Josef Dietzgen

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Pierre Joseph Dietzgen, né le 9 décembre 1828 à Blankenberg (près de Sieburg, en Allemagne) et mort le 15 avril 1888 à Chicago, était un tanneur et philosophe socialiste autodidacte allemand du 19e siècle.

1 Biographie[modifier | modifier le wikicode]

Il fréquente les milieux révolutionnaires allemands à la fin des années 1840, et fait la rencontre de Karl Marx. Après l'échec de la révolution de 1848, il émigre aux États-Unis pendant deux ans. De retour en Allemagne, il épouse Cordula Finke, et ouvre un atelier de tannerie. Il retourne aux États-Unis de 1859 à 1861, où il est tanneur dans l'Alabama, puis émigre quatre ans à Saint-Pétersbourg, de 1864 à 1868 ; c'est là-bas qu'il écrit son premier ouvrage, Das Wesen der menschlichen Kopfarbeit (L'Essence du travail intellectuel humain). Rentré en Allemagne, il y est l'ami de Karl Marx - qui fait son éloge dans la deuxième édition du Capital au cours des années 1870.

En 1869, Dietzgen adhère au Parti ouvrier social-démocrate (SDAP), et il écrit dans L'Hebdomadaire démocratique (Demokratisches Wochenblatt) fondé par Wilhelm Liebknecht et August Bebel, où écrivent également Marx, Friedrich Engels et Moses Hess.

Dietzgen est arrêté, jugé et emprisonné trois mois à l'été 1878 pour un article intitulé « L'avenir de la social-démocratie ». En 1881, il envoie son fils Eugen aux États-Unis, pour lui permettre d'échapper à la conscription et préparer un nouvel exil. Il est candidat la même année aux élections législatives allemandes. Il rejoint son fils à New York trois ans plus tard, puis s'installe à Chicago, où il est rédacteur en chef de la revue Arbeiterzeitung ; c'est là qu'il meurt en 1888.

2 Le socialisme scientifique[modifier | modifier le wikicode]

=> Dietzgen, J (1873). Le socialisme scientifique. In Joseph Dietzgen (1973), « L'essence du travail intellectuel - écrit philosophique annotés par Lénine » (p. 113-116). Paris, édition François Mapero.

« Le socialisme moderne est scientifique. De même que la science de la nature ne tire pas ses thèses de l'esprit, mais de l'observation sensible de la réalité matérielle, de même les doctrines socialistes et communistes contemporaines ne constituent pas des projets mais des connaissances de faits existant effectivement.

La société à laquelle nous aspirons se distingue de celle qui existe de fait par des modifications simplement formelles. Ce qui signifie : le monde de l'avenir a dans le monde d'aujourd'hui une existence de fait tout aussi matérielle que l'existence du jeune oiseau dans l'œuf. Quoiqu'il ait vigoureusement poussé a sa croissance jusqu'à ce point, le socialisme communiste du présent est encore moins un parti politique qu'une école scientifique.

Tout comme les grossières pierres à fusil les anciens constituent une étape nécessaire vers la perfection actuelle du fusil à aiguille prussien, les spéculation métaphysiques des Leibniz, Kant, Fichte, Hegel, sont aussi les conditions ou les voies inévitables qui mènent à cette connaissance physique enfin atteinte que 'l'idée, le concept, la logique ou la pensée sont non pas présupposition, les prémisses, mais surtout le résultat du phénomène matériel...' Pour la religion, l'idée est 'le terme premier' qui crée et ordonne la matière. En tant que fille de la religion, a philosophie avait naturellement hérité d'une bonne partie du sang de sa mère. Son progrès historique poursuivi à travers des générations put seulement produire le résultat scientifique antireligieux, la connaissance apodictiquement certaine que ce n'est pas le monde qui est l'attribut de l'esprit, mais que l'esprit, l'idée, la pensée est l'une des multiples attributs de ce monde matériel. Si Hegel ne mena pas la science à cette hauteur précise, pourtant il ne s'en approcha tant que deux de ses disciples 'Feuerbach et Marx', en escaladèrent le sommet... Marx, le porte-parole du socialisme scientifique emporta au contraire [de Herbert, Schopenhauer, Hartmann, etc.] les plus splendides succès en appliquant la loi logique de la nature, la connaissance de la valeur absolue de l'induction, à des disciplines qui jusque-là n'avaient reçu qu'un mauvais traitement spéculatif.

Là où il s'agit de phénomènes concrets, pour ainsi dire de choses palpables, cette méthode du matérialisme s'est depuis longtemps acquis la victoire.

Lorsque nous nous retirons dans la solitude d'une chambrette, afin d'y rechercher, dans une profonde contemplation, pour ainsi dire dans les profondeurs de notre cerveau la jute voie que nous voulons suivre demain, il faut être bien attentif au fait qu'une telle contention de notre pensée peut réussir seulement parce que, même si c'est involontairement, avec notre mémoire nous importons du monde dans notre cellule nos expériences et ce que nous avons vécu.

Voici donc ce en quoi consiste tout le sel ('der ganze Wilz) de la spéculation ou déduction philosophique : elle croit pouvoir produire des connaissances, sans matériau en les tirants des profondeurs du cerveau, alors qu'en fait, elle n'est qu'une 'induction' inconsciente, une pensée, une argumentation, 'non pas sans', mais avec des matériaux indéterminés et pour cette raison confus. D'un autre côté, la méthode inductive ne se distingue totalement que parce qu' elle déduit consciemment. Les lois de la science de la nature sont des déductions que le cerveau humain a conclues d'un matériau empirique. Il faut un manteau au spiritualiste et le matérialiste a besoin de l'esprit.

« Nous, dit Friedrich Engels, nous décrivons les rapports tels qu'ils sont. » Proudhon impose à la société actuelle de se transformer non pas conformément aux lois de son propre développement économique, mais selon les prescriptions de la justice. Proudhon est ici le représentant typique de tout le doctrinarisme ignorant de la science.

Grâce à son origine philosophique, voici le socialisme moderne élevé désormais à la hauteur du ciel. Théoriquement unanime, solidement soudée, l'école fait face à la division illimitée de son adversaire politique qui de gauche à droite fait chatoyer ses dégradés aux nuances infinies. ce que la religion possède dans le dogme, un fondement solidement assuré, la science du socialisme inductif le possède dans les faits matériels, alors que le jugement politique du libéralisme est tour aussi capricieux que les concepts idéaux, les idées des « justice » éternelle ou de « liberté », sur lesquels on s'imagine s'appuyer.

En attribuant aux intérêts matériels la domination du monde, on ne nie pas pour autant les intérêts du cœur, de l'esprit, de l'art et de la science ou de tout autre idéal quel que soit son nom. Il ne s'agit pas de l'opposition abolie entre idéalistes et matérialistes, mais de leur unité supérieure...

Ici, le christianisme veut introduire une contestation en affirmant que, sous les rapports de production les plus divers, il aurait enseigné sa vérité sans la changer. Si donc donc le philosophe de l'économie veut prouver l'indépendance de l'esprit à l'égard de la matière, c'est qu'il oublie ce que sa veste sait : qu'il l'a retournée.

Assurément, l'individu peut s'élever au-dessus de son intérêt de classe et rendre justice à 'l'intérêt universel'. Quoique appartenant au premier état, Sieyès et Mirabeau combattirent pourtant les intérêts du tiers état. Mais de telles exceptions confirment simplement la règle inductive selon laquelle en politique comme dans les sciences de la nature, le corporel est la présupposition du spirituel.

Faire du système hégélien le point de départ de la méthode matérialiste pourrait assurément 'paraître' contradictoire puisque, c'est bien connu, « Idée » y occupe une situation encore plus éminente que dans n'importe quel autre système spéculatif. Mais l'Idée hégélienne veut et doit se réaliser, elle est donc matérialisme déguisé. Et, à l'inverse, la réalité apparaît dans ce système sous le déguisement de l'Idée ou du concept logique... La méthode inductive abstrait du fait corporel la conclusion spirituelle. Frappante est la parenté avec la conception socialiste, qui fait dépendre la représentation idéale du besoin corporel et l'esprit de parti politique des rapports de productions matériels. Cette méthode scientifique s'accorde également avec le besoin de la masse pour laquelle il y va 'd'abord' du corporel, alors que la classe dominante se fonde sur le principe déductif, sur l'opinion scientifique préconçue selon laquelle le spirituel, l'éducation et la culture devraient précéder la solution matérielle de la question sociale. »


3 Œuvres[modifier | modifier le wikicode]

4 Voir aussi[modifier | modifier le wikicode]

4.1 Bibliographie[modifier | modifier le wikicode]

  • Pascal Charbonnat, Histoire des philosophies matérialistes, Paris, Kimé, (ISBN 9782841746224), p. 520 à 525.

4.2 Articles connexes[modifier | modifier le wikicode]

4.3 Liens externes[modifier | modifier le wikicode]


5 Citations[modifier | modifier le wikicode]


6 Le Socialisme scientifique, 1873[modifier | modifier le wikicode]

Le socialisme moderne est scientifique. De même que la science de la nature ne tire pas ses thèses de l'esprit, mais de l'observation sensible de la réalité matérielle, de même les doctrines socialistes et communistes contemporaines ne constituent pas des projets mais des connaissances de faits existant effectivement.

  • Le socialisme scientifique in Joseph Dietzgen (1973), « L'essence du travail intellectuel - écrit philosophique annotés par Lénine » (p. 113-116). Paris, édition François Maspero., Joseph Dietzgen, éd. François Maspero, 1973 (1883), p. 113

7 Incursion d'un socialiste dans la région de la connaissance, 1887[modifier | modifier le wikicode]

Bien que nous ne devions pas être les esclaves de la Nature, pourtant nous devons nécessairement la servir. La connaissance ne peut créer pour nous que la liberté possible qui est aussi la seule rationnelle…

  • Incursion d'un socialiste dans la région de la connaissance in Joseph Dietzgen (1973), « L'essence du travail intellectuel - écrit philosophique annotés par Lénine » (p. 175-121). Paris, édition François Maspero., Joseph Dietzgen, éd. François Maspero, 1973 (1887), p. 179


Pour avancer dans la connaissance de la nature de la vérité absolue, il faut tout surmonter le préjugé profondément enraciné selon lequel cette dernière serait de nature intellectuelle.

  • Incursion d'un socialiste dans la région de la connaissance in Joseph Dietzgen (1973), « L'essence du travail intellectuel - écrit philosophique annotés par Lénine » (p. 175-121). Paris, édition François Maspero., Joseph Dietzgen, éd. François Maspero, 1973 (1887), p. 184


Par nature la vérité absolue n'a pas le particulier, mais plutôt l'universel. Ou bien, pour éviter toute mystification : la nature naturelle universelle et la vérité absolue sont identiques. Il n'y a pas deux natures, l'une spirituelle, l'autre corporelle : Il n'y a qu'une nature qui comprend tous les esprits et tous les corps.

  • Incursion d'un socialiste dans la région de la connaissance in Joseph Dietzgen (1973), « L'essence du travail intellectuel - écrit philosophique annotés par Lénine » (p. 175-121). Paris, édition François Maspero., Joseph Dietzgen, éd. François Maspero, 1973 (1887), p. 184