de l'enseignement supérieur public, Patrick Boucheron, 2006, page 143.
- La révolte fiscale des Maillotins, 2016